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Parenté, famille et mariage en Normandie aux XVIIe et XVIIIe siècles. Présentation d'une source et d'une enquête
Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
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Il n'y a guère, la masse des hommes ignorait l'écriture. C'est donc une entreprise redoutable que de vouloir saisir les sentiments et les pensées de ces « silencieux » : ils ne sont accessibles que par les témoignages de ceux qui lisaient et écrivaient, une étroite minorité. Pour cette entreprise, les longues séries d'archives judiciaires, encore trop peu utilisées, apportent aux historiens des documents irremplaçables. Car le greffier est le seul intermédiaire qui s'interpose entre les témoins interrogés au cours d'une enquête et le lecteur des minutes où furent enregistrées leurs dépositions. Les archives criminelles conservent ainsi les témoignages les plus directs sur la culture et les comportements populaires anciens; c'est l'une des raisons pour lesquelles, sans se laisser rebuter par leur masse et leur complexité, plusieurs équipes de chercheurs ont entrepris de les exploiter.
- Type
- Normes et Déviances
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1972
References
1. Billacois, F., « Pour une enquête sur la criminalité dans la France d'Ancien Régime », Annales E.S.C., 1967, pp. 340–349 Google Scholar; Y. M. Berce, « Aspects de la criminalité au XVIIe siècle », Revue Historique, 1968; Travaux (inédits) du C.R.H.Q. de l'Université de Caen, sous la direction de P. Chaunu.
2. Mise au point récente de G. Le Bras, « Le mariage dans la théologie et le droit de l'Église du XIe au XIIIe siècle, dans Cahiers de civilisation médiévale, 1968. Voir aussi C. Piveteau, La pratique matrimoniale en France (du Concile de Trente à la Révolution), Thèse de droit, Paris, 1957; J. Dardel, Essai sur l'introduction et l'application en Normandie des réformes du Concile de Trente concernant le mariage, Thèse de droit, Caen, 1964.
3. Annexe 1.
4. Ces deux fonds sont normalement classés dans la série G des Archives départementales; pour l'ancien diocèse de Paris, dans la série Z I. 0 des Archives nationales.
Tous les textes cités dans cet article viennent des dossiers d'empêchements de mariage de l'ancien diocèse de Coutances conservés aux Archives de l'évêché de Coutances et classés par ordre chronologique (la date de l'enquête suffît donc comme référence). Que M. le chanoine Toussaint, archiviste du diocèse de Coutances, et M. Y. Nédélec, archiviste de la Manche, trouvent ici l'expression de nos remerciements; sans eux, sans leur libéralité et leur bienveillance, ce travail n'aurait jamais vu le jour.
5. Durand de Maillane, Dictionnaire de droit canonique. 2e édition. Lyon, 1770. Articles : Banquiers-expéditionnaires, Dispense, Empêchements, Pauvres, Taxes; M. FranÇOis, « L'histoire religieuse de la France au Vatican » (les archives de la Daterie, pp. 400 et suiv.), dans V. Carrière, Introduction aux Études d'histoire ecclésiastique locale, t. I, Paris, 1940.
6. Ou par usage anciennement établi, selon les prétentions de certains évêques. Cf. Conférences ecclésiastiques du diocèse d'Angers (sur les dispenses de mariage, avril 1723), Paris, 17.
7. Mais, sauf difficultés de lecture, elles sont très claires; et comme elles se déroulaient presque toujours selon le même plan, elles sont faciles à dépouiller.
8. Rituel de Coutances, 1744, p. 388.
9. C'est à la fin du XVIIIe siècle que les dossiers sont les plus nombreux. Dans l'état de nos recherches, il est impossible de dire s'il s'agit de progrès de l'endogamie familiale causés par une révolution démographique (comme à la fin du XIXe siècle. Cf. J. Sutter, « Fréquence de l'endogamie et ses facteurs au xrx« siècle », Population, 1968); ou par le relâchement de la discipline ecclésiastique (« une dispense s'achète comme une autre marchandise », S janvier 1789); ou bien s'il s'agit de progrès techniques, les registres paroissiaux bien tenus permettant d'établir des généalogies plus sûres; ou encore d'un juridisme plus grand destiné à retirer aux tribunaux laïcs tout sujet d'intervention dans les affaires matrimoniales.
10. D'après des sondages rapides dans les dossiers de l'officialité de Rouen (A.D. Seine-Maritime G 5159 à 5173). On remarque des mariages de gentilshommes verriers, de bourreaux; parmi les couples de cousins germains, 40 % reconnaissent avoir eu ensemble un commerce charnel, 25 % des filles sont enceintes ou ont accouché au moment de l'enquête (ces chiffres ne représentant qu'un ordre de grandeur, demandent à être vérifiés).
11. 9 mars 1716 ; 4 mai 1788.
12. 15 février 1700 ; 7 novembre 1711.
13. Toutes ces communes dans le département de la Manche. Leurs populations ont longtemps passé et passent parfois encore pour originales : on leur attribue une origine étrangère (ce qui est en partie exact pour Granville); Créances conserve toujours une solide réputation d'endogamie; sur la population de Villedieu au XVIIIe siècle, beau travail de M. H. Jouan, Annales de Démographie Historique, 1969.
14. Travaux de J. Sutter et L. Tabah (Références à la suite de l'article cité de J. Sutter, Population, 1968).
15. G. Tillion, Le harem et les cousins, Paris, 1966. Particulièrement « not'fils qu'épouse une étrangère », pp. 123-126.
16. « Le bruit setant répandu dans la dite paroisse de Sauxemesnil que ledit Nicolas Mouchel son fils alloit épouser Suzanne Greard le susdit témoin Jean du four oncle de la dite fille luy vint dire quils estoient parens; (que) cela avoit obligé le parlant den faire recherche au moyen de laquelle on lui fit apparoir un antien contract de mariage passé en mil six cent six entre Jacques Mouchel et Thomasse Mouchel dun même nom sans estre parens et au pied dudit contract est une reconnoissance de Reney frère de Thomasse et ladite reconnoissance faite et passée en mil six cent huit doû il est aisé de voir la parenté des dits suppliants » puisque René est l'arrière-grand-père de la future épouse, Thomasse l'arrière-grand-mère du futur époux (2 octobre 1702).
17. La future épouse dépose « qu'elle ne sait point par quels moyens on prouve cette parenté mais qu'elle s'en rapporte à M. le Curé qui l'a établie » (27 septembre 1788).
18. Dénoncer la parenté c'est interdire le mariage et sa consommation. Souvent les victimes attribuent la dénonciation à la jalousie ou au dépit. (12 octobre 1700 ; 5 février 1707).
19. Il y a là des matériaux pour étudier la pauvreté, mais quand les ressources ne sont pas chiffrées, il semble qu'était considéré comme pauvre celui qui n'avait pas de rentes suffisantes pour vivre sans travailler : à la campagne le journalier et le laboureur sont pauvres, en ville il y a des officiers qui se déclarent pauvres. La formule « vivant de leur travail et industrie » sort des livres de droit canon.
20. 23 septembre 1702.
21. Lévi-Strauss, C., Les structures élémentaires de la parenté, 2e édition, Paris, 1967, p. XXIII Google Scholar.
22. « Leur parenté qu'ils croient trop esloignée nestant qua cause de femme » (4 décembre 1711). Dans le même sens (10 mai 1711), ou des généalogies qui sont faussées : « il y avoit deux frères surnommés de la Cour lun sapeloit Jean et lautre Denis qui espousérent deux soeurs surnommées Mauger, de Jean et de lune desd[ites] Mauger (te témoin) dist qu'il est sorty Robert de la Cour (grand père du futur époux)… et que dud[it] Denis et de l'autre Mauger qui demura veufve dud[it] Denis espousa en secondes nopces un apelé Guillaume de Laulney et dudit Guillaume de ladite veufve est sorty Richard de Laulney (grand père de la future épouse) ». (23 décembre 1701).
23. 16 juin 1703 ; 11 juin 1788.
24. 3 novembre 1700.
25. 14 octobre 1715 ; 30 janvier 1788.
26. 16 juillet 1700 ; 29 octobre 1700.
27. Coutume réformée (1583) : Art. 248 « en succession de propre tant qu'il y a mâles ou descendants de mâles les femelles ou descendants de femelles ne peuvent succéder soit en ligne directe ou collatérale ». Art. 275 « Bâtard ne peut succéder à père, mère ou aucun… ». Art. 382 «Homme ayant eu enfant né vif de sa femme jouit par usufruit tant qu'il se tient en viduité de tout le revenu appartenant à sa dite femme lors de son décès ».
Sur le droit successoral normand : R. Genestal, « Les principes du droit successoral normand », Semaine du droit normand, 1921, dans Nouvelle Revue Historique de Droit Français, 1921; R. Genestal, « Le retrait lignager », dans Travaux de la semaine de droit normand tenue à Jersey du 24 au 27 mai 1923, Caen, 1925; R. Besnier, La représentation successorale en droit normand, Paris, 1929; J. Yver, « Caractères originaux de la coutume de Normandie », dans Mémoires de l'Académie de Caen, 1952.
28. Modèle pour cette étude : A. Girard, Le choix du conjoint. Une enquête psychosociologique en France (Travaux et documents de l'I.N.E.D. Cahier n” 44), Paris, 1964.
29. On pouvait cependant passer outre à un refus « par les voies de la loi » (19 juin 1790). Les parents d'une fille devaient céder si elle était enceinte (14 janvier 1788; 5 janvier 1789). Parfois il fallait attendre la mort du père pour se marier (18 juin 1790).
30. Annexe IL Ce fait avait déjà été observé, à propos du mariage de Mme Roland, par E. et J. de Goncourt, La femme au XVIIIe siècle, Paris, 1877.
31. 8 janvier 1789 ; 17 janvier 1789.
32. Si la dispense n'était pas accordée, la suppliante demeurait « exposée à ne pas trouver autre party, ayant peu de fortune, les filles dailleurs étant en grand nombre en Villedieu » (9 octobre 1788). Voir aussi Annexe II, texte c.
33. Annexe II, texte c.
34. Annexe II, textes a et b; Annexe III; Annexe V, texte b.
35. 6 août 1788 ; 21 novembre 1788.
36. Annexe VI, texte a.
37. 28 juillet 1788 ; 30 janvier 1789. Annexe III.
38. « Il a été très fréquemment dans sa maison ce qui a engagé les paroissiens à dire qu'ils se fréquentoient pour le mariage » (24 avril 1788). « Elle n'a point donné entrée chez elle à autre par une affection particulière quelle a pour luy » (30 janvier 1789).
39. 15 janvier 1700 ; 23 septembre 1700.
40. Annexe III; Annexe V, texte b.
41. Réunir les parents coûtait très cher, la rédaction du contrat et le mariage lui-même étaient occasions de grandes dépenses (3 septembre 1700-20 novembre 1702), les frais étaient démesurés « ils ont dépensé sy peu qu'ils pouvoient avoir » (21 avril 1706). Évidemment on ne pouvait pas se marier quand flambaient les prix.
42. Avec les promesses « en face de sainte église » une communauté surnaturelle prenait acte du mariage : « les anges en sont témoins », citation de Tertullien dans le modèle d'exhortation proposé pour le mariage (Rituel de Coutances, 1744, p. 275).
43. La future épouse déclare « que le dit Couillard la recherche depuis à peu près trois mois, que quelque jeune quelle soit elle s'est décidée à l'épouser par attache pour lui et ses enfans » (19 janvier 1790).
44. Veuf avec trois enfants, après cinq semaines de recherches deux bans sont déjà publiés (1er mai 1790).
45. Les fiançailles (au sens actuel de ce mot) forment une transition, un « stade de marge à étapes » entre l'état d'adolescent et de célibataire et celui d'adulte et d'individu marié ( Van Gennep, A., Manuel de folklore français contemporain, Paris, 1943, t. 1, vol. I, p. 226 Google Scholar). Souvent le mariage était à la fois établissement conjugal et établissement professionnel (4 mai 1788-6 octobre 1788). Les domestiques se mariaient en sortant de service, ils devenaient alors journaliers ou fermiers (3 décembre 1703 ; 10 septembre 1788); ceci explique en partie le maximum secondaire de juilletaoût du mouvement saisonnier des mariages, il suivait les principales « assemblées », la Saint-Claire (18 juillet), la Madeleine (22 juillet), la Sainte-Anne (26 juillet), la Saint-Pierre (1er août); officiellement ces dates d'entrée en service (et de sortie) sont encore en vigueur (Chambre d'Agriculture de la Manche, Codification des coutumes et usages locaux à caractère agricole… de la Manche, Saint-Lô, 1956).
46. Le futur époux « a toujours craint qu'elle n'en epouzât un autre qui ne laisserait pas de susciter quelques querelles sur les droits réciproques de leurs fonds adjacents » (22 octobre 1790).
47. Annexe II, texte c. L'expression vivre entre soi proposée par C. LÉVI-Strauss a été reprise par G. Tillion, op. cit.
48. 14 avril 1708; 4 mai 1708.
49. 16 janvier 1708; 22 juin 1708.
50. 22 janvier 1788.
51. Annexe IV.
52. Annexe V.
53. Bloch, M., Les caractères originaux de l'histoire rurale française, nouv. éd., Paris, 1964, p. 155 Google Scholar.
54. 21 janvier 1788; 6 août 1788.
55. Père et fille, 27 août 1788; mère et fils, 30 octobre 1788; frère et sœur, 20 juillet 1717. Ceci doit être rapproché d'une observation faite dans le Béarn contemporain : « La présence de la mère réduit l'urgence du mariage » (cité par Bourdieu, P., « Célibat et condition paysanne », dans Études rurales, 1962, p. 130 Google Scholar).
56. 5 avril 1788; 24 avril 1788.
57. C'est une des raisons pour lesquelles les mariages se multipliaient après les mortalités.
58. 9 octobre 1709. Le mariage du fils dispense son père devenu veuf de se remarier (21 janvier 1701).
59. C'était presque la même situation (3 février 1707).
60. 24 août 1789.
61. 24 octobre 1789.
62. 15 juin 1787; 18 juin 1787.
63. La fille qui a fait des « avances » au garçon risque le déshonneur (13 août 1789); la fréquentation est « excessive » quand la fille est allée deux fois chez le garçon (29 janvier 1789).
64. 8 février 1713 ; 12 juin 1714.
65. 18 janvier 1788; 10 octobre 1789.
66. Annexe VI, texte a.
67. Annexe VI, texte b.
68. Annexe VI, texte c.
69. En milieu populaire la femme travaille, en milieu bourgeois elle ne fait rien : « Chez nous les maris travaillent et les femmes ne font rien », écrit une « honnête bourgeoise » d'une petite ville de Basse-Normandie (Journal de Normandie, 23 janvier 1786). L'opposition entre les sexes est analogue, mais le contexte totalement différent.
70. 3 octobre 1789; 6 novembre 1790. On peut ajouter aussi la rareté des témoignages féminins sur ces affaires matrimoniales.
71. Cf. la méthode employée par A. Girard, ouvr. cité, ou celle de C. Henryon et E. Lambrecht. Le mariage en Belgique, Bruxelles, 1968.
72. Seules les plus accessibles sont citées. On peut ajouter les archives criminelles, mais las informations sur le mariage y sont très dispersées; ou les dossiers individuels des officiers aux Archives de la guerre, mais les demandes de pension sont plus nombreuses que les demandes d'autorisation de se marier (voir cependant à ce sujet R. Pomeau, « Le mariage de Laclos », dans Revue d'histotre littéraire de la France, 1964).
73. Références dans J. Dupaquier, « Sur la population française au XVIIe et XVIIIe siècle », dans Revue Historique, 1968.
74. A. Daumard et F. Furet, Structures et relations sociales à Paris au XVIIIe siècle (Cahier des Annales, n° 18), Paris, 1961, avec une note de J. C. Perrot sur les contrats de mariages normands.
75. Entre autres sujets d'observation : formules d'engagement des futurs époux, moyens d'acquisition et inventaire des « meubles » de la mariée.
76. Si les dossiers d'empêchements de mariage informent sur les enracinés, les dispenses de domicile pour la publication des bans renseignent sur les instables (soldats, commis des fermes, colporteurs, forains, etc.). Les premiers sondages (anciens diocèses de Rouen et de Paris) laissent entrevoir là aussi une tendance à l'homogamie, l'homme prenait femme du même métier ou originaire de la même paroisse.
77. Des sondages ont déjà été effectués dans les archives des anciens diocèses d'Angers (Archives départementales du Maine-et-Loire) et de Paris (Archives nationales).
Le choix de la Normandie permet de bénéficier de l'aide efficace du Centre de Recherches d'Histoire Quantitative de la Faculté des lettres de Caen (État des travaux et programme de recherches publiés dans les Annales de Démographie historique, 1967).
page 1152 note 1. Pèlerinages à Saint-Ortaire, à la chapelle de la Mare au Dézert (?) ; à Saint-Marcouf : peutêtre à Saint-Michel-de-la-Pierre ; Foire de Saint-Christophe : le 24 juillet, à Saint-Christophe d'Aubigny.
page 1152 note 2. La déposition de la future épouse laisse supposer qu'il s'agit d'une bague. Description de “bague foi “ par M. Bouthller : “L'Œuvre de L. Bonnemère”, dans Arts et Traditions Populaires, 1966, p. 25.
page 1154 note 3. Maintenant Montpinchon.
page 1154 note 4. 1 vergée = 1/5 ha.