Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
L'article de Y. Thébert pose un certain nombre de problèmes importants qui d'ailleurs débordent largement la seule histoire de l'Afrique du Nord dans l'Antiquité. Je lui suis en particulier reconnaissant d'avoir montré avec force comment la notion de formation sociale permet de mieux poser les rapports entre la ville et la campagne. Mais je crois qu'il porte une attention excessive aux mots et au discours et qu'il est hypercritique dans son projet de débusquer des modes de pensée traditionalistes dans des impropriétés de vocabulaire ou des expressions considérées comme révélatrices. Je ne le suivrai donc pas dans la discussion sur les ambiguïtés de l'utilisation des adjectifs « indigène », « berbère » ou « maghrébin » (auquel il faut ajouter « maure ») ni sur celles de l'invocation à l'authenticité africaine.
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3. Kolendo, J., Le Colonat en Afrique sous le Haut-Empire, Paris, 1976 CrossRefGoogle Scholar (vol. 177 des Annales littéraires de l'Université de Besançon).
4. Là s'arrête la comparaison car il n'y a pas appropriation (cf. infra).
5. Je pense en particulier, pour la Gaule, à la conférence de J. Carcopino (prononcée en 1932), « L'impérialisme renversé : ce que Rome et l'Empire romain doivent à la Gaule », dans Les Étapes de l'impérialisme romain, Paris, 1961, où la question se réduit à un problème de tonneaux et de braies ; ou encore à la conclusion générale de J. J. Hatt à la première édition de son Histoire de la Gaule romaine, Paris, 1959. Il s'agit d'une historiographie typiquement coloniale : la question y est posée selon la vieille technique coloniale de la comptabilité à deux colonnes : ce que Rome doit à la province et ce que la province doit à Rome. Or ce qui importe ce ne sont ni les bienfaits de Rome ni la Paix romaine, mais le rapport dominant/dominé.
6. Finley, M. I., « Colonies — An attempt at a typology », Transactions of the Royal Historical Society, 5th Séries, vol. 26, 1976, pp. 167-188 CrossRefGoogle Scholar. M. I. Finley, pour l'Antiquité, ne reconnaît l'existence de colonies, ni dans le système perse, ni dans les colonies grecques ou phéniciennes (pas de lien de dépendance par rapport à la métropole), ni dans les migrations de peuples, ni dans la domination d'une élite militaire sur une nation étrangère (monarchies hellénistiques). Il suspend son jugement pour l'Empire romain.
7. Moniot, H., «Le fait colonial», dans Coquery-Vidrovitch, C. et Moniot, H., L'Afrique noire, Paris, P.U.F. Google Scholar, «Nouvelle Clio », 1974, pp. 346-351. Il faut se reporter aux travaux de G. Balandier, «La situation coloniale, approche théorique», Cf.S., t. XI, 1951, pp. 44-47 ; Sociologie actuelle de l'Afrique noire. Dynamique des changements sociaux en Afrique centrale, Paris, 1955, pp. 3-36 ; par ex. : « La plupart des historiens ont insisté sur le fait que la pacification, l'équipement, la mise en valeur des pays colonisés se sont réalisés constamment par rapport aux nations occidentales et non en vue des intérêts locaux† Ils ont rappelé que l'exploitation économique s'appuie sur une prise de possession politique — ce sont là deux traits caractéristiques du fait colonial. Les historiens nous permettent ainsi d'entrevoir à quel point la société colonisée devint un instrument à l'usage de la nation coloniale. On peut remarquer une manifestation de ce caractère instrumental dans la politique qui consiste à compromettre en l'intéressant l'aristocratie indigène† » (op. cit., p. 5).