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Fief, Féodalité, Féodalisme. Enjeux Sociaux et Réflexion Historienne
Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Extract
L'image du passé, et plus particulièrement de son propre passé, forgée par chaque groupe social dominant au sein de toute société, est un des éléments essentiels de l'assise de sa légitimité. La complexité et la précision de cette image sont largement proportionnelles au degré de développement de la société considérée, sans toutefois qu'on puisse parler de corrélation stricte car la science historique n'est pas un processus purement cumulatif. Lorsqu'une classe voit lui échapper le contrôle de son devenir, elle sombre le plus souvent dans l'irrationalisme ; la recherche historique est alors soumise à divers blocages et peut même subir de graves régressions, moins visibles mais beaucoup plus nocives que les franches interruptions résultant des grands bouleversements sociaux.
Summary
The notion of “feudal System” emerged in the 18th century in the context of polemics connected to the profound social transformation of that period; at the same time it also served as an instrument in these confrontations. Above all, the “feudal system” served as a foil against which the two key demands of “freedom of commerce” and “freedom of conscience” were argued. It is thus important to pinpoint exactly in what way these two daims constituted, in and of themselves, a decisive break with the feudal system. The first daim corresponded to the advent of the contemporary idea of property, and thus opposed the conception of the unity of the “personal” and “real” relationships in the feudal system; and the second daim established the present conception of religion which made it impossible to think of the church as the dominant institution of the feudal system. The rest of the article attempts to follow the evolution, beginning with the 18th century, ofthe social condition, particularly in France and Germany, in which these two important conceptual departures operated.
- Type
- Pratique des Sciences Sociales
- Information
- Copyright
- Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1995
References
Notes
* Ceci est une version remaniée d'un texte à propos duquel plusieurs collègues ont eu la gentillesse de me faire part de leurs critiques ; je remercie en particulier C. Astarita, R. Descimon, J. Guilhaumou, J. Le Goff, J.-C. Schmitt, B. Tôpfer, J. Wirth. Les déséquilibres de cet article sont en large part dus au fait qu'il s'agit du prolongement des réflexions entamées dans Le féodalisme, un horizon théorique, Paris, 1980, dont on n'a pas repris ici les développements qui semblent acquis.
1. Les recherches sur l'histoire de l'historiographie depuis le xvme siècle qui ne font pas leur place aux réflexions sur les relations entre science, technique et société n'apportent au développement de l'histoire qu'une contribution marginale. Nous ne connaissons qu'une seule tentative organisée de ce genre, celle du groupe d'universitaires allemands, baptisé « Théorie der Geschichte » depuis sa création en 1973, qui a publié déjà cinq volumes de Beitràge zur Historik (terme sans équivalent français, qu'on pourrait peut-être rendre par « historiologie ») : Koselleck, R., Mommsen, W. J., Rusen, J. éds, Objektivitàt und Parteilichkeit in der Geschichtswissenschaft, Munich, 1977.Google Scholar Faber, K. G., Meier, C. éds, Historische Prozesse, Munich, 1978 Google Scholar. Kocka, J., Nipperdey, T. éds, Théorie und Erzàhlung in der Geschichte, Munich, 1979.Google Scholar Koselleck, R., Lutz, H., Rusen, J. éds, Formen der Geschichtsschreibung, Munich, 1982.Google Scholar Meier, C., Rusen, J. éds, Historische Méthode, Munich, 1988.Google Scholar Une phase primordiale de mise en place de l'historiographie contemporaine vient de recevoir une vive lumière : Barretkriegel, Blandine, Les historiens et la monarchie, 4 vols, Paris, Presses Universitaires de France, 1988.Google Scholar Sur raison et progrès, textes décisifs de Jacques LE Goff dans VEnciclopedia Einaudi : « Progresso/reazione » (vol. XI, pp. 198-230), « Decadenza » (vol. IV, pp. 389-420). Quelques remarques dans Guerreau, A., « L'historique, le rationnel », Espaces-Temps, 30, 1985, pp. 28–34.CrossRefGoogle Scholar Sur le déclin rapide de l'idéal de rationalité à partir des années 1880, voir note 43. Sur la situation actuelle, une prise de position mal assurée, mais qui sape efficacement les fondements du relativisme culturel : Finkielkraut, Alain, La défaite de la pensée, Paris, 1987.Google Scholar
2. Vilar, Pierre, « Réflexions sur les fondements des structures nationales », La Pensée, 217, 1981, p. 59.Google Scholar
3. Il existe trois traditions d'analyse anciennes et séparées : — l'histoire des historiens, d'abord conçue comme une chronique ; par exemple : Fueter, Eduard, Geschichte der neueren Historiographie, Berlin, 1936 Google Scholar (repris sans grandes modifications par Lefebvre, Georges, La naissance de l'historiographie moderne, Paris, 1971 Google Scholar) ; — l'histoire de l'évolution historiographique d'un objet d'étude ou d'une notion ; dans notre perspective, exemples utiles : Voss, Jiirgen, Das Mittelalter im historischen Denken Frankreichs (16.-19. Jahrh.), Munich, 1972.Google Scholar Gatto, Ludovico, Viaggio intorno al concetto di medioevo. Profilo di storia delta storiografia médiévale, Rome, 1977;Google Scholar — l'étude abstraite des relations entre le « discours historique » et les conditionnements sociaux ; Max Weber en est considéré comme le père fondateur : Gesammelte Aufsàtze zur Wissenschaftslehre, tr. fr. Essais sur la théorie de la science, Paris, 1965 ; d'autres travaux plus récents infiniment plus pertinents sont ceux du groupe « Théorie der Geschichte » cités note 1. Des tentatives ont été faites pour examiner un ensemble d'historiens d'un point de vue historique et socioidéologique : Carbonell, Charles-Olivier, Histoire et historiens, une mutation idéologique des historiens français (1865-1885), Toulouse, 1976,Google Scholar ou Iggers, Georg, Deutsche Geschichtswissenschaft. Eine Kritik der traditionellen Geschichtsauffassung von Herder bis zur Gegenwart, Munich, 1971.Google Scholar Weber, Wolfgang, Priester der Klio. Historisch-sozialwissenschaftliche Studien zur Herkunft und Karriere deutscher Historiker und zur Geschichte der Geschichtswissenschaft 1800-1970, Francfort- Bern-New York, 1984.Google Scholar L'historiographie de certains sujets a aussi donné lieu à de très éclairantes mises en relation avec l'idéologie des auteurs ; ainsi, à propos des structures de la société franque, MûLlermertens, Eckhard, Karl der Grosse, Ludwig der Fromme und die Freien. Wer waren die liberi homines der karolingischen Kapitularien (742/743-832) ? Ein Beitrag zur Sozialgeschichte und Sozialpolitik des Frankenreichs, Berlin, 1963 Google Scholar (esquisse historiographique, pp. 10-39), ou Irsigler, Franz, Untersuchungen zur Geschichte des fruhfrànkischen Adels, Bonn, 1969 Google Scholar (” historiographische Skizze » pp. 39-81). Mais le rapprochement méthodique de ces trois perspectives (époque et conditionnement, historiens, sujets d'étude) constitue en fait le seuil minimal à partir duquel on dispose d'assez d'éléments pour saisir la logique socio-historique de l'évolution des représentations du passé. Pour l'objet qui nous intéresse, le seul ouvrage qui se soit engagé dans cette voie est celui de Kuchenbuch, Ludolf et Michael, Bernd, Feudalismus. Materialien zur Théorie und Geschichte, Francfort-Berlin-Vienne, 1977 :Google Scholar ouvrage essentiel à l'égard duquel notre dette est grande.
4. Sans accorder trop d'importance à ce détail, on note que feudal System apparaît en 1757, feudalism en 1794 ( Hobsbawm, E. J., « Capitalisme et agriculture : les réformateurs écossais au xvme siècle », Annales ESC, 1978, 3, pp. 580–601,Google Scholar cf. p. 682).
5. On peut se reporter, faute de mieux, au médiocre résumé de Boutruche, Robert, Seigneurie et féodalité, Paris, 1968, t. I, pp. 12–18.Google Scholar
6. Guenée, Bernard, Histoire et culture historique dans l'Occident médiéval, Paris, 1980, pp. 147–154.Google Scholar
7. Horkheimer, Notamment Max, Anfànge der burgerlichen Geschichtsphilosophie, 1930, Paris, 1974, pp. 113–135.Google Scholar
8. On prend trop peu garde à cette notion qui vise l'exercice d'un pouvoir sur les hommes simplement déterminés par le lieu où ils se trouvent ; sous cette notion, on retrouve la territorialité des lois, le principe cujus regio, et en définitive le « dominium » féodal. A cet égard, comme à beaucoup d'autres, Bodin est un bon théoricien du système féodal (voir Dockes, Pierre, L'espace dans la pensée économique du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, 1969, pp. 79–98 Google Scholar).
9. Cf. Brunner, Otto, « Feudalismus, feudal », Brunner, O., Conze, W., Koselleck, R. éds, Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, t. 2, 1975, pp. 337–350.Google Scholar
10. Feudalismus (cf. note 3), p. 145 ss.
11. Boulainvilliers, Henri De, Histoire de l'ancien gouvernement de la France, La Haye, 1727.Google Scholar
12. Adam Smith, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, ïlld (E. Cannan éd., 1904 ; rééd. Chicago, 1976). Voir Medick, Hans, Naturzustand und Naturgeschichte der burgerlichen Gesellschaft. Die Ursprunge der burgerlichen Sozialtheorie als Geschichtsphilosophie und Sozialwissenschaft bei Samuel Pufendorf, John Locke und Adam Smith, Gottingen, 1973. Et l'article de Hobsbawm, E. J. cité note 4.Google Scholar
13. Esprit des Lois, livre XXX, ch. 1. Les livres XXX et XXXI, situés tout à la fin de l'ouvrage, sont parmi les plus érudits.
14. Georges Lefebvre, La naissance de l'historiographie moderne, p. 125.
15. Fragments historiques sur l'Inde et sur le général Lally, dans OEuvres complètes, t. 29, Paris, 1879, p. 91.
16. Essai sur les moeurs et l'esprit des nations, et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII, 1753-1778. Nous utilisons l'édition de R. Pomeau, Paris, 1963. Cette citation, p. 425. Soulignons au passage que, contrairement à ce que l'historiographie catholique a réussi à faire croire, Voltaire historien travailla avec rigueur et utilisa les meilleures méthodes disponibles de son temps dans la perspective de synthèse qui était la sienne. Voir l'examen très détaillé de Gatto, Ludovico, Medioevo voltairiano, Rome, 1972.Google Scholar
17. Emmanuel Joseph Sieyès, Essa; sur les privilèges, 1788 ; Qu'est-ce que le tiers état ?, 1789. Burke, Edmund, Reflections on the Révolution in France, Londres, 1790.Google Scholar Notons que ces trois oppositions ne se recouvrent pas : deux aristocrates, par exemple, comme Boulainvilliers et Montesquieu s'opposaient, le premier vivement hostile à la monarchie absolue et partisan d'un « retour » de l'ancienne noblesse, le second proche de l'esprit des Lumières et ennemi du système ancien, synonyme de troubles.
18. Soulignons ici l'étonnante difficulté de l'approche de cette notion pourtant omniprésente. L'historiographie aussi bien que les réflexions théoriques sur ce thème demeurent d'une cruelle insuffisance. Entre l'État et l'ethnie, la nation, du xvme siècle à nos jours, recouvre une nébuleuse de réalités qui causèrent d'extraordinaires mobilisations, avec toutes les conséquences souvent cataclysmiques qu'elles produisirent. Il y a là une voie de recherche prioritaire. Voir l'intéressant numéro de Raison présente, 8, 1988, « La nation, réalités et fantasmes » (articles de référence de M. Caveing et M. Rodinson) ; l'ouvrage suggestif d' Balibar, Etienne et Wallerstein, Immanuel, Race, nation, classe. Les identités ambiguës, Paris, 1988.Google Scholar Le plus clair reste le texte de Vilar, Pierre, « Réflexions sur les fondements des structures nationales », La Pensée, 217, 1981, pp. 46–64.Google Scholar Tout se passe bien comme si la nation était un pur produit de la dynamique du système féodal.
19. Inquiry, cf. n. 12, livre III, pp. 405-411, 437-444.
20. Essai sur les moeurs, cf. n. 16, ch. 39. p. 451 : « C'est surtout un spectacle étrange que l'avilissement, le scandale de Rome, et sa puissance d'opinion, subsistant dans les esprits au milieu de son abaissement ; cette foule de papes créés par les empereurs, l'esclavage de ces pontifes, leur pouvoir immense dès qu'ils sont maîtres, et l'excessif abus de ce pouvoir » ; ch. 45, p. 487 : « Rome s'est toujours décidée pour l'opinion qui soumettait le plus l'esprit humain, et qui anéantissait le plus le raisonnement » ; ch. 48, p. 517 : « Les horreurs des successeurs de Néron jusqu'à Vespasien n'ensanglantèrent l'Italie que pendant quatre ans ; la rage du pontificat ensanglanta l'Europe pendant deux siècles ».
21. Essai sur les moeurs, cf. n. 17, ch. 75, p. 721 : (1349) « La seule ressource du genre humain était dans les villes que les grands souverains méprisaient. Le commerce et l'industrie de ces villes a réparé sourdement le mal que les princes faisaient avec tant de fracas ».
22. Qui voit ordinairement en Adam Smith le défenseur de la liberté du commerce et en Voltaire le porte-parole de la bourgeoisie.
23. Essai sur les moeurs, cf. n. 17, titre du ch. 81, p. 757.
24. L'examen de la société féodale par Adam Smith aboutit à des résultats complexes et nuancés. Adam Smith évoque clairement la dépendance ordinaire, celle des retainers (p. 433), et surtout celle des tenants (pp. 434-435) ; il explique que les nobles tiraient leurs pouvoirs de la possibilité de mobiliser tous ces dépendants pour faire régner l'ordre et la justice (p. 435), et que la « pyramide féodale » (” the feudal law ») est tout autre chose, une structure venue se superposer à la précédente (pp. 435-437). Il critique vertement la manie des juristes d'appliquer aux institutions médiévales (en particulier « the entails ») des termes du droit romain, parfaitement inappropriés. Il est très sensible aux relations entre les statuts et la dynamique économique. Il n'hésite cependant pas à utiliser la notion de propriété pour l'époque féodale, tout en proposant une vision globale de cette société.
25. Robin, Régine, « Fief et seigneurie dans le droit et l'idéologie juridique à la fin du xvme siècle », Annales historiques de la Révolution française, 43, 1971, pp. 554–602.Google Scholar Voir aussi « Le champ sémantique as féodalité », Bulletin du centre d'analyse du discours de Lille, 1975. Du même auteur, Histoire et linguistique, Paris, 1973 (pp. 204-206, « fief et seigneurie au xvme siècle » ; pp. 181-183, « féodal, féodalité et droits féodaux dans les cahiers de doléances de 1789 de la bourgeoisie et dans ceux de la noblesse »).
26. La signification de ce mouvement est fort difficile à apprécier, car on n'arrive guère à se départir de la croyance au « droit » comme catégorie transcendantale, alors même qu'il ne s'agit que de l'idéalisation naïve d'une structure de la société européenne des xixe et xxe siècles. Pour la société médiévale, réflexions à discuter dans Gourevitch, Aaron, Les catégories de la culture médiévale, Paris, 1983 CrossRefGoogle Scholar (original russe, 1972) :” Un pays se construit sur le droit… », pp. 157-211. Pour la société actuelle, les travaux décisifs d'André-Jean Arnaud, Essai d'analyse structurale du Code civil français. La règle du jeu dans la paix bourgeoise, Paris, 1973. Les juristes face à la société du XIXe siècle à nos jours, Paris, 1975. Sur les relations d'un système à l'autre : Marie- France Renoux-Zagame, Origines théologiques du concept moderne de propriété, Genève, 1987. Sur l'histoire du droit, très éclairant : Poumarède, Jacques, « Pavane pour une histoire du droit défunte (sur un centenaire oublié) », Procès. Cahiers d'analyse politique et juridique, 6, 1980, pp. 91–102.Google Scholar
27. Krieser, Hannes, Die Abschaffung des « Feudalismus » in der franzôsischen Révolution. Revolutionàrer Begriff und begriffene Realitdt in der Geschichtsschreibung Frankreichs (1815- 1914), Francfort-Bern-New York, 1984, pp. 17–26.Google Scholar Claude Mazauric, Sur la Révolution fran-çaise. Contributions à l'histoire de la Révolution bourgeoise, Paris, 1970 (” Note sur l'emploi de “régime féodal” et de “féodalité” pendant la Révolution française », pp. 119-134).
28. Ces catégories, appliquées à la société médiévale, engendrent d'insurmontables contresens ; naturellement, il faut pouvoir distinguer et dénommer des « instances » ou « fonctions » ; mais pour que cela soit une aide et non un obstacle, il faut écarter les notions liées au sens commun et élaborer des concepts adéquats ; il y a là un très important programme de travail, brièvement esquissé dans A. Guerreau, « Politique-droit-économie-religion : comment éliminer l'obstacle ? », à paraître à Madrid dans un ouvrage collectif sous la direction de Reyna Pastor.
29. C'est certainement un des grands succès de la « reconquête des intellectuels » entreprise par l'Église catholique depuis le début du siècle que d'avoir réussi à entourer l'anticléricalisme d'attributs accusateurs (ridicule et/ou sectaire), et à monopoliser le discours légitime sur sa propre histoire (en France, Gilson, Le Bras, Mayeur, Rémond, etc.). La mise au jour des profondes distorsions engendrées par cette apologie implicite des « mystères », de la « Révélation » et de la « Providence » constitue un champ extrêmement prometteur pour de futures recherches historiographiques. L'analyse de l'éradication de la composante anticléricale, essentielle, des Lumières entrerait tout à fait dans une telle perspective. Plus généralement, tout porte à penser que la transformation de notre notion de religion en catégorie universelle est une erreur de méthode qui bloque sans remède l'étude des sociétés autres que la société occidentale contemporaine. Voir le numéro 72, 1984 de Raison présente (” Rationalisme et religions ») ; Banton, Michael éd., Anthropological Approaches to the Study of Religion, Londres, 1966. Marc Auge, Génie du paganisme, Paris, 1982.Google Scholar
30. Essai sur les moeurs, cf. n. 16, ch. 80, p. 752.
31. Le Contrat social, IV, 8 : « La religion, considérée par rapport à la société, qui est ou générale ou particulière, peut aussi se diviser en deux espèces : savoir, la religion de l'homme et celle du citoyen. La première, sans temples, sans autels, sans rites, bornée au culte purement intérieur du Dieu suprême et aux devoirs éternels de la morale, est la pure et simple religion de l'Évangile, le vrai théisme, et ce qu'on peut appeler le droit divin naturel. L'autre, inscrite dans un seul pays, lui donne ses dieux, ses patrons propres et tutélaires. Elle a ses dogmes, ses rites, son culte extérieur prescrit par des lois : hors la seule nation qui la suit, tout pour elle est infidèle, étranger, barbare ; elle n'étend les devoirs et les droits de l'homme qu'aussi loin que ses autels. Telles furent toutes les religions des premiers peuples, auxquelles on peut donner le nom de droit divin civil ou positif. »
32. Rousseau n'est bien entendu pas l'inventeur de cette distinction, qu'on voit s'élaborer chez divers auteurs du XVIIe siècle. Spinoza joua à cet égard un rôle de premier plan (Jean-Pierre Deschepper, « Le spinozisme » dans Yvon Bêle Val éd., Histoire de la philosophie, t. 2, Paris, 1973, pp. 483-507, cf. p. 496). Mais il reste que les vues de Spinoza furent rejetées avec une violence extrême (ce qui montre bien que les évolutions liées aux Réformes se situaient très en deçà de ce qui se produisit au xvme siècle), alors qu'au contraire, à la fin du xvme siècle, le Contrat social était une source majeure de référence pour les opinions dominantes. On ne peut en vérité parler de « fracture conceptuelle » que lorsque cette distinction est largement acceptée et aboutit par là même à rendre difficilement concevable l'unité antérieure. Au plan de la recherche, la difficulté principale consiste à trouver les moyens de déterminer à partir de quand une représentation devient dominante.
33. Essai sur les moeurs, cf. n. 16, ch. 80, p. 752.
34. Cf. n. 29. On doit souligner le parallélisme remarquable, du XVI= siècle au XVIIIe siècle, des efforts des juristes visant à dégager la propriété privée de toute contrainte « féodale » et des tendances multiformes au développement et à la valorisation de pratiques « religieuses » privées : toutes les variantes de « Réforme », aussi bien que la piété post-tridentine ou le jansénisme. Ce parallélisme structurel est à opposer, terme à terme, au décentrement de la problématique à partir du début du xixe siècle, qu'on analysera plus loin.
35. Bel exemple du discours dominant sur « l'oeuvre religieuse » de la Révolution, qui prend toutes les questions à l'envers : Godechot, Jacques, Les Révolutions (1770-1799), Paris, 1970, pp. 149–151:Google Scholar « les impératifs financiers forcèrent les députés à s'occuper de la religion ». Louis Bergeron, « L'Empire », dans Duby, Georges éd., Histoire de la France, t. 2, Paris, 1971, pp. 319–354,Google Scholar place de même le Code civil avant le Concordat (pp. 332-334), alors qu'il évoque, àpropos du Code civil, « propriété, terre, mots clés d'une société dominée par des notables qui tirent pour une bonne part leur force du transfert de biens et, simultanément, du transfert de prestige auquel 1789 a donné cours ». Très surprenant, l'ouvrage de Vovelle, Michel, La Révolution contre l'Église. De la Raison à l'Être suprême, Bruxelles, 1988,Google Scholar qui considère les cultes et la piété sans faire une seule allusion à la vente des biens du clergé.
36. Il va sans dire que la mise en évidence de la « double fracture » ne prétend à aucun égard constituer une description générale des grands bouleversements intellectuels du xvme siècle, encore moins du passage du système féodal à l'Europe capitaliste. Il s'agit seulement de montrer comment ce passage a entraîné un remodelage radical de la représentation de l'organisation sociale, et donc du passé, d'où est résulté ce qui fait — aujourd'hui encore — le fondement biaisé de notre conception du système féodal. Pour une vue abstraite sur le mouvement global, voir Maurice Godelier, « Transition », dans G. Labica éd., Dictionnaire critique du marxisme, et « Le marxisme dans les sciences humaines », Raison présente, 37, 1976, pp. 65-77 (cf. p. 70).
37. Génie du christianisme, 1802, livre III, ch. 1.
38. Chateaubriand était conscient de la rupture qui s'était opérée : « Tout tend à recomposer l'unité catholique. La religion chrétienne entre dans une ère nouvelle ; comme les institutions et les moeurs, elle subit une troisième transformation : elle cesse d'être politique ; elle devient philosophique sans cesser d'être divine ; son cercle flexible s'étend avec les lumières et les libertés, tandis que la croix marque à jamais son centre immobile. » (Études historiques, 1831). Mais les lecteurs et la postérité ont retenu « immobile » et oublié « transformation ». On trouvera, par exemple, une vue à la fois autorisée et reconnue des conceptions actuelles chez Congar, Yves, L'Église de saint Augustin à l'époque moderne, Paris, 1970.Google Scholar Il faudrait ici analyser les conditions de l'inversion d'habitus constituée par le développement d'un goût pour le Moyen Age au sein des classes dominantes européennes au xixe siècle. Mouvement complexe et ambigu, comme en témoigne une analyse précise et réfléchie : Jean-François Garmeer, « Le goût du Moyen Age chez les collectionneurs lyonnais du xixe siècle », Revue de l'art, pp. 53-64.
39. Guerreau, A., Le féodalisme, un horizon théorique, Paris, 1980, pp. 43–46.Google Scholar Krieser, Hannes, Die Abschaffung des Feudalismus, cf. n. 27, pp. 46–47.Google Scholar
40. H. Krieser, Die Abschaffung des Feudalismus, cf. n. 27. Ouvrage essentiel, auquel la présente réflexion doit beaucoup, qui permet d'observer la manière dont le xixc siècle français a remodelé la vision des siècles antérieurs pour parvenir à « digérer » la Révolution.
41. L'évolution rapide et brutale de 1789 à 1793 manifeste suffisamment qu'en 1789 les seigneurs et l'Église exerçaient une domination beaucoup plus large, profonde et polymorphe que celle de simples propriétaires.
42. Guizot lui-même, apologiste de la lutte des classes en 1828, donnait à entendre un tout autre jugement dans la préface de 1855 à VHistoire de la civilisation en France : « C'est la rivalité aveugle des hautes classes sociales qui a fait échouer, parmi nous, les essais de gouvernement libre. Au lieu de s'unir… la noblesse et la bourgeoisie sont restées séparées, ardentes à s'exclure ou à se supplanter, et ne voulant accepter, l'une aucune égalité, l'autre aucune supériorité. Prétentions iniques en droit et vaines en fait ».
43. Cette extraordinaire régression des perspectives scientifiques, qui s'amorça dans la dernière décennie du xixe siècle, demeure entièrement méconnue. Quelques éléments dans A. Guerreau, Le féodalisme, un horizon théorique, pp. 55-57, 67-71, 75-76, 119-121, 141-143.
44. Ernst-Wolfgang Bôckenfôrde éd., Modernedeutsche Verfassungsgeschichte(1815-1914), Kônigstein, 1981. Georg G. Iggers, Deutsche Geschichtswissenschaft, cf. n. 3, pp. 57-61.
45. Marcuse, Herbert, Reason and Révolution, 1939, tr. fr. Paris, 1968, pp. 54–57.Google Scholar
46. Kojeve, Alexandre, Introduction à la lecture de Hegel, Paris, 1947 (1968).Google Scholar
47. Ibid., p. 124, Phànomenologie des Geistes, Hoffmeister éd., Leipzig, 1937, pp. 354-361; Petite Édition Reclam, 1987, pp. 351-358.
48. Ibid., pp. 71-72, Phànomenologie des Geistes, Hoffmeister éd., pp. 161-170 ; Petite Édition Reclam, 1987, pp. 161-170. On néglige trop souvent la conception de la société de Hegel, indispensable pourtant pour comprendre la signification de ses réflexions sur l'histoire. Très utiles : Hegel, G. W. F., La société civile-bourgeoise, présentation et édition de Jean-Pierre Lefebvre, Paris, 1975.Google Scholar Lefebvre, Jean-Pierre et Macherey, Pierre, Hegel et la société, Paris, 1984.CrossRefGoogle Scholar
49. Sur Gans, personnage clef par trop négligé, Hans-Gûnther Reissner, Eduard Gans, ein Leben im Vormàrz, Tubingen, 1965.
50. Sans entrer dans des considérations plus détaillées, il suffit ici de se souvenir que le seul ouvrage publié par Hegel professeur fut les Grundlinien der Philosophie des Rechts (1821), et que la première partie de cet ouvrage, le fondement sur lequel reposent les développements qui suivent, est l'étude de la Propriété.
51. Ernst Wolfgang Bôckenfôrde, Die deutsche verfassungsgeschichtliche Forschung im 19. Jahrhundert. Zeitgebundene Fragestellungen undLeitbilder, Berlin, 1961. Ouvrage biaisé par cette notion de Zeitgebundenheit, mais riche cependant de réflexions utiles. Voir aussi les travaux de MÛLler-Mertens et Irsigler, cf. n. 3.
52. Reiner Schulze, « Der Rechtsbegriff des nexusfeodalis in Vernunftrecht und historischer Rechtsschule — zugleich ein Beitrag zur Auflôsung des Feudalismus in Deutschland », dact., 23 p., doit paraître dans les Actes du colloque de Trêves, mai 1981.
53. G. G. Gervinus fut, pour ses idées, traîné en 1853 devant les tribunaux sous l'accusation de haute trahison. Voir les articles de Jôrn RûSen et Karl-Georg Faber dans Koselleck, R., Mommsen, W., Rûsen, J. éds, Objektivitàt undParteilichkeit, cf. n. 3, pp. 77–124 et 125-133.Google Scholar
54. Sur l'évolution de l'historiographie du féodalisme en Allemagne au xixe siècle, outre les travaux indiqués aux notes 3, 9 et 51, l'esquisse de Heide Wunder, « Der Feudalismus-Begriff. Uberlegungen zu Môglichkeiten der historischen Begriffsbildung », dans H. Wunder éd., Feudalismus. Zehn Aufsatze, Munich, 1974, pp. 10-76, et surtout le travail précis et réfléchi de Schreiner, Klaus, « Kommunebewegung und Zunftrevolution. Zur Gegenwart der mittelalterlichen Stadt im historisch-politischen Denken des 19. Jahrhunderts », dans Festschrift fur Eberhard Naujok, Sigmaringen, 1980, pp. 139–168.Google Scholar Riches exposés dans un colloque italo-allemand : Elze, Reinhard, Schiera, Pierangelo éds, Italia e Germania. Immagini, modelli, miti fra due popoli nell'Ottocento : il Medioevo, Bologne-Berlin, 1988.Google Scholar
55. Waitz, Georg, « Lehnwesen », dans Bluntschli, J. C. et Brater, K. éds, Deutsches Staatswôrterbuch, t. 6, Stuttgart-Leipzig, 1861 Google Scholar (repris dans Waitz, G., Abhandlungen zur deutschen Verfassungs- und Rechtsgeschichte, Gôttingen, 1896, pp. 301–317 Google Scholar).
56. Below, Georg von, Der deutsche Staat des Mittelalters, Leipzig, 1914.Google Scholar
57. Il y aurait lieu d'examiner avec soin le rôle des idées développées par Otto von Gierke, DOS deutsche Gemeinschaftsrecht, Berlin, 1868-1913. On doit également citer Heinrich Brunner, Deutsche Rechtsgeschichte, Leipzig, 1887-1892, qui présentait une vue juridiste dans la lignée de Waitz, et qui fut une des lectures de Marc Bloch.
58. Hintze, Otto, « Wesen und Verbreitung des Feudalismus », Sitzungsberichte der preussischen Akademie des Wissenschaften, Phil.-Hist. Klasse, 20, 1929 Google Scholar (repris dans Gesammelte Abhandlungen, t. 1, Gôttingen, 1962, p. 84 ss).
59. Voir les remarques très éclairantes de K. Schreiner, cf. n. 54, pp. 150-152. Ladriere, Paul, « La fonction rationalisatrice de l'éthique religieuse dans la théorie wéberienne de la modernité », Archives de science sociale des religions, 61, 1986, pp. 105–125.CrossRefGoogle Scholar Pollak, Michael, « Un texte dans son contexte : l'enquête de Max Weber sur les ouvriers agricoles », Actes de la recherche en sciences sociales, 65, 1986, pp. 69–75.CrossRefGoogle Scholar
60. L. Kuchenbuch, Feudalismus, cf. n. 3, pp. 145-150.
61. Brunner, Otto, Land und Herrschaft. Grundfragen der territorialen Verfassungsgeschichte Sudostdeutschlands im Mittelalter, Baden-Vienne, 1939.Google Scholar
62. Mitteis, Heinrich, Der Staat des hohen Mittelalters. Grundlinien einer vergleichenden Verfassungsgeschichte des Lehnszeitalters, Weimar, 1940.Google Scholar
63. Kuchenbuch, , cf. n. 60. Fernand Braudel, « Sur une conception de l'histoire sociale », 1959, repris dans Écrits sur l'histoire, Paris, 1969, pp. 175–191.Google Scholar
64. Un ouvrage exceptionnellement pertinent est celui de Rosier, Bernard et Dockes, Pierre, Rythmes économiques. Crises et changement social, une perspective historique, Paris, 1983.Google Scholar
65. Revel, Jacques, « Histoire et sciences sociales : le paradigme des Annales », Annales ESC, 1979, n° 6, pp. 1360–1376.Google Scholar
66. Analyse très claire de Robin, Régine et Grenon, Michel, « Pour la déconstruction d'une pratique historique », Dialectiques, 10, 1975, pp. 5–32.Google Scholar La meilleure analyse d'ensemble est peutêtre celle de Henri Deneys, André Tosel, Ricci, François, La nouvelle idéologie française. La philosophie contemporaine (depuis 1960) entre les sciences humaines et l'anarchie, Paris, 1977.Google Scholar
67. Goff, Jacques Le, « L'histoire nouvelle », dans Goff, J. Le éd., La nouvelle histoire, Paris, 1978, p. 240.Google Scholar
68. Godelier, Maurice, Les sciences de l'homme et de la société en France. Analyse et propositions pour une politique nouvelle, Paris, 1982, pp. 253–280.Google Scholar
69. Morineau, Michel, « Allergico cantabile », Annales ESC, 1981, n° 4, pp. 623–641.Google Scholar Aymard, Maurice, « Autoconsommation et marchés : Chayanov, Labrousse ou Le Roy Ladurie ? », Annales ESC, 1983, n° 6, pp. 1392–1410.Google Scholar
70. Guerreau-Jalabert, Anita, « Sur les structures de parenté dans l'Europe médiévale », Annales ESC, 1981, n° 5, pp. 1028–1049.Google Scholar Fossier, Robert, Enfance de l'Europe, 2 vols, Paris, 1982.Google Scholar Wirth, Jean, L'image médiévale. Naissance et développements (VIe-XVe siècles), Paris, 1989.Google Scholar
71. L'exemple le plus flamboyant est celui de Boutruche, Robert, Seigneurie et féodalité, cf. n. 5, t. 1, pp. 18–25 Google Scholar (cet auteur amalgame d'ailleurs, pour faire bon poids, « la féodalité marxiste » et « les abus de langage »). Ganshof, F. L., Qu'est-ce que la féodalité ?, Bruxelles, 1944 Google Scholar, se contente d'une note dénonciatrice (éd. de 1968, p. 11). Cette même tendance a donné lieu, en Allemagne fédérale, plus tardivement, à des développements comparatifs respectant davantage les règles de l'érudition. On a cité le travail de Heide Wunder (cf. n. 54), mais il faut aussi mentionner une entreprise bien plus vaste : Kernig, Claus D. éd., Sowietsystem und demokratische Gesellschaft. Eine vergleichendeEnzyklopàdie, Fribourg-Bâle-Vienne, 6 vols, 1966-1972.Google Scholar L'article le plus clair est « Mittelalter » dû à F. Graus ; intéressants également les articles « Feudalismus » (H. Neubauer) et « Stàndische Verfassung » (G. Oestreich et I. Auerbach) ; utilisables : « Absolutismus » (Vierhaus), « Adel » (BOSL et Mommsen), « Bauernkrieg » (Nipperdey et Melcher), « Bùrgertum » (Winkler), « Leibeigenschaft » (Goehrke), « Reformation » (Friesen), « Renaissance » (Friesen), « Franzôsische Révolution » (E. Schmitt).
72. A. Guerreau, Le féodalisme, un horizon théorique, pp. 142-144. François DOSSE, L'histoire en miettes. Des « Annales » à la « nouvelle histoire », Paris, 1987. Anciniega, Alberto Manuel éd., Hacia una nueva historia, Madrid, 1976.Google Scholar Un texte polonais, disponible en espagnol mais non en français : Kula, Witold, Reflexiones sobre la historia, Mexico, 1984 Google Scholar (original polonais, 1958). Ce serait un fructueux sujet de réflexion de rechercher la logique de certaines thèses actuellement dominantes : ainsi le rejet par Fernand Braudel de la notion de cause s'agissant de la révolution industrielle, ou l'emploi par François Furet de la notion de dérapage à propos de la Révolution française.
73. Ludolf Kuchenbuch, « Zur Entwicklung des Feudalismuskonzepts im Werk von Karl Marx », dact., 171 p., doit paraître dans les Actes du colloque de Trêves, mai 1981. Voir aussi l'article « Féodalisme » dans Labica, Georges éd., Dictionnaire critique du marxisme, Paris, 1982, pp. 364–368.Google Scholar
74. Il faudrait arriver à mieux déterminer la signification de certaines allusions contenues dans le livre I du Capital. Bien entendu, le texte fameux de Engels, Der deutsche Bauernkrieg, 1850, nécessiterait, dans cette perspective, un examen minutieux. Sur les sources d'information de Marx s'agissant de l'histoire de l'Europe précapitaliste, et à propos de la manière dont il a traité cette information, voir MùLler-Mertens, E., Karl der Grosse, cf. n. 3, pp. 19–23;Google Scholar Hobsbawm, E. J. éd., Karl Marx. Precapitalist économie formations, Londres, 1964, pp. 20–25;Google Scholar un travail réfléchi et très documenté a été publié par Hans-Peter Hartstick, « Karl Marx als Historiker », dans Harstick, H.-P., Herzig, A., Pelger, H. éds, Arbeiterbewegung und Geschichte. Festschrift fur Shlomo Na'aman, Trêves, 1983, pp. 166–232.Google Scholar La tradition marxiste n'a attaché qu'une importance minime aux questions religieuses, et l'évolution des partis communistes depuis un demi-siècle a accentué ce blocage (art. « Religion » dans G. Labica éd., Dictionnaire critique du marxisme, pp. 774-780). Sur la situation et le rôle de Marx dans l'évolution des conceptions globales de l'histoire, étude très novatrice de Heinz-Dieter, Kittsteiner, Naturabsicht und unsichtbare Hand. Zur Kritik des geschichtsphilosophischen Denkens, Francfort-Berlin-Vienne, 1980.Google Scholar
75. Kuttler, Wolfgang, « Begriff und Analyse des Feudalismus in den Arbeiten Lenins », Jahrbuch fur Geschichte des Feudalismus, 2, 1978, pp. 9–40.Google Scholar
76. F. Graus, « Mittelalter », cf. n. 72. Kazdhan, Alexander, « Soviet Studies on Médiéval Western Europe : A Brief Survey », Spéculum, 57, 1982, pp. 1–19.CrossRefGoogle Scholar Wainshtein, O. L., Istoria sovietskoi medievistiki, 1917-1966, Leningrad, 1968 Google Scholar (en russe, nous est resté inaccessible).
77. Klaus Weissoerber, « Zwischen Urgesellschaft und Kapitalismus. Die sowjetischen Diskussionen ùber die vorkapitalistischen Gesellschaftsformationen », Ethnographisch-archàologische Zeitschrift, 1974, pp. 655-690 et 1975, pp. 117-202.
78. Hans-Peter Harstick, Karl Marx, ùber Formen vorkapitalistischer Produktion. Vergleichende Studien zur Geschichte des Grundeigentums 1879-1880 (aus dem handschriftlichen Nachlass), Francfort-New-York. Sur l'appréciation actuellement portée dans les démocraties populaires sur les apports historiques de F. Engels, un important colloque : Joachim Herrmann et Jens KÔHN éds, Familie, Staat und Gesellschaftsformation. Grundprobleme vorkapitalistischer Epochen einhundert Jahre nach Friedrich Engels'Werk « Der Ursprung der Familie, des Privateigentums und des Staats », Berlin, 1988.
79. Sur les controverses à propos du féodalisme en Rda, une série de recueils très suggestifs : Muller-Mertens, Eckhard éd., Feudalismus. Entstehung und Wesen, Berlin, 1985.Google Scholar Steinmetz, Max éd., Die frùhbùrgerliche Révolution in Deutschland, Berlin, 1985.Google Scholar Harnisch, Hartmut et Heitz, Gerhard éds, Deutsche Agrargeschichte des Spàtfeudalismus, Berlin, 1986.Google Scholar Klaus-Peter Matschke et Ernst Werner éds, Idéologie und Gesellschaft im hohen und spàten Mittelalter, Berlin, 1988. J'ai fourni une rapide esquisse des travaux marxistes (antérieurs à 1979) sur le féodalisme dans Le féodalisme, un horizon théorique, pp. 82-116. Un état des questions général et récent est fourni par l'article « Feudalismus » du Lexikon des Mittelalters (Heide Wunder) ; malencontreusement, l'Europe méridionale y est complètement négligée ; voir : Structures féodales et féodalisme dans l'Occident méditerranéen (Xe-XIlIe siècles). Congrès, Rome, 1978, Paris, 1980. Pour l'Espagne en particulier, nombreux travaux novateurs : Pastor, Reyna, Del Islam al cristianismo. En las fronteras de dos formaciones économico-sociales, Toledo, siglos XI-XIII, Barcelone, 1975;Google Scholar Resistencias y luchas campesinas en la época del crecimiento y consolidation de la formation feudal. Castilla y Leôn, siglos X-XIII, Madrid, 1980. Valdeon-Baruque, Julio, Los conflictos sociales en el reino de Castilla en los siglos XIVe XV, Madrid, 1975.Google Scholar Abilio Barbero et Marcelo Vigil, La formation del feudalismo en la Penmsula ibérica, Barcelone, 1978. José Angel Cortazar, Garcia De et alii, Organizacién social del espacio en la Espana médiéval. La corona de Castilla en los siglos Villa XV, Barcelone, 1985.Google Scholar Voir encore Romero, José Luis, Crisisyorden en el mundo feudoburgués, Mexico, 1980.Google Scholar Points de vue variés dans Edmund Leach, Mukherjee, S. N., Ward, John éds, Feudalism. Comparative Studies, Sydney, 1985.Google Scholar
80. Les paradoxes engendrés par cette structure dans le dernier tiers du xixe siècle sont bien repérables au travers de l'activité de Fustel de Coulanges (A. Guerreau, « Fustel de Coulanges médiéviste », Revue historique, 1986, pp. 381-406) ; ils ont été signalés également dans Enfance de l'Europe par Robert Fossier (cf. A. Guerreau, « Un tournant de l'historiographie médiévale », Annales ESC, 1986, n° 5, p. 1162).
81. Sur le catalan, remarques de Pierre Bonnassie, « Sur la formation du féodalisme catalan et sa première expansion (jusqu'à 1150 environ) », dans Jaume Portella I COMAS éd., Laformatiô i expansiô del feudalisme català (colloque de Girona, janvier 1985), Girona-Barcelone, 1986, pp. 7-21, notamment p. 7.
82. Guerreau, A., « Organisation et contrôle de l'espace : les rapports de l'État et de l'Église à la fin du Moyen Age », dans Genêt, J.-P. et Vincent, B. éds, État et Église dans la genèse de l'État moderne, Madrid, 1986, pp. 273–278.Google Scholar
83. On se trouve ainsi, de facto, dans une situation où les impératifs idéologiques liés à la légitimation de la classe dominante font obstacle au progrès de la science historique, ce qui facilite en retour l'accusation de « non-scientificité » portée par les idéologues contre l'histoire.
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