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Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
Le processus de création d'une « conscience nationale » dans la péninsule Ibérique remonte très loin dans le temps puisque dès la fin de l'Empire romain, dans l'Espagne envahie par les Wisigoths, Indacius au ve siècle, puis Isidore de Séville au début du viie siècle achevaient déjà leurs chroniques respectives par le récit exclusif des événements survenus en Espagne. Isidore de Séville consacrait même, vers 624, quelques pages exemplaires aux louanges de sa patrie, les Laudes Hispaniae. Les premières chroniques postérieures à l'invasion des musulmans, écrites dans le royaume chrétien astur-léonais à la fin du ixe siècle, offrent ainsi un passé glorieux auquel se rattacher, celui de l'Espagne wisigothique, et un but à la fois politique et religieux à atteindre, celui de la réoccupation du territoire et de la restauration des splendeurs anciennes du royaume. Les mythes de Rodrigue, le dernier roi wisigoth, du traître don Julian, et du bon roi Pelayo constituent la trame de fond sur laquelle se crée le sentiment national castillan.
France plays a very specifie role in Castillan historiography, starting at the end of the 12th century, in as much as it symbolizes Europe—that of Charlemagne, Rome and the Germanie Holy Roman Empire—confronted with which, and outside of which, Castile rose up to be the "Spanish nation." "Better to die free than live under the yoke of the French" : this expression appeared in chronicals beginning in the first half of the 13th century; it determined what was to become France's image in Castilian Medieval mentality: that of an enemy and rival, but even moreso, of the only European "nation" that Castile, aspiring to be Spain, could recognize at that time as worthy of it.
1. Cf. l'introduction de Ramôn Menendez Pidal au vol. III de YHistoria de Espana : Espana visigoda, Madrid, 1940, pp. XXXV-XXXVIII.
2. Ibid., et Crônica de Alphonso III, Zacarias Garcia Villada éd., Madrid, 1918.
3. Le De Rébus Hispaniae de l'évêque de Tolède Rodrigue Ximénez De Rada, composé vers 1243 (éd., Madrid, 1793 ; rééd., fac-similé, Valence, 1968, p. 83) parle d'imperator Carolus là où la chronique d'Alphonse III et ses diverses versions ne mentionnaient que Carolus rex Francorum.
4. Le dernier des travaux en date est probablement celui de Joseph O'Callaghan, « The Intégration of Christian Spain into Europe : The Rôle of Alfonso VI of Leôn-Castile », dans Santiago, Saint Denis and Saint Peter. The Réception ofthe Roman Liturgy in Leôn-Castile in 1080, Bernard F. Reilly éd., New York, Fordham University Press, 1985, pp. 101-120.
5. Ibid., p. 102.
6. « Wisigothique » ou « tolédan » : les deux mots sont généralement synonymes dans les textes des chroniques, et Tolède, capitale de l'Espagne wisigothique, symbolise donc à elle seule tout cet héritage. Qui dit « tolédan » dit « espagnol » et qui dit « roi de Tolède » entend « de toute l'Espagne ». En gagnant Tolède, Alphonse VI pouvait légitimement revendiquer Yimperium sur totus Hispaniae.
7. De Parga, L. Vazquez, Lacarra, J. M. et Uria Riu, J., Lasperegrinaciones a Santiago de Compostela, Madrid, 3 vols, 1948-1949Google Scholar ; Vieillard, Jeanne, Le guide du pèlerin à Saint-Jacquesde-Compostelle, Paris, 1950.Google Scholar
8. Rodericus Ximenius De Rada, Opéra, Francisco De Lorenzana éd., Madrid, 1793 ; éd. fac-similé, Valence, 1968, pp. 83-84. Rodrigue Ximénez de Rada était archevêque de Tolède. A ce titre, il assumait probablement le rôle de défenseur de la « vraie histoire espagnole », face à celle, française, que propageait l'entourage de l'évêque de Compostelle. Les luttes d'influences ont été fortes, aux xnc et xme siècles, entre les deux sièges pour le primatiat des Espagnes. Saint-Jacques a dû se contenter du titre de siège apostolique, tandis que Tolède conservait celui d'Église primatiale.
9. Ibid., pp. 84-85.
10. Primera Chronica General, Ramôn Menendez Pidal éd., Madrid, 1906, p. 356.
11. Dans la seconde moitié du XIVe siècle, Garcia De Eugui, écrivant une Crônica General de Espana, et rapportant l'histoire de la donation du royaume à Charlemagne, fait dire à « los spaynoles e los principes e los cabdiellos e los conçellos » qu'avant de perdre leur liberté, ils donneront leur terre aux musulmans et deviendront leurs vassaux, « que mas queremos ser siervos de moros que non de xristianos » ; le texte poursuit en disant que ceux des Asturies et d'Alava et de Viscaye et de Navarre et de « Saconia » et d'Aragon convinrent que « antes morir que a poder de franceses venir » (Real Biblioteca de El Escorial, manuscrits castellanos, x-n-22, f° 92-92 v°).
12. Poema de Fernàn Gonzalez, Juan Victorio éd, Madrid, 1981, p. 72 :
Dixo que mas queria commo estava estar,
Que el reigno d'Espana a Francia sojuzgar,
Que non se podrien d'esso franceses alabar,
Que mas la querien ellos en çinco anos ganar !
13. Dans sa Crônica General de Espana, rédigée dans la seconde moitié du xivc siècle, l'évêque de Bayonne Garcia de Eugui attribue d'ailleurs à celle-ci toute la responsabilité du changement de rite, malgré le jugement divin (Real Biblioteca de El Escorial, manuscrits castellanos, x-II-22, f° 110 v°).
14. Primera Chronica General, Ramôn Menendez Pidal éd., Madrid, 1906, pp. 542-543 et 547.
15. Tractatus Garsiae, R. M. Thomson éd., Leyde-New York, Brill, 1973.
16. Juan Rodriguez De Cuenca, Sumario de los Reyes de Espana, Eugenio De Llaguno Amirola éd., Madrid, 1781 ; éd. fac-similé, Valence, 1971, pp. 19-22. La Crônica rimada de las cosas de Espana desde la muerte del rey Don Pelayo hasta Don Fernando el Magno y mas particularmente de las aventuras del Cid o Mocedades de Rodrigo, publiée par B. P. Bourland dans la Revue hispanique, XXIV, 1911, pp. 310-357 insiste beaucoup sur le rôle et la présence des Français, au point que le Cid et le roi de Castille achèvent leur campagne à Paris :
Senor, Ileguemos a Paris, que asy lo avre otorgado ;
Ca ay es el rey de Françia et el emperador alemano,
Y es el patriarcha et el Papa romano,
Que nos estan esperando a que les diessemos el tributo
17. Crônica General de Espana de 1344, Diego Catalan et Maria Soledad De Andrés éds, Madrid, 1970, p. 206 : « E despues de la muerte deste rrei don Fernando, que lo llamaron despues par de enperador, rreino su fijo… ».
18. Pedro De Escavias, Repertorio de Principes de Espana, Michel Garcia éd., Jaén, 1972, pp. 190-192. Diego Rodriguez De Almela, Copilaa'on de las batallas campales, Murcia, 1487 ; éd. fac-similé, Valence, 1963.
19. Manuel Abizanda et Gaudencio Amando Melon, « Carlo Magno en Espana, segûn la Crônica de Conquiridores de D. Juan Fernândez de Heredia », Revista de Archivos, Bibliotecasy Museos, 31, 1914, pp. 400-432.
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21. Ibid., p. 490. La glose se trouve à la Bibliothèque nationale, Paris, manuscrit lat., 3967, f° 21.
22. Ibid., p. 490.
23. Ibid., p. 485.
24. Ibid., p. 490.
25. Georges Daumet, Étude sur l'alliance de la France et de la Castille aux XIVe et XVe siècles, Paris, 1898 ; Mémoire sur les relations de la France et de la Castille de 1255 à 1320, Paris, 1913.
26. Alfonso de Cartaoena, « Discurso sobre la precedencia del Rey Catôlico sobre el de Inglaterra en el concilio de Basilea », dans Prosistas castellanos del siglo XV, Madrid, B.A.E., 1959, p. 230.
27. Ibid., pp. 232, 222 et 210.
28. Ibid., pp. 208-209.
29. Crónica General de Espana de 1344, p. 334 : « Un rrey ouo en Françia que ouo nonbre Moroueus e fo del linage del rrey Priamus de Troya e gano Françia por so esfuerço. Et el rrey Moroueus ouo fillo a Childeic… ».
30. Primera Chronica General, pp. 656-658. F. Garcia De Euguî, Crônica General de Espana, Real Biblioteca de El Escorial, manuscrits castellanos, x-n-22, f° 114.
31. Rodericus Ximenius De Rada, Opéra, pp. 85-88 ; Primera Chronica General, pp. 340-343.
32. Voir Georges Duby, Le chevalier, la femme et le prêtre, Paris, Librairie Hachette, 1981. Les origines de la légende remontent au début du xne siècle et existent dans le poème français « Mainet » ; elle peut avoir été en partie inspirée par l'exil d'Alphonse VI à la cour du roi de Tolède avant que la mort de son frère ne lui permît d'accéder au trône de Castille et Leôn.
33. Juan Rodriguez De Cuenca, Sumario de los Reyes de Espana, pp. 3-4 ; La crônica de Espana del arzobispo don Rodrigo Jiménez de Rada. Tradujola al castellano y la continua hasta su tiempo don Gonzalo de Hinojosa, obispo de Burgos. Y después un anônimo hasta el ano de 1454, éd. par el Marqués de la Fuensanta del Valle, Colecciôn de documentos inéditos para la Historia de Espana, t. CV-CVI, Madrid, 1893, Livre IV, chap. XXXV.