Published online by Cambridge University Press: 11 October 2017
” Il fleurit de 1620 à 1660 », déclare prudemment le Dictionnaire de Biographie d'Ecosse. Né sur les bords du Forth, étudiant à Edimbourg, bachelier de théologie se destinant au sacerdoce mais non ordonné prêtre, du moins par les Écossais, il reçoit de son roi la charge de Daddiston, qu'il semble avoir abandonnée pour venir poursuivre ses études en France. Éprouvait- il quelques doutes sur certains points de la foi, au sujet desquels les presbytériens ne transigeaient guère ? On trouve sa trace au collège protestant de Saumur, vers 1620, où il enseigne, nous dit la courte notice du D. N. B., la philosophie. Il se nomme Monteith ou Menteith, se dit parent d'un comte de Monteith qui est venu servir dans la garde écossaise au tournant du siècle, mais c'est un cousinage qui vaut peut-être plus à Paris que dans son pays.
page 185 note 1. Cité par Francisque Michel, Les Écossais en France, t. II, p. 301.
page 185 note 2. « Comme j'étais obligé de prendre les ordres, je fis une retraite dans Saint-Lazare, où je donnais à l'extérieur toutes les apparences ordinaires. L'occupation de mon intérieur fut une grande et profonde réflexion sur la manière que je devais prendre pour ma conduite. Elle était très difficile : je trouvais l'archevêché de Paris dégradé, à l'égard du monde, par les bassesses de mon oncle, et désolé, à l'égard de Dieu, par sa négligence et par son incapacité. Je prévoyais dos oppositions infinies à son rétablissement : et je n'étais pas si aveugle que je ne connusse que la plus grande et la plus insurmontable était dans moi-même. Je n'ignorais pas de quelle nécessité est la règle des moeurs à un évêque. Je sentais que le désordre scandaleux de celles de mon oncle me l'imposait encore plus étroitement et plus indispensable qu'aux autres ; et je sentais en même temps que je n'en étais pas capable, et que tous les obstacles de conscience et de gloire que j'opposerais au dérèglement ne seraient que des digues fort mal assurées. Je pris, après six jours de réflexion, le parti de faire le mal par dessein : ce qui est sans comparaison le plus criminel devant Dieu, mais ce qui est sans doute le plus sage devant le monde ; parce qu'en le faisant ainsi, l'on y met toujours des préalables qui en couvrent une partie, et parce que l'on évite par ce moyen le plus dangereux ridicule qui se puisse rencontrer dans notre profession, qui est de mêler à contre-temps le péché avec la dévotion. »
page 186 note 1. Il est cependant permis de penser que c'est de-lui qu'il est question lorsque le cardinal raconte comment il a connu Montrose, « le seul homme au monde », dit-il, « qui m'ait jamais rappelé l'idée de certains héros que l'on ne voit plus que dans les vies de Plutarque ». (C. I., t. II des Mémoires, p. 110, éd. Petitot, Paris, 1825). Il ajoute : i II vint à Paris un peu avant la guerre civile, et je fis connaissance avec lui par un Écossais qui était à moi, et qui se trouvait un peu son parent. » Or, cette visite eut lieu en 1646, et Montet de Salmonet à cette date était entré au service du caodjuteur. Qu'il fut un peu parent de Montrose veut sans doute dire qu'il se rattachait à un clan affilié (Monteith). On a vu que Sinclair de Rosslyn le déclare issu « d'une des plus nobles familles d'Ecosse ».
S'il en était ainsi, c'est Montet qui aurait servi de lien non seulement entre le coadjuteur et Montrose, mais aussi entre le coadjuteur et les débris de l'armée écossaise restée fidèle aux Stuarts. Montet y comptait un cousin qui mourut dans les rangs de l'armée française en 1675, après 26 ans de bons et loyaux services. Les bons offices que de Retz se flatte d'avoir eus pour Montrose ne furent pas oubliés par les compagnons d'armes de celui-ci : « Près de cent officiers, la plupart gens de qualité, et tous de service. » C'est à eux que Retz pense d'abord pour armer ce Tiers Parti dont il propose en 1652 à Monsieur de prendre la tête. C'est eux qu'il appelle, à la requête de M. de Caumartin, pour assurer sa sécurité personnelle et mettre Notre-Dame en état de soutenir un siège (Mémoires, t. III, p. 37-38 et 129-130). «M. de Caumartin envoya sur le champ quérir chez lui mille pistoles (car je n'en avais pas vingt chez moi), avec lesquelles je fis quelques soldats. Je les joignis à des officiers réformés, que j'avais toujours conservés des restes du comte de Montrose… » (4-13 juillet 1652).
Si Mazarin et la reine elle-même semblaient se soucier fort peu du dénuement où vivaient la reine d'Angleterre et sa fille, qui couchent sans feu au Louvre au plus fort de l'hiver, Retz s'entremet pour trouver quelque argent pour Charles II, qui arrive à Paris «sans chemise ». Monsieur refuse tout secours, et c'est le coadjuteur qui trouve 1 500 pistoles, sur son crédit, car il n'a pas un sou vaillant (Mémoires, t. II, p. 151). Il ne perd pas une occasion pour afficher son mépris de Çromwell, son aversion, et protester contre l'idée qu'il aurait pu accueillir ses émissaires en Protecteur ou céder à ses sollicitations (Mémoires, t. II, p. 418, et t. III, p. 226). Cette fidélité à la cause des Stuarts ne s'explique-t-elle pas aisément par le désir de se ménager les services de ces cents braves sans emploi qui battent le pavé de Paris? Ils valaient bien les gueux et les taverniers, et rentraient dans cette catégorie de pauvres honteux que le futur cardinal savait si bien se ménager. Montet, et ces braves eux-mêmes, n'y voyaient probablement que du feu.
page 187 note 1. Il continue : « Car, pour sa naissance elle est de l'une des plus illustres familles d'Ecosse, sa vie a été pleine de bons exemples, et les vertus chrétiennes et morales ne se sont pas moins signalées en sa personne, qu'il a toujours fait paraître de doctrine et de clarté dans son esprit ; d” sorte que l'on peut bien dire, sans hyperbole, qu'il a été l'un des plus excellents hommes de son siècle, et cependant, pour toutes ses rares qualités, la fortune lui a été si contraire qu'il en a ressenti toutes les disgrâces : mais elles lui eussent été beaucoup moins sensibles, si elles ne lui eussent pas été communes avec son Prince légitime et avec tous les fidèles sujets de ses États, et tous les serviteurs de la Maison royale, dont les intérêts lui étaient plus chers que sa propre vie. Il le fait assez paraître, si je ne me trompe, par tous ses écrits, où il est Bien juste de comprendre cette excellente Remontrance qu'il fit au Sérénissime Prince Charles II roi de la Grande-Bretagne, en l'année 1652 par laquelle se voit le zèle ardent qu'il avait pour la gloire do Dieu, l'avancement de la Foi catholique, et le profond respect qu'il portait au Saint-Siège. »
page 187 note 2. A Monsieur DE Salmonet. — « Monsieur, la modestie est une belle vertu ; mais elle est injurieuse aux autres vertus ; mais quelquefois elle rend faux témoignage ; mais souvent elle trompe ceux qui la croient…. Agissons, je vous prie, avec plus de sincérité. Ne faites plus le pauvre dans l'abondance. Reconnaissez la noblesse de votre esprit, et les richesses de votre style ; vos biens naturels et vos biens acquis ; autrement je croirai que vous êtes plus fin que vous n'êtes humble, et que possédant notre langue souverainement, vous voulez couvrir de modestie l'ambition de régner au pays d'autrui. Si c'est par la raison et par le discours que s'établit cette sorte de souveraineté, je suis déjà un de vos sujets. Quatre jours durant vous avez fait de moi ce qu'il vous a plu : j'ai été en votre puissance tant que j'ai été après votre Histoire…. Vous m'avez pris par où il vous sera facile de me tenir, et vous devez croire que je serais un des plus zélés partisans de votre mérite, quand je ne serais pas au point que vo3 civilités m'obligent de l'être, Monsieur, votre, etc….»
page 188 note 1. Mot cité par Michel, F., Les Écossais en France, I, p. 300 Google Scholar.
page 188 note 2. Hic est, quem legis et stupes legendo…. Ces vers ne font guère honneur à la Muse ménagère, mais ils disent assez l'étonnement des gens d'alors à découvrir qu'un obscur Écossais pouvait devenir un très grand écrivain dans notre langue. J'avoue que cette stupeur, je l'ai éprouvée moi-même, au point de me demander si ce mystère ne s'expliquait pas grâce à une collaboration que pourtant les contemporains ne semblent pas soupçonner.
page 188 note 3. « Ayant composé sous vos auspices l'histoire de la plus étrange révolution qui soit jamais arrivée dans le Monde, je prend la liberté de vous la présenter selon que mon devoir, aussi bien que mon inclinaison m'y obligent étroitement. Car si j'ai été à couvert du fort de la tempête qui a agité la Grande-Bretagne, autant chérie du Ciel autrefois qu'elle est maintenant l'objet de son courroux, et si j'ai respiré après un naufrage qui a bouleversé un des plus florissants États de l'Europe, je le dois à votre favorable protection. »
page 189 note 1. Ce sont les Écossais.
page 189 note 2. Le passage souligné permettrait à lui seul de dater le morceau. Monteith connaît l'ambition avouée du coadjuteur. Son âge, et les droits de l'amitié, lui permettent de glisser dans la louange quelques avertissements solennels.