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Le salut en perspective: Un essai d'interprétation de la Flagellation du Christ de Piero della Francesca

Published online by Cambridge University Press:  30 August 2018

Franck Mercier*
Affiliation:
Université Rennes 2, Tempora Ea 7468

Résumé

Chef-d’œuvre absolu de la perspective linéaire, véritable icône de la Renaissance, la Flagellation du Christ de Piero della Francesca (conservé à la Galleria Nazionale delle Marche, à Urbino) constitue l'une des grandes énigmes picturales du Quattrocento italien. L'incertitude ne porte pas seulement sur la datation ou sur la destination primitive du tableau, mais encore et surtout sur le sujet représenté. En dépit de longues discussions sur la signification globale de l'image, en particulier à propos de l'identification des trois figures situées à l'avant-plan, la Flagellation reste un profond mystère. Dans le prolongement d'une riche et abondante tradition herméneutique, cet article propose une nouvelle interprétation de cette célèbre peinture qui s’écarte d'une lecture politique (fondée sur ses liens supposés avec l'Empire byzantin) ainsi que de la vision traditionnelle affirmant la banalité de son iconographie. L'analyse de la géométrie de l'espace pictural et de sa signification théologique potentielle conduit à reconsidérer le tableau comme une méditation visuelle sur la temporalité inspirée par saint Augustin, en même temps qu'un exercice spirituel singulier.

Abstract

An absolute masterpiece of linear perspective as well as a true icon of the Renaissance, Piero della Francesca's Flagellation of Christ (conserved at the Galleria Nazionale delle Marche, Urbino) is one of the greatest enigmas of the Italian Quattrocento. Uncertainty surrounds not only the dating and the original intended location of the painting, but also the subject matter itself. Despite long-running disputes about the overall significance of the picture, and in particular about the identification of the three figures in the right foreground, the Flagellation remains an unsolved puzzle. Continuing in a rich and varied hermeneutic tradition, this article proposes a new interpretation of this famous painting, diverging both from a political reading (based on the supposed links with the Byzantine Empire) and from the other traditional solution which argues for the ordinary nature of Piero's iconography. The analysis of the geometrical pictorial space and its potential theological significance leads to a reconsideration of the painting as a visual meditation on temporality inspired by Saint Augustine, as well as a singular spiritual exercise.

Type
Peindre à la Renaissance
Copyright
Copyright © Éditions de l'EHESS 

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References

1 William John Thomas Mitchell, Iconologie. Image, texte, idéologie, trad. par M. Boidy et S. Roth, Paris, Les Prairies ordinaires, [2006] 2009, p. 86.

2 Une première esquisse de cette recherche a été présentée en 2014 lors du séminaire du Groupe d'anthropologie scolastique, dirigé par Alain Boureau, Sylvain Piron et Béatrice Delaurenti à l'Ehess (Paris). Ma reconnaissance va notamment à Étienne Anheim, Jean-Patrice Boudet et Didier Méhu pour leurs suggestions. Ce travail a bénéficié de l'assistance technique de Jean-Baptiste Barreau, ingénieur d’études Cnrs, Creaah-Umr 6566 (université de Rennes 1). Pour les illustrations, voir le cahier hors-texte dans l'article précédent.

3 Roberto Longhi, Piero della Francesca, trad. par P. Léglise-Costa, Paris, Hazan, [1927] 1989, propose une datation vers 1445, sur la base d'une tradition interprétative locale remontant au xviiie siècle ; Kenneth Clark, Piero della Francesca, Londres, Phaidon, [1951] 1969, p. 34, estime que cette peinture a été réalisée entre 1455 et 1460 ; Birgit Laskowski, Piero della Francesca, Milan, Gribaudo, 2007, p. 72, situe sa réalisation vers 1470.

4 Giorgio Vasari, Les vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, trad. sous la direction d'A. Chastel, Arles, Actes Sud, 2005, vol. 1, p. 323, achève sa vie de Piero della Francesca en évoquant sa « réputation de meilleur géomètre de son temps ». Sur la réputation de mathématicien et de géomètre attachée précocement à Piero della Francesca, voir Alessandra Sorci, « La forza de le linee ». Prospetttiva e stereometria in Piero della Francesca, Florence, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2001, en particulier p. 65-68.

5 Biblioteca universitaria di Urbino, ms. 93, fol. 224r et 386r. La plus ancienne mention ne peut être qu'approximativement datée des années 1740-1750. Voir Enrico F. Londei, « La scena della Flagellazione di Piero della Francesca. La sua identificazione con un luogo di Urbino del Quattrocento », Bollettino d'arte, 65, 1991, p. 29-66, en particulier p. 29 (n. 3 et 4).

6 Cette formule est généralement traduite, sur la base du deuxième psaume, par « ils tombèrent d'accord » ou « ils conspirèrent ». Voir Johann David Passavant, Rafael von Urbino und sein Vater Giovanni Santi, Leipzig, F. A. Brockhaus, 1839, vol. 1, p. 432-433. L'inscription avait, semble-t-il, déjà disparu en 1864 lors du passage d'une mission anglaise d’études : Joseph A. Crowe et Giovan B. Cavalcaselle, A New History of Painting in Italy: From the Second to the Sixteenth Century, Londres, J. Murray, 1864, vol. 2, p. 546. Sur le débat qui oppose les spécialistes à propos de l'emplacement exact de cette inscription, voir la mise au point de Silvia Ronchey, L'enigma di Piero. L'ultimo bizantino e la crociata fantasma nella rivelazione di un grande quadro, Milan, Biblioteca universale Rizzoli, [2006] 2010, p. 57-59.

7 Psaume 2, 2 : Adstiterunt reges terrae, et principes convenerunt in unum adversus Dominum et adversus Christum eius : « Les rois de la terre et les grands conspirent entre eux contre le seigneur et contre son messie. » Comme l'a relevé pour la première fois Walter Bombe, « Die Kunst am Hofe Federigos von Urbino », Monatshefte für Kunstwissenshaft, 5-11, 1912, p. 456-474, ici p. 470, le passage sert effectivement d'antienne au premier nocturne des matines du Vendredi saint.

8 Les diverses reconstitutions de l'emplacement initial du tableau, au titre de prédelle, sont très hypothétiques. Pour une tentative de ce type, voir Alessandro Parronchi, « Ricostruzione della Pala dei Montefeltro », Storia dell'arte, 28, 1976, p. 235-248.

9 Milan, Pinacoteca di Brera, inv. Nap. 695. Voir Tom Henry et Laurence B. Kanter, Luca Signorelli, trad. par D.-A. Canal, Paris, Hazan, [2001] 2001, p. 161-162 ; Marilyn A. Lavin, « Piero della Francesca's Flagellation: The Triumph of Christian Glory », The Art Bulletin, 50-4, 1968, p. 321-342, en particulier p. 323 (n. 16).

10 David Carrier, Principles of Art History Writing, University Park, Pennsylvania State University Press, [1974] 1997, p. 32-36.

11 Erwin Panofsky, Essais d'iconologie. Thèmes humanistes dans l'art de la Renaissance, trad. par C. Herbette et B. Teyssèdre, Paris, Gallimard, [1939] 1967, p. 13-31.

12 Aucune des tentatives engagées en vue d'inscrire la Flagellation du Christ dans une série iconographique cohérente n'a donné de résultats concluants : Ludovico Borgo, « New Questions for Piero's Flagellation », The Burlington Magazine, 121-918, 1979, p. 547-553 ; Jeanne Van Waadenoijen, « La Flagellazione di Piero della Francesca », Arte Cristiana, 81-756, 1993, p. 183-198.

13 Creighton Gilbert, « On Subject and Not-Subject in Italian Renaissance Pictures », The Art Bulletin, 34-3, 1952, p. 202-216.

14 John Pope-Hennessy, « Whose Flagellation ? », Apollo, 124, 1986, p. 162-165.

15 Creighton Gilbert, « Piero della Francesca's Flagellation: The Figures in the Foreground », The Art Bulletin, 53-1, 1971, p. 41-51.

16 L'une des plus fines analyses de la Flagellation demeure à nos yeux – et même si nous n'en partageons pas toutes les conclusions – celle proposée en plusieurs étapes (1981 et 1994) par Carlo Ginzburg, Indagini su Piero. Il Battesimo, il ciclo di Arezzo, la Flagellazione di Urbino, Turin, Einaudi, 2001, p. 53-107 et 125-137. Une étude classique reste également fondamentale : Marilyn A. Lavin, Piero della Francesca: The Flagellation, Chicago, The University of Chicago Press, [1972] 1990.

17 C. Gilbert, « Piero della Francesca's Flagellation… », art. cit. ; compte rendu d'Ernst H. Gombrich de l'ouvrage de K. Clark, Piero della Francesca, op. cit., dans The Burlington Magazine, 94-591, 1952, p. 176-178 ; Ernst Hans Gombrich, « The Repentance of Judas in Piero della Francesca's Flagellation of Christ », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 22-1/2, 1959, p. 172 ; L. Borgo, « New Questions for Piero's Flagellation », art. cit.

18 E. H. Gombrich, « The Repentance of Judas… », art. cit., renouvelé par Bernd Roeck, Mörder, Maler und Mäzene. Piero della Francescas « Geisselung ». Eine kunsthistorische Kriminalgeschichte, Munich, C. H. Beck, 2006, p. 63-80.

19 B. Roeck, Mörder…, op. cit., p. 75.

20 Voir l'objection pertinente de M. A. Lavin, Piero della Francesca…, op. cit., p. 94 (n. 8), à l'un de ses contradicteurs (C. Gilbert, « Piero della Francesca's Flagellation… », art. cit.) : « L'auteur […] envisage désormais la peinture comme un récit biblique avec une composition ‘ordinaire’, et laisse inexpliquées toutes les particularités extraordinaires de sa forme et de son organisation.» Sur la singularité iconographique de la Flagellation d'Urbino au regard de la tradition picturale italienne antérieure, voir Grazia M. Fachechi, « Piero e la tradizione iconografica della flagellazione », in C. Cieri Via, Città e corte nell'Italia di Piero della Francesca, Venise, Marsilio, 1996, p. 59-68.

21 Charles Hope et Paul Taylor, « La Flagellazione di Piero e le consuetudini iconografiche della narrazione dipinta », in A. Uguccioni (dir.), Piero della Francesca. Incontri del Dizionario biografico degli italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1995, p. 48-102 ; Alessandro Angelini, Piero della Francesca, trad. par A. Guglielmetti, Paris, Imprimerie nationale, [1985] 2014, p. 134-145.

22 Michel de Montaigne, Journal de voyage, éd. par F. Rigolot, Paris, Puf, [1774] 1992, p. 148.

23 R. Longhi, Piero della Francesca, op. cit. L’édition française de 1989 a l'avantage d'intégrer toutes les variantes et corrections consécutives aux éditions successives (1942, 1962) de l'ouvrage, paru pour la première fois en 1927.

24 B. Roeck, Mörder…, op. cit.

25 Comme en rendent compte les pages consacrées à la Flagellation dans la réédition récente de la monographie de Anna Maria Maetzke, Piero della Francesca. Les œuvres, trad. par J. Nicolas, Milan, Silvana Editoriale, [1998] 2013.

26 K. Clark, Piero della Francesca, op. cit.

27 Carlo Ginzburg, Indagini su Piero…, op. cit. ; Id., Enquête sur Piero della Francesca. Le Baptême, le cycle d'Arezzo, la Flagellation d'Urbino, trad. par M. Aymard, Paris, Flammarion, [1981] 1983 ; S. Ronchey, L'enigma di Piero…, op. cit.

28 Thalia Gouma-Peterson, « Piero della Francesca's Flagellation: An Historical Interpretation », Storia dell'arte, 28, 1976, p. 217-233 ; Chiara Pertusi, La Flagellazione di Piero della Francesca e le fonti letterarie sulla caduta di Costantinopoli, Bologne, Lo Scarabeo, 1994 ; Id., « L'apocalittica domenicana e la Flagellazione di Piero della Francesca », Italia medioevale e umanistica, 44, 2003, p. 115-160 ; Maurizio Calvesi, « La Flagellazione nel quadro storico del convegno di Mantova e dei progetti di Mattia Corvino », in M. A. Lavin (dir.), Piero della Francesca and His Legacy, Washington, University Press of New England, 1995, p. 115-125 ; Maurizio Calvesi, « La Flagellazione di Piero nel contesto dell'alleanza contro il Turco fra la Chiesa di Roma e il Regno d'Ungheria », in C. Cieri Via, Città e corte…, op. cit., p. 25-45.

29 Hubert Damisch, Un souvenir d'enfance par Piero della Francesca, Paris, Seuil, 1997, p. 16-17 ; cet auteur ne fait que reprendre la matière d'une critique qu'il avait déjà eu l'occasion d'exposer, de manière plus acerbe encore, dans L'origine de la perspective, Paris, Flammarion, [1987] 1993, p. 204-205.

30 Hans Belting, « L'art moderne à l’épreuve du mythe du chef-d’œuvre », in J. Galard et M. Waschek (dir.), Qu'est-ce qu'un chef-d’œuvre ?, Paris, Gallimard, 2000, p. 47-65.

31 Jean-Paul Marcheschi, Piero della Francesca. Lieu clair, Nantes, Art 3, 2001, p. 109.

32 Comme le souligne avec justesse Carlo Ginzburg, À distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire, trad. par P. A. Fabre, Paris, Gallimard, [1998] 1998, en particulier p. 145-146.

33 Sur les postulats et les conséquences de cette influente tradition philosophique, voir Jean-Marie Schaeffer, L'art de l’âge moderne. L'esthétique et la philosophie de l'art du xviiie siècle à nos jours, Paris, Gallimard, 1992.

34 Roberto Longhi, Propositions pour une critique d'art, trad. par P. Falguières, Paris, Carré, [1949] 1996, p. 60 et 79.

35 Récurrente chez l'auteur, cette formule est utilisée à propos de la Flagellation d'Urbino dans H. Damisch, Un souvenir d'enfance…, op. cit., p. 16.

36 La Flagellation a ainsi donné lieu à plusieurs reconstitutions du plan au sol : Rudolf Wittkower et B. A. R. Carter, « The Perspective of Piero della Francesca's Flagellation », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 16-3/4, 1953, p. 292-302, complétée (pour la partie droite de l'image, jusqu'au mur du fond) par M. A. Lavin (avec la collaboration de T. Czarnowski), Piero della Francesca…, op. cit., p. 31-35.

37 L’évaluation exacte, au millimètre près, des dimensions du tableau peut prêter à discussion : David A. King, Astrolabes and Angels, Epigrams and Anigmas: From Regiomontanus'Acrostic for Cardinal Bessarion to Piero della Francesca's Flagellation of Christ, Stuttgart, F. Steiner, 2007, p. 100-101.

38 Piero della Francesca, De la perspective en peinture, trad. par J.-P. Le Goff, Paris, In Medias Res, 1998, liv. 3, p. 145-146 ; voir également l'analyse de vocabulaire p. 32 et la préface d'Hubert Damisch, « Le service de la peinture », p. 3-17.

39 Philippe Cardinali, « Leon Battista Alberti : l'espace et l'art d’édifier », in T. Paquot et C. Younès (dir.), Espace et lieu dans la pensée occidentale. De Platon à Nietzsche, Paris, La Découverte, 2012, p. 63-80.

40 C'est notamment l'apport essentiel des travaux de M. A. Lavin, « Piero della Francesca's Flagellation… », art. cit. ; Id., Piero della Francesca…, op. cit.

41 Ainsi que l'avait déjà incidemment souligné H. Damisch, L'origine de la perspective, op. cit., p. 313.

42 R. Wittkower et B. A. R. Carter, « The Perspective of Piero… », art. cit. Une reprise plus récente des dimensions de l’œuvre a confirmé, pour l'essentiel, leurs résultats : Laura Geatti et Luciano Fortunati, « The Flagellation of Christ by Piero della Francesca: A Study of Its Perpective », Leonardo, 25-3/4, 1992, p. 361-367.

43 Martin Kemp, The Science of Art: Optical Themes in Western Art from Brunelleschi to Seurat, New Haven, Yale University Press, 1990 ; Judith V. Field, Piero della Francesca: A Mathematician's Art, New Haven, Yale University Press, 2005.

44 Daniel Arasse, « De prospectiva pictoris : Piero della Francesca et la perspective du peintre », in Piero della Francesca, De la perspective en peinture, op. cit., postface, p. 285-292.

45 Daniel Arasse, « Oltre le scienze dette di sopra : Piero della Francesca et la vision de l'histoire », in M. A. Lavin (dir.), Piero della Francesca and His Legacy, op. cit., p. 85-113.

46 M. Kemp, The Science of Art…, op. cit.

47 P. Cardinali, « Leon Battista Alberti… », art. cit., p. 72 (n. 31).

48 Piero della Francesca, De la perspective en peinture, op. cit.

49 Ibid., p. 145.

50 M. A. Lavin, « Piero della Francesca's Flagellation… », art. cit., p. 330 (n. 40).

51 W. J. T. Mitchell, Iconologie…, op. cit., p. 86.

52 Psaume 118 (117), 21-23.

53 C. Ginzburg, Enquête…, op. cit., p. 84-90 ; B. Roeck, Mörder…, op. cit., p. 94-112.

54 Ronald W. Lightbown, Piero della Francesca, trad. par P. Alexandre, J. Bouniort et P. Mikriammos, Paris, Citadelles et Mazenod, [1992] 1992, p. 56.

55 K. Clark, en particulier, insiste sur l'influence albertienne de l'architecture de la galerie et l'utilise pour la datation du tableau. Pour une minutieuse reconstitution des possibles références « archéologiques » de plusieurs éléments du décor (l'escalier perceptible à travers la porte située derrière Pilate, la statue de l'idole au sommet de la colonne, les deux portes du fond de la salle, le pavement du sol, etc.), voir notamment C. Ginzburg, Enquête…, op. cit., p. 84-90, et B. Roeck, Mörder…, op. cit., p. 94-112. Sur la question problématique de l'influence éventuelle d'Alberti sur cette architecture peinte, voir Christine Smith, « Piero's Painted Architecture: Analysis of His Vocabulary », in M. A. Lavin (dir.), Piero della Francesca and His Legacy, op. cit., p. 223-253.

56 M. A. Lavin, Piero della Francesca…, op. cit., p. 34-38.

57 Arnaldo Bruschi, « Osservazioni sulle architetture dipinte di Piero della Francesca », Cultura e scuola, 34, 1995, p. 102-125, en particulier p. 102-103.

58 Ibid., p. 103.

59 Luca Pacioli, Divina proportione. Opera a tutti glingegni perspicaci e curiosi necessaria ove ciascun studioso di philosophia : prospectiva pictura, sculptura, architectura, musica, e altre mathematice [1497], Venise, Paganini, 1509 ; Arnaldo Bruschi et al. (dir.), Scritti rinascimentali di architettura, Milan, Il Polifilo, 1978, p. 140.

60 M. A. Lavin, Piero della Francesca…, op. cit., p. 38-45.

61 L. Borgo, « New Questions for Piero's Flagellation », art. cit., p. 550.

62 E. F. Londei, « La scena della Flagellazione… », art. cit.

63 Suivant en cela C. Ginzburg, Enquête…, op. cit., p. 84.

64 André Chastel, L'Italie et Byzance, éd. par C. Lorgues-Lapouge, Paris, Éd. de Fallois, 1999, p. 222-225 ; S. Ronchey, L'enigma di Piero…, op. cit., p. 79-87.

65 Jean Babelon, « Jean Paléologue et Ponce Pilate », Gazette des beaux-arts, 4, 1930, p. 365-375, en particulier p. 372 : « Nous remarquerons que la figure même de Ponce Pilate assis sur son trône, le sceptre à la main, est l'exact portrait de Jean Paléologue, non plus interprété, comme dans la bataille du Pont Milvius, sous l'aspect d'un vainqueur, mais conforme à la médaille de Pisanello, impassible et comme indifférent au drame qui se joue devant ses yeux, dans l'attitude du juge fataliste qui laisse commettre l'injustice. »

66 Lionello Puppi (dir.), Pisanello, Paris, Hazan, 1996, p. 144-146.

67 Le profil caractéristique de l'empereur Jean VIII Paléologue se retrouve à Vérone dans les fresques de la chapelle Saint-Jérôme, situées dans l’église Santa Maria della Scala et exécutées par Giovanni Badile entre 1443 et 1444.

68 A. Chastel, L'Italie et Byzance, op. cit., p. 223-224.

69 Si J. Babelon est bien, à notre connaissance, le premier à faire le rapprochement avec le portrait en médaille de Jean VIII Paléologue par Pisanello, il faut attendre le début des années 1950, avec la monographie de K. Clark, pour que cette « touche » byzantine soit interprétée dans un sens politique. T. Gouma-Peterson, « Piero della Francesca's Flagellation… », art. cit., p. 219, perçoit dans les « bas cramoisis » portés par Pilate un indice vestimentaire en faveur de son identification avec l'empereur byzantin, qu'elle présente comme une « clé pour la compréhension du tableau ». L'hypothèse est accréditée par C. Ginzburg, Enquête…, op. cit., p. 75, pour mieux étayer sa propre reconstruction du tableau.

70 S. Ronchey, L'enigma di Piero…, op. cit., p. 194.

71 Chiara Pertusi, La Flagellazione di Piero della Francesca e le fonti letterarie sulla caduta di Costantinopoli, Bologne, Lo Scarabeo, 1994 ; Id., « L'apocalittica domenicana… », art. cit. Pour cette auteure, le tableau de la Flagellation apparaît étroitement corrélé à l’épisode de la chute de Constantinople ; elle propose cependant un aménagement de détail dans ce cadre général d'interprétation : traditionnellement identifié à Jean VIII Paléologue, Pilate ferait plutôt référence au dernier empereur byzantin, Constantin XII.

72 Jean-Yves Boriaud, « Mesurer Rome à la Renaissance ? La Descriptio Urbis Romae de Leon Battista Alberti », in D. Marcotte (dir.), Humanisme et culture géographique à l’époque du concile de Constance. Autour de Guillaume Fillastre, Turnhout, Brepols, 2002, p. 219-226.

73 Sabine Forero-Mendoza, Le temps des ruines. Le goût des ruines et les formes de la conscience historique à la Renaissance, Seyssel, Champ Vallon, 2002, p. 59.

74 Daniel Arasse, L'annonciation italienne. Une histoire de perspective, Paris, Hazan, [1999] 2010, p. 135-143.

75 Alain Boureau, L’événement sans fin. Récit et christianisme au Moyen Âge, Paris, Les Belles Lettres, 1993.

76 Judith V. Field, « A Mathematician's Art », in M. A. Lavin (dir.), Piero della Francesca and His Legacy, op. cit., p. 177-197, ici p. 190.

77 Des extraits de ce traité sont proposés dans les Œuvres choisies de Nicolas de Cues, trad. par M. de Gandillac, Paris, Aubier-Montaigne, 1942, p. 359-363.

78 Comme dans l’église franciscaine d'Arezzo avec la Légende de la Croix, selon la démonstration de D. Arasse, « Oltre le scienze… », art. cit., en particulier p. 102-106.

79 Edward Maccurdy (éd.), Les carnets de Léonard de Vinci, trad. par L. Servicen, Paris, Gallimard, [1942] 1994, t. 1, p. 80-81.

80 Au milieu d'une importante bibliographie, voir Gerhard Dohrn-van Rossum, L'histoire de l'heure. L'horlogerie et l'organisation moderne du temps, trad. par O. Mannoni, Paris, Éd. de la Msh, [1992] 1997 ; Jean-Patrice Boudet, « L'apparition des horloges mécaniques en Occident », Revue historique, 122-1, 1998, p. 145-154 ; Jacques Chiffoleau, « Quantifier l'inquantifiable. Temps purgatoire et désenchantement du monde (vers 1270-vers 1520) », in G. Cuchet (dir.), Le purgatoire. Fortune historique et historiographique d'un dogme, Paris, Éd. de l'Ehess, 2012, p. 37-71.

81 Alfred W. Crosby, La mesure de la réalité. La quantification dans la société occidentale, 1250-1600, trad. par J.-M. Mandosio, Paris, Allia, [1997] 2003, p. 89.

82 Ibid., p. 95.

83 M. A. Lavin, Piero della Francesca…, op. cit., p. 53-67 ; C. Ginzburg, Enquête…, op. cit. ; S. Ronchey, L'enigma di Piero…, op. cit.

84 C. Gilbert, « On Subject… », art. cit. ; E. H. Gombrich, « The Repentance of Judas… », art. cit. ; A. Angelini, Piero della Francesca, op. cit.

85 K. Clark, Piero della Francesca, op. cit. ; M. A. Lavin, « Piero della Francesca's Flagellation… », art. cit. ; T. Gouma-Peterson, « Piero della Francesca's Flagellation… », art. cit. ; B. Roeck, Mörder…, op. cit. ; Angelo Turchini, « Un'ipotesi per la Flagellazione di Piero della Francesca », Quaderni medievali, 14, 1982, p. 61-93. La proposition la plus ésotérique est sans doute celle de D. A. King, Astrolabes and Angels…, op. cit.

86 Peter Murray, « A Note on the Iconography of Piero della Francesca », in A. Kosegarten et P. Tigler (dir.), Festschrift Ulrich Middledorf, Berlin, De Gruyter, 1968, p. 175-179, en particulier p. 178 (n. 33) ; J. Pope-Hennessy, « Whose Flagellation ? », art. cit. ; R. W. Lightbown, Piero della Francesca, op. cit.

87 M. A. Lavin, « Piero della Francesca's Flagellation… », art. cit., p. 339 ; C. Ginzburg, Enquête…, op. cit., p. 103.

88 Antonio Paolucci, Piero della Francesca, trad. par D.-A. Canal, Paris, Herscher, [1989] 1992, p. 54 ; R. W. Lightbown, Piero della Francesca, op. cit., p. 50.

89 C. Ginzburg, Enquête…, op. cit., p. 83.

90 R. Longhi, Piero della Francesca, op. cit., p. 47.

91 G. M. Fachechi, « Piero e la tradizione… », art. cit., p. 68.

92 R. Longhi, Piero della Francesca, op. cit., p. 48.

93 Ce type de leurre n'est pas un cas unique dans la peinture du maître de Borgo San Sepolcro. On retrouve un procédé similaire (mais avec des enjeux théologiques différents) dans la scène de l'Annonciation qui surmonte le polyptyque de saint Antoine de Pérouse. Voir Thomas Martone, « Piero della Francesca e la prospettiva dell'intelletto », in O. Calabrese (dir.), Piero teorico dell'arte, Rome, Gangemi, 1985, p. 173-186 ; D. Arasse, L'annonciation italienne…, op. cit., p. 39-42.

94 Saint Augustin, Les confessions, éd. dir. par L. Jerphagnon, Paris, Gallimard, 1998 (toutes les références citées dans le texte se rapportent à cette édition).

95 Confessions, XI, 21, 27. Voir Horst H. Günther, Le temps de l'histoire. Expérience du monde et catégories temporelles en philosophie de l'histoire, de saint Augustin à Pétrarque, de Dante à Rousseau, trad. par O. Mannoni, Paris, Éd. de la Msh, [1993] 1995, p. 14-70 ; Jean Guitton, Le temps et l’éternité chez Plotin et saint Augustin, Paris, Vrin, [1933] 2004.

96 Confessions, XI, 21, 27.

97 Confessions, XI, 14, 17.

98 Confessions, XI, 15, 20.

99 Confessions, XI, 16, 21.

100 Confessions, XI, 28, 37.

101 Selon un rapprochement déjà suggéré par R. Longhi, Piero della Francesca, op. cit., p. 116, et souligné par C. Ginzburg, Enquête…, op. cit., p. 108-109 et fig. 94.

102 Confessions, X, 8, 14 : in aula ingenti memoriae meae.

103 Paul Ricœur, Temps et récit, Paris, Éd. du Seuil, [1983] 1991, vol. 1, p. 47.

104 Sur la difficulté à restituer en traduction le mot distentio dans son acception augustinienne et sur sa réception à l’époque médiévale, voir Mary Carruthers, « Meditations on the ‘Historical Present’ and ‘Collective Memory’ in Chaucer and Sir Gawain and the Green Knight », in C. Humphrey et X. Ormrod (dir.), Time in the Medieval World, York/Woodbridge, York Medieval Press/Boydell and Brewer, 2001, p. 137-155, en particulier p. 153-154.

105 Confessions, XI, 29, 39. Voir P. Ricœur, Temps et récit, op. cit., p. 60 ; Isabelle Bochet, Saint Augustin et le désir de Dieu, Paris, Études augustiniennes, 1982, p. 131-142.

106 François Hartog, Régimes d'historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Éd. du Seuil, 2003, p. 68-75, ici p. 72.

107 Paul, Épître aux Philippiens, 3, 12-14.

108 Didier Méhu, « Augustin, le sens et les sens. Réflexions sur le processus de spiritualisation du charnel dans l’Église médiévale », Revue historique, 674-2, 2015, p. 271-302.

109 J. Passavant, Rafael von Urbino…, op. cit., p. 433.

110 Joseph Hoffman, « Piero della Francesca's Flagellation: A Reading from Jewish History », Zeitschrift für Kunstgeschichte, 44, 1981, p. 340-357, en particulier p. 356-357.

111 D'après Luc, 23, 6-12. Voir Paul D. Running, « Letters to the Editor », The Art Bulletin, 35-1, 1953, p. 85-86, suivi par C. Gilbert, « Piero della Francesca's Flagellation… », art. cit., p. 42, et M. Calvesi, « La Flagellazione di Piero… », art. cit., p. 25-26.

112 Jean-Pierre De Rycke, « Convenerunt in unum. La Flagellation du Christ d'Urbino et l'union des deux Églises », Paragone. Arte, 63, 2005, p. 21-50, en particulier p. 26.

113 K. Clark, Piero della Francesca, op. cit. Le premier rapprochement entre l'homme au turban et l'univers ottoman semble remonter à Felix Witting, Piero dei Franceschi, eine kunsthistorische Studie, Strasbourg, Heitz, 1898, p. 122.

114 J. Babelon, « Jean Paléologue et Ponce Pilate », art. cit.

115 R. W. Lightbown, Piero della Francesca, op. cit., p. 60 : « c'est un oriental vêtu d'une longue robe et d'un turban gris clair ».

116 Si l'homme au turban est parfois simplement signalé comme tel (M. A. Lavin, « Piero della Francesca's Flagellation… », art. cit., p. 338, n. 18, il est le plus souvent identifié à un turc infidèle (Frederick Hartt, History of Italian Renaissance Art, New York, Abrams, 1970, p. 244, n. 59 ; T. Gouma-Peterson, « Piero della Francesca's Flagellation… », art. cit., p. 219), voire à une figure allégorique « de la menace turque à l'encontre de la foi chrétienne » (Eugenio Battisti, Piero della Francesca, Milan, Istituto editoriale italiano, 1971, p. 320, n. 14. Plus récemment, S. Ronchey, L'enigma di Piero…, op. cit., p. 241-243, a proposé de l'identifier avec le sultan turc sur le point de s'emparer de Constantinople. L'un des rares auteurs à le percevoir positivement est Carlo Bertelli, Piero della Francesca. La forza divina della pittura, Milan, Silvana, 1991, p. 120.

117 La meilleure preuve en est peut-être la fameuse scène de la découverte de la croix du Christ sur le registre médian du mur gauche de la chapelle des Franciscains d'Arezzo. Là aussi, un homme vu de dos, légèrement courbé en avant sous l'effort, porte un turban de couleur blanche savamment noué sur la tête.

118 Jean Wirth, L'image à la fin du Moyen Âge, Paris, Éd. du Cerf, 2011, p. 220-236.

119 J. V. Field, Piero della Francesca…, op. cit., p. 177 ; R. W. Lightbown, Piero della Francesca, op. cit., p. 60.

120 R. Longhi, Piero della Francesca, op. cit., p. 57.

121 Ainsi que l'a rappelé avec brio Philippe Jockey, Le mythe de la Grèce blanche. Histoire d'un rêve occidental, Paris, Belin, 2013.

122 Sur ce type de figuration assez rare mais qui connaît un essor significatif dans le domaine de la peinture dévotionnelle, voir les remarques suggestives de Georges Banu, L'homme de dos. Peinture, théâtre, Paris, Adam Biro, 2001.

123 Psaume 118, 19-20 : « Ouvrez-moi les portes de la justice, que j'entre et confesse le Seigneur ; voici la porte du Seigneur, par elle entreront les justes. »

124 Évangile selon Jean, 10, 9.

125 Évangile selon Matthieu, 7, 13.

126 Pétrarque, Lettres de la vieillesse, XV, 7, trad. par J.-Y. Boriaud, Paris, Les Belles Lettres, 2006, p. 392-395.

127 Pétrarque, De Otio religioso, I, IV, 3-4 ; Id., Le repos religieux, trad. par C. Carraud, Grenoble, J. Millon, 2000, p. 57-61.

128 Mariarosa Cortesi, « Lectures humanistes des Pères de l’Église. Philologie patristique et renouvellement de la culture au xve siècle », in C. Caby et R. M. Dessì (dir.), Humanistes, clercs et laïcs dans l'Italie du xiiie au début du xvie siècle, Turnhout, Brepols, 2012, p. 175-198.

129 Pierre Courcelle, Les confessions de saint Augustin dans la tradition littéraire, Paris, Études augustiniennes, 1963, p. 329-351.

130 Marcella Peruzzi, Cultura potere immagine. La biblioteca di Federico di Montefeltro, Urbino, Accademia Raffaello, 2004, p. 44-48.

131 Pierre Caye, « Le silence ou le sens de l'ascèse chez Pétrarque », in C. Trottmann (dir.), Vie active et vie contemplative au Moyen Âge et au seuil de la Renaissance, Rome, École française de Rome, 2009, p. 331-345, en particulier p. 334-337.

132 Pétrarque, Secretum, III, éd. par E. Fenzi, Milan, Mursia, 1992, p. 282 : Sparsa animae fragmenta recolligam ! : « Je rassemblerai les fragments de mon âme ! »

133 Leon Battista Alberti, Momo o del principe, éd. par R. Consolo, Gênes, Costa e Nolan, 1986, p. 220.

134 Pétrarque, De remediis utriusque fortune, II, 33, préface ; Id., Les remèdes aux deux fortunes, trad. par C. Carraud, Grenoble, J. Millon, 2002, vol. 1, p. 550-555 : Nusquam totus, nusquam unus, secum ipse dissentiens, se discerpens.

135 Pétrarque, De remediis utriusque fortune, II, 75 ; Id., Les remèdes…, op. cit., p. 854-855 : quasi seditiosi cives, in unam convenerint voluntatem.

136 J. V. Field, Piero della Francesca…, op. cit., p. 177-178.

137 Charles-Olivier Carbonell, « L'idée de Renaissance dans l'historiographie du xixe siècle », in P. Ménard (dir.), L'idée de Renaissance dans l'Occident moderne, Paris, Presses de l'université de Paris-Sorbonne, 1987, p. 83-95.

138 J. Wirth, L'image à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 414.

139 Le recours à la radiographie révèle en effet que le contour de son crâne a été modifié : B. Roeck, Mörder…, op. cit., p. 82-92.

140 Psaume 73, 16 (ou 72 selon la Vulgate) : Et existimabam cognoscere hoc labor est ante me : « Je réfléchissais pour comprendre cela ; et ce travail (cet effort) est devant moi. »

141 Confessions, XI, 22, 28.

142 Sur la signification morale ou spirituelle de la perspective, voir Michael Baxandall, L’œil du Quattrocento, trad. par Y. Delsaut, Paris, Gallimard, [1972] 1985, p. 153-164.

143 Paul, Épîtres aux Corinthiens, II. Cor. 4, 16-18.

144 Piero della Francesca, De la perspective en peinture, op. cit., liv. 1, p. 39, et liv. 3, p. 145.

145 G. Vasari, Les vies…, op. cit., vol. 1, p. 322.

146 Selon la célèbre interprétation panofskienne : Erwin Panofsky, La perspective comme forme symbolique, trad. dir. par G. Ballangé, Paris, Éd. de Minuit, [1927] 1991, p. 37-182, en particulier p. 158.