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Malcolm Walsby, Booksellers and Printers in Provincial France 1470-1600, Leyde, Brill, 2020, x-901 p.

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Malcolm Walsby, Booksellers and Printers in Provincial France 1470-1600, Leyde, Brill, 2020, x-901 p.

Published online by Cambridge University Press:  12 January 2023

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Abstract

Type
Livres et circulation des savoirs (comptes rendus)
Copyright
© Éditions de l’EHESS

Regroupant en près d’un millier de pages les notices biographiques de quelque 2 743 libraires, imprimeurs et relieurs, cet imposant dictionnaire dresse un panorama aussi exhaustif que possible des acteurs de la diffusion du livre dans les provinces du royaume de France (Lyon exclu) aux xve et xvie siècles. Ce faisant, il vient combler les lacunes d’une historiographie généralement attachée à l’étude des grands centres de production (essentiellement Paris et Lyon), qui a trop eu tendance à délaisser ce que Pierre Aquilon appelait les « réalités provincialesFootnote 1 ».

Pour réunir la matière de son ouvrage, Malcolm Walsby a fait feu de tout bois : il a exploité les répertoires bibliographiques, consulté les imprimés originaux (près de 40 000 exemplaires), dépouillé les revues des sociétés savantes locales et retrouvé des documents d’archives souvent inédits (notamment dans les dépôts de Bordeaux, Rouen, Troyes et Toulouse, où la moisson a été particulièrement fructueuse). Certes, toutes les informations rassemblées dans cet ouvrage de synthèse ne sont pas entièrement nouvelles, loin de là ; mais on mesure, en feuilletant cet usuel, le travail considérable qu’a requis l’exécution de ce projet. Le résultat est un outil de recherche appelé à devenir incontournable pour tout ce qui concerne l’histoire du livre dans les différentes provinces du royaume de France.

Le contenu de chaque notice est réparti en différentes zones d’information. Après le nom de l’individu concerné sont mentionnés ses dates et lieux d’exercice, la nature de son activité (librairie, imprimerie, reliure, enluminure, etc.), les variantes de son nom (notamment sa forme latine) et son adresse. Viennent ensuite une biographie (plus ou moins succincte), la liste des partenaires commerciaux connus (par des partages d’édition ou des contrats conclus en commun), la mention d’une éventuelle marque commerciale (device) ou d’une devise (motto) et, pour les imprimeurs, la liste (non exhaustive) des caractères typographiques possédés, dûment identifiés grâce au Typenrepertorium der Wiegendrucke de Konrad Haebler ou au Conspectus de Hendrik Vervliet. Suivent enfin deux zones qui détaillent les documents d’archives et les principales références bibliographiques utilisées. La notice est parfois complétée par une illustration qui présente la marque ou la signature de l’intéressé.

Conçu pour la consultation, ce livre n’est pas de ceux qu’on lit de bout en bout. Il ménage cependant d’heureuses surprises à qui entreprend de le parcourir. Notons d’abord qu’il ne se contente pas de recenser les chefs d’entreprise : un assez grand nombre d’apprentis et de compagnons s’y trouvent répertoriés aux côtés de leurs maîtres, tels Raymond Bornet, fils d’un fermier d’Auzeville, apprenti imprimeur chez Laurent Carrière à Toulouse en 1511, ou Jean Masselin, ouvrier de Simon Millanges, à Bordeaux, en 1598, dont l’existence a pu être découverte grâce au dépouillement des archives notariales. Une attention particulière est également prêtée à la place des femmes dans le commerce du livre : à la centaine de veuves qui font ici l’objet d’une entrée spécifique s’ajoutent les noms de quelque 600 épouses dont l’identité est révélée au fil des notices, et qui sont répertoriées dans un très utile index spécifique (p. 895-901). M. Walsby s’est également attaché à reconstituer les arbres généalogiques d’une douzaine d’importantes dynasties de libraires provinciaux : les de Burges (Rouen), Colomiès (Toulouse), Cottereau (Chartres), Du Gort (Rouen), Haultin (Paris, Le Mans, La Rochelle), Hotot (Orléans), Le Coq (Troyes), Macé (Caen/Rennes), Mallard (Rouen), Marnef (Poitiers/Paris), Pisson (Chartres) et Siffleau (Tours). Qui a un jour entrepris de démêler l’écheveau généalogique d’une famille d’artisans de la Renaissance sait combien de tels arbres sont précieux, et ce que leur élaboration exige de labeur patient et minutieux.

Alors que le volume comporte une série d’index très utiles, on doit toutefois – et ce sera notre seul regret – déplorer l’absence d’une table des lieux d’activité des individus répertoriés. En se dotant d’un index géographique, ce dictionnaire aurait en effet permis de se faire, en un clin d’œil, une idée des « forces » en présence sur le marché du livre dans les différentes provinces du royaume, apportant une aide essentielle à de futurs travaux d’histoire locale. Cette table aurait par ailleurs offert une voie d’accès bien plus large au contenu de ce vaste répertoire : en son absence, le lecteur en est réduit à rechercher des individus dont les noms, et donc l’existence, lui sont déjà connus, courant ainsi le risque de passer à côté d’une information utile à ses travaux.

Le dictionnaire proprement dit est précédé d’une courte synthèse introductive qui permet de sortir des limites de la stricte prosopographie. Cartes à l’appui, M. Walsby commence par mettre en évidence la densité du maillage des points de vente de livres dans le royaume de France : tandis que les grands centres éditoriaux se comptent sur les doigts d’une seule main, plus de 200 villes sont connues pour avoir accueilli des libraires. Ce nombre élevé démontre que, contrairement à une idée reçue, la plupart des habitants du royaume disposent, au xvie siècle, d’un accès relativement aisé à l’imprimé.

En faisant le décompte des marchands répertoriés dans chacune de ces villes, l’auteur met en évidence l’existence de centres provinciaux particulièrement actifs (Rouen, Troyes, Angers, Orléans, Poitiers, Bordeaux, Toulouse, Avignon), probables relais dans lesquels des libraires-grossistes qui traitent avec les principaux marchands lyonnais et parisiens réceptionnent des ouvrages qu’ils diffusent ensuite aux détaillants établis dans les petites localités voisines. M. Walsby se garde toutefois de décrire la situation comme uniforme sur l’ensemble du royaume. Au contraire, la comparaison des rôles de taxes des habitants de Troyes et de Dijon lui permet de démontrer que, dans ces deux villes de taille pourtant comparable, le marché du livre s’organise d’une façon radicalement différente : centralisé dans les mains d’une poignée de libraires riches et puissants à Dijon, il est partagé entre une multitude de petits marchands à Troyes.

En exploitant les données relatives aux alliances professionnelles qu’il a pu réunir, l’auteur propose enfin une remarquable série de cartes des réseaux commerciaux des libraires lyonnais (p. 20), parisiens (p. 21) et poitevins (p. 22), dont la comparaison est éloquente. Si elle ne saurait s’y substituer, cette brève introduction nous donne ainsi un avant-goût de l’ouvrage de synthèse sur le commerce du livre dont M. Walsby a achevé la rédaction et dont la publication se fait attendre depuis de longues années. Ce futur livre (qui s’intitulera Entre l’atelier et le lecteur) est d’ailleurs annoncé, par erreur (p. 4, n. 14), comme déjà publié ! Le répertoire proposé ici rendra donc à l’avenir de très utiles services à la communauté scientifique. D’un format agréable à manier, servi par une mise en page claire et efficace, le volume de M. Walsby constitue un instrument de travail indispensable appelé à intégrer sans délai le rayon des usuels de nos bibliothèques.

References

1 Pierre Aquilon, « Les réalités provinciales », in R. Chartier et H.-J. Martin, Histoire de l’édition française, t. 1, Le livre conquérant, du Moyen Âge au milieu du xviie siècle, Paris, Promodis, 1982, p. 351-366.