Article contents
« Muchos negros, mulatos y otros colores »
Culture visuelle et savoirs coloniaux au XVIIIe siècle
Published online by Cambridge University Press: 20 January 2017
Résumé
Les sociétés coloniales hispano-américaines sont traditionnellement décrites comme des ensembles hiérarchisés selon une logique raciale, le terme casta étant pour ce faire traduit par la notion de race. Cette synonymie entraîne cependant le télescopage des catégories coloniales et des concepts contemporains, simplifiant de la sorte des processus complexes et longs à cristalliser. Cet article insiste sur les spécificités coloniales qui voient la transformation d’une notion issue du langage nobiliaire en une science des phénotypes. L’étude de cette culture visuelle et de ce vocabulaire, d’abord intimement liés au milieu mésoaméricain, permet de dévoiler les dialogues régionaux et inter-impériaux qui aboutissent à la création d’un espace euro-américain de création conceptuelle commune.
Abstract
Hispanic-American societies of the colonial period are traditionally described as being hierarchized along a system of racial classification. Indeed, the Spanish term casta has been translated as race for that very purpose. Considering both terms as synonymous, however, leads to a conflation of colonial categories and contemporary concepts, thus simplifying a highly complex and lengthy process. This article focuses on the distinctly colonial elements that contributed to transforming a notion deriving from nobiliary terminology into a science of phenotypes. The study of this visual culture and vocabulary, initially rooted in Mesoamerica, reveals the regional and inter-imperial dialogue that established a Euro-American space of shared conceptual creation.
- Type
- Antilles et Europe (XVIIIe-XIXe siècle)
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2013
Footnotes
Archivo general de Indias (AGI), Indiferente general, 1528, no 46, f. 40r, El pretendiente dialogue entre un « Péruvien » et un chapeton (Espagnol venant d’arriver aux Indes). Cet article a bénéficié des commentaires et des critiques de Simona Cerutti, Antoine Lilti, Renaud Morieux, Natalia Muchnik, Enric Porqueres i Gené, José Javier Ruiz Ibáñez et Isabelle Surun, qu’ils en soient tous remerciés. Il est accompagné d’un dossier documentaire accessible sur le site de la revue (annales.ehess.fr), rubrique «Compléments de lecture ».
References
1- AGI, Guadalajara, 27, R. 1, N 8, f. non numérotés.
2- Sur l’essor des cultures américaines en Espagne dès le début du XVIIe siècle et leur impact sur les cycles agricoles et les pratiques alimentaires, voir Roel, Antonio Eiras (éd.), La emigración española a ultramar, 1492-1914, Madrid, Tabapress, 1991 Google Scholar ; Álvarez, Gonzalo Anes, Cultivos, cosechas y pastoreo en la España moderna, Madrid, Real Academia de la Historia, 1999 Google Scholar ; Bilbao, Luís María et de Pinedo, Emiliano Fernández, «Evolución del producto agrícola bruto en el País Vasco peninsular, 1537-1850. Primera aproximación a través de los diezmos y de la primicia », in Goy, J. et Le Roy Ladurie, E. (éd.), Prestations paysannes, dîmes, rente foncière et mouvement de la production agricole à l’é poquepréindustrielle, Paris, Éd. de l’EHESS/Mouton, 1982 Google Scholar. Sur leur diffusion, voir Andrews, Jean, «Diffusion of Mesoamerican Food Complex to Southeastern Europe », Geographical Review, 83-2, 1993, p. 194–204.CrossRefGoogle Scholar
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4- Comme en témoigne, par exemple, le De Historia Stirpium de Leonhardt Fuchs, dès 1542, et le Rerum Medicarum Novae Hispaniae de Francisco Hernández, rédigé en 1570.
5- Ces désignations formaient un lexique imagé complétant le terme morisco déjà cité.
6- Les anthropologues s’étaient cependant déjà penchés sur ces séries pendant la première moitié du XXe siècle, notamment Raphaël Blanchard en 1908, Nicolás Leon en 1924, Francisco de Las Barras de Aragón en 1929 et 1930, et José Pérez De Barradas en 1948.
7- L’historien Efraín Morales, Castro, «Los cuadros de castas de la Nueva España », Jahrbuch für Geschichte von Staat, Wirtschaft und Gesellschaft Lateinamerikas, 20, 1983, p. 671–690 Google Scholar, a été l’un des premiers, suivi, en histoire de l’art, par María Concepción Sáiz, García, Las castas mexicanas. Un género pictórico americano, Milan, Olivetti, 1989 Google Scholar; Carrera, Magali M., Imagining Identity in New Spain: Race, Lineage, and the Colonial Bodyin Portraiture and Casta Paintings, Austin, University of Texas Press, 2003 Google Scholar ; Katzew, Ilona, Casta Painting: Images of Race in Eighteenth-Century Mexico, New Haven, Yale University Press, 2004 Google Scholar ; Deans-Smith, Susan, «Creating the Colonial Subject: Casta Paintings, Collectors, and Critics in Eighteenth-Century Mexico and Spain », Colonial Latin Ameri-can Historical Review, 14-2, 2005, p. 169–204 CrossRefGoogle Scholar ; Katzew, Ilona et Deans-Smith, Susan (éd.), Race and Classification: The Case of Mexican America, Stanford, Stanford University Press, 2009.Google Scholar
8- I. Katzew, Casta Painting…, op. cit., chap. II ; María Elena Martínez, «The BlackBlood of New Spain: Limpieza de Sangre, Racial Violence, and Gendered Power in EarlyColonial Mexico », The William and Mary Quarterly, 3e série, 61-3, 2004, p. 479-520.Magali Carrera s’élève avec raison contre ce raccourci conceptuel dans les chap. I et VIde son livre, où elle discute les notions de « race », lignage et calidad, mais peine elle-même à s’en détacher complètement, M. M. Carrera, Imagining Identity in New Spain…, op. cit.
9- Yerushalmi, Yosef Hayim, « Assimilation et antisémitisme racial », Sefardica. Essaissur l’histoire des Juifs, des marranes et des nouveaux-chrétiens d’origine hispano-portugaise, Paris, Éd. Chandeigne, [conférence de 1982] 1998, p. 255–292 Google Scholar. Voir également Nirenberg, David, « Race and the Middle Ages: The Case of Spain and Its Jews », in Greer, M .R., Mignolo, W. D. et Quilligan, M. (éd.), Rereading the Black Legend: TheDiscourses of Religious and Racial Difference in the Renaissance Empires, Chicago, University of Chicago Press, 2007, p. 71–87 Google Scholar. Pour des tentatives de mise en relation des formes euro-péennes et coloniales d’exclusion, voir Baroja, Julio Caro, « Antecedentes españolesde algunos problemas relativos al mestizaje », Revista Histórica, 28, 1965, p. 197–210 Google Scholar; Schwartz, Stuart B., « Brazilian Ethnogenesis: Mestiços, Mamelucos and Pardos », in Gruzinski, S. et Wachtel, N. (éd.), Le Nouveau monde, mondes nouveaux. L’expérience américaine, Paris, Éd. Recherche sur les civilisations/Éd. de l’EHESS, 1996, p. 7–28 Google Scholar, ainsique Sweet, James H., «The Iberian Roots of American Racist Thought », The Williamand Mary Quarterly, 54-1, 1997, p. 143–166.CrossRefGoogle Scholar
10- Esguerra, Jorge Cañizares, «New World, New Stars: Patriotic Astrology andthe Invention of Indian and Creole Bodies in Colonial Spanish America, 1600-1650 », The American Historical Review, 104-1, 1999, p. 33–68 CrossRefGoogle Scholar; Mazzolini, Renato, « Las Castas: Interracial Crossing and Social Structure, 1770-1835 », in Müller-Wille, S. et Rheinberger, H.-J. (éd.), Heredity Produced: At the Crossrads of Biology, Politics, and Culture,1500-1870, Cambridge, MIT Press, 2007, p. 349–373.Google Scholar
11- Schorsch, Jonathan, Swimming the Christian Atlantic: Judeoconversos, Afroiberian andAmerindians in the Seventeenth Century, Leyde, Brill, 2009.Google Scholar
12- Selon Nicholas Hudson en effet, vers le milieu du XIXe siècle, le mot race était devenu le terme dont la littérature ethnographique avait le plus usé et abusé. Or, si son propos concernait essentiellement l’Europe, le caractère contemporain des mesures mises en place au Texas (1845) ou en Californie (1849) pour réserver la citoyenneté aux seuls Blancs et des politiques d’immigration nord-européenne promues par différents États hispano-américains (cinquante ans avant la White Australia Policy) témoignent d’une réelle convergence de vues de part et d’autre de l’océan. Voir Hudson, Nicholas, « From ‘Nation’ to ‘Race’: The Origin of Racial Classification in Eighteenth-CenturyThought », Eighteenth-Century Studies, 9-3, 1996, p. 247–264 CrossRefGoogle Scholar ; Zúñiga, Jean-Paul, «Le voyaged’Espagne. Mobilité géographique et construction impériale en Amérique hispanique », Cahiers du Centre de recherches historiques, 42, 2008, p. 177–192.CrossRefGoogle Scholar
13- Rodríguez Juárez avait alors près de quarante ans et était donc un peintre « fait ».Quatre ans plus tard, il reçoit la prestigieuse commande du retable des rois de la cathé-drale de Mexico. Voir Bargellini, Clara, « Juan Rodríguez Juárez », in Latin-AmericanLives: Selected Biographies from the Five-Volume Encyclopedia of Latin American Historyand Culture, New York, Macmillan, 1998, p. 880.Google Scholar
14- E. Castro Morales, «Los cuadros de castas de la Nueva España », art. cit. Voir également Pierce, Donna, Gomar, Rogelio Ruiz et Bargellini, Clara, Painting a NewWorld: Mexican, Art and Life, 1521-1821, Denver, Denver Art Museum, 2004, p. 199.Google Scholar
15- Carlos de Sigüenza décrivait ainsi comme « une foule de mulâtres, de Noirs, de chinos, de métis, de lobos et d’Espagnols de la plus basse condition » la plèbe participantà la grande révolte frumentaire de 1692 à Mexico. Sigüenza Y Góngora, Carlos de, « Alboroto y motín de los Indios de Mexico », Seis Obras, éd. par W. G. Bryant, Caracas, Biblioteca Ayacucho, 1984, p. 127.Google Scholar
16- En 1742, Mexico comptait près de 100 000 habitants, dont plus de 36% relevaientdes «mélanges » coloniaux. Voir Beltrán, Gonzalo Aguirre, La población negra deMéxico, 1519-1810. Estudio etnohistórico, Mexico, Ediciones Frente Cultural, 1946, p. 234 Google Scholar ; Mccaa, Robert, «The Peopling ofMexico from Origins to Revolution », in Haines, M. R. et Steckel, R. H. (éd.), A Population History of North America, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 241–304, ici p. 262Google Scholar ; Solano, Francisco de (éd.), Relacionesgeográficas del Arzobispado deMéxico, 1743, Madrid, CSIC, Centro de estudios históricos, 1988, 2 vol.Google Scholar ; Bennett, Herman L., Colonial Blackness: A History of Afro-Mexico, Bloomington, Indiana University Press, 2009, p. 5.Google Scholar
17- González, Andrés Lira et Muro, Luis, « Alzamientos descoyuntados », Historiageneral deMexico, Mexico, El Colegio de México, 1987, t. 1, p. 465–469 Google Scholar; Ma Gutiérrezlorenzo, Pilar, De la Corte de Castilla al virreinato de México: el Conde de Galve, 1653-1697, Guadalajara, Diputación Provincial, 1993 Google Scholar ; Douglas Cope, R., The Limits of Racial Domina-tion: Plebeian Society in Colonial Mexico City, 1660-1720, Madison, The University of Wisconsin Press, 1994 Google Scholar ; Mcfarlane, Anthony, «Rebellions in Late Colonial SpanishAmerica: A Comparative Perspective », Bulletin of Latin American Research, 14-3, 1995, p. 313–338 Google Scholar ; Prada, Natalia Silva, «Estrategias culturales en el tumulto de 1692 en laciudad de México: aportes parta la reconstrucción de la historia de la cultura políticaantigua », Historia Mexicana, 53-1, 2003, p. 5–63.Google Scholar
18- Non sans que des logiques alternatives ne se manifestent ; le peintre mulâtre JuanCorrea affirmait ainsi de différentes manières la dignité de sa couleur. Voir Vargaslugo, Elisa et Curiel, Gustavo, Juan Correa, su vida y su obra, vol. 3, Cuerpo de documen-tos, Mexico, UNAM, 1991 Google Scholar ; De Teresa, Guillermo Tovar, Repertorio de artistas en México.Artes plásticas y decorativas, Mexico, Grupo Financiero Bancomer, 1995, vol. 1, p. 286 Google Scholar; Vargaslugo, Elisa, « Los niños de color quebrado en la pintura de Juan Correa », in Historia, leyendas y mitos de México: su expresión en el arte, Mexico, UNAM, 1988, p. 133–144, ici p. 140.Google Scholar
19- En décembre 1711, Philippe V fonde la Bibliothèque royale à Madrid et demande au vice-roi Fernando de Alencastre (1711-1716) d’y envoyer toute chose hors du commun ou extraordinaire par sa forme ou par sa taille.
20- Navarro, Isidoro Moreno, Los cuadros del Mestizaje americano. Estudio antropológico del mestizaje, Madrid, Ediciones José Porrúa Turanzas, 1973 Google Scholar ; Comas, Juan, Antropología de los pueblos iberoamericanos, Barcelone, Labor, 1974, p. 126–130.Google Scholar
21- Cambujo et Chino (1725) ; Sambaygo (vers 1730-1750), Albarazado, No te entiendo, tenteen el ayre (1740) ; Quarteron, Calpamulato, Ay te estas (1750) ; Chino-Cambujo, barsina (1770-1780) ; Gibaro (1770) ; Salta atras.
22- G. Aguirre Beltrán, La población negra de México…, op. cit., p. 177.
23- Mestizo et albarazado appartiennent en effet au vocabulaire canin et équin respecti-vement. L’étymologie animalière fréquemment invoquée pour mulato (de mule) estcependant parfois contestée.
24- Le père Gumilla explique en 1741 : « il faut savoir que si la femme métisse épouse un métis, leurs enfants sont métis, et l’on dit vulgairement qu’ils sont tente en el ayre, carils ne sont ni plus ni moins que leurs parents, mais restent au même niveau », Gumilla, Joseph, Historia natural civil y geográfica de las naciones situadas en las riveras del río Orinoco, Barcelone, Impr. de Carlos Gibert y Tutó, [1741] 1791, p. 74 Google Scholar, c’estmoi qui souligne.
25- Albarazado est un terme désignant la robe d’un cheval et, en ce sens, il relève aussi d’un lexique chromatique.
26- Selon le Diccionario de autoridades : castizo, « lo que es de origen y casta conocida » […] ” castiza y real nobleza » ; en littérature : « estilo castizo. Se llama al que es puro, natural y limado, sin mezcla de voces extrañas o poco significativas », Diccionario de la lengua castellana en que se explica el verdadero sentido de las voces su naturaleza y calidad, con las phrases o modos de hablar, los proverbias, Madrid, Francisco del Hierro, 1726, t. I, p. 255a.
27- Le terme était censé désigner les individus ayant un grand-parent non européen surquatre. Voir Alvar, Manuel, Léxico del mestizaje en Hispanoamérica, Madrid, Ed. Cultura Hispánica/Instituto de Cooperación Iberoamericana, 1987.Google Scholar
28- Voir notamment le travail pionnier de G. Aguirre Beltrán, La población negra de México…, op. cit., ou celui plus récent de H. L. Bennett, Colonial Blackness…, op. cit.
29- Forbes, Jack D., Black Africans and Native Americans: The Language of Race and the Evolution of Red-Black Peoples, Urbana, University of Illinois Press, [1988] 1993.Google Scholar
30- Archivo de Protocolos de Sevilla, Of. 4, 1519, Leg. 1, s. f. ; Archivo del Reino de Valencia, Baylia 209, f. 81. Je remercie Fabienne Guillen qui m’a permis de citer ces documents issus de ses travaux sur l’esclavage médiéval dans la couronne d’Aragon. Sur les « esclavos blancos », voir Archives de Simancas (AS), Registro general del sello (RGS), leg. 147801, 208 [1478] et leg. 148410, 64 [1484] ; AGI, Indiferente general, 418, L. 1, f. 167v [1505]. Voir également Vincent, Bernard, «Qué aspecto físico tenían los moriscos? », in Andalucía moderna: Actas II Coloquios de historia de Andalucía, Cordoue, Monte de Piedad y Caja de Ahorros de Cordoba, 1983, t. II, p. 335–340.Google Scholar
31- Sandoval, Alonso de, De instauranda Aethiopum Salute, Madrid, Alonso Paredes, [1627] 1647, t. 1, p. 12 Google Scholar, c’est moi qui souligne. Voir Franklin, Vincent P., « Bibliographical Essay: Alonso de Sandoval and the Jesuit Conception of the Negro », Journal of Negro History, 58-3, 1973, p. 349–360.CrossRefGoogle Scholar
32- « Relación de la jurisdicción de Pánuco y Tampico », in F. de Solano (éd.), Relaciones géograficas…, t. 1, p. 216. Notons que les termes employés ne correspondent que de très loin au lexique des tableaux de castes.
33- AGI, Pasajeros, L. 3, E. 3923 [1558] : « Juan Sánchez, […] loro, de casta de negros » (ici casta a le sens de « génération » ou « souche ») ; AGI, Escribania de camara, 938-A [1663], liste des soldats accompagnant le gouverneur du Chili Francisco de Meneses : « Antonio Lopez, […], buen cuerpo, moreno de rrostro (sic) nariz afilada ».
34- Bizzochi, Roberto, Genealogie incredibili: scritti di storia nell’Europa moderna, Bologne, Il Mulino, [1995] 2009 Google Scholar ; Jouanna, Arlette, L’idée de race en France au XVIe siècle et au début du XVIIe , Montpellier, éd. de l’auteur, 1981 Google Scholar. Sur l’émergence de cette rhétorique du sang, voir Klaus OSCHEMA, «Maison, noblesse et légitimité. Aspects de la notion d’‘hérédité’ dans le milieu de la cour bourguignonne (XVe siècle) », in M. Van Der Lugt et C. de Miramon (éd.), L’hérédité entre Moyen Âge et époque moderne. Perspectives historiques, Florence, Sismel, 2008, p. 211-244. Le phénomène de marginalisation de la parentèle élargie au profit de la profondeur généalogique en ligne directe est également abordé dans Sabean, David Warren, Teuscher, Simon et Mathieu, Jon (éd.), Kinship in Europe: Approaches to Long-Term Development (1300-1900), Oxford, Berghahn Books, 2007.Google Scholar
35- Si, dans un premier temps, les descendants d’Indiens jusqu’à la quatrième génération pouvaient en bénéficier, Clément XI précise par la suite que n’étaient concernés par les privilèges accordés aux néophytes que les Indiens et les métis, les quarterons ne pouvant plus y prétendre. Voir la lettre de Francisco de la Puebla au roi concernant l’édit royal du 3 juin 1697 sur la bulle papale d’Innocent XII, dans Elías Lizana, Colección de documentos históricos recopilados del Archivo del Arzobispado de Santiago, vol. 1, Cartas de obispos el rey, 1564-1810, Santiago, Impr. de San José, 1919, doc. 195, p. 423 ; J. Gumilla, Historia natural…, op. cit., p. 74 ; Gilij, Filippo Salvadore, Ensayo de Historia Americana, vol. 1, De la historia geograéfica y natural de la provincia del Orinoco, Caracas, Academia Nacional de la Historia, [1784] 1965 Google Scholar, IVe partie, liv. 2, 1re partie, chap. 4.
36- C. de Sigüenza Y Góngora, « Alboroto y motín de los Indios de Mexico », art. cit.
37- AGI Guadalajara, 27, R. 1, N 8, f. non numérotés.
38- Ici encore, le manuscrit El pretendiente montre la même attitude dans les provinces du Pérou. Le Peruano précise ainsi que l’appréciation phénotypique était la plus cou-rante : «Nombreux sont ceux qui, suivant l’exemple de l’usage commun de ces gens-là [les castes], sans prendre en considération les origines, appellent Noir, mulâtre, sambo [certains individus], insultant de la sorte le mérite revenant en justice à chacun », op. cit., f. 43r. Ce manuscrit anonyme tronqué, qui date de 1770 environ, est sans doute une version d’une œuvre de Gregorio de Cangas conservée au Pérou et qui a été publiée en 1997. Voir Camilo, Vicente et Lenci, José L. (éd.), Descripción en diálogo de la ciudad de Lima entre un peruano práctico y un bisoño chapetón, Lima, Fondo del Banco central de Reserva, 1997 Google Scholar. Sur les castes comme « clasificación colorida » fondée essentiellement sur la couleur de peau des individus, voir G. Aguirre Beltrán, La población negra de México…, op. cit., p. 163 et 168-169.
39- Sur ces questions, voir notamment R. D. Cope, The Limits of Racial Domination…, op. cit., p. 51 ; Bonniol, Jean-Luc, «La couleur des hommes, principe d’organisation sociale. Le cas antillais », Ethnologie française, 20-4, 1990, p. 410–418.Google Scholar
40- Archivo Histórico Nacional (ci-après AHN), Inquisición no 1733, année 1712-1715.
41- Voir la tentative de synthèse générale proposée par Mörner, Magnus, Race Mixture in the History of Latin America, Boston, Little, Brown and Co., 1967, p. 58 Google Scholar, et sa reprise dans M. M. Carrera, Imagining Identity in New Spain…, op. cit., p. 36-37.
42- G. Aguirre Beltrán, La población negra de México…, op. cit., p. 169, remarque ainsique le mot cocho était en usage au Michoacán, cambujo à Oaxaca, jarocho à Veracruz, loro au Chiapas, zambo à Guerrero, toutes ces expressions désignant en général un seul et même type physique, celui du mulâtre pardo, entre Noir et Indien.
43- Il en va de même pour le Guatemala, pourtant plus proche de la Nouvelle-Espagne. Voir Muñoz, Jorge Lujan (éd.), Relaciones géograficas e Historicas del siglo XVIII del Reinode Guatemala, Guatemala, Universidad del Valle de Guatemala, 2006 Google Scholar ; Lutz, Christopher, Santiago de Guatemala, 1541-1773: City, Caste and the Colonial Experience, Norman, University of Oklahoma Press, 1997.Google Scholar
44- « termine indico significante il rimanente o la minima parte ». Pour Francisco Berengher aussi, le lexique restait inchangé pour la descendance d’un père blanc et d’une mèrenoire.
45- Ce lexique concorde avec celui retenu par une bonne partie des documents officiels, comme en atteste par exemple la Recopilación de 1684.
46- La diffusion terminologique et les emprunts lexicaux mutuels entre régions américaines constituent un chantier abordé plus en détail dans mon ouvrage en cours de rédaction.
47- F. de Solano (éd.), Relaciones geográficas…, op. cit., t. 2, p. 481. Soulignons que dansces Relaciones, une autre classification particularisait la gente de razón, terme englobant l’ensemble des castes, par opposition aux Indiens, relégués ainsi à l’extrémité d’une classification intellectuelle.
48- AGI, MP-VARIOS, 38, Espagnols, Castizos, Mestizos, Indios, Mestindios, Mulatos, Negros, Moriscos, Lobos, Alvinos, Coyotes, Chinos. Padron de l’arzobispado de México, 1778 (sic).
49- L’émergence de ce vocabulaire est donc loin d’être une « création des élites » et c’est au sein de logiques beaucoup plus complexes qu’il faut tenter de comprendre leur genèse. Voir S. MÜLLER-WILLE et H. J. RHEINBERGER (éd.), Heredity Produced…, op. cit., p. 11, n. 43. En ce sens, les malentendus auxquels menait l’utilisation par les clercs de ce nouveau vocabulaire montrent que cette nomenclature, contrairement à ce qui est parfois affirmé, n’a jamais constitué une grille – encore moins un « système » – utilisée de manière cohérente et systématique par l’administration impériale, pas plus qu’ellen’a servi à établir les droits et les devoirs de chaque « caste ». L’expression « système des castes » est pourtant couramment utilisée par les anthropologues, les historiens de l’art et même par les historiens abordant cette thématique, quitte à constater l’inexis-tence de la plupart de ces termes dans la pratique légale et administrative. Voir, parexemple, J. CAñIZARES ESGUERRA, « New World, New Stars… », art. cit. ; I. Katzew, Casta Painting…, op. cit., chap. 2 et passim ; M. E. Martínez, « The Black Blood of NewSpain… », art. cit. ; Voss, Barbara L., « From Casta to Californio: Social Identity and the Archaeology of Culture Contact », American Anthropologist, 107-3, 2005, p. 461–474 CrossRefGoogle Scholar, ouencore R. MAZZOLINI, « Las Castas… », art. cit. Sur les tentatives de taxer les castes, voir Luis Gómez, Ramos et Gómez, Carmen Ruigómez, «Una propuesta a la coronapara extender la mita y el tributo a negros, mestizos y mulatos (Ecuador 1735-1748) », Revista complutense de Historia de América, 25, 1999, p. 99–110 Google Scholar. Pour la Nouvelle-Espagne, voir Delgado, Paulino Castañeda, «Un problema ciudadano: la tributación urbana », in De Solano, F. (éd.), Estudios sobre la ciudad iberoamericana, Madrid, CSIC, 1983, p. 513.Google Scholar
50- Les droits ecclésiastiques ne connaissent en ce sens, à l’intérieur des groupes non hispaniques, qu’une dichotomie Indiens/non-Indiens, et à l’intérieur de ce dernier ensemble, libres et non-libres. Le concile de Lima de 1613 prévoyait ainsi des droits communs aux quarterons, métis et mulâtres libres, plus élevés que ceux exigés des Noir set des mulâtres esclaves, plus élevés à leur tour que ceux correspondant aux Indiens libres. Voir Pino Díaz, Fermín del , « Historia natural y razas humanas en los ‘cuadros decastas’ hispano-americanos », in Romero de Tejada, P. (dir.), Frutas y castas « ilustradas », Madrid, Ministerio de Educación y Cultura y Deporte, 2003, p. 45–66, ici p. 47-48.Google Scholar
51- À Santiago du Chili, en 1760, Lorenzo Elguea, maître orfèvre, refuse ainsi d’être enrôlé dans le bataillon des pardos de la ville, arguant que ce bataillon était réservé aux sambos alors qu’il était lui-même requinteron, terme peu usité par la documentation locale. El maestro Lorenzo Elguea al Gobernador de Chile don Manuel de Amat y Junient, Santiago, 16 janvier 1760, AN du Chili, fonds Capitania General, vol. 830, fol. 391, in Anales de Desclasificación, vol. 1, La derrota del área cultural, 2, 2006, p. 783-784.
52- Ulloa énumère pourtant uniquement cinq termes : Jorge Juan Y Santacilia et Antonio de Ulloa, Relación histórica del viage a la América meridional, hecho de orden de S. Mag. para medir algunos grados de meridiano terrestre, y venir por ellos en conocimiento de la verdadera figura y magnitud de la tierra, con otras varias observaciones astronómicas y phísicas, Madrid, A. Marín, 1748, liv. I, chap. IV, p. 42. Voir également de Solano, Francisco, Antonio de Ulloa y la Nueva España, Mexico, UNAM, 1979, p. 78, 112 et 114.Google Scholar
53- AGI, Indiferente general, 1528, no 46, f. 43v, El pretendiente.
54- I. Katzew, Casta Painting…, op. cit., conclusion.
55- Il est intéressant de constater que cette dérive semble gagner la langue espagnole : le Diccionario de autoridades définit ainsi le terme gente blanca comme « gens de qualité » : ” personne honorable, noble, de qualité connue […] on la considère comme une préroga-tive naturelle, définissant comme bien nés ceux qui la possèdent », Diccionario de la lengua castellana…, op. cit., t. I, p. 616a.
56- Dans les termes de Don Juan de Valencia, chevalier de l’ordre de Saint-Jacques cité comme témoin pour accréditer la noblesse d’un prétendant liménien à l’ordre de Saint-Jacques en 1645 : « Dans la ville de Lima il n’y a pas de distinction d’états entre leschevaliers hidalgos et les plébéiens mais […] l’on reconnaît les chevaliers hidalgos de sang notoires par l’estime générale [dont ils jouissent] », AHN, Madrid, Fondo Ordenes Militares, Caballeros de Santiago, exp. 3704, f. 4v, c’est moi qui souligne.
57- Juan, Jorge et de Ulloa, Antonio, Noticias secretas de América, sobre el estado naval, militar, y político de los reynos del Perú, y provincias de Quito, costas de Nueva Granada y Chile, Londres, R. Taylor, [1747] 1826, partie II, chap. VI, p. 420 sq. Google Scholar
58- Sur l’importance accordée par les créoles de la Nouvelle-Espagne aux Espagnols d’Europe, voir Bertrand, Michel, Grandeur et misère de l’office. Les officiers de finances de Nouvelle-Espagne, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, chap. 5Google Scholar ; pour Carthagène, voir J. Juan Y Santacilia et A. de Ulloa, Relación histórica del viage a la América meridional…, op. cit., 1748, t. I, p. 40-41.
59- Ibid., chap. IV, § 61.
60- Ce que la série anonyme de Puebla met explicitement en images vers 1750.
61- Feijoo, Benito Jerónimo, Teatro crítico universal, Madrid, Blas Moran, [1726] 1775, t. IV, p. 109.Google Scholar
62- Texte de Andrés de Arce yMiranda envoyé en octobre 1746 à Juan José de Eguiara y Eguren, auteur de la Bibliotheca Mexicana, dictionnaire des grands lettrés de la Nouvelle-Espagne conçu comme une réponse aux attaques contre le génie créole, cité par E. Castro Morales, «Los cuadros de castas de la Nueva España », art. cit., p. 679.
63- Meléndez, Juan de, Tesoros verdaderos de las Yndias en la historia de la gran prouincia de san Iuan Bautista del Peru, Rome, Nicolas Angel Tinassio, 1682, vol. 1, p. 349.Google Scholar
64- I. Katzew, Casta Painting…, op. cit., p. 51.
65- Lettre d’Andrés de Arce y Miranda citée par E. Castro Morales, «Los cuadros de castas de la Nueva España », art. cit., p. 679-680.
66- J. Juan et A. de Ulloa, Noticias secretas de América…, op. cit., partie II, chap. VI, p. 421.
67- Cité par E. Castromorales, «Los cuadros de castas de la Nueva España », art. cit., c’est moi qui souligne.
68- Le mulâtre (aussi bien afro-indien qu’afro-européen) ne peut « jamais quitter sa condition », car selon Pedro Alonso O’Crouley, « l’élément espagnol est absorbé et perdu » dans la condition du Noir ou du mulâtre. Voir de Gerlero, Elena Isabel Estrada, « Las pinturas de castas, imágenes de una sociedad variopinta », in Sabau García, M. L. (dir.), Mexico en el mundo de las colecciones de arte, vol. 4, Nueva España, dir. par E. Vargaslugo, Mexico, UNAM, 1994, p. 79–113, ici p. 83Google Scholar ; H. L. Bennett, Colonial Blackness…, op. cit., p. 185, n. 8.
69- Voir en ce sens les remarques de F. del Pino Díaz, «Historia natural y razas huma-nas… », art. cit., p. 55.
70- Le recueil de Melchisédech Thévenot – il avait amassé plus de 290 manuscrits représentant ce que l’on pouvait savoir du monde dans l’Europe de son temps – est l’exemple même de la diffusion et de l’intérêt suscité par cette littérature : Melchisédech Thévenot, Relation de divers voyages curieux, qui n’ont point esté publiées ou qui ont esté traduites d’Hacluyt, de Purchas et d’autres voyageurs anglois, hollandois, portugais, allemands, espagnols et de quelques persans, arabes et autres auteurs orientaux, Paris, [plusieurs éd.], 1663-1696, 4 vol. Sur Thévenot, son importance dans la création de l’Académie royaledes sciences et la littérature de voyages, voir Dew, Nicholas, «Reading Travels in the Culture of Curiosity: Thévenot's Collection of Voyages », Journal of Early Modern History, 10-1/2, 2006, p. 39–59.CrossRefGoogle Scholar
71- Thomas Gage,Nouvelle Relation, contenant les voyages de Thomas Gage dans la Nouvelle-Espagne, ses diverses aventures, et son retour par la province de Nicaragua jusques à la Havane […] Ensemble une description exacte des terres et provinces que possedent les Espagnols en toute l’Amérique […] de leurs mœurs et de celles des criolles, des metifs, des mulatres, des indiens, etdes negres […], Amsterdam, Paul Marret, [1648] 1699.
72- Lettre du père Taillandier au père Willard de la Compagnie de Jésus, à Pondichéry le 20 février 1711, dans Lettres édifiantes et curieuses, écrites des Missions étrangères, par quelques missionnaires de la Compagnie de Jésus. Recueil XI, Paris, chez Nicolas Le Clerc, 1715, p. 119.
73- Pernety, Antoine-Joseph, Journal historique d’un voyage fait aux îles Malouines en 1763 & 1764, Berlin, Étienne de Bourdeaux, 1769, t. 1, p. 150–151.Google Scholar La tournure même de saphrase n’est pas sans rappeler en effet la remarque du père Taillandier… ou celled’Amé Frézier, dée, Relation du voyage de la mer sud aux côtes du Chily et du Pérou faitpendant les années 1712, 1713 et 1714, Paris, J.-G. Nyon, 1716, p. 63.Google Scholar
74- Du Tertre, Jean-Baptiste, Histoire générale des Antilles habitées par les François, Paris, T. Jolly, 1667, t. 2, traité VIII, chap. 2, § 5, p. 511.Google Scholar
75- Il faut insister sur l’important saut conceptuel que constitue l’émergence de l’idée même de mélange, d’entre-deux, en parlant de la généalogie des individus, souvent perçue comme allant d’elle-même. Auparavant considérés comme tenant fondamentale-ment de l’un ou l’autre de ses progéniteurs (hypodescendance, hyperdescendance ou patrilinéarité exclusive), les «mixtes » ne deviennent tels que parce que le regard porté sur ces alliances « hétérogènes » a changé de manière radicale.
76- Ces appellations « coloristes » précèdent cependant de beaucoup Moreau de Saint-Méry : Saint-Méry, Médéric Louis Élie Moreau de, Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l’isle Saint-Domingue, Paris, T. Morgand/L. Guérin, [1797-1798] 1875, p. 93.Google Scholar
77- Les termes Noir, mulâtre, quarteron, métis, griffe et Indien sont en effet communs à Moreau de Saint-Méry et au vocabulaire de la Nouvelle-Espagne.
78- Pour Moreau de Saint-Méry en effet, l’arbitrage se fait en définitive sur la base d’un savoir pratique local, fondé sur le consensus social. M. Moreau de Saint-Méry, Description topographique…, op. cit., p. 100.
79- Et souvent dans des termes très proches, comme le souligne Edward Long : «The Dutch, […] add drops of pure water to a single drop of dusky liquor, until it becomes tolerably pellucid. But this needs the apposition of such a multitude of drops, that, to apply the experiment by analogy to the human race, twenty or thirty generations, perhaps, would hardly be sufficient to discharge the stain », Long, Edward, The History of Jamaica, or General Survey of the Antient and Modern State of that Island, Londres, T. Lowndes, 1774, p. 261 Google Scholar. Malgré la différence de la conclusion, l’analogie entre les métaphores espagnole et hollandaise rend compte d’une matrice commune pour penser l’« alchimie des lignages », matrice qui use de la métaphore de l’eau, mais, surtout, de celle de l’expérience en laboratoire.
80- Ici, comme en Nouvelle-Espagne, la terminologie phénotypique semble régionale-ment spécifique, le nom casque n’apparaissant pas dans le lexique présenté par Moreaude Saint-Méry.
81- Histoire de l’Académie royale des Sciences, Paris, Imprimerie royale, 1724, p. 17-19.
82- Jean-Baptiste Labat, Nouveau voyage aux isles de l’Amérique, contenant l’histoire naturelle de ces pays, l’origine, les mœurs, la religion et le gouvernement des habitans anciens et modernes, les guerres et les événemens singuliers qui y sont arrivez […] le commerce et les manufactures qui y sont établies, La Haye, P. Husson, 1724, 2e partie, chap. VI notamment, citation p. 35
83- Dans les termes du Pretendiente : « Dans cette espèce de génération [celle des descendants des Africains], plus le descendant s’éloigne de cette origine, plus l’estime poursa couleur et sa qualité grandissent, ce qui explique que le fils d’un Espagnol et d’une Noire soit inapte à l’exercice des emplois publics [alors] que le Requinteron, qui pro-vient de la même origine, en raison de son éloignement de six degrés par rapport à celle-ci, est apte à occuper ces charges car il devient Espagnol commun et s’est détourné de cette [autre] origine », AGI, Indiferente general, 1528, no 46, f. 42v.
84- E. Long, The History of Jamaica, op. cit., liv. II, chap. XIII, p. 261.
85- Ce qu’Ulloa exprime en précisant « la blancheur accidentelle prend là-bas [au Pérou] la place qui devrait revenir à la plus haute hiérarchie de la qualité », J. Juan et A. de Ulloa, Noticias secretas de América…, op. cit., partie II, chap. VI, p. 421.
86- B. J. Feijoo, Teatro crítico universal, op. cit., 3e discours, § II, 6, p. 67-68.
87- M. Moreau de Saint-Méry, Description topographique…, op. cit., p. 100.
88- En ce sens, le milieu dans lequel circulaient des hommes comme Ulloa ou O’Crouley est fondamental. Ulloa maintenait des relations étroites, comme correspondant ou comme membre, avec les Académies royales des sciences de Paris, de Londres, de Berlin et de Stockholm. Ulloa a par ailleurs été le promoteur du Cabinet d’histoire naturelle de Madrid et le premier directeur du Jardin des plantes de la ville, voir F. de Solano, Antonio de Ulloa y la Nueva España, op. cit., p. XXXV et 225. O’Crouley, quant à lui, était membre de plusieurs sociétés économiques et scientifiques (la Real Academia de Historia, la Society of Antiquaries of Scotland, la Real Sociedad Bascongada de los Amigos del País et la Sociedad Económica Matritense). Son cabinet de curiosités était célèbre à Cadix. Voir E. I. Estrada de Gerlero, «Las pinturas de castas… », art. cit., p. 83.
89- Leopoldo M. A. Caldani, «Congetture intorno alle cagioni del vario colore degli Africani, e di altri popoli; e sulla prima origine du questi », in Memorie di Matematica e Fisica della Societa Italiana, t. 8, 1re partie, 1799, table XV.
90- S. Müller-Wille et H.-J. Rheinberger (éd.), Heredity Produced…, op. cit.
91- Paul Valéry ne disait-il pas que la noblesse était « une propriété mystique de la liqueur séminale » ? Voir Robert Descimon, « La haute noblesse parlementaire parisienne : la production d’une aristocratie d’État aux XVIe et XVIIe siècles », in Contamine, P. (éd.), L’État et les aristocraties (France, Angleterre, Écosse), XIIe-XVIIe siècles, Paris, Presses de l’ENS, 1989, p. 335–357, ici p. 353.Google Scholar
92- Sur l’influence de Nicolas Hartsoecker sur ce débat, voir Nicolas Hartsoecker, , Essay de dioptrique, Paris, J. Anisson, 1694, p. 230 Google Scholar. Il y développe également l’idée selon laquelle tous les êtres à venir étaient contenus dans la semence des hommes, vue créationniste qu’il prétend avoir communiqué à Nicolas Malebranche. Voir également Correia, Clara Pinto, The Ovary of Eve: Egg and Sperm Preformation, Chicago, University of Chicago Press, 1997.CrossRefGoogle Scholar
93- Regnier De Graaf pensait que la semence masculine ne faisait qu’activer l’être préformé dans l’œuf féminin. Regnier de GRAAF, Histoire anatomique des parties génitales de l’homme et de la femme, qui servent à la génération, avec un traité du suc pancréatique, des clystères et de l’usage du siphon, Bâle, J. G. König, [1672] 1699.
94- J.-B. Labat, Nouveau voyage aux isles de l’Amérique…, op. cit., 2e partie, chap. VI, p. 35.
95- Foster, George M., «Relationships between Spanish and Spanish-American Folk Medicine », The Journal of American Folklore, 66-261, 1953, p. 201–217 CrossRefGoogle Scholar ; Beltrán, Carlos López, «Hippocratic Bodies: Temperament and Castas in Spanish America (1570-1820) », Journal of Spanish Cultural Studies, 8-2, 2007, p. 253–289.CrossRefGoogle Scholar
96- J. Cañizares Esguerra, «New World, New Stars… », art. cit.
97- Le père Feijoo lui-même insiste sur l’influence du climat sur la complexion (et notamment la couleur) des hommes, B. J. Feijoo, Teatro critico universal, op. cit., t. VII, 3e discours, § 39.
98- François Bernier, notamment, se prononce contre cette idée reçue. [François Bernier], «Nouvelle Division de la Terre, par les differentes Espèces ou Races d’hommes qui l’habitent », Journal des Sçavans, XII, 24 avril 1684, p. 133-142, ici p. 135.
99- Voir par exemple Buffon sur la couleur des Espagnols, Buffon, Georges-Louis Leclerc, Histoire naturelle générale et particulière, avec la description du cabinet du Roy, Paris, Imprimerie royale, 1749, t. III, p. 442 CrossRefGoogle Scholar, et Illustrations de Histoire naturelle générale et particulière, servant de suite à l’histoire naturelle de l’homme, Paris, Imprimerie royale, 1777, p. 267-268.
100- Axtell, James, Natives and Newcomers: The Cultural Origins of North America, New York, Oxford University Press, 2001, p. 310 Google Scholar ; pour le XXe siècle, voir Anderson, Warwick, The Cultivation of Whiteness: Science, Health and Racial Destiny in Australia, New York, Basic Books, 2003.Google Scholar
101- Mather, Increase, The Necessity of Reformation, Boston, John Foster, 1679, p. 7 Google Scholar, cité par J. Axtell, Natives and Newcomers…, op. cit.
102- Voir Bauer, Ralph, «Creole Identities in Colonial Space: The Narratives of Mary White Rowlandson and Francisco Núñez de Pineda y Bascuñán », American Literature, 69-4, 1997, p. 665–695 CrossRefGoogle Scholar. Bauer affirme ici avec raison le caractère hémisphérique des problèmes « coloniaux » soulevés par Rowlandson et Pineda dans leurs contextes spécifiques.
103- Mather, Cotton, Selected Letters of Cotton Mather, éd. par K. Silverman, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1971, p. 397–399 Google Scholar, cité par J. Axtell, Natives and Newcomers…, op. cit., p. 314. La lettre en question avait été envoyée par Mather à une équipe de médecins anglais intéressés par l’influence du climat.
104- Si les termes ne sont pas forcément ceux-là, les agriculteurs sont confrontés depuis la nuit des temps à l’importation, l’acclimatation et l’hybridation de plantes exotiques. Le langage de ces activités est celui de la souche et de la parenté, de l’amélioration ou de la déchéance (pour « dégénération »). Voir, en ce sens, Étienne, Charles, Agriculture et maison rustique, Paris, Jacques Dupuy, 1564, liv. III, p. 187 Google Scholar (espèce) et Serres, Olivier de, Le théâtre de l’Agriculture et mesnage des champs, Genève, Samuel Chouet, [1600] 1651, p. 601–602.Google Scholar
105- Albert Eckhout faisait partie du groupe de peintres, dessinateurs et hommes de sciences ayant accompagné Johan Maurits de Nassau-Siegen lors de sa désignation comme gouverneur de la colonie hollandaise du Nord-Est brésilien par la compagnie hollandaise des Indes occidentales en 1637. Voir Quentin BUVELOT (éd.), Albert Eckhout: A Dutch Artist in Brazil, La Haye/Zwolle, Royal Cabinet of Paintings Mauritshuis/Waanders Publishers, 2004 ; Brienen, Rebecca Parker, Visions of a Savage Paradise: Albert Eckhout, Court Painter in Colonial Dutch Brazil, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2006 CrossRefGoogle Scholar. Pour les représentations d’hommes et de femmes tupi et tapuya inspirées directement d’Eckhout, voir liv. VIII, chap. VI de l’Historia naturalis.
106- La représentation d’une femme chichimèque par A. de Arellano, considérée comme le premier exemple du genre des castes par I. Katzew notamment, représente ainsi une sorte de madone indienne à l’enfant, lequel tient dans ses mains un épi de maïs et un oiseau exotique. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, cette tendances ’affirme clairement et le déploiement de l’exubérance botanique de la Nouvelle-Espagne devient une constante du genre. Voir Dante Martinsteixeira et Elly de Vries, «Exotic Novelties from Overseas », in Q. Buvelot (éd.), Albert Eckhout…, op. cit., p. 64-107.
107- Lettre de M. Leibniz à M. Sparvenfeld [1696], dans Feller, Joachim Friedrich, Otium hanoveranum, sive, Miscellanea, Leipzig, J. C.Martini, 1718, p. 38 Google Scholar, cité par N. Hudson, « From ‘Nation’ to ‘Race’… », art. cit., p. 254.
108- B. J. Feijoo, Teatro crítico universal, op. cit., t. VII, § 46 et 53.
109- S. Müller-Wille et H.-J. Rheinberger (éd.), Heredity Produced…, op. cit., chap. 1.
110- Ibid., p. 13.
111- Kant, Emmanuel, «Définition du concept de race humaine », Idée d’une histoireuniverselle au point de vue cosmopolitique, Paris, Éd. Pédagogie moderne, [1785] 1981.Google Scholar
112- Ibid., p. 94.
113- Concernant la malédiction de Cham par exemple, mobilisée tour à tour pour légitimer le statut des serfs au Moyen Âge et pour justifier l’esclavage moderne des Africains, voir Freedman, Paul, « Sainteté et sauvagerie. Deux images du paysan au Moyen Âge », Annales ESC, 47-3, 1992, p. 539–560 Google Scholar ; Braude, Benjamin, «The Sons of Noah and the Construction of Ethnic and Geographical Identities in the Medieval and Early Modern Periods », The William and Mary Quarterly, 3e série, 54-1, 1997, p. 103–142.CrossRefGoogle Scholar
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- Cited by
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Translation available: “Muchos negros, mulatos y otros colores”: Visual Culture and Colonial Knowledge in the Eighteenth Century*