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Luttes pour le pouvoir dans les ateliers. Ouvriers et direction dans la sidérurgie des années cinquante au Japon

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Andrew Gordon*
Affiliation:
Duke University

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Les études historiques des relations de travail dans le Japon d'aprèsguerre commencent par l'analyse de la crise de 1945-1950, juste après la guerre. Les historiens ont surtout décrit, en détail, cette époque comme une période de luttes révolutionnaires des syndicats contre le patronat, l'État et même les autorités d'occupation américaines. Ils considèrent tous que les syndicats sont d'abord parvenus à s'emparer pratiquement de l'autorité dans l'entreprise aux dépens de la direction et que les patrons ont ensuite repris l'initiative et recouvré leur autorité. Ils s'opposent sur la date exacte de ce renversement de tendance, 1946 ou 1947, et sur le caractère, dommageable ou bénéfique, de l'échec de cette offensive révolutionnaire. Cependant, les historiens du mouvement ouvrier sont, comme dans les autres pays, marxistes ou progressistes ; ils insistent donc sur l'échec qu'ils jugent regrettable d'une occasion perdue.

Summary

Summary

This article studies the Nippon Kokan (NKK) steel mills as typical cases of the postwar transformation of labor-management relations that began in the 1950s in Japan. It describes changes in the supervision of workers and in quality control that were part of a managerial strategy to rationalité production in the context of a massive investment drive. In thèse same years, the union at NKK became increasingly militant in the workplace and in wage actions, winning strong support among many workers and posing a significant threat to the company's rationalization program. The study describes the sources of the union's strength, as well as internai weaknesses and externat pressures that led to the ultimate transformation of the union into a body that rejected a stance of confrontation and résistance to management.

Type
Le Modèle Japonais D'Organisation du Travail
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1994

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References

1. Yamamoto Kiyoshi est le plus intéressant analyste des relations du travail de cette époque. On décèle une connotation de regret dans ses travaux. Trois volumes doivent être lus pour toute étude sérieuse de la « crise d'après-guerre ». Il examine les conflits pour le contrôle des ateliers en 1945-1946, Sengo kiki ni okeru rôdô undô, Ochanomizu Shobô, 1977, les grèves de 1945 et 1946 au Journal Yomiuri, Yomiuri sôgi, Ochanomizu Shobô, 1978, et la grève de 1949 chez Toshiba, Toshiba sôgi, Ochanomizu Shobô, 1983.

2. Shinzô, Shimizu éd., Sengo rôdô kumiai undô shiron : Kigyô shakai chôkoku no shiza, Nihon hyôronsha, 1982, p. II.Google Scholar Si cette étude met l'accent sur la participation des ouvriers et des entreprises à la « nation-entreprise », des travaux plus récents des disciples de Shimizu, en adaptant ses idées, décrivent l'impact du rôle accru des syndicats, même ceux considérés comme « coopératifs », pour limiter ou combattre le contrôle de la direction sur la main-d'œuvre. Par exemple, Hyôdô|Tsutomu et Hideo, Totsuka éds, Rôshi kankei no tenkan to sentaku : Nihon no jidôsha sangyô, Nihon hyôronsha, 1991.Google Scholar

3. Parmi les études les plus importantes de ce type, on peut citer, par ordre de mes lectures, du plus prudent au plus vindicatif : Koike Kazuo, Shokuba no rôdô kumiai to sanka : rôshi kankei no nichibei hikaku, Tôyô keizai shinpôsha, 1977, Michio, Nitta, Nihon no rôdôsha sanka, Tokyo University Press, 1988 Google Scholar et Mitsuo, Ishida, Chingin no shakai kagaku : Nihon to Igirisu, Chûô keizaisha, 1990.Google Scholar

4. L'enquête de Kumazawa Makoto sur la mentalité des ouvriers après la guerre est une exception. Voir Nihon no rôdô sha zô, Chikuma shobô, 1981 et Shokuba no shura o ikite, Chikuma shobô, 1986. Le faible intérêt pour ces questions vient probablement d'une conception économiste du comportement humain et de la crainte de se référer à une « âme » japonaise d'essence mystérieuse et métahistorique trop souvent invoquée pour expliquer toute l'histoire.

5. L'étude de Matsuzaki Tadashi, Nihon tekkô sangyô bunseki, Nihon hyôronsha, 1982 replace l'histoire des relations de travail dans l'industrie sidérurgique dans le contexte de l'histoire de cette industrie et de la stratégie de gestion. L'ouvrage de Matsuzaki T. a été indispensable à ce travail.

6. Par exemple, Emiko, Takenaka, Sengo joshi rôdô shiron, Yûhikaku, 1989.Google Scholar

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10. L'ouvrage d'Orii Hyûga, Rômu kanri 20 tien, Tôyô keizai shinpo sha, 1973, est un texte autobiographique, détaillé et incisif, sur les politiques du personnel de l'entreprise depuis les années cinquante jusqu'à 1970.

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12. Entretien avec Morita Akio du 14 septembre 1992 sur l'histoire de l'IE. Voir aussi Orii Hyûga, Rômu kanri, op. cit., pp. 21-24.

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16. Orii Hyûga, Rômu kanri, op. cit., pp. 52-55. Les syndiqués étaient partagés sur cette question : ceux dont une partie importante du salaire était constituée de primes au rendement (affectés à la production, surtout les ouvriers des fours) acceptaient le système en place tandis que ceux qui avaient un rôle fonctionnel ou de support (ouvriers de maintenance) étaient sensibles à la réforme. Comme pour les techniques industrielles, l'opposition syndicale dans les années cinquante fut l'une des causes de l'évolution ralentie dans ce domaine.

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22. Entretien avec Imaizumi M. du 14 novembre 1991.

23. Ibid.

24. Ishikawa K., op. cit., p. 30. Aussi, « QC katsudô no teichaku (3) », Nihon keizai shinbun, 24 janvier 1990.

25. Il est important de reconnaître que ces politiques, souvent associées au style de management japonais « d'allégement » ou « de flexibilité » des années soixante-dix et quatre-vingt, datent des premiers jours du redressement d'après-guerre (et bien sûr de la période d'avantguerre). Les efforts pour abaisser les coûts par réduction d'effectifs et mutations, ou pour accroître la flexibilité de la rémunération, étaient au centre de la politique de gestion dans les années cinquante.

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36. Ibid., p. 5.

37. Ibid., « artifice » suppose des tractations légalement douteuses pour gagner la loyauté des contremaîtres à l'entreprise plutôt qu'au syndicat, avec la promesse de promotion et autres faveurs.

38. Entretien avec Watanabe Tatsuo du 25 octobre 1991.

39. Entretien avec Kondô Haruhiko du 3 septembre 1992.

40. Entretien avec Kudô Shinpachi du 12 avril 1992.

41. Le soutien aux groupes informels n'était pas uniforme dans les laminoirs ; il semble que les factions loyalistes avaient plus de sympathisants dans le laminoir principal de Kawasaki qu'à Tsurumi (où l'aile gauche du syndicat était puissante). A Kawasaki, elles avaient la plus grande influence parmi les sections de production de fonte, chez les ouvriers du four. Entretien avec Kondô Haruhiko du 3 septembre 1992.

42. Entretien avec Gotô Tatsuo du 4 juillet 1991.

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48. Tsurutetsu rôdô undô shi, op. cit., pp. 267, 269.

49. Ibid., pp. 271-272.

50. En japonais, « organisateur » se dit « orugu ».

51. Entretien avec Isobe Toshie du 11 septembre 1992. L'histoire du laminoir de Tsurumi est à peu près identique. Il y avait beaucoup de flou dans les missions des « organisateurs ». Les responsables locaux (surtout les contremaîtres) étaient méfiants et critiques vis-à-vis des « organisateurs » en qui ils voyaient une menace pour leur autorité et les ouvriers de base craignaient des ennuis s'ils parlaient à un « organisateur ». Une étude sérieuse du syndicat de Tsurumi permet de constater que cette suspicion s'est progressivement estompée et, un an après, les ouvriers abordaient les « organisateurs » régulièrement et espéraient l'appui du syndicat sur nombre de questions. Tsurutetsu rôdô undô shi, op. cit., pp. 273-276.

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53. Takanashi Akira, op. cit., pp. 325-332 pour divers exemples de négociations sur la production et les primes au rendement chez NKK. Cf. aussi, Okôchi Kazuo et al., Rôdô kumiai no kôzô to kinô, p. 111.

54. Takanashi Akira, op. cit., pp. 320-324.

55. Okôchi Kazuo et al, op. cit., pp. 106-107.

56. Takanashi Akira, Chôsa kenkyû shiryô, n° 45, Tekkô ikkan meekaa ni okeru jigyôsho nai dantai kôshô, Tokyo, Nihon rôdô kyôkai, 1991, pp. 50-51.

57. Takanashi Akira, ibid., p. 52.

58. Entretien avec Nakamura du 7 octobre 1991. Entretien avec Nakao Yasuji du 15 octobre 1991. Takanashi Akira, Tekkô ikkan meekaa, pp. 48-50.

59. Takanashi Akira, Tekkô ikkan meekaa, op. cit., pp. 49-50.

60. Nippon kôkan kyôsanto saibô éd., Keihin no kôro kara, Tokyo, 1955, pp. 323-324. Lors des entretiens, même les responsables du personnel ont recommandé cet ouvrage pour les détails intéressants qu'il contient, avec une description approfondie de la vie au laminoir.

61. Ibid., pp.324-330 sur les mutations des ouvriers de la maintenance.

62. Entretien avec Nakao Yasuji du 5 mars 1992.

63. « Nippon kôkan Kawasaki seitetsujo rôdô kumiai », 32 nendo Chintô jikome hihan, 33 nendo undô hôshin, hyôsan, 14 avril 1958, p. 15.

64. Tsurutetsu rôdô undô shi, op. cit., pp. 271-272.

65. Entretien avec Kawakami Hideji du 14 octobre 1992.

66. Entretien avec Ôshima Ai du 26 septembre 1991.

67. Entretien avec Nakao Yasuji du 15 octobre 1991.

68. Kawasaki rôdô shi, op. cit., p. 513. Cette étude indiquait aussi que l'entreprise expédiait une édition familiale de son magasine PR directement à toutes les adhérantes du Mouvement pour une Vie nouvelle. Les 21 femmes prétendaient le lire alors que seulement 15 d'entre elles lisaient la page féminine du journal syndical.

69. Dower, John W., « Peace and Democracy in two Systems : External Policy and Internal Conflict », dans Postwar Japan as History, Gordon, Andrew éd., Berkeley, University of Calilornia Press, 1993, pp. 36. 70.Google Scholar Je remercie Mr Gotô Tatsuo, un ancien responsable du Groupe de recherche sur les Problèmes de Travail et permanent syndical de 1956 à 1970, d'avoir bien voulu me montrer ses carnets de rendez-vous personnels de 1957 à 1963. Il s'agit de près de cinq mille pages de notes détaillées sur son activité quotidienne et les délibérations des réunions syndicales auxquelles il a participé.

71. Sur les résultats des votes lors des grèves de revendications salariales, voir « Nihon tekkô sangyô rôdô kumiai rengo kai », Tekkô rôdô undô shi, Tokyo, 1971, pp. 437-478 ss. On trouve un témoignage sur la faible participation des ouvriers de NKK aux grèves contre le projet de loi sur l'ordre public dans les carnets de Gotô d'octobre 1958.

72. Tadashi, Matsuzaki, « Tekkô sôgi (1957-1959) » dans Kiyoshi, Yamamoto éd., Nihon no rôdô sôgi (1945-1980), Tokyo, Tokyo University Press, 1991, pp. 196199.Google Scholar

73. Matsuzaki Tadashi, ibid., p. 16, montre que le coût total (travail, matériaux et investissements) en 1964 par tonne produite dans les six principales entreprises sidérurgiques japonaises était de 85 $, à comparer aux 136 $ des huit premières entreprises américaines, aux 99 $ en Allemagne et aux 103 $ en Grande-Bretagne. La figure 1, adaptée de Matsuzaki Tadashi, montre qu'au début des années cinquante, les coûts japonais étaient de l'ordre de 95 $ contre plus de 105 $ aux États-Unis.