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Published online by Cambridge University Press: 11 October 2017
La critique des méthodes, même purement négative, peut être un facteur de progrès, surtout lorsqu'elle est faite par des spécialistes parfaitement informés. Elle est, peut-être, moins utile lorsqu'elle vient de personnes n'ayant qu'une connaissance insuffisante du sujet ; dans ce cas, elle risque, en effet, de tomber à faux. Je crains fort que les « Remarques inquiètes » de M. René Baehrel n'appartiennent, en grande partie, à la catégorie des critiques sans objet.
Les colonnes des Annales sont et resteront ouvertes à toutes les opinions et controverses, que ces opinions ou controverses nous plaisent ou nous contrarient. La liberté ne peut être à sens unique.
Cependant, disons très nettement que seules les discussions d'idées nous intéressent et, d'elles seules, nous prenons volontiers la responsabilité. Par contre, les querelles de personne à personne ne nous concernent pas. Nous laissons donc à Louis Henry et René Baehrel la responsabilité des quelques attaques personnelles qui traversent leur discussion. J'aurais volontiers demandé à nos collègues de s'en abstenir, mais René Baehrel n'y a pas consenti, n'ayant pas le temps de reprendre les termes de sa réponse.
Notre rôle de conciliateur devenait donc impossible. Je le regrette… dans la mesure même où je souhaite que des controverses vives, mais amicales, prennent dans notre revue une place grandissante.
Fernand Braudel.
page 630 note 1. « Rien » î Dès l'introduction, je parle de ceux qui « oublient » le « vice de certaines pratiques ». l'oublier suppose qu'on l'a appris, et qui l'aurait signalé aux historiens si ce n'est l'homme de l'art. Ensuite, on peut lire, p. 90. « cette méthode….. été depuis longtemps critiquée par les démographes ».. t. p. 91. « c'est ce que soulignent les démographes ». Puis, p.. 4. « s'il est doublé d'un démographe, il saura que… ». Broutilles, certes. Pourtant, constatation qui jette fatalement un doute sur le sérieux avec lequel l'article. été lu et sur la sérénité avec laquelle il. été apprécié. D'autre part, même là, il. avait plus qu'un rappel, puisque sous la démographie perçait à tout moment la statistique. de celle-ci, hélas, il ne sera jamais question. or c'était l'un des deux « objets » de l'article. mais à ce propos également, pour juger correctement, il aurait fallu lire. Lire posément.
page 630 note 2. Dans l'article où Louis Henry reprochait à Pierre Goubert d'interpréter l'âge moyen des décédés « comme une espérance de vie à la naissance », renvoyait-il aux traités classiques qui définissent cette dernière expression (Population, 1953, p. 285). Il. collaboré par la suite à un manuel ( Fleury, Michel et Henry, Louis, Des registres paroissiaux à. histoire de la population. Manuel de dépouillement et d'exploitation de l'état-civil ancien, Paris, I. N. E. D., 1956, 84 p.Google Scholar) que nous citerons souvent en disant « le Manuel ». Pourquoi ne pas avoir cherché à en faire également un manuel d'initiation. On. relira (p. 55). « cet âge moyen des décédés n'est pas égal à l'espérance de vie ou vie moyenne ». Qu'y comprendra le non-averti. Nombreux sont nos manuels, même à l'usage des pauvres élèves de 6e, qui proposent, à la fin de leurs chapitres, des « livres à consulter », des « lectures recommandées », des « textes » avec références. Le Manuel à propos des crises de subsistances et du « passage à l'année-récolte », cite-t-il l'un des nôtres, Jean Meuvret, le premier à en avoir parlé. Abandonnant le rapport des décès aux conceptions préconisé par ce dernier, le Manuel préfère un système de trois courbes qui s'apparente à celui qu'utilisa pour Beauvais Pierre Goubert, un autre frère dont le travail est passé sous silence. Courbes données sans indication de sources, même pas de lieu, si bien que l'historien, s'y référant, devra dire. «. la page 48 du Manuel, le nombre des sépultures dépassa, en 1693, la centaine ». Simples « remarques », à retenir ou à rejeter dans le cas d'une 2e édition.
page 630 note 3. Huber, Michel, Bunle, Henri et Boverat, Fernand, La population de la France. Son évolution et ses perspectives, préface de Landry, A., Paris Google Scholar, Hachette, 2° éd., 1943, in-8°, 272 p. Tout au long d'une quarantaine de pages sont exposés les moyens d'étudier la mortalité et les résultats obtenus. taux de mortalité générale, mortalité suivant l'âge, le sexe, l'état matrimonial ou la profession, quotients de mortalité et tables de mortalité, tables de survie, espérance de vie ou vie moyenne, taux compara tifs sur la base d'une population-type, taux déduits de l'espérance de vie, mortalité infantile. Voir, p. 152, l'allusion à la «mortalité parmi les élèves d'une école âgés de dix à vingt ans et parmi les vieillards d'un asile ». Depuis une quinzaine d'années, l'ouvrage sert à l'enseignement du mal informé que je suis (j'en projette près de cent graphiques ou tableaux en les commentant). Il fut « Offert par l'Alliance Nationale contre la dépopulation, à Messieurs les Professeurs » (mention portée sur la couverture), à une époque où l'on faisait appel aux historiens comme à un renfort de poids. Marseillais d'occasion, le passage cité me suggérait l'exemple d'Aix-en-Provence, ville de retraités. Age moyen au décès à Aix, avant et depuis sa faveur auprès de ceux-ci. Une mortalité dont l'aggravation pouvait n'être qu'apparente. L'idée jaillissait, grâce aux démographes.
page 631 note 1. M. Fleury et L. Henry, ouvr. cité, p. 55. « Il faudra interpréter les résultats avec prudence »).
page 631 note 2. Pierre Goubert, « Des registres paroissiaux à l'histoire. Indications pratiques et orientation de recherches », Bulletin d'Histoire moderne et contemporaine du Comité des Travaux historiques et scientifiques, 1956, 19 p. On trouvera, p. 10, les quatre « renseignements fort importants » à attendre des sépultures. l'âge moyen au décès n'y figure pas.
page 631 note 3. « On notera que la table de survie déduite d'une table de mortalité… fournit la répartition par âge d'une seule génération fictive » (Huber, Bunle, Boverat, ouvr. cité, p. 165). — « Les taux comparatifs sont des taux fictifs répondant à certaines conditions hypothétiques » (Ibid., p. 174). — « Le choix de la population-type est forcément arbitraire » (Ibid., p. 143).— M. Louis Henry, avec raison, ne cultive pas moins l'hypothèse (voir L. Henry, « Les perspectives relatives à la population musulmane de l'Afrique du Nord », Population, 1947, p. 267-279. non pas une, mais quatre hypothèses, donnant quatre colonnes dans un tableau, chacune numérotée. « hypothèse 1, mortalité de l'Espagne en 1880-1884 (sexes réunis) et fécondité correspondante déduite des recensements algériens. hypothèse 2, mortalité de l'Italie en 1899-1902 (sexes réunis) et fécondité correspondante déduite des recensements algériens. la répartition des naissances suivant l'âge de la mère, étant, dans les deux cas, celle de la Bulgarie en 1921-1922 » (p. 274). le tout « en l'absence d'émigration ainsi que nous l'avons toujours supposé au cours de cette étude » [p. 277J. cinquième hypothèse).
page 632 note 1. Quand les données sur la mortalité infantile pour 1953 furent communiquées à la presse, on. pu lire dans Le Monde : « La mortalité est élevée dans les régions du Nord, de Bretagne et de Normandie, régions de forte natalité » (52 °/oo dans le Nord et l'Aisne, 55 °/oo dans la Somme, 60 °/oo dans le Pas-de-Calais, contre 25 °/0o en Lot-et- Garonne et dans l'Aude, 26 °/0o dans la Seine, 27 %o dans la Vienne et les Alpes-Maritimes). Voir également Huber, Bunie, Boverat, ouvr. cité, en comparant p. 189 (mortalité infantile par département) à p. 122 (natalité et fécondité par département).
page 632 note 2. Pourrez-vous affirmer qu'une baisse des mortalité infantile et enfantine n'était pas compensée par une hausse de la mortalité aux âges adultes. De nos jours, dans certaines régions, les progrès de l'alcoolisme n'ont-ils pas annulé la baisse de la mortalité infantile î Je l'ignore, mais ma question n'est peut-être pas extravagante. Vous possédez la réponse. Pourquoi la refuser. Reste le problème des effets combinés des variations structurales et des variations de taux sur le total des décédés. « L'augmentation du nombre des vieillards, lit-on dans Huber, Bunxe et Boverat, ouvr. cité, p. 173-174, entraîne au contraire, toutes autres choses égales d'ailleurs, un accroissement du nombre des décédés ayant dépassé la 60e année, qui peut être assez fort pour contrebalancer la réduction de la mortalité des adultes, et en tout cas pour l'atténuer ».
page 633 note 1. Pas la plus petite intention malveillante chez moi. Ma citation est correcte. ce que j'ai placé entre guillemets, ce sont les propres mots de M. Louis Henry. Pas le moindre souci de « dénigrement ». si une critique, pour en mériter le nom, doit être élogieuse…
page 633 note 2. Louis Henry, Population, 1953, p. 289.
page 633 note 3. A l'usage des historiens qui auraient « oublié » (et ils paraissaient avoir oublié. d'autres, les imitant, se tromperaient). « En résumé, pour des collectivités dont la composition par âge est différente…, il faut comparer la mortalité dans les groupes d'âges correspondants » (Huber, Bunle, Bovebat, ouvr. cité, p. 153). Comme vous ne savez pas si la pyramide des âges ne s'est pas modifiée, vous ne pouvez pas vous contenter des autres procédés.
page 633 note 4. Il est regrettable que l'exemple donné en note (Manuel, p. 83, n. 2) concerne la mortalité infantile. Pourquoi ne pas avoir craint de doubler ainsi l'exemple de la page 54 î Certainement plus utile pour l'utilisateur eût été l'exemple du taux pour le groupe 10-14 ans. Si l'on. a renoncé, n'est-ce pas parce que cette recherche était plus compliquée î On n'allait pourtant que jusqu'à quinze ans !
page 633 note 5. On trouvera dans le Manuel des modèles de « fiches d'actes » et de « fiches de familles ». P. Goubert (op. cit.) propose d'autres « types de fiches ». Sans savoir comment elles se présenteraient, je les avais prévues. Etait-ce insultant î II est vrai que c'est la « chemise de papier cristal » qui est conseillée (Manuel, p. 63).
page 633 note 6. Huber, Bunle, Boverat, ouvr. cité, p. 210. « Augmenter la fécondité d'un dizième ou réduire de 40 °/p la mortalité féminine de. à 49 ans,. le même effet. une augmentation d'un dizième du taux de reproduction. L'action pour l'accroissement de la fécondité fournira donc des résultats beaucoup plus efficaces que la réduction de la mortalité. Ce résultat. été indiqué par M. Sauyy sous une forme un peu différente (Journal de la Société de Statistique de Paris, juillet 1932). »
page 634 note 1. Colloque national pour l'Etude des Structures sociales, Paris,. mars 1957 (Les « indications et suggestions » de G. Lefebvre, président du Groupe de travail, sont résumées par lui dans Annales historiques de la Révolution française, 1957, p. 99- 105). Avançons une remarque qui paraîtra en marge de ce débat mais qui pourtant devrait l'éclairer. Ce jour-là furent lues plusieurs communications, au cours desquelles surgirent différents procédés, utilisés pour mettre en évidence l'évolution de la propriété. Si je m'étais levé pour dire. « Dans l'état actuel de la technique statistique, il est impossible » de reconnaître si « l'inégalité des fortunes ou celle des revenus » présentait « une tendance vers une augmentation ou une diminution », j'aurais sans doute, par ma « connaissance insuffisante du sujet », provoqué quelques haussements d'épaules ou suscité quelques protestations indignées de « spécialistes parfaitement informés ». Pourtant, je n'aurais fait que citer l'opinion du dernier statisticien qui s'est occupé sérieusement de la question et je connais les défauts des moyens préconisés par tous ceux qui l'ont étudiée avant lui.
page 634 note 2. Deux questions au passage. 1) Le Manuel recommande « une fois le graphique tracé [de] repérer les pointes de mortalité les plus importantes ». à l'échelle arithmétique, la vôtre, la pointe des sépultures est plus haute en 1693 qu'en 1709. or, à l'échelle logarithmique, l'amplitude fût apparue deux fois plus forte en 1709. un sextuplement en 1709 par rapport à 1705, un triplement en 1693 par rapport à 1689 (sur la « déformation imputable à l'échelle arithmétique », voir C. É. Labrousse. « Quelques observations sur la lecture des courbes économiques » dans Ann. his. Rev. française, 1937, p. 330-341. ; dois-je raisonner sur des nombres absolus ou sur des nombres relatifs. 2) Je sais bien que « la disette provoquait par anticipation des décès qui se seraient produits durant les années suivantes » (1. Meuvret, Population, 1947, p. 649) et que, par suite, les points s'inscrivant très bas après une mortalité exceptionnelle, l'amplitude de la suivante peut se trouver augmentée. alors, très informé, je demande. M. Alfred Sauvy ayant écrit quelque part qu'une population est un stock, est-ce à l'aide de ce genre de courbes que s'étudie l'évolution d'un stock ?
page 634 note 3. Annales, 1954, p. 215 et 1955, p. 55.
page 635 note 1. Sous mon graphique, il fallait lire. « Proportion pour. 000 décès ». les indications portées en ordonnées l'indiquaient.
page 635 note 2. « Sauf circonstances particulières, la considération de la moyenne n'est sûrement légitime,. écrit François Divisia, que dans les ensembles très nombreux et comportant une distribution concentrée, c'est-à-dire représentée par une courbe en cloche ». Avis aux historiens qui, demain, étudiant les structures sociales, seraient tentés de raisonner sur des moyennes. (Rappelons une observation de Marc Bloch. i L'exploitant moyen, l'exploitation moyenne seront toujours, au bout du compte, des mythes ». )
page 635 note 3. P. Goubert, op. cit., p. 19.
page 636 note 1. Je sais qu'on va s'écrier. « Au lieu de vous cantonner dans le négatif, pourquoi ne pas exposer votre méthode. Qu'on vous voie à l'oeuvre ! » Ma position me paraît pourtant logique. Le chimiste sait qu'il ne peut pas mélanger certains gaz sans risque d'explosion. dans le bâtiment, on sait qu'on ne peut pas construire n'importe comment. on ne niera ni la déflagration, ni l'effondrement. Tandis que « on pourra » toujours calculer l'âge moyen au décès et l'on pourra toujours « reconstituer » une famille, celle-ci ou une autre. Convaincu que cela ne tient pas, je tâche de provoquer l'accident. Que ma construction ne soit pas solide ne prouverait pas que la vôtre l'est. Mais, je le croyais du moins, il ne suffit pas d'affirmer qu'elle l'est, pour qu'elle le soit.
page 636 note 2. P. Goubebt, op. cit., p. 6.
page 636 note 3. Cette conviction, que je dois à François Divisia, m'avait déjà fait écrire autrefois dans un article, jugé méchant s'il. été mal compris. « L'historien, habitué à dater les faits avec la plus grande minutie, attend des nombres la même rigueur » (Annales, 1954, p. 216). Mais, répétons-le, si l'historien se convertit à l'emploi du grossier en statistique, il ne sera pas. autorisé à faire n'importe quoi » (Annales, 1957, p. 97, note 1). J'ai parlé de « quêter le vrai à l'aide du grossier raisonnable » (Ibid., p. 93) et nos remarques sur l'emploi de la moyenne, des quotients, des pourcentages, montrent que le grossier ne sera retenu qu'après réflexion. Même le statisticien mathématicien tâtonne (comment Gibrat détermine-t-il x ?﹜ Il existe une statistique graphique, hautement expressive, qui est exactement. la mesure de l'historien, parce qu'elle s'appuie sur le travail des mathématiciens, sans s'y livrer. Pourtant, redisons- le. « Distinguer recettes statistiques et esprit statistique » (Ibid., p. 97, n. 1).
page 637 note 1. Auguste Detoetjf, Propos de O. L. Barenton, confiseur, ancien élève de l'Ecole Polytechnique, Paris, Ed. du Tambourinaire, 1948, in-8°, 227 p. (p. 193. « l'X ne sait rien, et il sait qu'il ne sait rien ». p. 194. « l'homme qui ne sait pas, peut apprendre. tâche beaucoup plus rude pour celui qui croit déjà savoir »). Précisons que M. Divisia n'a connu l'article incriminé qu'une fois imprime, qu'il. été laissé complètement en dehors de ce débat, et que, on le pense bien, nous ne lui devons même pas cette référence.
page 637 note 2. « Philosophie d'un procès », article de M° Maurice Garçon, Le Monde, 1e. avril 1954. « N'est-il pas scandaleux, comme on l'a entendu dans l'affaire Besnard, qu'un savant, auquel un autre savant fait une objection, trouve seulement à répondre que la contradiction qu'on lui oppose est inélégante de la part d'un collègue. »
page 638 note 1. Et merci aux Annales qui, sous l'impulsion de Fernand Braudel, voulant rester elles-mêmes, celles de la libre parole, ne m'ont pas refusé leur. tribune ». Merci également à Pierre Goubert qui. compris qu'il n'était pas personnellement visé. Puisse Jean Meuvret n'être pas moins persuadé que je n'ai jamais nourri à son égard de noirs sentiments. J'avais précisé à deux reprises (Annales, 1957, p. 85 et p. 98) que je n'avais pas en vue « les personnes », mais « la méthode ». Enfin, que l'on consente à se demander en dernier lieu. était-ce pour moi que j'avais écrit, pour moi que je viens de répondre ?