Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
L'univers du rituel n'échappe pas à l'histoire, bien qu'on lui donne souvent pour fonction d'en exorciser les effets. Les célébrations populaires n'ont pas de forme fixe. Elles évoluent en fonction de leurs modes d'accès à leurs audiences, s'adaptent aux formes successives de leur « être-public », à ce qu'il faut bien appeler (en procédant à la réappropriation d'un mot), leur « publicité ». C'est à la télévision qu'il revient aujourd'hui d'incarner cette « publicité », tandis que l'on assiste au déclin progressif d'une « publicité » que l'on croyait aller de soi, d'une « publicité » caractérisée par la rencontre effective des acteurs cérémoniels et de leur public en des lieux géographiquement définissables : parlements, esplanades, églises, congrès. Cette « publicité » de type « théâtral » est remplacée par un nouveau mode de « publicité », fondée cette fois-ci sur la séparation potentielle des acteurs et de leurs publics et l'indétermination qui en résulte quant à une géographie de l'événement, sur l'impact des rhétoriques narratives substitué aux vertus du contact. Ce nouveau mode de « publicité » n'est plus théâtral. Il s'inspire du cinéma.
The televising of public events of a political nature adapts the traditional realm of ceremony to a very modem form of "publicness", one inherited from cinema. Audience members are isolated, separated, both from each other and from the focus of the occasion. Their experience is one of not-being-there.
Exploring a particular festive occasion—the wedding of the Prince Charles and the Lady Diana Spencer (London, 1981)—this paper extends Benjamins thesis on the status of "art in the age of mechanical reproduction" to the domain of ritual.
We suggest that one can no longer conceive of occasions without television, but only (and only in the abstract) of occasions minus television. In other terms, television's broadcast of an event increasingly turns into the "real" event, while the original event is demoted to the status of a matrix, of a studio-setting, of a convenient but ancillary prop. Based on a comparison between different types of public occasions and the mode of participation involved in each, this paper analyses the way in which a collective event survives the family-centered circumstances of its reception. Television seems to blur the dividing line between "public" and "private". Public ceremonies are offered for private consumption. Is such a consumption still ceremonial in nature ?
Cet article paraîtra en anglais sous le titre « Electronic Cérémonies, Télévision Performs a Royal Wedding », dans le recueil Semiotics is a Cross-Roads, publié par M. Blonsky, John Hopkins University Press. Il fait suite à une enquête menée à Londres au cours de l'été 1981, pendant et après les cérémonies du mariage royal, dans le cadre d'une recherche financée par la fondation John et Mary Markle (New York).
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3. Nous nous inspirons ici de deux Études indépendantes mais convergentes, Également inspirées des travaux de V. Turner et de G. Bateson. Ce sont celles des anthropologues Don Handelman, John Mac Aloon. John MAC Aloon, « Olympic Games, and the Theory of Spectacle in Modem Societies », Conférence non publiée présentée au séminaire « Media-Events », Los Angeles, Annenberg School of Communications, juillet 1979. Don Handelman, « Remarques en vue d'une théorie du rituel », Conférence non publiée donnée au séminaire « Media-Events », Jérusalem, Hebrew University, janvier 1980.
4. Nous sommes ici influencés par la célèbre Étude de Shils, Edward et Young, Michael, « The Meaning of Coronation », Sociological Review, n° I, vol. I, 1953.Google Scholar
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6. P. Nora, id.
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8. Barthes, Roland, « Introduction à l'analyse structurale des récits », Communications, 8, Paris, éditions du Seuil, 1966.Google Scholar La terminologie barthienne de l'analyse des récits suggérait plutôt que l'on parle d'« indices ».
10. Ce genre télévisuel consiste selon nous en cérémonies relevant de ce que Robert Bellah appelle « religion civile ». Ces cérémonies sont prises en charge par l'état. Elles sont, au moins indirectement, politiques. Elles sont télévisées en direct à l'échelle nationale, et souvent, par satellite, à l'échelle internationale. Pour une définition plus précise, on peut se reporter à E. Katz, D. Dayan, et P. Motyl : « In Défense of Media-Events » (Communications in the 21st Century, New York, Wiley, 1981) et à Katz, E. et Dayan, D., « Diplomatie télévisée ». Cahiers de la Communication, Paris, éditions Dunod, vol. I, 1982.Google Scholar
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13. Cf. V. Turner, op. cit..
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16. On peut se reporter à ce sujet aux Études de Baudry, Jean-Louis, Metz, Christian et Browne, Nick, Communications, 23, Paris, éditions du Seuil, « Psychanalyse et cinéma », 1975.Google Scholar Voir Également, Dayan, D., «The Tutor Code of Classical Cinéma », dans Nichois, Bill, Movies and Methods, Berkeley, University of California Press, 1976.Google Scholar