Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Comme tous les membres de l'aristocratie médiévale, les comtes de Champagne avaient une connaissance étendue de leur parenté. Ils en font état dans les événements de la vie courante et dans les actes de la pratique, quand il s'agit de nouer ou de dénouer des unions matrimoniales, de procéder à la dévolution de pouvoir et de biens ou encore d'assurer par des aumônes ou des fondations le salut éternel de leurs défunts. Mais il faut attendre le dernier tiers du XIIe siècle pour qu'apparaisse une représentation élaborée de leurs structures familiales, soit sous une forme étalée dans le temps, la généalogie, soit sous la forme figée dans l'instant, le tableau de famille. Dans les deux cas la conscience de soi — Selbsverständnispour employer le vocabulaire de K. Schmid — est très haute et très vive et il importe d'en dégager le contenu.
The tomb of Thibaud III, Count of Champagne, erected at Saint-Étienne-de-Troyes by his widow Blanche de Navarre between 1208 and 1215, offers an image of the family unique in the iconography of its time. In a related development, the cantor of the cathedral of Châlons-sur-Marne, Guy de Bazoches, prepared a genealogy for Thibault III's father, Count Henry the Liberal, in 1171-1172. This document uses an undifferentiated filiation to present the Count as the descendant of all the western kings from Clovis and Charlemagne onward. The explanation for this genealogy can be found in a comparison with the one drawn up by Guy for himself and his family with the aim of establishing a connection with the first king of Christian France and of including in successive generations a figure as mythical as Lohengrin. Lastly, as several passages of his correspondence show, the cantor constructed a family for himself that, by eliminating father and mother, emphasized uncle-nephew ties. This article Studies these various vertical and horizontal visions of kinship in the aristocratic world of Champagne—visions in which the notion of lineage is hard to discern.
La première partie de cet article a été présentée au séminaire de G. Duby au Collège de France le 18.01.1982 et a bénéficié des remarques de G. Arnaldi, Ph. Contamine, G. Duby, B. Guenée, J.-M. Martin, J.-Cl. Schmitt que nous remercions vivement.
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3. La carrière d'Erard de Brienne est une bonne illustration de ce qu'avance G. Duby dans « Les “ jeunes ” dans la société aristocratique de la France du Nord-Ouest au xne siècle », AnnalesE.S.C.,n° 5,1964, pp. 835-846.
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5. Philippe Auguste distingue soigneusement ses neveux (nepotes),enfants et petits-enfants de ses soeurs Marie (Champagne) et Alix (Blois) (Recueil des Actes de Philippe Auguste,t. 1, n° 450 ; t. 2, nos 581, 582, 583, 590, 678, 679, 733 ; t. 3, n°s 1088, 1259, 1306,1321,1338, 1361 ; t. 4, 1423, 1436) de ses cousins (consanguinei)par sa mère, la reine Adèle de Champagne (Recueil,t. 1, n° 363 ; t. 2, nos 588, 739 ; t. 4, n° 1440 (Hugues duc de Bourgogne et son fils Eudes) ; t. 4, n° 1454 (Henri II comte de Bar et Thibaud Ier duc de Lorraine) ; t. 1, n° 467 (Rotrou du Perche, évêque de Chalons) ; t. 4, n° 1620 (Guillaume du Perche, évêque de Châlons).
6. M. Bur, « Les comtes de Champagne et la Normanitas, sémiologie d'un tombeau », dans Proceedings ofthe Battle Conférence on Anglo-Norman Studies,III, 1980, pp. 22-32. (Le gisant, tête du côté de l'autel et du roi de France, y est mal orienté.)
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13. Pour les lettres de Guy de Bazoches, voir W. Wattenbach, « Aus den Briefen des Guido von Bazoches », Neues Archiv,1891, pp. 69-113, et H. Adolfsson, Liber epistularum Guidonis deBasochis,Stockholm, 1969, n° 1, p. 2 ; n° 12, p. 43 ; n° 16, p. 59 ; n° 23, p. 94 ; n° 30, p. 128 ; n° 32, p. 138 ; n° 33, p. 141. (Sur cette édition, voir le compte rendu de M. Olsen dans Revue des Études latines,49, 1971, pp. 66-67).
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17. Soit Eudes Ier, son père Thibaud le Tricheur († 975), son grand-père Thibaud, vicomte de Tours, promu comte en 940 au moment où le marquis de Neustrie, son seigneur Hugues le Grand, devint duc des Francs. Ce mouvement de promotion toucha d'autres familles vicomtales comme celles des vicomtes d'Angers et des vicomtes de Sens.
18. B. GuenéE, « Les généalogies entre l'histoire et la politique. La fierté d'être Capétien en France au Moyen Âge », AnnalesE.S.C.,n° 2, 1978, pp. 450-477.
19. Ebles et André avaient pour grands-parents le comte-archevêque de Reims, Ebles de Roucy, et Béatrice de Hainaut. Par sa grand-mère Aubrée, fille de Gerberge et de Gislebert de Hainaut, l'archevêque était le petit-fils d'Henri l'Oiseleur d'une part et de Rainier au Long Col d'autre part. Ce dernier était également le trisaïeul de Béatrice. Rainier avait pour mère une fille de l'empereur Lothaire. Sur ce point précis, voir Werner, K. F., « Das Nachkommen Karls des Grossen », dans Karlder Grosse, t. 4, Dasnachleben, Dùsseldorf, 1967, p. 449 Google Scholar.
20. Sur les origines mérovingiennes des Staufen, voir Schmid, K., dans « De regia stirpe Waiblingensium. Remarques sur la conscience de soi des Staufen », Famille et parenté dans l'Occident médiéval, colloque, Paris, 1974, Rome, 1977, pp. 49–56 Google Scholar.
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