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Published online by Cambridge University Press: 04 May 2017
L’objet de cet article est d’explorer les ressorts du travail juridique qui conduisit à l’élaboration de la catégorie légale de convention collective en France. À la fin du XIXe siècle, la réflexion juridique, partant des limites de l’institution syndicale, identifia d’autres modèles de la collectivité. À côté de celle fondée sur l’existence préalable d’une personne morale collective, le syndicat, les juristes envisagèrent un type de collectivité moins formalisé, le « groupement », défini comme la base de la représentation des travailleurs dans la conciliation et l’arbitrage des nombreuses grèves qui se déroulaient en dehors de toute présence syndicale. Ils devaient composer enfin avec la conception de la collectivité comme agrégation d’engagements individuels volontaires, inhérente au monde du droit civil. La loi de 1919, en ajustant ces trois conceptions de la collectivité, fit du « groupement » le lieu d’action du syndicat. Elle orienta pour longtemps le devenir du mouvement ouvrier français, en ancrant l’activité syndicale dans le fonctionnement d’instances représentatives élues du personnel.
The aim of this article is to explore the dynamics of the judicial work which lead to the elaboration of the legal category of the “convention collective” in France (more or less the equivalent of collective agreements). At the end of the 19th century, the judicial reflexion started from the limits of the union as a legal institution defined by the 1884 law of, and identified other models of collectivity. Alongside the collectivity grounded on the previous existence of a collective body — the union —, the jurists considered a less formalised collectivity — the “group” — as the basis for designation of workers representatives in conciliation and arbitration of numerous strikes in the absence of unions. Furthermore, they had to integrate the conception of the collectivity as an aggregation of individual commitments, inherent to the world of the civil law. The 1919 law, by adjusting these three conceptions of the collectivity, made the group the place of union action. It orientated for a long time the future of the French labor movement, by anchoring the union activity in the functioning of elected representative bodies of the workers.
1. Wroblewski, Jerzi, «Les langages juridiques: une typologie», Droit et société, 8, 1988, pp. 13–27 CrossRefGoogle Scholar.
2. « On peut distinguer trois types de langages relevant du discours du droit et les traiter ensemble comme langage juridique, c’est-à-dire — au moins partiellement — comme un méta-langage par rapport au langage légal. Il s’agit du langage juridique jurisprudentiel, du langage juridique scientifique et du langage juridique commun. Il n’y a pas de différence syntaxique entre ces types, mais des différences sémantiques et/ou pragmatiques. » (J. Wroblewski, « Les langages juridiques... », art. cit., p. 14). Les trois méta-langages juridiques se présentent comme des langages sur le droit; le droit comme langage légal est objet des autres « langages ».
3. Le travail d’élaboration de la construction de la convention collective ne relève donc pas immédiatement d’une théorie des actes de langage. Il ne présente pas un caractère performatif, dans la mesure où il n’est possible d’envisager la portée « illocutoire » des énoncés de règles juridiques que « dans le contexte des actes d’édictions des autorités juridiques » ( Amselek, Paul, «Philosophie du droit et théorie des actes de langage », in ID. (ed.), Théorie des actes de langage, éthique et droit, Paris, PUF, 1986, pp. 109–165 Google Scholar).
4. La règle de droit visée par ces juristes est une règle mobilisable par les acteurs économiques comme modèle d’évaluation de leurs litiges devant les tribunaux. Une telle conception est exposée par Jeammaud, Antoine, «La règle de droit comme modèle», Recueil Dalloz-Sirey, 34, 1990, Chronique, pp. 199–210 Google Scholar. Elle tranche de manière radicale avec la conception du travail juridique que porte en elle la sociologie juridique de Jean Carbonnier, comme adaptation d’un droit « flexible » aux évolutions sociales dans le souci de traduire et de contraindre les comportements socialement admis ( Carbonnier, Jean, Flexible droit: pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris, LGDJ, 1969 Google Scholar).
5. Cette question est soulevée notamment aujourd’hui dans le contexte de la négociation d’accords de réduction du temps de travail, où la représentativité est tempérée par le droit d’opposition des syndicats représentatifs non signataires. Cf. le cas de l’accord EDF-GDF annulé par la cour d’appel de Paris, Anton Mattei, Paul-Henri, Favennec-Hery, Françoise et Garbar, Christian-Albert, «L’annulation de l’accord EDF-GDF sur les 32 heures», Droit social, 12, 1998, pp. 986–999 Google Scholar, ici p. 996.
6. Cf. Le Goff, Jacques, « La naissance des conventions collectives», Droits, 12, 1990, pp. 67–79 Google Scholar.
7. Revel, Jacques, «L’institution et le social», in Lepetit, B. (dir.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995, pp. 63–84 Google Scholar.
8. Sur la grève en France dans les années 1880, se reporter à Perrot, Michelle, Les ouvriers en grève. France 1871-1890, Paris-La Haye, Mouton, 1974 Google Scholar.
9. Pour le tableau idéel d’un univers dans lequel les évolutions légales sont le résultat de l’activité des professeurs de droit du travail, construit à partir de la situation allemande de la fin du siècle dernier, voir Weber, Max, Sociologie du droit, Paris, PUF, [1919] 1986 Google Scholar.
10. Pour une vision d’ensemble du droit du travail au début du siècle, voir Barrau, Patrick et Hordern, Francis, Histoire du travail par les textes, t. 1, De la Révolution à la Première Guerre mondiale , « Cahiers de l’Institut régional du travail », 8, Aix-Marseille, s. éd., 1999 Google Scholar.
11. Renvoyant ainsi à des luttes de classes fortement ancrées dans des localités et des régions, dans un pays dominé par les « terroirs ». Voir Didry, Claude, «Du contrat collectif à la convention collective », Raisons pratiques, 14, 1998, pp. 227–251 Google Scholar, pour une analyse de la jurisprudence entendue comme processus de sélection de décisions judiciaires (au sens Serverin, d’Évelyne, De la jurisprudence en droit privé, théorie d’une pratique, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1985 Google Scholar).
12. Nous nous fondons, pour retracer les événements depuis la fondation du syndicat, d’une part sur la publication de l’Office du travail en 1893 sur l’arbitrage et la conciliation, et d’autre part sur une revue de presse conservée aux Archives de la préfecture de Police de Paris (cote BA 1612).
13. Office Du Travail, De la conciliation et de l’arbitrage dans les conflits collectifs entre patrons et ouvriers, en France et à l’étranger, Paris, Imprimerie nationale, 1893, p. 527 Google Scholar.
14. Ibid.
15. Nast, Marcel, Des conventions collectives relatives à l’organisation du travail, thèse pour le doctorat de droit, Paris, 1907 Google Scholar.
16. Cf. Sewell, William H., Gens de métier et révolutions. Langage du travail de l’Ancien Régime à 1848, Paris, Aubier, 1983 Google Scholar.
17. Comme le montre Francine Soubiran-Paillet, avant la loi de 1884, le syndicat était pris dans une réflexion plus globale de réorganisation de la société: à ce titre, il apparaît dans les groupements ouvriers comme un organe concurrent de la figure de la coopérative. Pour que le syndicat devînt un outil des luttes ouvrières, il fallait d’abord qu’il perdît ce caractère idéal. De plus, le syndicat professionnel défini par la loi de 1884 ne s’adressait pas uniquement aux groupements ouvriers; les commerçants et artisans urbains y avaient aussi recours ( Soubiran-Paillet, Francine, L’invention du syndicat (1791-1884), itinéraire d’une catégorie juridique, Paris, LGDJ, 1999 Google Scholar).
18. Cf. Cottereau, Alain, «The Distinctivness of Working-Class Cultures in France, 1848-1900», in Katznelson, I. et Zolberg, A. R. (eds), Working-Class Formation, Nineteenth-Century Patterns in Western Europe and the United States, Princeton, Princeton University Press, 1986, pp. 111–156 Google Scholar.
19. Les conseils de prud’hommes intègrent l’héritage de la Révolution, dans la mesure où ils mettent leur proximité « au service d’une distanciation publique des antagonismes locaux, des normes locales, des vies de métier » ( Cottereau, Alain, «“ Esprit public” et capacité de juger. La stabilisation d’un espace public en France aux lendemains de la Révolution», Raisons pratiques, 3, 1992, pp. 239–274 Google Scholar, ici p. 266. Ils se distinguent des « corps intermédiaires » d’inspiration tocquevillienne par leur rejet de toute nostalgie à l’égard de la domination des notables, et par leur capacité à juger selon l’« esprit public ».
20. Sur cette seconde industrialisation « en situation », voir Daumas, Jean-Claude, «Les établissements Blin et Blin d’Elbeuf à la fin du XIXe siècle: capital familial, industrialisme et paternalisme», Entreprises et histoire, 6, 1994, pp. 87–108 CrossRefGoogle Scholar. L’auteur décrit l’installation des Alsaciens Blin dans la fabrique de drap d’Elbeuf, au lendemain de la guerre de 1870.
21. Cette configuration, courante avant 1914, se retrouve pour le seul mouvement ouvrier d’ampleur au cours de la Première Guerre mondiale, les grèves des midinettes (c’est-à-dire des petites mains de la couture parisienne) qui aboutissent à l’établissement d’un salaire minimum et à la reconnaissance de la semaine anglaise pour les couturières à domicile, à travers les lois de 1915 et 1917.
22. Dalloz Périodique, 1903, 2e partie, p. 26.
23. Ibid., p. 26.
24. Bulletin de l’Office du travail [BOT], 1895, p. 30.
25. Ibid., p. 31.
26. Ibid., p. 31.
27. À Cholet, La Tribune publique est l’organe de la chambre syndicale et de la fraction socialiste du conseil municipal (M. PERROT, Les ouvriers en grève..., op. cit., p. 309).
28. Ce don sera annulé sur intervention du ministre de l’Intérieur au motif que les ressources de la commune doivent être affectées à des dépenses d’intérêt local (M. Perrot, Les ouvriers en grève..., op. cit., pp. 537 et 539).
29. En particulier La Revue des sociétés, dirigée par Félix Hubert-Valleroux, publia la décision de Cholet en 1897, p. 303.
30. Raynaud, Barthélemy, Le contrat collectif de travail, thèse de doctorat en droit, Faculté de Paris, 1901, p. 248 Google Scholar.
31. Bureau, Paul, Le contrat de travail, le rôle des syndicats professionnels, Paris, Félix Alcan, 1902 Google Scholar.
32. A. Cottereau, « The Distinctivness... », art. cit.
33. M. Perrot, Les ouvriers en grève..., op. cit.
34. Comme dans le cas de Jaurès à Carmaux.
35. Sur les « conventions d’Arras », voir Trempe, Rolande, «Les origines des conventions d’Arras», Revue du Nord Google Scholar, « Histoire, hors série-8 » ( Kourchid, Olivier et Trempe, Rolande, Cent ans de conventions collectives, Arras, 1891-1991Google Scholar), 1994, pp. 25-38.
36. Ces chiffres traduisent une activité de conciliation non négligeable, dans la mesure où il s’agit de flux et non de stocks. Ils sont ainsi comparables aux quelques milliers d’accords collectifs constatés — en comptabilité de stocks — en Allemagne à la fin de la première décennie du XXe siècle.
37. Les origines de ce projet remontent aux propositions d’« organisation » de la grève avancées par les députés socialistes, organisation fondée sur le principe du référendum ouvrier pour la décider (voir Guesde, Jules, Quatre ans de lutte de classes à la Chambre (1893-1898), Paris, Bibliothèque d’études socialistes, 1901 Google Scholar). On pourrait trouver des échos actuels de ces propositions dans les réflexions sur le « principe majoritaire » dans les accords collectifs: cf. Remy, Patrick, «Représentation dans la négociation collective: les limites du principe majoritaire», Le droit ouvrier, 1999, pp. 269–284 Google Scholar.
38. Jaurès se fit ainsi l’apôtre du référendum et du contrat collectif dans les grèves au cours d’une série d’articles de L’Humanité, faisant suite à la tuerie de Draveil en août 1908.
39. La notion de groupement professionnel est au centre de la préface à la deuxième édition d’Émile Durkheim, De la division du travail social, parue en 1901. Sur la contradiction entre la « loi du groupe », et notamment le groupement professionnel, d’une part, et le développement historique de l’individualisme dans l’œ uvre de Durkheim, de l’autre, voir Filloux, Jean-Claude, Durkheim et le socialisme, Paris-Genève, Droz, 1977 CrossRefGoogle Scholar. Sur les enjeux de la réforme des groupements professionnels pour la conception de l’État et du droit dans la sociologie de Durkheim, voir Didry, Claude, «La réforme des groupements professionnels comme expression de la conception durkheimienne de l’État», Revue française de sociologie, 41-3, 2000, pp. 513–538 CrossRefGoogle Scholar.
40. Mauss, Marcel, «L’action socialiste», Le mouvement socialiste, 18 octobre 1899, pp. 449–462 Google Scholar.
41. Levy, Emmanuel, «L’exercice du droit collectif», Revue trimestrielle de droit civil, 2, 1903, pp. 95–106 Google Scholar.
42. Cet ouvrage s’intègre dans un mouvement plus général qui va du catholicisme social, avec les analyses de Raoul Jay sur le monopole syndical (L’organisation du travail par les syndicats professionnels, Paris, Larose, 1894) aux anarcho-syndicalistes, tels que les présente notamment Julliard, Jacques, Autonomie ouvrière. Études sur le syndicalisme d’action directe, Paris, Le Seuil, 1988 Google Scholar.
43. Paul-Boncour, Joseph, Le fédéralisme économique, avec une préface de Rousseau, M. Waldeck, Paris, Alcan, 1900, pp. 172 Google Scholar et 195.
44. Planiol, Marcel, «Note sous Tribunal civil Cholet, 12 février 1897», Dalloz Périodique, 2, 1903, pp. 25–26 Google Scholar.
45. On retrouve cette expression dans l’arrêt Chauffailles rendu par la Cour de cassation en 1893.
46. L’Année sociologique, 1901, p. 555.
47. Ibid., p. 555.
48. La présence d’Alexandre Millerand au ministère de la Guerre a sans doute joué un rôle important dans l’arrivée et l’action d’Albert Thomas au sous-secrétariat d’État à l’Armement, qui devint ensuite un ministère.
49. Sur le rôle des décrets Millerand pendant la guerre, voir Saglio, Jean, «É quité salariale et rapport de force: la diversité des conceptions des conventions collectives de branche dans le système français de relations professionnelles », Études (revue du CEREQ), 65, 1993, pp. 63–76 Google Scholar.
50. Camille Perreau a publié des ouvrages d’économie politique et il fut le coordinateur du projet sur le contrat de travail au sein de la Société d’études législatives.
51. Perreau, Camille, «Question n° 9: le contrat de travail (séance au 10 janvier)», Bulletin de la société d’études législatives [BEL], 6, 1907, pp. 45–46 Google Scholar.
52. Le droit est entendu ici d’abord comme un droit de propriété, c’est-à-dire la possibilité de jouir d’une chose en toute indépendance à l’égard d’autrui. Il s’entend également de la prestation que nous doit autrui et que nous pouvons le cas échéant exiger. Comme le souligne Alain Supiot, « la théorie juridique du patrimoine, telle qu’elle s’affine au XIXe siècle, notamment dans l’œ uvre d’Aubry et Rau, est le pont qui permet de passer de la personne à la chose. C’est en entrant dans un patrimoine que les choses matérielles acquièrent la qualification juridique de « biens », sur lesquelles une personne a des droits. Et, en sens inverse, les prestations qui lui sont dues, ou qu’elle doit, constituent autant de biens, qui peuvent toujours se résoudre en fin de compte en une somme d’argent, et donc en une chose matérielle. » ( Supiot, Alain, Critique du droit du travail, Paris, PUF, 1994, pp. 39–40 Google Scholar). A. Supiot montre que la conception patrimoniale du droit a été le berceau historique du contrat de travail sous la figure initiale du « contrat de louage des domestiques et ouvriers » dans le Code civil. Certes, en s’en tenant à cette conception, la place de la condition ouvrière dans le Code civil semble limitée aux yeux de nombreux juristes inspirés par le catholicisme social, comme en témoigne notamment Ernest Glasson, Désiré, Le Code civil et la question ouvrière, Paris, F. Pichon, 1886 Google Scholar. En tant que « droit révolutionnaire » (voir M. Weber, Sociologie du droit, op. cit.), le Code civil a néanmoins le mérite d’inscrire la catégorie d’« ouvrier » dans la langue du droit et de la rendre ainsi mobilisable dans les luttes sociales du siècle à venir pour parler notamment de « classe ouvrière ».
53. Sur l’imbroglio des rapports de travail dans la rubanerie stéphanoise, voir Du Travail, Office, Les associations professionnelles ouvrières, Paris, Imprimerie nationale, 1899-1904Google Scholar, ainsi que Dubesset, Mathilde et Zancarini-Fournel, Michelle, Parcours de femmes: réalités et représentations. Saint-Étienne, 1880-1950, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1993 Google Scholar.
54. Un arrêt de la Cour de cassation du 24 janvier 1902 casse un jugement du tribunal de simple police de Saint-Didier-la-Sauve (Haute-Loire), qui avait relaxé un patron en faisant porter la responsabilité du contrat sur ses contremaîtres: « Attendu que le sieur Binachon directeur des usines Dorian, Holtzer, Jackson et Cie, était poursuivi pour avoir, en contravention à l’article 4 de la loi du 2 novembre 1892, employé dans son usine trois enfants mineurs de dix-huit ans; qu’il a soutenu que les contraventions ne pouvaient être retenues contre lui par le motif que les enfants mineurs, trouvés dans ses usines, n’étaient pas employés par lui, mais par des tâcherons, travaillant aux pièces, et payant eux-mêmes les enfants qu’ils occupent; qu’il a été relaxé par le motif qu’il ne saurait être déclaré responsable des infractions commises à son insu par des entrepreneurs occupés aux usines dont il a la direction [...] » (cité dans Fontaine, Arthur, Le louage de travail, Paris, Paul Dupont ed., 1903 Google Scholar).
55. BEL, 5, 1906, p. 430.
56. Le champ d’affiliation obligatoire à la Sécurité sociale, art. L. 311-2 du code de la Sécurité sociale, reprend aujourd’hui encore le même critère: « Sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, [...] toutes les personnes [...] salariées ou travaillant pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération. » 57. « Il faut, d’après la loi belge de 1900, pour qu’il y ait contrat de travail, qu’il s’agisse d’un travail accompli sous l’autorité, la direction, la surveillance du patron. » ( Perreau, Camille, «Séance du 30 novembre 1905», BEL, 5, 1906, p. 78 Google Scholar).
58. Cité par M. Nast, Des conventions collectives..., thèse citée, p. 300.
59. Sur les débats qui ont entouré la loi de 1884 et sur les syndicats en France au début du XXe siècle, voir Office Du Travail, Les associations..., op. cit.
60. M. Planiol, « Notes sous Tribunal... », art. cit.
61. R. Jay, L’organisation..., op. cit.
62. Les professeurs d’économie politique étaient membres, à l’époque, de la faculté de droit. Les tenants d’une économie orthodoxe, centrée de manière systématique autour des choix individuels, sont, dans les débats de la Société d’études législatives, Paul Cauwès et Clément Colson. A` l’inverse, Camille Perreau, également professeur d’économie politique, est le promoteur du dispositif sociologique que représente le « groupement ».
63. Sans que la réalité de ce groupe ne soit clairement définie, l’école de l’exégèse en droit correspond aux professeurs de droit du XIXe siècle qui limitaient leur enseignement à une mise en forme systématique du Code civil (dans une terminologie inspirée de la sociologie juridique de Max Weber, on parlerait de « rationalisation »). La jurisprudence et la mise en œ uvre de ces règles juridiques n’avaient pour eux qu’une portée secondaire, destinée avant tout aux professionnels du droit.
64. Quoique rapporteur du groupe de travail sur la convention collective, Clément Colson n’en demeure pas moins libéral, et, dans son rapport, il ne mentionne pas le dispositif du groupement pour s’en tenir à la possibilité offerte aux individus de se dégager de la convention. Il ne revient sur la question du groupement que dans le débat ouvert par cette notion.
65. BEL, 6, 1907, p. 532.
66. BEL, 7, 1908, p. 36.
67. Ibid., c’est nous soulignons.
68. Gény, François, « Les procédés d’élaboration du droit civil », in Les méthodes juridiques, Paris, Giard, 1911 Google Scholar.
69. On retrouverait une telle représentation du droit dans l’œ uvre de Jean Carbonnier qui, lorsqu’il écrit en sociologue, s’autorise à pratiquer un « droit sans rigueur » (Flexible droit..., op. cit. ), bien vite abandonné quand il s’agit de faire véritablement du droit (Droit civil, op. cit. ).
70. La théorie de François Gény marque la victoire de l’esprit de corps des facultés de droit contre l’ambitieuse réforme républicaine de l’université que voulait promouvoir le directeur de l’enseignement supérieur Louis Liard, mentor de Léon Duguit et Émile Durkheim.
71. BEL, 6, 1907 , p. 532.
72. Ibid., pp. 534-535.
73. Ibid., p. 535.
74. Sur la place de cette conception dans les courants du syndicalisme révolutionnaire et de l’anarcho-syndicalisme, voir J. Julliard, Autonomie..., op. cit.
75. Ces limites deviendraient manifestes à travers une histoire du thème récurrent en France de la « crise du syndicalisme »: au début du XXe siècle le fédéralisme de Joseph Paul-Boncour, en 1934 le rapport Laroque pour le Conseil national économique sur les conventions collectives, et aujourd’hui une inquiétude sur la faiblesse du nombre de syndiqués en France.
76. « Le système juridique français qui a poussé très loin la codification des droits des salariés en accord avec les exigences de la mise en place du système fordiste est fortement déstabilisé par les évolutions des deux dernières décennies. En conséquence, de très nombreuses dérogations et de nombreux statuts atypiques sont introduits dans le Code du travail français: il est devenu incohérent, voire contradictoire, selon qu’il concerne les salariés dont l’emploi est à durée indéterminée ou les autres statuts (CDD, intérim, emploi jeune, etc.) » ( Beffa, Jean-Louis, Boyer, Robert et Touffut, Jean-Philippe, «Le droit du travail face à l’hétérogénéité des relations salariales», Droit social, 12, 1999, pp. 1039–1051 Google Scholar, ici p. 1046).