Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Reléguant au domaine du mythe le thème du capitalisme libéral, la prise de conscience du rôle économique de l'État en France au xixe siècle était lourde d'espérances et d'interrogations. Elle a tout naturellement conduit les historiens à tester l'efficacité d'un agent doté d'instruments exorbitants d'intervention. Mais elle ne les a que plus timidement incités à l'étude des critères et des processus de décision. A l'exception de quelques domaines privilégiés, tels les secteurs bancaires et ferroviaires, nous ignorons encore pratiquement tout des motivations et des déterminants de l'action économique de l'État. L'enjeu de telles questions n'est pourtant pas à démontrer : il y va de la nature même de l'État, de ses composantes et de sa finalité.
The économie history of para-public institutions of crédit reveals a great variability in their effectiveness. Their administrative history, in particular, suggests an inverse relationship between the degree ofcontrol by the state and its apparatus and the degree of efficiency of thèse institutions. Was économie irrationality the dominant trait ofthe French state in the XIXth century? This does not seem to be the case if one views the state's économie apparatus as a function principally of its ideological apparatus. The preeminently political function ofa state which, while combining divergent social interests, used ail the means al its disposai, thus appears in full relief.
1. Pour un bilan de l'action économique de l'État en France au xixe siècle, voir Levy-Leboyf.R, M., « Histoire économique et histoire de l'administration », dans Histoire de l'administration français depuis 1800, Genève, 1975. pp. 61–74 Google Scholar. Voir également les chapitres que A. Daumardet F. Caron ont consacrés à l'État dans l'Histoire économique et sociale de la France sous la direction de F. Braudet, et E. Labrousse, Paris. 1976 et 1979, tomes III et IV.
2. Nous faisons allusion, pour le secteur bancaire, aux travaux de J. Bouvier, Un siècle de banque française, les contraintes de l'État et les incertitudes des marchés Paris, 1973 et à ceux de Dougui, N., Origine des lois de 1863 et 1867, thèse de troisième cycle, Paris I. 1979 Google Scholar (dactylographiée) ; pour le secteur ferroviaire, nous faisons référence à la thèse de Caron, F., Histoire de l'exploitation d'un grand réseau. Lu Compagnie de chemin de fer du Nord, des origines à la nationalisation (1846-1937). Paris, 1973 Google Scholar.
3. Cet article reprend les conclusions de deux thèses en cours de publication : l'une soutenue en 1977 dans le cadre d'un doctorat de troisième cycle d'histoire à l'université de Paris X-Nanterre par M. Lescure. Les banques, l'État et le marché immobilier en France à l'époque contemporaine (1820- 1940) ; l'autre soutenue en 1978 dans le cadre d'un doctorat d'État de droit à l'université de Paris II par J.-P. AI.Mnne, Le Crédit Foncier de France, de i « affaire » à I’ « institution » (1852-1920). Il conviendra de confronter ces conclusions avec celles que A. Plessis tirera de ses recherches sur la Banque de France.
4. C'est en 1820, par exemple, qu'est fondée la Caisse Hypothécaire.
5. Parmi les privilèges dont bénéficient les nouvelles institutions, citons la garantie accordée par l'État pour les pertes que pourraient occasionner aux organismes de réescompte les opérations avec le Sous-Comptoir. Pour le Crédit Foncier, il s'agit essentiellement du privilège reconnu aux obligataires sur l'actif de la société ; de plus, la société reçoit, outre son monopole d'émission, le privilège de purger les hypothèques légales et de bénéficier d'une procédure de saisie expéditive.
6. Voir Lescurk, M., Les sociétés immobilières en France au XIXe siècle. Contribution à l'histoire de la mise en valeur du sol urbain en économie capitaliste, Paris, 1980 Google Scholar.
7. Sur la spécificité de l'État bonapartiste et sa prétention à l'autonomie, voir Birnbaum, P., Lessommets de l'Étal. Essai sur l'élite du pouvoir en France, Paris, 1977 Google Scholar.
8. Ainsi qu'il l'explique plusieurs fois aux actionnaires, Frémy estime que « les propriétaires n'ont qu'à se mettre en règle ». Compte tenu des imperfections de la législation hypothécaire, la formule équivaut à éliminer la clientèle des petits propriétaires ruraux.
9. Une prise de position, parmi d'autres, illustre bien la politique suivie par Soubeyran : « Le Crédit Foncier n'agit pas différemment des autres banques. Il ne peut rester isolé des autres établissements de crédit dont il est solidaire et avec qui il doit tirer tous les bénéfices des opportunités. » Source : Assemblée générale des actionnaires du Crédit Foncier, 27 avril 1878.
10. Selon le chroniqueur financier du Figaro proche de la Haute Banque, Rouland « avait un tort…. celui de ne pas être un financier ». Cf. Le Figaro 17 décembre 1878.
11. De Ploeuc fondera, en I 875. avec Bontoux, la très catholique et très conservatrice banque d'affaires : l'Union Générale.
12. Ce monopole, en effet, n'est pas renouvelé après 1877, à titre de sanction après la « découverte » des participations égyptiennes.
13. Ces profits sont, de droit, incorporés au capital social depuis la loi de 1857 prorogeant le privilège d'émission de la Banque.
14. V. Wright, « L'épuration du Conseil d'État en juillet 1879 », Revue d'Histoire moderne et contemporaine oct.-déc. 1972, pp. 621-653.
15. C'est du moins l'avis unanime de la presse financière en novembre 1881.
16. Fils d'avocat landais, entré en 1864 au ministère des Finances comme commis, cet ancient trésorier-payeur général de centre gauche est très représentatif du nouveau personnel républicain issu des « couches nouvelles ». La remarque s'applique aussi à son successeur à la tête du Foncier. Morel, inspecteur des Finances et républicain modéré, bien accepté par les milieux bancaires.
17. Poui.Antzas, N., Pouvoir politique et classes sociales, Paris, 1978, t. I. p. 80 Google Scholar.
18. Propos cités par Barrai, P., dans Les fondateurs de la Troisième République, Paris, 1968 Google Scholar.
19. La portée politique de cette réforme (décret du 28 février 1880) peut encore être perçue dans l'admission aux avances sur titres de la Banque des obligations des collectivités locales.
20. En témoigne un prospectus de la Rente Foncière de 1879 : « La détention d'une rente foncière était autrefois le privilège des grandes fortunes ; grâce à la division des capitaux, elle est aujourd'hui accessible à toutes les familles. »
21. Caron, F., « Dynamismes et freinages de la croissance industrielle », dans Histoire économique et sociale de la France, op. cit., t. IV, vol. 1, p. 246 Google Scholar.