Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
En 1569, un scandale éclata à la cour : le secrétaire de Charles IX était soupçonné d'avoir imité le seing privé du roi. Pour lever le doute, le chancelier Michel de l'Hospital en appela au jugement de neuf écrivains, réputés dans la capitale pour leur habileté en matière d'écriture. De fait, l'examen et la comparaison qu'ils firent des pièces mises en cause confirmèrent les premiers soupçons.
La supercherie commise aux dépens du roi eut pour conséquence directe de porter un éclairage accru sur la menace des écritures contrefaites et, du coup, sur l'impérative nécessité de personnes expertes à les reconnaître. Quelques mois plus tard, les maîtres écrivains jurés de Paris recevaient les lettres patentes confirmant les premiers statuts de leur communauté.
A community of sworn master writers, specialists in the art of calligraphy, sprung up in Paris at the end of the sixteenth century. In a society where the majority of the population was still unable to write, this ability conferred on the master writers the exclusive right to run public writing schools, in addition to the role of expert court controllers of written documents alleged to be fake. For over two hundred years the history of the guild involved a vicious struggle to maintain its privileges, thrown into question in the seventeenth and eighteenth centuries by growing literacy and the related spread of a purely technical and no longer aesthetic knowledge of writing. In the sign of the graph one can grasp the professional logic of a group that had been at the forefront, before seeing its authority revoked.
1. Sur les circonstances entourant la création de la communauté : Bibliothèque nationale, Paris (dorénavant BN), Fonds Nicolas Delamarre, ms. fr. 21747, fol. 138-181, « Des Maîtres experts et jurés écrivains de la ville de Paris, leurs statuts et règlements (…) et de tout ce qui regarde cette profession, 1570-1736 » ; pour les premiers statuts, voir également « 1570, nov. Lettres patentes de Charles IX confirmant les statuts des écrivains, maîtres des écoles publiques, en 5 articles », dans Lespinasse, R. De, Les métiers et corporations de la ville de Paris, Paris, Imprimerie nationale, 1886-1897, t. III, pp. 667–668.Google Scholar
2. Ancêtres des maîtres écrivains, les copistes du Moyen Age s'occupaient principalement de la retranscription des textes manuscrits. Au xve siècle, ils étaient regroupés avec les libraires, parcheminiers et enlumineurs dans la même confrérie. Voir l'ordonnance de Louis XI de juin 1467, dite « l'Ordonnance des Bannières », dans Isambert, , Jourdan, et Decrusy, , Recueil général des anciennes lois françaises depuis l'an 420 jusqu'à la Révolution de 1789, Paris, Belin-Leprieur, 1821-1833, t. X, pp. 529–540 Google Scholar ; et dans Lespinasse, Les métiers et corporations, op. cit., t. I, pp. 53-60.
3. Les traités imprimés à Paris sur l'art calligraphique ne furent pas rares après la création de la communauté. Généralement écrits par des maîtres écrivains réputés de la capitale, ils étaient dans ce cas soumis à l'approbation de la communauté qui répondait de la qualité de l'ouvrage. Parmi les plus notoires, Barbedor, Louis, L'Escriture financière dans sa naisveté (…), Paris Google Scholar, s. impr., 1647 ; Moreau, Pierre, Advis au Public touchant l'Art de bien Escrire, Paris Google Scholar, s. impr., 1644 ; et, au XVIIIe siècle, Paillasson, Charles, L'Art d'Ecrire, Paris Google Scholar, s. impr., 1783, en partie repris dans Diderot et D’ Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, Stuttgart Bad Cannstatt, F. Fromman, 1966-1967 — réimpr. en fac-sim. de la première édition de 1751-1780, planches, t. XXIII. Ces traités présentaient aux futurs écrivants les nombreuses règles de l'art, réductibles à trois fondements : le découpage fonctionnel du corps du scripteur, la chorégraphie de la plume et le juste rapport équilibré de chacun des segments du corps avec les différents mouvements de la plume. L'ensemble était l'objet d'une discipline strictement orientée vers la configuration artistique et stable de l'écriture.
4. Surtout en milieu urbain. Voir R. Chartier, « La circulation de l'écrit », dans Duby, G., Histoire de la France urbaine, t. 3, La ville classique, Paris, Seuil, 1981, pp. 267–282 Google Scholar ; et D. Roche, « Les pratiques de l'écrit dans les villes françaises du xvme siècle », dans Chartier, R., Pratiques de la lecture, Paris-Marseille, Rivages, 1985, pp. 157–180.Google Scholar
5. Chartier, R., Compère, M.-M., Julia, D., L'éducation en France du XVIe siècle au XVIIIe siècle, Paris, SEDES, 1976, p. 55.Google Scholar
6. BN, Fonds Nicolas Delamarre, ms. fr. 21747, fols 45, 161-162 v° ; aussi Archives nationales, Paris (dorénavant AN), X1A 8629, fols 97-98.
7. Soit la ronde (française), la bâtarde (italienne) et la coulée qui fut la plus usitée dans la seconde moitié du xvme siècle. Voir C Paillasson, « Écritures, contenant seize planches », dans Diderot et D'Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné, planches, t. XXIII, pp. 6-8.
8. BN, Fonds Joly de Fleury, vol. 373, n° 4254, fols 109-113, Discours et dissertation lus le 25 février 1762 (…), Paris, Le Breton, 1762, fol. 112,1.
9. « Extrait des registres du Parlement du 26 février 1633 », Bibliothèque historique de la ville de Paris (dorénavant BHVP), 104 163, Statuts et reglemens de la Communauté des Maistres Experts Jurés-Ecrivains (…) du trente janvier 1727 (…), Paris, P. Prault, 1754, pp. 19-20 ; aussi dans Lespinasse, Les métiers et corporations, t. III, p. 669.
10. Essentiellement des précepteurs. Le monopole de l'enseignement de l'écriture accordé à la corporation ne s'appliquait qu'à l'endroit des institutions.
11. Chartier et al., L'éducation en France, pp. 54-57.
12. Sur l'éducation en France sous l'Ancien Régime et les modes d'apprentissage des rudiments, Chartier et al., L'éducation en France ; Furet, F. et Ozouf, J., Lire et écrire. L'alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Paris, Éditions de Minuit, 1977 Google Scholar ; Histoire de l'enseignement de 1610 à nos jours, Actes du 95e congrès national des Sociétés savantes tenu à Reims en 1970, section d'histoire moderne et contemporaine, t. I, Paris, BN, 1974 ; Parias, L. H., Histoire générale de l'enseignement et de l'éducation en France, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1981 Google Scholar ; et Viguerie, J. De, L'institution des enfants. L'éducation en France. XVIe-XVIIIe siècles, Paris, Calmann-Lévy, 1978.Google Scholar
13. Administrées par le clergé et dont le réseau domina largement jusqu'au XVIIIe siècle dans les grands centres urbains tel Paris. Dès 1357, les maîtres des petites écoles de Paris adoptaient des règlements sur la tenue de leurs classes, auxquels tous prêtèrent serment le 6 mars 1380 devant le chantre de Notre-Dame, AN, L 515, n° 11, Mémoire pourMessire Jacques Allain de Gontault (…) Chantre & Chanoine de l'Eglise de Paris (…) contre les Escrivains de la Ville (…), s. 1., s. impr., 1709, p. 6.
14. Généralement en latin — H. J. Martin, « Pour une histoire de la lecture », Le Débat, 22, nov. 1982, pp. 160-177 (p. 173) — et sur des caractères d'imprimerie — la lettre romaine — notablement différents de l'écriture cursive proprement manuscrite — R. Chartier, « du livre au lire », dans Pratiques de la lecture, pp. 61-88 (p. 69).
15. Notre propos n'est pas de prétendre que l'écriture ordinaire n'existait pas au xvie siècle mais, acquise tant bien que mal, elle ne bénéficiait pas alors de l'attention officielle qu'elle reçut aux xvne-xvine siècles. Puisque l'écriture se définissait initialement à l'enseigne de l'art, elle ne pouvait et ne devait concerner le plus grand nombre. A partir du second xvne siècle, c'est au contraire ce « plus grand nombre » qui devint d'intérêt public, appelant dès lors l'expansion du réseau scolaire et par conséquent l'essor même de l'écriture en dehors des sphères de l'art.
16. Nous avons développé en substance la question de ce litige dans « La communauté des maîtres écrivains de Paris et l'enseignement de l'écriture sous l'Ancien Régime : dans la destinée de l'art calligraphique », Historical Papers/Communications historiques, un choix de communications présentées à la réunion annuelle de la Société historique du Canada, Hamilton, 1987, Ottawa, Love Printing, 1988, pp. 23-43. Cette communication était tirée du mémoire de maîtrise, « La corporation des maîtres écrivains jurés de Paris sous l'Ancien Régime », ex. dact., Fac. des Lettres, Université Laval, Québec, 1986, vn-159 p. dont on trouvera ici les grandes lignes.
17. AN, L515,n° 11, p. 4.
18. Lespinasse, Les métiers et corporations, op. cit., t. III, p. 668.
19. Pour les nombreuses sentences contradictoires prononcées depuis l'arrêt de 1600, voir AN, V7, « Révision des Comptes de Jurés des communautés des Arts et Métiers de la ville de Paris », 429, « Communauté des Ecrivains », 55 documents, 1690 à 1783.
20. BHVP, 108 788, n° 16, Arrest de la Cour (…) du 2 juillet 1661, Paris, Simon, 1779 ; aussi dans Lespinasse, Les métiers et corporations, t. III, p. 669.
21. BN, Fonds Nicolas Delamarre, ms. fr. 21747, fols 173-175, « Mémoires et pièces qui ont esté donnés par le Sindic des Maistres Ecrivains, le 28 janvier 1691 ».
22. AN, L 515, n° 11.
23. En 1357, les premiers règlements adoptés par les maîtres des petites écoles de Paris prévoyaient 50 maîtres et 25 maîtresses ; en 1672, on pouvait dénombrer 166 quartiers scolaires affectés chacun d'un maître et d'une maîtresse (Chartier et al., L'éducation en France, p. 49) dont l'oeuvre d'instruction concourait au « prestige démocratisé d'une écriture rapide » et fonctionnelle, « que ces colères archaïques des dépositaires de la calligraphie traditionnelle » ne pouvaient étouffer (Furet et Ozouf, Lire et écrire, t. I, p. 82).
24. BHVP, 108 788, n° 16, Arrêt de Règlement (…) du 23 juillet 1714, Paris, Simon, 1779 ; aussi AN, V7 429.
25. AN, AB XIX 659, n° 2, Lettres patentes du Roi (…) Données à Versailles le 23 janvier 1779 (…), Paris, Impr. royale, 1779, art. 1-2, pp. 1-2.
26. Cette offensive est l'un des classiques de l'histoire de l'éducation en France. Y. Poutet (Le XVIIe siècle et les origines lasalliennes. Recherches sur la genèse de l'oeuvre scolaire et religieuse de Jean-Baptiste de La Salle, 1651-1719, Rennes, Impr. réunies, 1970, surtout t. II, pp. 77-121) et Rigault, G. (Histoire générale de l'Institut des Frères des Écoles chrétiennes, Paris, Pion, 1937-1938, surtout t. I, pp. 184–253 Google Scholar) l'ont savamment parcourue dans ses moindres détails tant à Paris, où les premières tentatives de La Salle remontent aux années 1680, qu'en province où se reproduisit le scénario parisien. Les innovations de La Salle lui valurent rapidement l'attention intéressée d'une clientèle beaucoup plus large que les enfants pauvres auxquels l'école de charité se destinait par définition, drainant ainsi vers elle les élèves potentiels des petites écoles. Sur ce grief repose l'affrontement qui eut lieu, à Paris, de 1690 à 1724 entre le chantre de Notre-Dame et les Frères des Écoles chrétiennes. Mais l'avantage dont avaient bénéficié les petites écoles dans le conflit les opposant aux maîtres écrivains fut, selon la même logique, accordé cette fois à l'Institut lasallien.
27. Poutet, Le XVIIe siècle, op. cit., t. II, pp. 98-110 ; Rigault, Histoire générale de l'Institut, op. cit., t. I, pp. 239-247.
28. BN, Fonds Nicolas Delamarre, ms. fr. 21747, fol. 175.
29. AN, L 515, n° 19, Arrest du Conseil d'Etat du roy (…) contre les soy-disans Mathématiciens (…), s. 1., s. impr., 9 mai 1719 ; aussi AN, V7 429.
30. AN, Y-9338etY-9341.
31. AN.AD+ 880, Arrest du Conseil (…) du 16 novembre 1745 (…), Fontainebleau, s. impr., 1745, pp. 3-5 ; BHVP, 108 788, n° 21, Arrêt du Conseil (…) du 20 février 1781, Paris, Lottin l'Aîné, 1781.
32. Diderot et D'Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné, texte, t. III, p. 745.
33. Jousse, D., Traité de la justice criminelle de France (…) par M. jousse, Conseiller au Présidial d'Orléans, Paris, Debure père, 1771, t. I, p. 742.Google Scholar
34. « 1570, nov. Lettres patentes de Charles IX (…) », dans Lespinasse, Les métiers et corporations, op. cit., t. III, p. 667.
35. Diderot et D'Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné, texte, t. VI, p. 301.
36. BHVP, 131 082, Discours lus (…) à la séance d'ouverture de l'Académie Royale d'Ecriture, le 17 novembre 1772, Paris, Le Breton, 1773, p. 11.
37. Pour les ordonnances ayant statué sur la question, voir AN, X1A 8668, fols 194 v°-240, « Ordonnance de Louis XIV pour les matières criminelles donnée à Saint-Germain-en-Laye en août 1670 (…) » dont les titres VIII, « de la reconnoissance des escritures et signatures en matière criminelle », et IX, « du crime de faux tant principal qu'incident » reprennent les termes du recours à l'expertise déjà prescrits au civil en 1667, en les intégrant toutefois dans une procédure beaucoup plus lourde. Cette ordonnance apparaît dans Jousse, D., Nouveau commentaire sur l'ordonnance criminelle du mois d'Août 1670. Avec un abrégé de la justice criminelle, Paris, Debure père, 1763, nouv. éd. corrigée et augmentée, pp. 177–186 Google Scholar pour les titres VIII-IX. Voir aussi l'importante révision effectuée au XVIIIe siècle dans (AN, AD+ 845) l'Ordonnance de Louis XV (…) Concernant le Faux principal et Faux incident. Et la Reconnoissance des Ecritures & Signatures, en matière criminelle. Donnée à Versailles au mois de Juillet 1737 (…), Paris, Impr. royale, 1737. On trouvera dans les volumes 166-167 du Fonds Joly de Fleury (BN), outre ladite ordonnance, de nombreuses observations sur celle de 1670 et divers mémoires demandant ou commentant la réforme de 1737.
38. La poursuite d'un faux incident intervenait en cours de procédure lorsque l'une des deux parties ayant communiqué un pièce écrite quelconque, la partie adverse en contestait l'authenticité. C'était le cas lorsqu'on produisait pour pièce à conviction un document écrit ou signé par l'accusé qu'il refusait de reconnaître pour être de sa main. La partie qui voulait poursuivre devait alors s'inscrire en faux contre la pièce communiquée qui était dès lors soumise à une expertise avant que la procédure ne reprenne son déroulement normal. Quant au faux principal, il constituait la raison même de l'instruction d'un procès. Il était directement dirigé contre un individu, par voie de plainte et information, pour contester une pièce écrite qu'il avait en sa possession et dont il pouvait faire usage (cf. note 37 et Diderot et D'Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné, texte, t. VI, pp. 441-442, 449 et t. VIII, p. 781).
39. Jousse, Traité de la justice, op. cit., t. II, p. 34.
40. Preudhomme, R. (maître écrivain de Paris), Essay instructif de l'art d'escriture où, par une nouvelle méthode, le mystère de l'écrivain est clairement découvert & expliqué (…), Paris, S. Petit et G. Clousier, 1639, pp. 137–138.Google Scholar
41. BN, Fonds Joly de Fleury, vol. 269, n° 2735, fols 392-458, « Procès criminel pour une signature de Secrétaire d'Etat contrefaite (et lettre de change ou rescription arguée de faux), 1748- 1749 ».
42. BHVP, 108 788, n° 5, Mémoires lus (…) le 16 novembre 1780par M. D'Autrepe, Paris, Impr. d'Houry, 1781, pp. 3-5.
43. Au sujet de l'unicité de chaque écrivant, voir notamment D'Atjtrepe, Lettres sur la vérification des écritures arguées de faux, pour servir de réponse à celles de M. B. ***, Paris, Lottin l'Aîné, 1770, pp. 65-68, 185-195, 203, 244 ; et Raveneau, J., Traité des inscriptions en faux et reconnaissances d'escritures et signatures par comparaison et autrement, Paris, chez l'auteur, 1665, p. 52.Google Scholar
44. Preudhomme, Essay instructif de l'art d'escriture, op. cit., pp. 107-108.
45. Preudhomme, Essay instructif de l'art d'escriture, p. 61.
46. Raveneau, Traité des inscriptions en faux, op. cit., p. 47.
47. En 1666, l'avocat Roland Le Vayer de Boutigny lançait la controverse en publiant De la preuve par comparaison d'escritures (réimprimé en 1704 et en 1727). Ce traité fut au xvme siècle la référence par excellence des contempteurs de l'expertise faite par les écrivains, en même temps que la cible des experts soucieux de défendre leur position. Le juge Daniel Jousse reprit l'ensemble des arguments de l'avocat dans le Nouveau commentaire sur l'ordonnance criminelle du mois d'Août 1670, Paris, Debure l'Aîné, 1753 ( l r e éd.), 1755 (2e éd.), 1756 (3e éd.) ; dans le Nouveau commentaire (…) avec un abrégé de la justice criminelle, 1763 ; et dans le Traité de la justice, 1771. L'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné se référa à ce « livre plein d'érudition (…) connu par tous les jurisconsultes », texte, t. V, p. 369. D'Autrepe, fervent défenseur de la communauté, rédigea ses Lettres précisément pour combattre « M. le Vayer & ses sectateurs », p. 45. En 1784, Harger (alors membre du Bureau académique d'écriture dont nous parlerons plus loin) déplorait le succès de l'ouvrage qui « est depuis plus d'un siècle entre les mains de tout le monde (…), arsenal où les Jurisconsultes de nos jours vont chercher des armes pour affoiblir (…) la vérification des écritures », BHVP, 107 788, n° 12, Mémoires lus (…) le 18 Novembre 1784 (…), Paris, Impr. d'Houry, 1784, p. 3. Enfin, c'est à rencontre de l'argumentation de Le Vayer que la plupart des discours et mémoires, présentés au xvme siècle en lieu académique par des maîtres écrivains, dressèrent l'apologie tant de l'écriture perfectionnée que de la « science » de la vérification. A la fin du xixe siècle, l'avocat Jacques Bonzon affirmait que l'expertise soulevait toujours dans le milieu des légistes les mêmes critiques que celles énoncées par Le Vayer deux siècles plus tôt. Il les reprit luimême à son compte dans le seul ouvrage publié concernant la communauté parisienne, Boutigny, LE Vayer De, La corporation des maîtres-écrivains et l'expertise en écritures sous l'Ancien Régime, Paris, Giard & Brière, 1899 Google Scholar. Mais ce livre se révèle être plus un manifeste contre la preuve en question qu'une étude consacrée à la communauté. L'auteur dresse l'histoire législative de l'expertise et sur cet objet, interroge le rôle joué par la corporation, mais en passant sous silence tout ce qui définissait le maître écrivain en dehors du palais de justice.
48. La culpabilité de faux risquait d'encourir au criminel des peines afflictives ou infamantes, voire la peine de mort, alors qu'au civil, seules des peines pécuniaires pouvaient être prononcées. Voir Aubry, G., La jurisprudence criminelle du Châtelet de Paris sous le règne de Louis XVI, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1971, pp. 146–148 Google Scholar, 182-203 ; Diderot et D'Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné, texte, t. VI, p. 441 et t. XVII, p. 68 ; et Jousse, Traité de la justice, op. cit., t. III, pp. 61, 361.
49. LE Vayer de Boutigny, De la preuve par comparaison d'escritures, pp. 20-24.
50. LE Vayer de Boutigny, De la preuve par comparaison d'escritures, p. 31 ; et Jousse, Nouveau commentaire, p. 461 ; Nouveau commentaire (…) avec un abrégé de la justice criminelle, p. 535 ; et Traité de la justice, t. III, pp. 407-408.
51. Diderot et D'Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné, texte, t. V, p. 370 ; Jousse, Traité de la justice, t. I, pp. 742-744, t. III, p. 403 ; et LE Vayer de Boutigny, De la preuve par comparaison d'escritures, pp. 14, 41, 47-48.
52. LE Vayer de Boutigny, De la preuve par comparaison d'escritures, p. 47.
53. BHVP, 104 163, Statuts et reglemens (…) du trente Janvier 1727 (…), art. 28, p. 16.
54. Le choix des deux orateurs fut fort judicieux pour vanter les mérites de l'art calligraphique : D'Autrepe, spécialiste réputé de l'expertise, et Paillasson, calligraphe de haute renommée et premier secrétaire du cabinet ordinaire du roi. BN, Fonds Joly de Fleury, vol. 373, n° 4254, fols 109-113, Discours et Dissertation lus le 25 Février 1762 (…).
55. Jousse présentait le crime de faux comme l'« un de ceux qui cause le plus de procès et qui trouble le plus la société civile », Traité de la justice, t. I, p. 744. 56. BN, Fonds Joly de Fleury, vol. 373, n° 4254, fols 100-103, Procès-verbaux des Séances de l'Académie des Experts Jurés Ecrivains du 11 mars 1762 au 27 mai 1762 ; et aux fols 103-108 et 114-124, tous les Précis des Séances de l'Académie (…) conservés pour les années 1762 à 1765.
57. BHVP, 131 082 et 108 788,n° 1.
58. Voir BHVP, 108 788, n° 2-8, 12-13 (1779 à 1781, 1784 et 1785).
59. AN, AB XIX 659, n° 2, aussi BN, F. 23629, n° 717, 718 et F. 21199, n° 18, Lettres patentes du Roi. Portant confirmation de statuts pour la communauté des Maîtres Ecrivains. Données à Versailles le 23 Janvier 1779 (…), Paris, Impr. royale, 1779 : les art. 10-15, pp. 5-6, regardent plus précisément l'organisation du Bureau ; et BHVP, 108 788, n° 18, Arrêt de la Cour de Parlement. Portant homologation d'un règlement pour le Bureau Académique d'Ecriture. du 23 Juillet 1779, Paris, Impr. d'Houry, 1779.
60. Bonzon, La corporation des maîtres-écrivains, op. cit., pp. 33-35.
61. A la différence des scribes improvisés que connut l'Ancien Régime français (curés, notaires, lettrés du village, etc.), l'écrivain public était seul à tenir une échoppe pour offrir ses services aux passants. Par ailleurs, on ne peut confondre le titre de maître écrivain avec la fonction sociale d'écrivain public, tout à fait indépendants l'un de l'autre (précisé dans un arrêt du Conseil d'État du 20 février 1781, BHVP, 108 788, n° 21). Celle-ci pouvait être remplie par n'importe quel individu sachant écrire et ne fut l'objet d'aucune réglementation sous l'Ancien Régime.