Published online by Cambridge University Press: 04 May 2017
La Terreur semble ce moment de l’histoire révolutionnaire, de l’histoire de France, qui échappe à l’entendement. L’historiographie l’a longtemps considérée ainsi: un mystère monstrueux, une parenthèse inexplicable, ou même un sursaut d’orgueil inconcevable. Lors d’une journée d’études, « Repenser la Terreur », organisée en mars 1999 à l’EHESS, Patrice Higonnet avança qu’« aucun document d’archive ne permettra jamais de comprendre la Terreur ». Cette intervention pointe une vérité irréfutable, l’évidence des vies bouleversées du passé où s’arrêtent les compétences de l’historien: la Terreur figure toujours, dans ses tressaillements, ce « moment où l’histoire sort de ses gonds » (Jules Michelet). Mais, dans le même temps, cette affirmation juste ne peut être absolument vraie, disons plutôt: ne doit pas être vraie. Car il est possible de faire l’histoire d’un moment qui reste une exception dans l’histoire, de faire œuvre de raison à propos d’un temps où la raison est poussée à bout. L’exceptionnel mérite son histoire et possède ses archives, nombreuses, si elles sont parfois divergentes, contradictoires, tangentes. La réflexion de P. Higonnet dit une autre vérité: les questions posées à la Terreur, jusqu’à une date récente, ont toujours été à peu près les mêmes. Comment la Terreur a-t-elle été possible? Comment expliquer son surgissement? Il convient de rappeler que, si la Terreur en tant que telle ne trouva une identification comme moment historique nommé et borné qu’au cours de la première moitié du XIXe siècle, au fil des premières grandes histoires de la Révolution française alors écrites par Mignet, Thiers, Lamartine, Michelet, Dulaure, Laponneraye ou Blanc, la question obsessionnelle: « d’où vient la Terreur?», formulée autour du portrait tyrannique de Robespierre ou à partir de l’« inquiétante dictature » (Benjamin Constant), fut posée dès la clôture de celle-ci et la disparition de l’Incorruptible, en thermidor an II. Contrairement à une idée reçue (l’oubli volontaire et rapide de ce traumatisme), la Terreur s’est largement expliquée elle-même, et par référence à elle-même, donnant lieu à une intense réflexivité historique.