Article contents
La grammaire du monde
Langues et pouvoir en Arabie occidentale à l'âge mongol
Published online by Cambridge University Press: 20 January 2017
Résumé
Cette étude traite de l’un des textes les plus emblématiques du plurilinguisme qui s’épanouit dans l’Orient islamique à l’âge mongol, un glossaire en six langues connu sous le nom d’Hexaglotte rassoulide. La découverte du préambule inédit de ce document invite à le replacer dans le cadre plus vaste des activités savantes du « roi grammairien » et sultan du Yémen al-Afḍal (1363-1377) et à explorer les différentes dimensions idéologiques de cette tentative d’ordonner le monde par le recours aux sciences du langage. L’article invite plus largement à reconsidérer la place de l’Arabie occidentale dans les mutations culturelles de l’Islam entre le XIIIe et le XVe siècle.
Abstract
This study is a reexamination of the Rasulid Hexaglot, one of the most emblematic texts of the multilingualism that flourished in the Islamic East during the Mongol Age. The discovery of a previously unknown preface to this six-language glossary invites historians to resituate it in the wider context of the scholarly activities of al-Afdø al, “grammarian-king” and Sultan of Yemen (1363-1377). It also brings to light several ideological dimensions of this attempt to order the world through the use of linguistics. More widely, the article calls for a reconsideration of the place of western Arabia in the cultural transformation of the Islamic world from the thirteenth to the fifteenth century.
- Type
- Langues d'Islam (XIe-XVe siècle)
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2015
Footnotes
Je tiens à remercier tout particuliérement Benoît Grevin pour son invitation à participer à ce dossier, ainsi que pour les échanges stimulants qui ont précédé et accompagné la préparation de cet article. La réflexion sur les défis d’une histoire culturelle et intellectuelle connectée à l’âge mongol doit beaucoup aux discussions avec Judith Pfeiffer, je lui en suis particulièrement reconnaissant. Je remercie également Marie-Laure Derat, Anne-Marie Eddé, M’hamed Saïd et Daniel M. Varisco pour les précisions qu’ils ont apportées sur plusieurs points évoqués dans cet article.
References
1- Wiet, Gaston, Introduction à la littérature arabe, Paris, Maisonneuve et Larose, 1966, p. 243.Google Scholar
2- Popularisé par la Mamlūk Studies Review, dont le premier numéro paraît en 1997.
3- Gabriel Hanotaux (dir.), Histoire de la nation égyptienne, t. 4, Wiet, Gaston, L’Égypte arabe, de la conquête arabe à la conquête ottomane, 642-1517 de l’ère chrétienne, Paris, Plon, 1937, p. 391 Google Scholar.
4- Pour une discussion de certaines des limites de cette « normalisation » historiographique, voir Loiseau, Julien, Les Mamelouks, XIIIe-XVIe siècle. Une expérience du pouvoir dans l’Islam médiéval, Paris, Ed. du Seuil, 2014 Google Scholar, qui se donne justement pour projet de « réaffuter l’histoire des Mamelouks, de restituer dans sa singularité leur aventure historique », p. 24.
5- Du point de vue de l’histoire littéraire, le volume 6 de la série The Cambridge History of Arabic Literature constitue à ce jour la synthèse la plus ample fondée sur une révision du jugement de décadence culturelle et littéraire : Allen, Roger et Richards, Donald Sidney (dir.), Arabic Literature in the Post-Classical Period, Cambridge, Cambridge University Press, 2006 CrossRefGoogle Scholar. Voir toutefois l’approche critique du volume par Bauer, Thomas, « In Search of ‘Post-Classical Literature’: A Review Article », Mamlūk Studies Review, 11, 2007, p. 137–167 Google Scholar.
6- Le livre de Hirschler, Konrad, The Written Word in the Medieval Arabic Lands: A Social and Cultural History of Reading Practices, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2012 Google Scholar, représente à ce jour la tentative d’histoire culturelle la plus aboutie pour la période du XIe au XVIe siècle. On trouve également plusieurs bilans à jour dans Conermann, Stephan (dir.), Ubi sumus ? Quo vademus ? Mamluk Studies: State of the Art, Göttingen/Bonn, V&R Unipress/Bonn University Press, 2013 CrossRefGoogle Scholar, notamment les articles de Thomas Bauer, « Mamluk Literature as a Means of Communication », p. 23-56, et Thomas Herzog, « Mamluk (Popular) Culture », p. 131-158.
7- Cette approche est aujourd’hui un passage obligé dans le « grand récit » de l’histoire du monde tel qu’il a été promu au cours des dernières décennies par la world history. Elle doit beaucoup au livre de Abu-Lughod, Janet, Before European Hegemony: The World System A. D. 1250-1350, New York, New York University Press, 1989 Google Scholar, qui a largement popularisé l’idée d’une restructuration du système-monde à l’âge mongol.
8- Notamment Allsen, Thomas T., Culture and Conquest in Mongol Eurasia, Cambridge, Cambridge University Press, 2001 CrossRefGoogle Scholar.
9- Pour quelques exemples récents d’histoire culturelle examinant la question des circulations depuis un observatoire clairement situé, voir Pfeiffer, Judith, « From Baghdad to Maragha, Tabriz, and Beyond: Tabriz and the Multi-Cephalous Cultural, Religious, and Intellectual Landscape of the 13th to 15th Century Nile-to-Oxus Region », in Pfeiffer, J. (dir.), Politics, Patronage and the Transmission of Knowledge in 13th-15th Century Tabriz, Leyde, Brill, 2014, p. 1–11 CrossRefGoogle Scholar ; Guo, Li, The Performing Arts in Medieval Islam: Shadow Play and Popular Poetry in Ibn Daniyal's Mamluk Cairo, Leyde, Brill, 2012 CrossRefGoogle Scholar.
10- Grévin, Benoït, Le parchemin des cieux. Essai sur le Moyen Âge du langage, Paris, Ed. du Seuil, 2012, p. 347–355 Google Scholar.
11- Voir Schmieder, Felicitas et Schreiner, Peter (dir.), Il codice cumanico e il suo mondo, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 2005 Google Scholar, qui renvoie à la litterature anterieure.
12- The King's Dictionary: The Rasulid Hexaglot: Fourteenth Century Vocabularies in Arabic, Persian, Turkic, Greek, Armenian and Mongol, éd. par P. B.Golden, Leyde, Brill, 2000.
13- Grévin, B., Le parchemin des cieux…, op. cit., p. 347 et 355Google Scholar.
14- « Au miroitement d’un ailleurs nimbé d’une aura magique aurait donc succédé, avec l’accélération des échanges et le peuplement du monde, le désenchantement d’un échange rationalisé où l’exploration commerciale, le dialogue diplomatique et la prédication se seraient appuyés sur des techniques d’interprétariat de plus en plus codifiées. […] C’est compter sans la pesanteur des cadres conceptuels médiévaux, dont la pression persistante déforme et infléchit jusqu’à l’orée des temps modernes les transferts de savoirs d’apparence la plus novatrice pour les ployer aux logiques ancestrales », ibid., p. 356.
15- Sur l’histoire du Yémen rassoulide, voir l’aperçu général donné dans la notice « Rasū-lides », in P. J. Bearman et al. (ed.), Encyclopédie de l’Islam, Leyde, Brill, [1954] 2009, http://referenceworks.brillonline.com/entries/encyclopedie-de-l-islam/rasulides-COM_0912, et pour une analyse plus approfondie sur un aspect essentiel de la construction de cet État sultanien, Vallet, Éric, L’Arabie marchande. État et commerce sous les sultans rasūlides du Yémen, 626-858/1229-1454, Paris, Publications de la Sorbonne, 2010 CrossRefGoogle Scholar.
16- Grévin, B., Le parchemin des cieux…, op. cit., p. 105–111 Google Scholar.
17- Martinez-Gros, Gabriel, « Paroles des rois », Cahiers d’études hispaniques médiévales, 31, 2008, p. 163–167, ici p. 166CrossRefGoogle Scholar.
18- Rappelons le cas de Ghāzān Khān/Maḥmūd (1295-1304), premier souverain ilkhā-nide à s’être converti à l’islam, qui prétendait, aux dires de son principal thuriféraire Rashīd al-Dīn, maîtriser aussi bien l’arabe que le persan, le chinois, le tibétain, et même la langue des Francs : Al-Din, Rashīd, Jāmi‘ al-tawārīkh, éd. par Rawshan, M. et Mūsavī, M., Téhéran, Našr-i Alburz, [1373] 1994, vol. II, p. 1337–1338 Google Scholar, cité par Golden, P. B., The King's Dictionary…, op. cit., p. 5 Google Scholar. Jamais les sultans mamelouks n’ont revendiqué posséder un tel « don » des langues.
19- Il n’existe pas à ce jour de relevé systématique des inscriptions d’époque rassoulide. Pour l’analyse de ces supports concernant al-Afḍal, voir Saïd, M’hamed, « Ṣūrat al-sulṭān fī al-kitābāt al-di‘ā’iyya al-rasūliyya : al-sulṭān al-Afḍal al-‘Abbās b. ‘Alī namūdhajān » [L’image du sultan dans les écrits de propagande rassoulides : l’exemple du sultan al-Afḍal al-‘Abbās b. ‘Alī], Ḥawliyyat al-ta’rīkh al-islāmīwa-l-wasīṭ, 7, 2011-2012, p. 236–274 Google Scholar.
20- Sur la question de la parole royale en terre d’Islam, outre l’article de G. Martinez-Gros et le chapitre de B. Grévin déjà cités, voir Dakhlia, Jocelyne, Le divan des rois. Le politique et le religieux dans l’Islam, Paris, Aubier, 1998 Google Scholar, et Ghersetti, Antonella (dir.), Il potere della parola e la parola del potere. Tra Europa e mondo arabo-ottomano, tra medioevo e età moderna, Venise, Filippi Editore, 2010 Google Scholar.
21- Renato Traini (éd.), Uno « specchio per principi » yemenita. La Nuzhat aẓ-ẓurafā’ wa tuḥfat al-Hulafā’ del sultano rasūlide al-Malik al-Afḍal (m. 778/1377), Rome, Accademia nazionale dei Lincei, 2005, à compléter avec l’édition de ‘Abdallāh b. Yaḥyāal-Surayḥī (Abou Dhabi, Dār al-Kutub al-Waṭaniyya, 2013) qui s’appuie sur un manuscrit supplémentaire (je remercie M. Saïd de me l’avoir signalee). L’etude detaillee de ce texte se trouve dans Traini, Renato, « Uno Specchio per i principi del sultano rasūlide al-Malik al-Afḍal », in Traini, R. (dir.), Storia e cultura dello Yemen in età islamica, con particolare riferimento al periodo Rasūlide, Rome, Bardi, 2006, p. 133–160 Google Scholar.
22- Traini, R. (ed.), Uno « specchio per principi » yemenita…, op. cit., p. 300 Google Scholar.
23- « Il revient enfin au souverain de retenir par coeur les paroles et les vers les plus recherchés, car l’esprit peut y trouver du plaisir, et l’on peut découvrir ainsi des sens inconnus car il n’est pas de significations qu’un poète n’ait pas déjà employées. Les califes et les imams bien-guidés – que Dieu soit satisfait d’eux – citaient souvent en exemple des vers, récitaient de la poésie, y prêtaient un grand intérêt, en ressentaient de l’émotion, et dispensaient pour cela de précieuses récompenses », ibid., p. 317.
24- Al-Ṣābi, Hilāl’, Rusūm dār al-Khilāfah: The Rules and Regulations of the ‘Abbāsid Court, trad. par Salem, E. A., Beyrouth, American University of Beirut, 1977 Google Scholar.
25- « La grammaire est le soubassement de tout l’édifice du savoir, et l’on ne saurait trop rappeler que l’imām Fakhr al-Dīn al-Rāzī a énuméré quarante arguments pour prouver la nécessité de son apprentissage », ibid., p. 322.
26- Cinq variétés composent les sciences logiques : « la connaissance de la façon dont est composée la poésie et ses divers procédés de création (badī’) ; la connaissance de l’art de la rédaction (inshā’) et de la rhétorique (khiṭāba) ; l’art de la dialectique (jadal) et de l’argumentation (munāẓara) ; l’art du syllogisme (tarkīb al-burhān wa-l-qiyās) », ibid., p. 332.
27- Ibid., p. 335-339.
28- Smith, Gerald R. et Varisco, Daniel M. (éd.), The Manuscript of al-Malik al-Afญal: A Medieval Arabic Anthology from the Yemen, Warminster, Aris and Philips for the E. J. W. Gibb Memorial Trust, 1998 Google Scholar [fac-similé]. Pour une présentation détaillée du manuscrit, voir l’introduction du fac-similé, à compléter par Vallet, É., L’Arabie marchande…, op. cit., p. 75–79 Google Scholar, et la recension de Josef van ESS dans Die Welt des Orients, 32, 2002, p. 222-226.
29- Sur ces pratiques d’archivage, voir Vallet, É., L’Arabie marchande…, op. cit., p. 83–112 Google Scholar, et Id., « Des ‘sultans-secrétaires’ ? Pratique de l’archive et savoirs encyclopédiques dans l’État rasūlide (VIIe-IXe/XIIIe-XVe siècle) », Annales islamologiques, 46, 2012, p. 229-254.
30- Les traités astronomiques ont fait l’objet d’un premier apercu par King, David A., Mathematical Astronomy in Medieval Yemen: A Bio-Bibliographical Survey, Malibu, American Research Center in Egypt, 1983 Google Scholar, à compléter par Id., «Notes on Yemeni Astronomy in the Rasulid Period », Yemen Update, 44, 2002, http://www.aiys.org/yemen-updateno-44-2002/61-essay-review-notes-on-yemeni-astronomy-in-the-rasulid-period.html ; Varisco, Daniel M., « An Anonymous 14th Century Almanac from Rasulid Yemen », Zeitschrift für Geschichte der Arabisch-Islamischen Wissenschaften, 9, 1994, p. 195–228 Google Scholar ; Ducène, Jean-Charles (éd.), Les tables géographiques du manuscrit du sultan rasūlide al-Malik al-Afdḍal. Édition, traduction et commentaire, Helsinki, Académie finlandaise des sciences et des lettres, 2013 Google Scholar. Les nombreux textes médicaux du manuscrit restent encore largement à explorer.
31- Smith, G. R. et Varisco, D. M. (éd.), The Manuscript of al-Malik al-Afḍal…, op. cit., p. 186–192 Google Scholar. Le préambule court sur une ligne unique en haut des vingt pages contenant les tableaux de l’Hexaglotte. Il n’a pas été inclus dans P. B. Golden (ed.), The King's Dictionary…, op. cit. Son édition, sa traduction et son étude détaillée méritant un article à part entière, nous ne citerons ici que les éléments utiles pour la démonstration.
32- Sur cet auteur, voir la notice dans Yarshater, Ehsan (éd.), Encyclopaedia Iranica, New York, Columbia University/Center for Iranian Studies, 2004, vol. 12, fasc. 4, p. 415–416 Google Scholar. Une liste de ses ouvrages et des sources le mentionnant est donnée par Maḥfuẓ, Ḥusayn ‘Ali, «Āthār Ḥubayš al-Tiflīsī », Majma‘ al-lugha al-‘arabiyya, 50, 1979, p. 392–406 Google Scholar ; elle n’indique aucun lexique heptaglotte.
33- Golden, P. B. (éd.), The King's Dictionary…, op. cit., p. 14–18 et 44-45Google Scholar ; Ermers, Robert, Arabic Grammars of Turkic: The Arabic Linguistic Model Applied to Foreign Languages and Translation of Abū Ḥayyān al-Andalūsī's Kitāb al-Idrāk li-Lisān al-Atrāk, Leyde, Brill, 1999, p. 15–65 CrossRefGoogle Scholar ; Grévin, B., Le parchemin des cieux…, op. cit., p. 184–186 Google Scholar.
34- Nous employons à dessein le terme « abyssin » dans un sens générique car les premières études menèes sur ce glossaire ont montré sa nature composite : si la majeure partie des termes sont de l’amharique, certains mots sont tirés du gouragué et d’autres du harari. Voir Muth, Franz-Christoph, « Frühe Zeugnisse des Amharischen und der Gurage-Sprachen in einer polyglotten Wortliste von al-Malik al-Afḍal (gest. 778/1377) », Folia Orientalia, 45-46, 2009-2010, p. 87–109 Google Scholar (référence aimablement communiquée par D. M. Varisco).
35- Al-Dayba‘, Ibn, Qurrat al-‘uyūn bi-akhbār al-Yaman al-maymūn, éd. par Al-Akwa‘, M., Sanaa/Le Caire, al-Maktaba al-yamaniyya, 1971-1977, vol. 2, p. 119 Google Scholar.
36- Al-Ḥibshī, ‘Abd Allāh, Maṣādir al-fikr al-islāmī fī al-Yaman, Abou Dhabi, al-Majma‘ al-thaqāfī, 2004, p. 633–661 Google Scholar, en dresse une liste contenant les références aux ouvrages édités. Ces nombres sont bien sur a manier avec precaution : un meme ouvrage a pu parfois circuler sous des titres divers et il peut etre difficile de faire la part entre le simple resume (ou la copie) d’ouvrages deja existants et la conception d’oeuvres originales. Sur cette production sultanienne, voir E. Vallet, «Des ‘sultans-secretaires’… », art. cit., et Said, M’hamed, « Al-mu’allafāt al-‘ilmiyya li-salāṭīn al-usra al-rasūliyya fī al-Yaman bayn al-ibdā’ wa-l-itbā’ », Les cahiers de Tunisie, 209, 2009, p. 26–51 Google Scholar.
37- Sur les productions de ce souverain, outre ‘A. Al-Ḥibshi, Maṣādir al-fikr…, op. cit., p. 633-635, et M. Saïd, « Mu’allafāt… », art. cit., voir Varisco, Daniel M., « Texts and Pretexts: The Unity of the Rasulid State under al-Malik al-Muẓaffar », Revue du monde musulman et de la Méditerranée, 67, 1993, p. 13–23 CrossRefGoogle Scholar.
38- Sur les productions d’al-Ashraf ‘Umar, outre ‘A. Al-Ḥibshī, Maṣādir al-fikr…, op. cit., p. 635-638 et M. Saïd, « Mu’allafāt… », art. cit., voir Varisco, Daniel M., Medieval Agriculture and Islamic Science: The Almanac of a Yemeni Sultan, Seattle, University of Washington Press, 1994 Google Scholar.
39- Vallet, É., L’Arabie marchande…, op. cit., p. 86–87 Google Scholar.
40- Id., « Des ‘sultans-secrétaires’… », art. cit.
41- Nombre de souverains de l’Islam classique se sont vus créditer la composition de poèmes, a l’instar du célèbre prince abbadide de Séville al-Mu‘tamid (1040-1095) ou même de Saladin (1169-1193), voir Anne-Marie EDDÉ, Saladin, Paris, Flammarion, 2008, p. 402.
42- IBN ‘Abd Al-Majīd, Bahjat al-zaman fī ta’rīkh al-Yaman, ed. par ‘A. al-Ḥibshī et M. A. al-Sanabānī, Sanaa, Dār al-ḥikma al-yamāniyya, 1988, portrait savant du prince p. 179-181. Sur cette Sīra d’al-Mu’ayyad, voir Vallet, Éric, « L’historiographie rasūlide (Yemen, XIIIe-XVe siècle) », Studia Islamica, 102-103, 2006, p. 35–70, ici p. 44-49Google Scholar.
43- Il n’est pas anodin de relever que ce texte fait partie du corpus lexicographique et grammatical du manuscrit-bibliothèque d’al-Afḍal (tableau 1, n° 16). C’est peut-être un indice que ce fragment du manuscrit se trouvait déjà dans la bibliothèque royale avant son régne. Sur cet ouvrage, voir «Ṭāhir b. Aḥmad b. Bābashādh », in P. J. Bearman et al. (ed.), Encyclopédie de l’Islam, op. cit., http://referenceworks.brillonline.com/entries/encyclopedie-de-l-islam/tahir-b-ahmad-b-babashadh-SIM_7307, et Nibal Moussa, « Les études grammaticales en Égypte des origines à la fin des Fatimides. Étude biobibliographique des grammairiens. Analyse de leurs œuvres et édition critique d’un traité grammatical », thèse de doctorat, École pratique des hautes études, 1974.
44- La Kifāyat al-mutaḥaffiẓ d’al-Ajdābī (seconde moitié du XIe siecle) et la glose élaborée par Ibn Bābashādh sur les Jumal d’al-Zajjājī.
45- Voir Touati, Houari, L’armoire à sagesse. Bibliothèques et collections en Islam, Paris, Aubier, 2003 Google Scholar, et, sur l’analyse des nombres de volumes, Hirschler, K., The Written Word…, op. cit., p. 128–129 Google Scholar.
46- Les rivalités entre les deux frères avaient éclaté en 1295, à la mort de leur père, lorsque al-Mu’ayyad avait tenté de ravir le trône sultanien a son frere aine al-Ashraf ‘Umar, qui sortit vainqueur de cette breve guerre civile. La mort inattendue d’al- Ashraf ‘Umar un an plus tard precipita finalement l’avenement d’al-Mu’ayyad.
47- Al-Janadī, , Al-sulūk fī ṭabaqāt al-‘ulamā‘ wa-l-mulūk, éd. par Al-Akwa‘, M., Sanaa, Wizārat al-i‘lāmwa-l-thaqāfa, 1989, vol. 2, p. 551–553 Google Scholar (al-Muẓaffar) et p. 556 (al-Mu’ayyad). Sur cet auteur, voir É. Vallet, « L’historiographie rasūlide… », art. cit., p. 49-54.
48- Sur cette crise de l’autorité sultanienne, voir Vallet, Éric, « La vigne et le palmier. Identités provinciales et construction de l’État sous le sultanat rasūlide (XIIIe-XVe siècle) », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 121-122, 2008, p. 53–67.CrossRefGoogle Scholar
49- Sur les œuvres savantes d’al-Afḍal, voir l’étude détaillée de Yūsuf b. ‘Abd al-‘Azīz b. Muḥammad Al-Ḥamīdī, « Al-Malik al-Afḍal al-Rasūlī, juhūdu-hu al-siyāsiyya wa-l-‘ilmiyya (764-778/1363-1376) », thèse de doctorat, La Mecque, Université Umm al-Qurā, 2008.
50- Al-‘Abbās, Al-Malik Al-Afḍal, Kitāb al-‘aṭāyā al-saniyya wa-l-mawāhib al-haniyya fī al-manāqib al-yamaniyya, éd. par ‘al-Khāmirī, A., Sanaa, Wizārat al-thaqāfa, 2004 Google Scholar, à compléter par l’édition du même ouvrage par ‘Abd Allāh al-Ḥibshī (Abou Dhabi, al-Majma’ al-thaqāfī, 2010). Sur cette œuvre, voir É. Vallet, «L’historiographie rasūlide… », art. cit., p. 55-61.
51- Ibid., p. 56. Certains auteurs rapportent que le sultan aurait été aidé dans la composition de ses ouvrages par le cadi de Taëz, Raḍ ī al-Dīn Abū Bakr al-Nazarī al-Ṣabrī.
52- Al-‘Abbās, Al-Malik Al-Afḍal, Kitāb al-‘aṭāyā…, op. cit., p. 514 Google Scholar : « Il possédait des mérites connus de tous, et aimait la compagnie des savants […] si bien qu’il pouvait donnait un avis (yuftī) dans dix sciences. Il a [composé] plusieurs œuvres, la plus importante étant le Shifā’ al-‘alīl fī al-ṭibb. »
53- Ibid., p. 482.
54- Al-Khazrajī, , Al-‘uqūd al-lu’lu’iyya fī ta’rīkh al-dawla al-rasūliyya, 2 vol., éd. par ‘al-Ḥibshī, A., Sanaa, Maktabat al-Irshād, 2008 Google Scholar. Voir É. Vallet, «L’historiographie rasūlide… », art. cit., p. 62-67.
55- Par exemple chez Al-Wusābī, Ta’rīkh Wuṣāb aw-kitāb al-i‘tibār fī dhikr al-tawārikh wa-l-akhbār, éd. par ‘A. al-Ḥibshī, Sanaa, Markaz al-dirāsāt wa-l-buḥ ūth al-yamanī, 1979,p. 117-121.
56- Par exemple chez Al-Maqrīzī, Durar al-‘uqūd al-farīda fī tarājīm al-a‘yān al-mufīda, éd. par M. al-Jalīlī, Beyrouth, Dār al-Gharb al-islāmī, 2002, vol. 1, p. 334 et 337.
57- Pour cette description idéale du domaine de souveraineté indo-océanique par al-Afḍal, voir É. Vallet, L’Arabie marchande…, op. cit., p. 298-299.
58- M. Saïd, « Ṣūrat al-sulṭān… », art. cit., p. 245, indique que le titre se trouve également sur une inscription de la forteresse d’al-Dumluwa, où al-Afḍal est en outre qualifié de « sultan des deux Lieux Saints, de l’Inde et du Yémen ».
59- Smith, G. R. et Varisco, D.M. (éd.), The Manuscript of al-Afḍal…, op. cit., p. 200 Google Scholar.
60- Ibn Ḥātim, Al-Simṭ al-ghālī al-thaman, publié dans Smith, Gerald R., The Ayyūbids and Early Rasūlids in the Yemen, 567-694/1173-1295, Londres, Luzac, 1974 Google Scholar.
61- Encore couramment désignés dans l’historiographie sous le nom de Ghassānides. Sur cette dynastie, voir ROBIN, Christian Julien et Genequand, Denis (dir.), Les Jafnides. Des rois arabes au service de Byzance, VIe siècle de l’ère chrétienne, Paris, Éd. de Boccard, 2015 Google Scholar.
62- Al-Ashraf, Al-Malik ‘UMAR, Ṭurfat al-aṣḥāb fī ma‘rifat al-ansāb , éd. par Zetterstéen, K. W., Damas, Maṭba‘at al-Taraqī, 1949, p. 99–100 Google Scholar.
63- Smith, Gerald R., «The Ayyubids and Rasulids: The Transfer of Power in 7th/13th Yemen » [1969], in Smith, G.R., Studies in Medieval History of the Yemen and South Arabia, Londres, Variorum Reprints, 1997 Google Scholar. Aux sources de cette grande concorde généalogique arabo-turkmène se trouvait un épisode fameux des premiers récits de conquêtes de l’islam : la fuite du dernier prince ghassānide qui se serait replié au-delà du Taurus avec certains de ses hommes, à la suite de la terrible défaite infligée par les Arabes aux Byzantins lors de la bataille de Marj Rahit. Établis par la suite dans l’Est de l’Asie Mineure, les descendants des Ghassānides se seraient, selon une légende tardive, mêlés à des clans turkmènes au moment de la conquête de l’Anatolie par les Seldjoukides. À partir de la fin du XIVe siècle, des sultans mamelouks circassiens comme Barqūq et al-Mu’ayyad Shaykh recoururent également à cette fiction généalogique ( Loiseau, J., Les Mamelouks…, op. cit., p. 194–195 Google Scholar). Les Rassoulides ne furent pas les premiers dynastes non arabes à mettre en avant leur arabité. L’arabisation de la généalogie de certains Ayyoubides est un fait attesté, y compris au Yémen où un éphémère sultan se proclama descendant des Omeyyades. Voir Eddé, A.-M., Saladin, op. cit., p. 106 Google Scholar, et Michael L. Bates, « Yemen and its Conquest by the Ayyubids of Egypt (A. D. 1137-1202) », Ph. D., University of Chicago, 1975, p. 303-307. Je remercie A.-M. Eddé pour ces précisions.
64- Al-Malik Al-Ashraf ‘UMAR, Ṭurfat al-aṣḥāb…, op. cit., p. 69.
65- Sur la poésie tribale au Yémen, voir Serjeant, Robert B. et El-Shami, Ahmed, « Regional Literature: The Yemen », in Ashtiany, J. et al. (dir.), The Cambridge History of Arabic Literature: ‘Abbasid Belles-Lettres, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, p. 442–468 Google Scholar, à compléter par Caton, Steven C., « Peaks of Yemen I Summon »: Poetry as Cultural Practice in a North Yemeni Tribe, Berkeley, University of California Press, 1990 Google Scholar.
66- Al-Maqrīzī, , Durar…, op. cit., vol. 3, p. 160–161 Google Scholar.
67- Par exemple dans Al-Khazrajī, , Al-‘Uqūd al-lu’lu’iyya…, op. cit., vol. 1, p. 204 Google Scholar (poème de 1267 en louange d’al-Muẓaffar).
68- Al-Afḍal est crédité d’un ouvrage de généalogie dans Smith, G.R. et Varisco, D.M. (éd.), The Manuscript of al-Afḍal…, op. cit., p. 20–25 Google Scholar, et le rappel du « roman » des origine sarabo-turkmènes occupe également les premières pages de la chronique d’Al-Khazrajī, Al-‘uqūd al-lu’lu’iyya…, op. cit., vol. 1, p. 35-63. Sur la fiction généalogique dans ce dernier texte, voir M’hamed SAÏD, «Hājis al-yumn wa-l-sharāfa fī silsilat nasab al-usra al-rasūliyya min khilāl kitāb al-‘Uqūd al-lu’lu’iyya li-l-Khazrajī », Revue tunisienne de sciences sociales, 133, 2007, p. 139-163.
69- Sur le développement d’une littérature propre au Yémen, voir R. B. Serjeant et A. Al-Shami, «Regional Literature… », art. cit.
70- Larcher, Pierre, « L’Ode à Himyar : traduction de la qaṣīda himyariyya de Našwān b. Sa‘īd, avec une introduction et des notes », Middle Eastern Literatures, 6-2, 2003, p. 159–175 CrossRefGoogle Scholar.
71- Al-fāṣil bayn al-ḥaqq wa-l-bāṭil min mafākhir abnā’ Qaḥṭān wa-l-Yaman [Les mérites véritables de Qaḥṭān et du Yémen], éd. par M. Arbach et M. ‘A. Jāzim, Sanaa, DAI/CEFAS, 2009.
72- Al-Udfuwī, Al-ṭāli’ al-sa‘īd al-jāmi’ asmā’ nujabā’ al-Ṣa‘īd, éd. par S.M. Ḥasan, Le Caire, Al-dār al-miṣriyya li-l-ṭibā‘a wa-l-tarjama, 1966, p. 409, n° 558 ; Garcin, Jean-Claude, Un centre musulman de la Haute Égypte médiévale : Qūṣ, Le Caire, IFAO, 1976, p. 262–263 Google Scholar.
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74- Pour le réseau indien des Rassoulides, voir Vallet, Éric, « Les sultans rasūlides du Yémen, protecteurs des communautés musulmanes de l’Inde (VIIe-VIIIe/XIIIe-XIVe siècles) », Annales islamologiques, 41, 2007, p. 149–176 Google Scholar, et Elizabeth Lambourn, ” India from Aden: Khuṭba and Muslim Urban Networks in Late Thirteenth Century India », in Hall, K.R. (dir.), Secondary Cities and Urban Networking in the Indian Ocean Realm, c. 1400-1800, Lanham, Lexington Books, 2008, p. 55–98 Google Scholar. Voir également les mentions de la circulation de secrétaires, réputés pour leurs talents poétiques en arabe, entre le subcontinent indien et le Yémen dans Vallet, Éric, « Les messagers du grand large. Ambassades et ambassadeurs entre mer Rouge et océan Indien (VIIIe-XVe siècle) », in Drocourt, N. (dir.), La figure de l’ambassadeur entre mondes éloignés, Rennes, PUR, 2015, p. 111–150, ici p. 136CrossRefGoogle Scholar.
75- Voir les réflexions développées autour du genre des Maqāmāt : Kilito, Abdelfattah, L’auteur et ses doubles. Essai sur la culture arabe classique, Paris, Le Seuil, 1985 Google Scholar ; Katia Zakharia, Abū Zayd al-Sarūjī, imposteur et mystique. Relire les Maqāmāt d’Al-ฤarīrī, Damas, Institut français d’études arabes de Damas, 2000.
76- Bauer, Thomas, Die Kultur der Ambiguität. Eine andere Geschichte des Islams, Berlin, Verlag der Weltreligionen, 2011, p. 236–242 et 260Google Scholar.
77- Certaines lettres arabes ont pour caractéristique de partager le même tracé et se distinguent simplement par la présence d’un ou plusieurs points diacritiques, portésen-dessus ou au-dessous du trait principal (ductus). En les modifiant, on aboutit à lire différemment un mot. L’un des textes du manuscrit-bibliothèque d’al-Afḍal expose ce type de mutation graphico-sémantique en partant de la lettre rā’ (tableau 1, n° 10).
78- Jayyusi, Salma Khadra, « Arabic Poetry in the Post-Classical Age », in Allen, R. et Richard, D. S. (dir.), Arabic Literature in the Post-Classical Age, op. cit., p. 25–59 Google Scholar.
79- Sur l’importance de la disposition sous forme de tableaux dans les différents champs du savoir à l’âge mongol, voir Aigle, Denise, « L’histoire sous forme graphique en arabe, persan et turc ottoman. Origines et fonctions », Bulletin d’études orientales, 58, 2009, p. 10–49 Google Scholar
80- La notion de grammatisation qu’utilise abondamment Grévin, B., Le parchemin des cieux…, op. cit., p. 178 Google Scholar sq., a été introduite par Auroux, Sylvain, « Le processus de grammatisation et ses enjeux », in Auroux, S. (dir.),Histoire des idées linguistiques, t. 2, Le développement de la grammaire occidentale, Liège, Mardaga, 1992, p. 11–64 Google Scholar.
81- Vallet, Éric, « Mūsā b. al-Ḥasan al-Mawṣilī et la correspondance des sultans rasūlides du Yémen. Genèse d’un ordre épistolaire », in Aigle, D. et Péquignot, S. (dir.), La correspondance entre souverains, princes et cités-États. Approches croisées entre l’Orient musulman, l’Occident latin et Byzance, XIIIe-début XVIe s., Turnhout, Brepols, 2013, p. 127–145 Google Scholar.
82- Voir Aigle, Denise, « La parole et l’écrit. Baybars et le califat abbasside au Caire », in Auzépy, M.-F. et Saint-Guillain, G. (dir.), Oralité et lien social au Moyen Âge (Occident, Byzance, Islam). Parole donnée, foi jurée, serment, Paris, Centre de recherche d’histoire et civilisation de Byzance, 2008, p. 113–126 Google Scholar, qui renvoie à la bibliographie antérieure.
83- Al-Khazrajī, , Al-‘uqūd al-lu’lu’iyya…, op. cit., vol. 1, p. 70 Google Scholar.
84- É. Vallet, «Les sultans rasūlides du Yémen… », art. cit., p. 157-158.
85- Smith, G. R. et VARISCO, D.M. (éd.), The Manuscript of al-Afḍal…, op. cit., p. 198–199 Google Scholar.
86- La marque de propriété, portée en marge de la première colonne du tableau (ibid., p. 186), est au nom de Sinān Pasha, à identifier probablement comme celui qui fut un célèbre gouverneur du Yémen au cours de la première période ottomane (1604-1608).
87- Sur ce personnage, voir « al-Fīrūzābādī », in P. J. Bearman et al. (éd.), Encyclopédie de l’Islam, op. cit., http://referenceworks.brillonline.com/entries/encyclopedie-de-l-islam/al-firuzabadi-SIM_2383, et Kraemer, Jörg, « Studien zur altarabischen Lexikographie », Oriens, 6-2, 1953, p. 232–234 CrossRefGoogle Scholar.
88- Pierrepont, Zacharie Mochtari De, « Migrations et pouvoirs. Le Yémen rasūlide au croisement des routes du savoir », Hypothèses, 17, 2013-2014, p. 77–85 Google Scholar.
89- Chodkiewicz, Michel, Un océan sans rivage. Ibn ‘Arabī, le Livre et la Loi, Paris, Éd. du Seuil, 1992 Google Scholar. Sur les développements de la poésie soufie au Yémen, voir R. B. Serjeant et A. AL-SHAMI, «Regional Literature… », art. cit., et sur l’apparition de la poésie chantée vernaculaire (ḥumaynī) dans le contexte du soufisme yéménite, Dufour, Julien, Huit siècles de poésie chantée au Yémen. Langue, mètres et formes du ḥumaynī, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2011 Google Scholar.
90- Sur les songes d’al-Ashraf Ismā‘īl, voir l’article de Saïd, M’hamed, «Ru’ān manāmiyya min ‘ahd Banī Rasūl », Al-Mishkāt, 7, 2009, p. 181–217 Google Scholar.
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