Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Le thème de l'aspiration à la royauté, l’adfectatio regni — ou tyrannidis — chez un particulier, dépourvu de titre politique mais gagnant la faveur populaire par ses promesses démagogiques ou son assistance alimentaire, est si insistant dans la tradition romaine pour les Ve et IVe siècles, que les détails de chaque épisode éveillent d'autant plus le doute quant à l'authenticité. Non seulement il y entrait visiblement tant de parti-pris, ou de « propagande », que la suspicion a pu frapper injustement des personnages qui voulaient sincèrement défendre les intérêts de groupes populaires opprimés, et sans développer pour autant d'ambitions formellement politiques. La critique de principe des modernes va nécessairement plus loin : qu'y-a-t-il eu d'historique dans l'étrange procédure qui, chaque fois, a sanctionné la tentative, mettant le personnage en quelque sorte hors-la-loi et infligeant à sa mémoire le châtiment caractéristique de la destruction jusqu'au ras du sol de la maison personnelle à partir de laquelle il avait prétendu « régner »?
1. On sait que le dossier de l'affaire est réuni dans le plaidoyer de domo sua de CICÉRON (cf. l'éd. par P. Wuilleumier dans la coll. G. Budé, Discours XIII). Pour notre part, l'expression hostem Capitolinum, que Clodius, comme le rappelle l'orateur, 3, 7, avait appliquée à l'exilé, nous paraît signifier « celui qui est devenu ennemi public pour avoir abusé du Capitole » — cequi devait évoquer le sort de Manlius Capitolinus — et non simplement « celui qui est hostile au Capitole ».
page 288 note 1. Voir Plutarque, Poplic, 10; et LIV., Il, 7, 11-12.
page 288 note 2. PLUT., Popl., 20 ; Denys, V, 39.
page 288 note 3. PLUT., Cam.. 12; LIV., V, 32, 8 : « accitis domum tribulibus et clientibus, quae magna pars plebis erat (sic) ». Soit dit en passant, il nous manque de savoir quelle était la « tribu » de Camille.
page 288 note 4. Voir notre étude sur « Les clients de Manlius Capitolinus et les formes de leur libération », dans la Rev. hist. de droit franc, et étr.. 1966, pp. 342-377.
page 289 note 1. Sur le vrai rÖle de Minucius, nous avons présenté des suggestions dans les Mél. arch. hist. de l'École de Rome. 1966, pp. 79-122.
page 290 note 1. LIV., IV, 13, 1 : « ex equestri ordine, ut Mis temporibus praedives… »; Denys Halic, XII. 1,
page 290 note 2. LIV., IV, 21 (en 436?): « Et seditiones domi quaesitae sunt, nec motae tamen, a Sp. Maelio, tribuno plebis, qui, favore nominis (sic) moturum se aliquid ratus, etc. »
page 291 note 1. Chez LIV., IV, 13 (et 15, dans le discours justificatif du dictateur. Maelius est accusé de prétendre vouloir s'emparer du consulat, en même temps que de se préparer une « royauté »). Nuances différentes chez Denys, XII, 1 , 8 : ses partisans, déclarant que la concession du pouvoir consulaire (à leur héros) n'aurait pas de rapport avec la grandeur de ses exploits, souhaitaient pour lui quelque honneur plus haut et plus brillant, etc. » Ce sont naturellement des clichés de propagande; mais cliché devait être, d'abord, l'accusation d'ambition royale.
page 291 note 2. LIV., VI, 18,14-15; cf. notre étude ci-dessus citée.
page 291 note 3. LIV., IV, 13, 2 : « Frumento namque ex Etruria privata pecunia per hospitum clientiumque ministeria coempto, etc. »; Denys. XII, 1, 2 : Dans la Rome de ce temps, le développement d'une telle puissance « patronale » est insolite en dehors des patriciens proprement dits.
page 291 note 4. PAIS, Storia critica. II, pp. 189-202.
page 292 note 1. Sur la formation de cette classe équestre, des derniers siècles de la République, voir l'ouvrage de C. Nicolet, L'ordre équestre à l'époque républicaine, 1966.
page 292 note 2. A. Alföldi (” Centuria) procum patricium », dans Historia, XVII, 1968, pp. 444-460. Pour les vues différentes de A. Momigliano, l'A. renvoie surtout à la contribution de ce savant aux Entretiens de la Fondation Hardt (de Genève-Vandoeuvres), IX, 1966.
page 293 note 1. XII, 4. Pour la trame générale de son récit, Denys a dû suivre un autre annaliste : peut-être Liciniuc Macer?
page 293 note 2. LIV., IV, 14 : Haec eum vociferantem adsecutus Ahala Servilius obtruncat, respersusque cruore, etc.
page 293 note 3. XI, 2, 8 :
page 294 note 1. Ibidem. Ahala a pu réunir un groupe à'équités fidèles ; de toute façon, son commandement s'exerce dans le cadre d'une sorte de « loi martiale ». 2. LIV., III, 27.
page 294 note 2. LIV., IV, 52 : « … Cum in legationes non plus singulis senatoribus invenientes, coacti sunt binos équités adicere. »
page 296 note 1. LIV., IV, 16, 2 : « … quia (Minucius) frumentum Maelianum (sic) assibus in modios aestimatum plebi divisit. »
page 296 note 2. D'après LIV., III, 55, 7 : « … sanciendo ut qui tribunis plebis, aedilibus, iudicibus decemviris nocuisset, eius caput lovi sacrum esset, familia ad aedem Cereris, Liberi Liberaeque venum iret. » On voit la division des consécrations entre Jupiter et Cérès; la vente de la familia (esclaves compris) au profit du temple de Cérès est dans la tradition de l'histoire de Sp. Cassius. Nous ne pouvons discuter ici l'épineux problème posé par ce passage — s'il faut lire iudicibus decemviris comme la même fonction. Sur les circonstances à la chute de la commission d'Appius, voir nos remarques dans notre étude de la R.H. 1970 (la « plebs » et le «populus» et leurs encadrements respectifs…).
page 296 note 3. IV, 12, 11 : Multi ex plèbe, ope amissa, potius quam ut cruciarentur trahendo animum, capitibus obvolutis (sic) se in Tiberim praecipitaverunt. Cf. LE GALL, Le culte du Tibre, p. 90
page 297 note 1. Voir notre étude sur les Minucii, citée supra.
page 297 note 2. Storia critica. II, p. 193.
page 297 note 3. Cf. PAUL (Festus), L. p. 112 : « macellum dictum a Macello quodam (sic), qui exercebat in Urbe Iatrocinium; quo damnato censores Aemilius et Fulvius statuerant, ut in domo eius obsonia venderentur » (= Varron, L.I., V, 146-147 : domus furis, etc.). Sur Equitius, voir Donat, ad Terenti Eun., Il, 2, 25.
page 297 note 4. PAUL (Festus) L., p. 42 : « Cuppes et cupedia antiqui lautiores cibos nominabant; inde et macellum forum cupedinis (sic) appellabant. Cupedia autem a cupiditate sunt dicta, vel, sicut Varro vult, quod ibi fuerit Cupedinis equitis domus, qui fuerat ob Iatrocinium damnatus. »
page 298 note 1. Storia critica. II, p. 201. .
page 298 note 2. XII, 2, 8 : noter les mots grecs :
page 299 note 1. LIV., XLIV, 16 : on les rachète, pour construire la basilique Sempronia.
page 299 note 2. LIV., III, 48, 5 : « … seducit filiam ac nutricem prope Cloacinae, ad tabernas quibus nunc novis est nomen, atque ibi, a lanio cultro arrepto, etc. »
page 300 note 1. Dans son De re pub/.. Il, 22 ; cf. les commentaires de A. ALFÖLDI, dans l'article de Historia, 1966, cité ci-dessus.
page 300 note 2. Cf. Alföldi, Bar/y Rome…, p. 269, utilisant l'inscription que nous citons dans notre note suivante. Rappelons que le Turnus d'Ardée chez Virgile, cavalier par excellence, est le frère de Juturne : ce détail mythologique devait avoir, à l'origine, beaucoup de sens.
page 301 note 1. La dédicace : Castorei.Podlovqeiqve Qvrois a été publiée d'abord par A. Castagnoli, dans Studi e materiali…, 30, 1959, p. 109; elle a suscité depuis lors plus d'un commentaire : cf. R. Schilling, dans les Hommages à G. Dumézil, p. 177.
page 301 note 2. Le culte de Cérès à Rome, des origines à la fin de la République, 1953 (fasc. XXVII de la coll. « Études et Commentaires », Paris Klincksieck) ; un appendice traite de la « lex sacra » de Lavinium.
page 302 note 1. VI. 17 (voeu de Postumius) ; ibid., sur la dédicace (en 493) par Sp. Cassius.
page 302 note 2. Op. cit., pp. 223-226.
page 303 note 1. Sur le rôle en quelque sorte sociologique de ces Postumii. voir nos observations dans la R.h. de droit fr. et étr. de 1970.
page 303 note 2. PAUL (Festus), L, p. 106 : Lucereses et Luceres, quae pars tertia populi Romani estdistributa a Tatio et Romulo appellati sunt a Lucero Ardeae rege, qui auxilio fuit Romulo adversus Tatium bellanti.
page 304 note 1. Nous pensons à la très intéressante enquête qu'avait commencée A. Piganiol, dans les Mél. arch. hist. del'Ec. fr. de Rome, 1921 ; mais l'analyse de la « légende des Quinctii» ne nous parait pas imposer l'idée d'une « interpolation » de fastes tusculans dans les fastes romains.
page 304 note 2. LIV., III, 46, 5-6 : « … Placuit omnium primum fratrem Icili filiumque Numitori, impigros iuvenes, pergere recta ad porta m, etc. ; iussi pergunt, citatisque equis (sic) nuntium ad patrem (= Verginium) perferunt. » Nous avons déjà attiré l'attention sur ce détail dans une étude sur Les traditions des Papirii. publiée dans la R.h. droit franc, et étr., 1955, n° 1 -2.
page 305 note 1. LIV.. IV, 11, 6-7.
page 305 note 2. LIV., III. 71.
page 306 note 1. LIV., III, 72. Le motif du respect du droit des gens est mis en avant : Rome se ferait tort si elle donnait l'exemple d'abuser de son arbitrage, etc. Mais la menace d'un conflit amenant les Volsques à intervenir pouvait suffire à expliquer cette prudence.
page 306 note 2. Cette colonie mixte n'est pas un cas unique; A. ALFÔLDI la tient pour colonie latine, dans son Early Rome and the Latins, p. 394. Elle a manifestement pour fonction de verrouiller le Latium aux infiltrations volsques, mais sans appel a d'autres « Latins » que Romains et Rutules.
page 306 note 3. La tribu Scaptia n'a été créée qu'en 332 av. J.-C, avec la Maecia : cf. Liv., VIII, 17. Si le nom de Scaptius pour le plébéien de 446 n'est pas tout arbitraire, comme le pensent quelques critiques, nous nous demanderions si, au temps de la guerre de Corioli, des chefs romains n'ont pas reconnu, ou inventé chez leurs clients, une lointaine origine à partir de cette vieille bourgade — comme le souvenir de Cameria survivait chez les Sulpicii, par exemple. Notons que, dans la lacune de la notice de Paul, à la restitution [quam Latin/] incolebant, Kubitschek préférait [Vo/sci] (dans son article tribus de la RE).
page 306 note 4. V, 61, 3.
page 306 note 5. Cela paraît impliqué par l'agencement de l'épisode de Scaptius; toutefois, la bourgade du même nom a parfois été cherchée par les modernes derrière Préneste. Le gentilice Captiusest attesté à Lanuvium par une inscription grecque de Centuripae connue depuis quelques années (voir J. et L Robert, Bull, épigr. annexé à la R.E.G. de 1965, n°180 ; Ann. épigr., 1966, n° 165). Mais il n'est pas sûr que cette forme soit une simplification de Scaptius.
page 307 note 1. LIV., Il, 41.
page 307 note 2. Sur ce sujet, voir nos remarques dans la R.E.L. de 1969 (étude sur les Blessés de guerre, infirmes, etc., dans la Rome primitive).
page 307 note 3. Remarquons que, si la plèbe romaine ne s'intéresse pas à ce cadeau (Liv., loc. cit.), c'est surtout parce que Sp. Cassius l'aurait mécontentée en partageant des terres conquises avec des « alliés » et même en rendant certaines aux Herniques vaincus. Apparemment, la plèbe aurait voulu disposer d'une partie de ces terres, sinon pour les coloniser, du moins pour avoir accès à leurs récoltes.
page 308 note 1. Les exemples sont très nombreux chez les Volsques : dans la guerre d'Ardée encore, le chef de ce peuple, espoir des plébéiens ardéates et finalement vaincu par Rome, s'appelle Aequus Cluilius. Dans l'ancienne Rome, un nom semblable apparaît d'abord dans l'histoire, assez travestie, de la jeune fille — à cheval I — otage de Porsenna, et représentée, croyait-on, en une statue.
page 308 note 2. Denys, I, 16.
page 309 note 1. LIV., 11,19.
page 310 note 1. Voir le récit complet chez LIV., IV, 38-42.
page 311 note 1. LIV., V, 7 ; cf. ALFÔLDI, dans Historia, 1966, p. 453.
page 311 note 2. La présente élude était déjà à l'impression quand nous avons eu connaissance de la contribution donnée par Magdelain, M. A., sous le titre « Procum patricium », aux Studi in onore di Ed. Volterra (1969), II, pp. 247–266.Google Scholar L'auteur, d'un autre point de vue que A. Momigliano, conteste aussi les vues de A. Alföldi.