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Race et Nation au Mexique de L'indépendance a la Révolution

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Henri Favre*
Affiliation:
Centre National de la Recherche Scientifique

Extract

Inventer des traditions légitimatrices, trouver des raisons de vivre ensemble et définir un projet d'avenir commun, telles sont les tâches qui attendent les dirigeants de tout pays accédant à l'indépendance et cherchant à se constituer en nation. Ces tâches sont particulièrement difficiles dans un pays où l'héritage colonial a laissé une minorité d'origine européenne en présence d'une nombreuse population indigène. Elles deviennent encore plus complexes quand c'est cette minorité dominante qui a tranché le lien avec la métropole afin de reconduire la structure interne du pouvoir, comme au Mexique en 1821.

Summary

Summary

The insurrection of the Indians which broke out in Mexico at the occasion of the war with the United States (1816-1848) provoked the awareness of an Indian problem and the creation of a national project based upon miscegenation. The Indian, recognized as being “civilizable”, is condemned to disappear by means of racial fusion. The importance of the white race in the transmission of characteristics, which is taken as a law, is the guarantee that the biological amalgamation born of such a union will be white. Nevertheless, it is judged wise to entrust the task of “whitening” the country in to the hand of immigrants from Southern Europe which the State has carefully selected.

The socio-economic dimension of the Indian problem is not ignored, however. Rather, until the Revolution, this problem remains within the framework of a racialist paradigm which only very exceptionally leads specialists in the Indian question, even those influenced by theories of social darwinism, to assume racist positions.

Type
Nation et Intégration en Amérique
Copyright
Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1994

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References

* Texte de la communication présentée au symposium sur « Mouvements ethniques et ethnonationaux en Amérique latine et en Europe centrale et orientale » organisé par l'auteur dans le cadre du sixième congrès de la Fédération internationale d'études de l'Amérique latine et des Caraïbes, Varsovie, 23-26 juin 1993.

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6. La liste — au demeurant non exhaustive — de ces mouvements a été dressée par Leticia Reina, Las rebeliones campesinas en Mexico (1819-1906), Mexico, Siglo XXI, 1980. Une interprétation en est proposée par Tutino, John, From Insurrection to Révolution. Social Bases of Agrarian Violence in Mexico, 1750-1940, Princeton, Princeton University Press, 1986.Google Scholar

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11. Fondé et dirigé par Porfirio Di'az, le régime porfirien, ou Porfiriat, est cette longue dictature modernisatrice qui va du coup d'État de 1876 à la Révolution de 1910.

12. Comme l'a montré depuis longtemps Martin S. Stabb, « Indigenism and Racism in Mexican Thought, 1857-1911 », Journal of Inter-American Studies, octobre 1959, pp. 405-423. On qualifiera de « racialiste » toute analyse qui découpe le champ social en fonction de catégories raciales. Bien qu'il en soit le plus court chemin, le « racialisme » ne conduit pas nécessairement au racisme, c'est-à-dire à l'affirmation de l'infériorité naturelle — donc irrémédiable — d'une race par rapport à une autre. Sur le positivisme mexicain, voir l'ouvrage classique de Leopoldo Zea, El positivismo en Mexico, Mexico, Studium, 1953. En 1877, l'Asociacion Metodôfila Gabino Barreda, foyer du positivisme mexicain, ouvre un débat sur les théories de Darwin au cours duquel Barreda démontre leur incompatibilité avec la pensée de Comte ﹛Anales de la Asociaciôn Metodôfila Gabino Barreda, 1877, 1.1, pp. 97-186). Néanmoins beaucoup de auxmembres de l'association les acceptent et le journal La Libertad, que fondent la même année les frères Sierra et qui prend « Ordre et Progrès » pour devise, s'en fait le propagateur. A cette époque, Spencer avait manifesté depuis longtemps tout ce qui le séparait de Comte (” Reasons for Dissenting from the Philosophy of M. Comte », The Classification of the Sciences, Londres, Williams and Norgate, 1869). Le syncrétisme, un peu échevelé parfois, dont le positivisme et le darwinisme font l'objet au Mexique — et dans lequel intervient assurément l'effet de mode — a découragé les tentatives d'analyse de William Raat (El positivismo durante el Porfiriato, Mexico, SEP, 1975), qui préfère parler de « scientisme ». On remarquera que les plus « darwinisés » des positivistes mexicains ne renonceront jamais à l'idée qu'une élite éclairée disposant des leviers d'un État fort peut toujours maîtriser les « lois naturelles » et les faire jouer en faveur d'un projet politique. Mais le rôle éminent dévolu à l'Etat, la croyance au primat du politique et la foi dans le volontarisme suffisent-ils pour juger superficielle l'influence du darwinisme social au Mexique ?

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23. Voir, par exemple, El Monitor Republicano du 1er juillet 1849, dont l'éditorial déclare que « l'humanité et l'intérêt national réclament que la classe indigène soit éduquée », mais que l'éducation ne transformera pas les Indiens en savants et que, par conséquent, des instituteurs moyennement instruits suffiront pour en faire des « membres laborieux et utiles de la société ». Cette opinion s'exprime de différentes manières, mais toujours un peu honteusement, dans divers articles de presse, généralement non signés, tout au long de la seconde moitié du xixe siècle.

24. El Monitor Republicano, 14 novembre 1867.

25. Boletin de la Sociedad Indianista Mexicana, t. 2, n° 5, p. 65.

26. Francisco Pimentel, op. cit., pp. 143-144.

27. Voir, par exemple, l'éditorial « Comunistas » publié dans El Universal du 28 novembre 1848, première des multiples expressions de cette crainte que la « guerre des castes » ne dégénère en révolution sociale sous l'influence d'agents du socialisme européen qui trouveraient chez les Indiens un terrain favorable à leur propagande. Dans El Universal du 9 février 1894, le Dr M. Flores explique que les Aztèques et les Incas pratiquaient le socialisme d'État et que « trois siècles de conquête et de pseudo-protection ont aggravé cette prédisposition originelle » de la population indigène au communisme.

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33. El Monitor Republicano, 26 janvier 1850.

34. El Universal, 9 juillet 1867.

35. Carlos De Gagern, op. cit., p. 817.

36. Voir, par exemple, la série d'articles sur les Indiens d'Amérique du Nord que José Maria Vigil publie en anglais aux États-Unis, et dont une traduction espagnole paraît dans El Monitor Republicano des 27, 28 et 29 juin 1856.

37. El Universel, 11, 14, 17 et 24 juillet 1849.

38. Il y aurait 2,5 millions d'Indiens selon Pimentel (1864) ; 4 millions selon Garcia Cubas (1885) ; 5 à 6 millions selon Rami'rez (1868) ; 14 millions selon Basave (1913). En 1911, le président de la Sociedad Indianista Mexicana, Jesûs Di'az de Léon, « au terme d'une importante étude », estime à 8 millions la population indigène du Mexique.

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41. Barreda, Gabino, Carta que este ilustre filôsofo dirigiô al C. Gobernador del Estado de Mexico, Mariano Riva Palacio, explicando el plan de estudios de la Escuela Nacional Preparatoria, Mexico, Tip. Econômica, 1909, p. 51.Google Scholar La lettre est datée du 10 octobre 1870.

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45. Francisco Pimentel, op. cit., p. 146.

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49. Ibid., p. 19

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57. Vicente Riva Palacio, op. cit., pp. 472-477. Il est hautement improbable que Riva Palacio ait eu connaissance des travaux de Mendel, qui passèrent inaperçus du vivant de leur auteur et qui ne furent découverts qu'à partir de 1900 par la communauté scientifique. Quant au texte de Pimentel, qui date — rappelons-le — de 1864, il est antérieur d'un an à la formulation des lois de l'hérédité par le moine de Brno.

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59. On ne suivra pas Agusti'n Basave Benîtez, op. cit., trop prompt à soupçonner, dans toute apologie du métissage, une intention génocide. Sauf chez Cosmes, le métissage est généralement conçu comme un moyen de transformer l'Indien, soit en le régénérant, soit en récupérant au profit d'une race nationale les qualités et les vertus qui lui sont explicitement reconnues en plus ou moins grand nombre. L'assimiler à un génocide nous paraît être un grave contresens.

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66. Composée de cinq membres, dont José Covarrubias, la commission est présidée par José Maria Romero qui en publiera tardivement le rapport sous son nom (voir José Maria Romero, op. cit.). En 1910, le Mexique ne comptera guère plus de 10 000 Chinois.

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71. Il y a bien quelques irréductibles, tel Federico Mendoza y Vizcaîno, qui voit dans l'immigration protestante un moyen de convertir les Indiens à une religion censément plus progressiste (voir El Monitor Republicano, 25 juillet 1883).

72. La Libertad, 24 juin 1882.

73. Ibid., 1 juin 1882.

74. Ibid., 8 juillet 1882.

75. El Universal, 9 juillet 1867. Carlos De Gagern (op. cit., p. 817) évoque également les femmes de Tehuantepec, qui s'offriraient aux Blancs de passage dans un souci d’ « améliorer leur race ».

76. Pour ce qui est du seul Monitor Republicano, voir les numéros des 15 juillet 1849, 5 mai 1850, 4 juillet 1861, 31 juillet et 19 décembre 1867, et 26 juillet 1883.

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79. Voir El Siglo XIX des 3 février 1881, 3 janvier et 18 septembre 1889, notamment.

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