Published online by Cambridge University Press: 11 October 2017
En Franche-Comté comme ailleurs, les études de géographie humaine fondées sur les plans parcellaires se multiplient. Nous n'avons aucunement l'intention de couper l'herbe sous le pied des chercheurs, qui s'acharnent à retrouver l'homme et son travail entre les lignes de ces plans ou à travers les noms des milliers de lieux-dits qui fascinent leurs regards. Toponymistes, statisticiens, ils se penchent tour à tour sur la carte pour évaluer, à l'aide de la phonétique la plus scientifique et de la mathématique la plus éprouvée, la date d'un défrichement, la valeur d'un manse et la grandeur d'une seigneurie. C'est bien. Mais phonétique et mathématique suffisent- elles à faire revivre l'histoire de l'occupation du sol par l'homme ? Et la réalité est-elle faite de moyennes ? Laissons à d'autres (qui déjà l'ont fait) le soin de rappeler à la modestie, s'agissant de l'histoire humaine, les sciences mathématiques et linguistiques et leurs terribles méthodes.
page 44 note 1. Un problème parallèle, et qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, c'est celui des « clôtures » (do pierres, de haies, de fil de fer, etc…). Aux Rousses, il n'y a pas de clôture pour les champs, mais seulement pour les pâturages ; cependant quelques régions encloses ont été transformées en champs. Aujourd'hui, quand on veut transformer un champ en pâturage, on l'enclôt. A Château-Chalon, .problème beaucoup plus compliqué. Il semble qu'il y ait eu autrefois obligation d'établir des murs le long des routes, pour interdire aux troupeaux l'accès des champs labourés : j'appellerais ce mur une barrière « défensive ». Par ailleurs, les pâturages communaux et les pâturages privés sont entourés de murs ou de fils de fer : on pourrait donner à cette barrière le nom de « clôture » (on donne à ces terrains le nom de « clos » dans le pays). Par ailleurs esncore, certains terrains, conquis, semble-t-il, plus récemment sur la forêt, sont entourés de murs, bien que labourés. Mais, à l'origine, étaient-ils des pâturages ou des labours ? En tout cas, ces deux dernières sortes de barrières, tout comme celles des Rousses, semblent destinées à maintenir le bétail sans gardien dan? un lieu de pâture déterminé. Nous connaissons des propriétaires qui font ainsi des « clos » pour éviter, à eux et à leurs enfants, la peine do garder les bêtes, surtout quand celles-ci demeurent constamment dehors. Dans les forêts des Rousses, soumises encore à la pâture, on trouve toujours de nombreux murs. Pour quel motif les hommes des XVIe et XVIIe siècles ont-ils élevé ces kilomètres de murs à travers les montagnes ? Désir de limiter les propriétés ou d'empêcher le bétail d'errer sur le voisin ? Il nous semble que la volonté de délimitation des propriétés ne suffirait pas à obliger le paysan à un tel travail : une borne, un rocher portant un signe bien marqué suffiraient, comme ils suffisent encore à délimiter des parcelles de bois à l'intérieur d'un pâturage. Nous ne disons pas que l'enclos est toujours destiné au bétail, mais il peut l'être. Une enquête en montrerait l'importance.
page 48 note 1. On aperçoit des possibilités de malthusianisme ; mais nous laissons à d'autres le soin d'en discuter. Disons seulement que ∞ malthusianisme est patent dans certaines communes riches du Doubs et du Jura. Malthusianisme spécial, qui consiste à avoir de nombreux enfants, mais à interdire la commune aux étrangers.
page 49 note 1. J'ai en vue l'ouvrage d' Demangeon, Albert, France économique et humaine VI, 2e partie Google Scholar, 1er fasc. de la Géographie Universelle). P. 206, on lit : « Dans les pays de villages, le morcellement est inévitable… Au contraire, dans les pays de dispersion, le domaine, étant cohérent et difficile à morceler, a des chances de durée ; il vit dans ses limites primitives… » Notre but n'était pas d'étudier, ici, ce point particulier de géographie humaine, le morcellement de la propriété. Remarquons cependant que les Rousses, pays d'habitat très dispersé, est aussi morcelé, sinon plus, que Château-Chalon, pays de village groupé. A la page 199 du même ouvrage, qui traite de l'éparpillement actuel des villages, nous pourrions opposer l'état du haut Jura, où l'éparpillement disparaît de; plus en plus et où les habitants, depuis cent ans surtout, se groupent au centre du village. Ici l'éparpillement est primitif : le village suit. Où est cet instinct naturel de groupement des membres d'une même famille ? Il y aurait beaucoup à dire aussi sur les « clôtures » des champs, qu'Albert Demangeon semble trop associer à l'idée de dispersion. Nous l'avons dit plus haut, les Rousses, pays de dispersion, n'ont pas de clôtures, sauf pour les pâturages, et Château-Chalon, pays de village groupé et de campagne, en a le long de ses routes et autour de ses pâturages.