Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Parmi les causes de la Révolution et de la faillite de l'Ancien régime, on a souvent cité le fait que les élites mises en concurrence par la monarchie n'étaient jamais parvenues à s'entendre sur un compromis politique alors qu'elles avaient trouvé assez facilement une culture commune. Ce compromis culturel a permis à un modèle de distinction combinant l'inné et l'acquis, le patrimoine et le mérite, de survivre à l'Ancien Régime et de conserver tout son prestige jusque dans la France républicaine: la manie généalogiste fait partie de ce modèle.
In the early 17th century, the old nobility exalted the practice of genealogical memory as the emblem and proof of its excellence, but also as an unbreachable boundary (that of an illustrious past) separating it from the new nobility that was promoting itself through the purchase of offices. The genealogical practice was professionally codified in the system used by the “genealogists of the King's Order” or by "judges of arms." However, rather than locking into this role of borderguard, the genealogical quest in fact became the subject of rivalry between the two groups, and indeed of imitation: an unauthorized or amateur genealogism was spreading, mainly by means of introductive or conclusive narrations appended to family chronicles.
The narrative model of these genealogies-whose authors belong to the middle and lower strata of the milieu robin-associates traditional values of nobility (antiquity of the family, hereditary virtues, etc. ) with other values, more bourgeois or patriotic attachment to a city or a region which is not the cradle of the family, but rather the place in which it took root following the reception into high society of a migrant ancestor who settled there, and the preservation of respectability through solid insertion into a circle of notables and maintenance of a wise domestic economy.
* Cette étude, comme celles de Marinella Carosso et de Christian Maurel, est issue du séminaire de l'EHESS consacré à « La construction de la mémoire généalogique » que j'ai animé avec Christiane Klapisch-Zuber et Françoise Zonabend en 1988-1989 et en 1989-1990. Elle doit beaucoup aux échanges d'idées et aux débats auxquels ce séminaire a donné lieu.
1. «Généalogie ou descente des Hibon», rédigée par Noël Jacques François Hibon en 1785, dans «Livre de Raison des Hibon de La Fresnaye, 1552-1778», Mémoires de la Société Académique de Boulogne-sur-Mer, R. Rodière éd., t. XXVII, 1910.
2. « Registre d'Antoine Rymond » (1572-1510), dans Nouveau Recueil de Registres Domestiques Limousins, Louis Guibert éd., t. I, 1895.
3. Livre de Raison de la Boisvert, Famille (1650-1810), dans Deux livres de Raison de l'Agenais, Tamizey de Larroque éd., Aude, 1893 Google Scholar.
4. «Registre familial Lemaître-Bastide (1558-1748)», dans Livres de Raison… Limousins et marchais, Louis Guibert éd., 2 vols, Limoges, 1888.
5. « Mémorial de Jean Nicolas, marchand de Limoges (de Pierre et François Nicolas, ses fils de Champsac), 1653-1735 », Alfred Leroux éd., Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin, t. XXXVIII, 1891.
6. Cf. Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique, Paris, 1975.
7. Jouanna, Ariette, Ordre social, mythes et hiérarchies dans la France du XVIe siècle, Paris, 1977 Google Scholar.
8. Le Roy Ladurie, E., Montaillou, village occitan, Paris, 1975, Google Scholar chap. xi.
9. Il s'agit bien sûr d'une charte de mariage dont l'usage fut particulièrement répandu dans la région lyonnaise. Cf. Chartier, Roger: « Du rituel au for privé: les chartes de mariage lyonnaises au xviie siècle », dans Les usages de l'Imprimé (sous la direction de Roger Chartier), Paris, 1987 Google Scholar.
10. Christian Maurel, « Construction généalogique et développement de l'État moderne. La généalogie des Bailleul», Annales ESC, n° 4, 1991.
11. Cité par Pierre Durye, La généalogie, Paris, 1980.
12. Huppert, George, Bourgeois et gentilshommes. La réussite sociale en France au XVIe siècle (traduit de l'américain), Paris, 1983 Google Scholar.