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La famille en miettes : Sur un aspect de la démographie du XVIIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Micheline Baulant*
Affiliation:
Centre de Recherches Historiques de l'E.P.H.E. (VI, eSection)

Extract

Le gibier de choix du démographe a longtemps été la famille dite complète, celle qui dure assez longtemps pour que les époux puissent procréer ensemble tous les enfants qu'il leur est physiologiquement possible d'avoir. Penchonsnous un instant sur le sort des familles incomplètes, en nous interrogeant successivement sur ce qu'il arrive, en cas de décès prématuré d'un des époux, au conjoint survivant, aux enfants et aux biens du ménage.

1. Au XVIe siècle, au XVIIe siècle, au début du XVIIIe, dans la majorité des cas et dans la région parisienne (plus spécialement autour de Meaux) le conjoint se remariait très rapidement. En règle générale, les hommes — parfois encombrés de marmots — convolaient en secondes noces au bout de quelques mois ou même de quelques semaines : Étienne et Jean Becheret de Mareuil en 1691, Louis Choslin en 1709, Jean Guillemot en 1729 n'ont fait preuve d'aucune précipitation anormale en contractant une nouvelle union au bout de deux ou trois mois.

Type
Systèmes Familiaux
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1972

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References

1. Étienne Becheret perdit sa première femme Marie Hébert le 27 février; il épousa Simone Caster le 2 juillet il avait deux petites filles; Jean Becheret perdit sa femme Nicole Pagot le 9 avril et épousa Denise Loyson le 2 juillet, il avait aussi deux enfants, un troisième Jean, deux ans, était mort peu après sa mère; les deux jeunes femmes étaient mortes toutes deux à la suite de leurs couches et laissaient chacune un nouveau-né vivant. (Arch. dép. Seine-et-Marne, R.P. Mareuil, 1691.)

2. Louise Blot mourut le 28 mars ou le 28 avril 1709, son mari épousa Marie Turpin le 8 juin. (Arch. dép. Seine-et-Marne, R.P. Mareuil, 1709.)

3. Jean Guillemot perdit sa femme Jeanne Neveu le 27 avril, il en avait eu neuf enfants, dont quatre, au moins, étaient morts, il se remaria avec Marie Marguerite Degrain le 20 juin (Arch. dép. Seine-et-Marne, R.P. Mareuil, 1729.)

4. Arch. dép. Seine-et-Marne, R.P. Varreddes, 1715. A Saint-Soupplet, sur 86 veufs des deux sexes qui se remarient au début du XVIIIe siècle, on compte 53 hommes et 33 femmes (62 % et 38 %) ; à Neufmontiers 38 hommes et 28 femmes, à Mareuil 70 hommes et 50 femmes (dans les deux cas 58 % et 42 %). Lebrun, F. (Les hommes et la mort en Anjou aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1971, p. 429)Google Scholar qui note également la célérité des remariages, relève pour Mouliherne, paroisse du Baugeois, une proportion nettement plus défavorable aux femmes : 181 veufs et 61 veuves (75 % et 25 %) (d'après R. Plessix, Étude de Mouliherne, paroisse angevine au XVIIIe siècle, D.E.S. Rennes, 1966).

5. Marie Lhoste veuve de Nicolas Lhoste, se remaria avec Pierre le Riche le 22 avril; une autre Marie Lhoste, veuve de Nicolas le Riche, épousa Jean Moreau le 10 juin. (Arch. dép. Seine-et-Marne, R.P. Varreddes, 1720.)

6. Arch. dép. Seine-et-Marne, R.P. Chauconin, 1731 et 1732; Véronique Despots épousa Louis Moisy de Reez et eut un fils le 3 novembre.

7. Arch. dép. Seine-et-Marne, B 389, pièces 24, 25 et 83.

8. Arch. dép. Seine-et-Marne, R.P. Chambry, 2e et 3e registres passim : Isaac le Blanc était mort le 7 juin 1740; Nicolas Oudot le 3 janvier 1742; Nicole Picard avait eu 8 enfants de son premier mariage, 1 du second, 6 du troisième, soit 15 enfants dont deux paires de jumeaux.

9. Au XVIIe siècle, la qualité de veuf, surtout pour les hommes, n'est presque jamais mentionnée. Elle est parfois encore omise jusque vers 1720, plus rarement ensuite au moins pour les villages que nous avons retenus. Les chiffres que nous avons calculés représentent donc un minimum : à Mareuil, sur 182 mariages célébrés entre 1707 et 1739, 42 dont un des conjoints est veuf, 12 mariages de 2 veufs soit 30 % au total; à Neufmontiers entre 1702 et 1739 : 152 mariages dont 34 avec 1 veuf, 8 de 2 veufs soit 28 %; à Saint-Soupplest entre 1700 et 1735 : 231 mariages, 57 avec 1 veuf, 15 de 2 veufs soit 31 %. Bien entendu, l'inégalité est extrême entre les années : à Saint-Soupplest, par exemple, en 1719 aucun veuf dans les 12 mariages célébrés, mais en 1712, sur 6 mariages 4 avec 1 veuf, 2 entre 2 veufs.

10. Arch. dép. Seine-et-Marne, B 387, pièce 12.

11. Le curateur ne semble pas avoir été indispensable au début du XVIIe siècle.

12. Le terme ne se rencontre jamais dans les textes; il est question de I’ « assemblée des parents » ou plus généralement des « parents ».

13. Des veufs négligents ou trop pauvres se dérobaient parfois à cette obligation ou ne s'en acquittaient qu'à moitié. En 1732, par exemple, le procureur fiscal du baillage de l'évêché eut « avis » qu'Antoine Lefranc, vigneron de Crégy et Marie Barthellemy tous deux veufs, chargés chacun d'un enfant mineur, se sont remariés sans avoir fait élire de tuteur et curateur à leur mineur, ni fait faire d'inventaire. (Arch. dép. Seine-et-Marne, B 400, pièces 4, 5 et 6.) En 1694, l'inventaire fait des biens de la communauté de feu Claude Hebuterne n'était encore ni clos, ni affirmé; le dossier montre que Catherine Girardin, sa veuve, avait pourtant été en « viduité » pendant quatre années et plus et qu'elle avait un enfant de son second mari (Arch. dép. Seineet-Marne, B 387, pièce 12).

14. En pratique, la composition des conseils de famille était extrêmement variée. Quelques exemples : enfants Merlan en 1682, côté paternel : 2 cousins germains, 3 cousins arrière-germains, côté maternel : 3 oncles, 2 cousins, soit 10 parents au total (Arch. dép. Seine-et-Marne, B 68, pièce 17) ; enfants Boitel en 1706, 2 enfants de 2 lits : côté paternel : 2 oncles, 1 cousin issu de germain, côté maternel du 1er, 1 oncle, 2 cousins issus de germain; du second : la mère, 1 cousin issu de germain, 1 voisin (Arch. dép. Seine-et-Marne, B 389, pièce 110); enfants du Flocq en 1707, côté paternel : le père, 2 oncles; côté maternel, 2 oncles, 1 grand-oncle; enfant Fayot en 1709, côté paternel : 3 oncles, 1 cousin; côté maternel : la mère, 1 oncle mais 1 des oncles l'était des deux côtés à la fois à cause de sa femme (Arch. dép. Seine-et-Marne, B 390, pièces 1, 2 et 46); Marie-Louise Salomon en 1711; côté paternel : le père, la grand-mère; côté maternel : le second mari de la grand-mère, 1 oncle (Arch. dép. Seine-et-Marne, B 69, pièce 26).

15. A partir de décembre 1657, on tenta de pourvoir d'un tuteur les enfants de Didier Regnier et de défunte Marie Moreau. Dans la réunion de parents du 23 août 1658, les parents élirent le père. Le procureur fiscal répondit que Didier Régnier avait « déjà été ci-devant tuteur » sans préciser pourquoi il ne l'était plus et nomma d'office un oncle (Arch. dép. Seine-et-Marne, B 380, pièce 119).

16. Jusqu'à 15 ans : (Arch. dép. Seine-et-Marne, B 384, pièce 15; B 387, pièce 38; B 386, pièces 74-76; B 387, pièces 83-84.) Jusqu'à 16 ou 17 ans : (B 389, pièce 25; B 384, pièces 16- 105; B 387, pièce 2.) Aucune disposition n'a été prise pour Étienne Régnier, 14 ans, pour Laurence Villeré, 15 à 16 ans. Il arrivait aussi que des enfants fussent pris en charge jusqu'à 18 ans, mais il s'agissait souvent dans ce cas de compenser par les services qu'ils pouvaient rendre la modicité de la pension qu'ils avaient pu payer jusque-là ou la gratuité de leur nourriture.

17. Arch. dép. Seine-et-Marne, B 68, pièces 17 et 19.

18. Ce cousin était laboureur comme d'ailleurs les deux oncles qui se chargeaient de Marie et de Jeanne. Tous trois ont évoqué « l'amitié » qu'ils portaient à tel ou tel enfant.

19. Jeanne Régnier (Arch. dép. Seine-et-Marne, B 384, pièce 15), Marguerite Trouët (B 384, pièce 105), Marie Tavernier (B 386, pièces 74-76) sont prises à cette condition.

20. Par exemple, curé d'une paroisse, maître d'école, commis buraliste des aides, procureur fiscal.

21. François Merlan, laboureur à Puisieux, mourut au début d'août 1682; Barthélemy Hébuterne accepta la tutelle de ses enfants le 1er février 1683. Jean Philippe, maréchal à Barcy, mourut en mars 1698, Antoine Philippe accepta la tutelle en juillet.

22. Arch. dép. Seine-et-Marne, B 387, pièces 91, 93 et 94.

23. Quand Claudine Aubry, fermière de Champfleury, voulut en 1690, compter avec ses enfants des biens meubles laissés par Pierre Rain son mari, son gendre Toussaint Théronde et Pierre Merlan, tuteur de son petit-fils lui objectèrent que l'inventaire fait après le décès de Pierre Rain en 1681, n'ayant jamais été clos ni affirmé n'était pas valable. (Arch. dép. Seine-et-Marne, B 68, pièce 34.)

24. Voir ci-dessus, note 13.

25. Exemple : contrat de mariage de Claude-Étienne Martin, laboureur à Boutigny veuf en premières noces de Marguerite Pinguet et de Marie Nicolle Martin. La future a été douée du douaire coutumier ou de 300 I. à son choix; il a été en outre stipulé un préciput réciproque de 300 I. outre les habits et linge à l'usage du survivant et un lit garni ; l'enfant du 1er lit devait être nourri, logé et entretenu jusqu'à 18 ans pour l'intérêt de la moitié des biens meubles qui lui venait de sa mère et le revenu de ses immeubles (Arch. dép. Seine-et-Marne, B 413, pièce 29).

26. Une ferme, 167 arpents et divers droits de dîme.

27. Arch. dép. Seine-et-Marne, B 413, pièces 37-38 et 132-133. Marie Piettre est morte fin avril 1755, les scellés furent apposés le 30; l'inventaire fut fait le 13 mai et les jours suivants. Le cautionnement de P. D. Adam est daté du 4 juin. Denis Jourdain mourut le 27 juillet 1757.

28. Arch. dép. Seine-et-Marne, B 414, pièces 56-57. Encore Geneviève Thévenard étaitelle relativement protégée par son contrat de mariage qui limitait à 800 I. la somme qu'en cas de décès de Bledmortier, ses héritiers collatéraux pourraient prétendre en la succession et lui assurait, sa vie durant, l'usufruit de tous les immeubles de la succession.

29. Arch. dép. Seine-et-Marne, B 390, pièce 38.

30. Ou éventuellement d'une femme perdant son mari, spécialement s'il s'agissait d'une fermière.

31. Par exemple : Arch. dép. Seine-et-Marne, B 386, pièce 99. Succession de Geneviève Lucy, femme de Jean Touron.

32. En outre, jusqu'en 1668, l'âge au décès n'est indiqué qu'épisodiquement et en raison du nombre de personnes qui dans un même village portaient même nom et même prénom, il est toujours hasardeux d'identifier tel trépassé avec l'enfant né 20, 40 ou 60 ans plus tôt.

33. Cinquante ans constitue une limite un peu basse pour les hommes; voir par exemple le Jean Pasquier de la page 963. En fait, il constitue un cas assez rare. Ce Jean Pasquier procureur fiscal devait d'ailleurs être un laboureur et le comportement démographique des laboureurs était assez différent de celui des autres paysans.

34. Nous n'avons pas, à l'heure actuelle, de relevés au-delà de 1767. Voir ci-dessus, note 9.

35. Registres paroissiaux de Varreddes, Mareuil et Neufmontiers aux dates indiquées.

36. Arch. dép. Seine-et-Marne, B 384, pièces 104 à 106.

37. Arch. dép. Seine-et-Marne, B 384, pièces 14-15 et 62-70.

38. Arch. dép. Seine-et-Marne, B 384, pièces 94-95 et B 386, pièces 63-69 et 118-121.

39. Arch. dép. Seine-et-Marne, R.P. Varreddes. Charles Butel épousa Jeanne Dumont le 5 juillet 1708; il mourut le 10 juin 1715. Pierre le Duc épousa : 1° le 4 juin 1707 Marguerite Moreau morte le 9 mars 1716; 2° le 11 mai 1716 Jeanne Dumont.

40. Arch. dép. Seine-et-Marne, B 387. pièce 12.

41. Lebrun, F. (Les hommes et la mort en Anjou, p. 429 Google Scholar) qui observe le même phénomène, l'interprète de façon un peu différente; il y voit un « primat accordé à la famille sur l'individu ».

42. Arch. dép. Seine-et-Marne, B 384, pièce 15.

43. On trouve même le cas d'une sœur aînée, emmenant sa cadette enceinte chez la sagefemme pour faire constater son état. (Arch. dép. Seine-et-Marne, B 377, pièces 55-56.)

44. Arch. dép. Seine-et-Marne, R.P. Chambry : Isaac Le Blanc (le 1er mari) mourut en juin 1740; Nicole Picard en septembre de la même année épousa Nicolas Oudot qui mourut en janvier 1742; elle épousa Charles Patron en juillet 1743.

45. Arch. dép. Seine-et-Marne, R.P. Varreddes : Jeanne Butel (2e enfant de Charles et de Jeanne Dumont) naquit en décembre 1710, Jean le 31 décembre 1713, Charles Butel mourut le 10 juin 1715, Jeanne Dumont épousa Pierre le Duc le 11 mai 1716. Geneviève naquit en juillet 1717, une autre fille en octobre 1720.

46. A défaut de séries cohérentes de registres paroissiaux pour cette époque, on voit apparaître ces remariages dans les livres de compte : la ferme des Touches, par exemple appartenant à l'Hôtel-Dieu de Meaux, est tenue à tour de rôle par une femme et ses deux époux, puis par la fille de celle-ci et ses trois maris successifs.