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Pour un recours à l'histoire de l'espace vécu dans l'étude de l'Égypte arabe*

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Jean-Claude Garcin*
Affiliation:
Université de Provence, Aix

Extract

L'histoire des hommes dans la vallée du Nil ne se conçoit pas hors de déterminations géographiques bien connues. L'idée vient assez naturellement à l'esprit que les évolutions de tous ordres qui ont marqué le pays depuis la conquête arabe en 640, ont été nécessairement vécues à travers le même cadre naturel contraignant, semblablement appréhendé au cours des temps. Dans un espace que les lenteurs des déplacements font encore sentir comme immensément distendu, le Nil et ses canaux mettent cependant à portée de barque les parcelles du terroir cultivé les plus éloignées. L'administration de la crue, par le système des bassins, et l'exploitation fiscale du sol mis en valeur, par le cadastre, ont imposé des habitudes unitaires entre la première cataracte et la mer, qu'aucune situation politique ne peut remettre en cause.

Summary

Summary

Because of the restraints imposed by the physical unity of the Nile Valley, the organization of space in Egypt does not seem to have varied over the course of history. Nevertheless, an examination of the attention devoted to the problem of space in the various sources for the history of Arab Egypt permits us to distinguish three periods : the first, covering the 7th through the 11th century, during which the organization of living space in Upper and Lower Egypt were not the same ; during the second period, from the 11th through the end of the 14th century, all of Egypt can apparently be viewed as a unity in this respect ; during the third period, beginning with the late 14th century, one again encounters diversification. This evolution of living space (for which the author intends to study a possible analogous development in the evolution of urban and domestic space) can perhaps be used as an index for the rythm of the general evolution of the country.

Type
L'Orientalisme Aujourd'Hui
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1980

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Footnotes

*

Cette hypothèse de travail a fait l'objet d'un exposé présenté au séminaire du GREPO (Groupe de recherches et d'études sur le Proche-Orient) d'Aix-en-Provence ; on s'est efforcé de réduire au maximum les références et justifications déjà présentées par ailleurs.

References

Notes

1. Cf. notre contribution (chap. i, « De l'Égypte ancienne à l'Egypte moderne », dans le recueil édité par le Grepo : L'Égypte d'aujourd'hui, permanence et changement, 1805-1976, Paris, 1977.

2. Patrologia orientalis, V et X ; cf. les remarques de R. G. Coquin, dans Livre de la consécration du sanctuaire de Benjamin, Le Caire, IFAO, 1975, p. 24.

3. Mione, Patrologie grecque, 111, col. 889-1232.

4. Zotenberg éd., dans Notices et extraits des manuscrits, XXIV.

5. Ai. Kindî, Guest éd., 81 ; sur le cadastre de 112/730, cf. IBN ‘Abd AI. Hakam, Torrey éd., 156.

6. J.-C. Garcin, Un centre musulman de la Haute-Egypte médiévale : Qûs, Le Caire, IFAO, 1976, pp. 57-64.

7. Cf. par exemple Ai. KindÎ, 168.

8. Ai. MaqrÎZÎ, Khitat, Wiet éd., I, 195.

9. Et même plus loin vers l'est, jusqu'au-delà de ‘Aqaba : cf. Ibn Hawqai., Livre de la configuration de la Terreitrad. G . Wiet), p. 50. On trouvera l'essentiel de l'analyse de cette situation dans Un centre musulman…, op. cit .

10. Cf. supplément d'ibn Hadjar AI. ‘Asqalânî à l'Histoire des cadis d'Egypte d'Aï. KindÎ, Guest éd., 532.

11. On peut voir l'expression graphique de cette structure de l'espace vécu dans un des schémas qui accompagnent l'ouvrage géographique d'Ibn Hawqai (il n'était pas égyptien, mais il est venu en Egypte) et qui constituent ce qu'il est convenu d'appeler l'Atlas de l'Islam (joint à l'édition de la BGA et à la traduction de Wiet). L'Egypte y est représentée (par pure nécessité pratique ?) sur deux feuilles, l'une pour la Haute, l'autre pour la Basse-Egypte. Fustat y apparaît bien comme une villepont, de part et d'autre du Nil. Enfin le schéma cartographique n'est pas orienté vers le nord, comme les cartes dont nous avons pris l'habitude, mais vers l'est. Les autres schémas de ['Atlas de l'Islam sont d'ailleurs tous aussi révélateurs de l'organisation de l'espace vécu dans les diverses régions de l'Empire musulman du xc siècle.

12. Selon les Annales royales (Teuiet éd., I, 250), l'ambassadeur de Harûn al Rashîd est accompagné d'un personnage qui est dit « legatus Amirati Abraham qui in confinio Africae in fossato (Fossato ?) praesidebat ». Bien qu'en 792, Ibrahim ibn Sâlih ait été nommé, pour la deuxième fois, gouverneur de Fustat par le calife (Ai. KindÎ, 135), il semble acquis, puisque l'historien carolingien place l'ambassade en 801, qu'il ne peut s'agir de lui, du moins si la date est exacte. On identifie donc cet émir Abraham avec Ibrahim ibn al Aghlab, investi de l'Ifriqiya depuis juillet 800 (cf. Taibi, L'émirat Aghlabide, p. 112 et p. 326). Dans ce cas, sa résidence située en Africa (Ifriqiya ?), désignée par le mot fossatum (ou Fossatum : dans la phrase latine, ce terme qui vient préciser celui à'Africa ne peut-il être perçu plutôt comme un nom de lieu ?), doit-elle être identifiée avec Kairouan, ou avec ‘Abbasiya qui, à cette époque « n'existait encore en pratique que sur les pièces de monnaies » (Talbi, 137) ? On ne peut s'empêcher de penser que, dans la géographie imprécise de l'analyste occidental, c'est peut-être un peu au moins du renom de Fustat et de l'Egypte — que tant de liens unissent encore au tout jeune pouvoir aghlabide (cf. Talbi, 92-94 et 327) — qui est parvenu avec les ambassadeurs orientaux jusqu'à la cour carolingienne.

13. Cf. Patrologia orientalis, X, 512-528.

14. Cf., pour le ixe siècle, Migne, Patrologie latine, 121, 569 ss. L'assimilation des pyramides aux greniers de Joseph et le souvenir du départ d'Egypte des Hébreux sous la conduite de Moïse sont initialement, semble-t-il, les deux seuls grands thèmes qui attirent en Egypte les pèlerins de Terre sainte.

15. Ce qu'on nomme en arabe les Fadâil Misr ou Éloges de l'Egypte, qu'on trouve déjà dans l'oeuvre d'iBN ‘Abd AI. Hakam (Torrey éd., 4), mais hors de tout contexte géographique précis.

16. Cf. C. Cahen, « L'évolution de l'iqta’ du ixe au xne siècle », Annales ESC, 1953 ; pour l'époque ayyûbide et le début des Mamelouks : Rabie, H., The financial System ofEgyptd 169-1341) , Oxford, 1972 Google Scholar.

17. Cf. Un centre musulman…, op. cit., pp. 245-249.

18. Du Ta'rifd'M ‘ Umarî au Subh al a'shà de Qalqashandî.

19. Lewis, B., «The Fatimids and the Route to India », Revue de la faculté des sciences économiques de l'université d'Istanbul, XI, 1949-1950Google Scholar.

20. J.-C. Garcin, « Transport des épices et espace égyptien entre le xie et le xvc siècle », Annales de Bretagne, 85, 1978 (Actes du vne Congrès des médiévistes de l'enseignement supérieur).

21. Outre A Mediterranean society, I (Berkeley, 1967), le recueil publié par S. D. Goitein, Letters of médiéval Jewish traders (Princeton, 1973), révèle cet espace des relations humaines entre les marchands.

22. Pour la région de Qûs, cf. Un centre musulman…, op. cit., chap. vi : Qûs centre d'enseignement et de judicature (pp. 287-357).

23. Cf. par exemple, A. Y. Sidarus, « La philologie copte-arabe au Moyen Age », La signification du Bas Moyen Age dans l'histoire et la culture du monde musulman (Actes du 8e Congrès de l'Union européenne des arabisants et islamisants, Aix-en-Provence, 1976).

24. La vénération du souvenir de la Fuite de la Sainte Famille en Égypte apparaît dès le début du ve siècle en Haute-Egypte (Historia Monachorum in Aegypto, FestugiÈRE, éd., 47 ; Sozomène. « Histoire Eccl. », dans Migne, Palrologie latine, 67, col. 1281) lié d'abord au site d'Hermopolis Magna/Ashmunayn. C'est seulement au xie siècle qu'on trouve trace de cette vénération à Fustat (cf. C. Coquin, Les édifices chrétiens du Vieux Caire, I, Le Caire, IFAO, 1974, p. 96). On se référera, à l'étude actuellement en préparation, du développement historique de cette dévotion, par R. G. Coquin qui a bien voulu nous indiquer les éléments cités ci-dessus, ainsi que les conclusions provisoires auxquelles il était parvenu.

25. Sur cette datation de l'abandon de la piste de ‘Aydhab par le grand commerce des épices, cf. J.-C. Garcin, « Jean-Léon l'Africain et ‘Aydab », Annales islamologiques, XI, 1972 ; et sur ses conséquences pour l'organisation de l'espace égyptien, J.-C. Garcin, « La “ méditerranéisation “ de l'empire mamelouk sous les sultans Bahrides », Rivista degli studi orientali, XLVIII, 1974.

26. Cf. Dois, M. W., The Black Death in the Middle East, Princeton, 1977 Google Scholar ; sur l'effet de la dépression démographique en Haute-Egypte, cf. Un centre musulman…, op. cit., pp. 445-453.

27. J.-C. Garcin, « Note sur les rapports entre bédouins et fellahs à l'époque mamelouke », Annales islamologiques, XVI, 1978.

28. La situation politique en Haute-Egypte peut être reconstituée à partir du petit précis anonyme que nous avons édité dans « Émirs Hawwaras et beys de Girga aux xvie et xvne siècles ». Annales islamologiques, XII, 1974.

29. T. Walz, Trade between Egypt and Baldd as Sùdàn, 1700-1820, Le Caire, IFAO, 1978, çp. 71-88. Le fait que les uns (les jallâb) soient des Soudanais tandis que les hommes de Haute- Egypte ne sont présents surtout que parmi les autres, montre que la structure de l'espace économique de ce trafic est plus fractionnée que celle du commerce des épices jadis (où, pour cette partie de l'itinéraire, d'Aden au Caire et à Alexandrie opéraient les mêmes hommes) ; elle est sans doute pour cela moins prégnante.

30. C'est surtout cet espace-là que l'on retrouve dans A. Raymond, Artisans et commerçants au Caire au XVIIIe siècle, Damas, 1973, pp. 107-202.

31. Le phénomène est déjà visible chez Al Maqrizî ; il prend toute son ampleur dans les oeuvres d'Ibn Taghribirdî et d'Ibn Iyâs.

32. Cela est vrai pour l'essentiel aussi bien des recueils de biographies sufies de Nadjm al dîn al Ghazzî et de Sha'rânî, que des grands recueils postérieurs d'Al Muhibbî et d'Al Murâdî (bien qu'à un moindre degré) davantage soucieux du monde de la culture.

33. J.-C. Garcin, « L'insertion sociale de Sha'rânî dans le milieu cairote », Colloque international sur l'histoire du Caire, 1969.