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Anthropologie du totalitarisme. Lectures de Vincent Descombes et Louis Dumont

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Philippe de Lara*
Affiliation:
Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés–UMR CNRS 8134Université Paris Est

Résumé

Y a-t-il une anthropologie du totalitarisme ? Louis Dumont a peu écrit sur le sujet, mais y portait un intérêt constant dans ses travaux. L’article montre que la théorie du totalitarisme est un problème crucial pour une oeuvre consacrée à une perspective comparative sur les sociétés modernes : le totalitarisme est selon Dumont « une maladie de la société moderne », et le totalitarisme et la modernité relèvent du même cadre d’analyse, « l’hybridation »de l’individualisme et du holisme. La première partie présente l’anthropologie de la modernité selon Dumont et sa portée philosophique, telle qu’elle apparaît dans une discussion avec Vincent Descombes. La deuxième partie présente et évalue les hypothèses d’une anthropologie du totalitarisme en les comparant à la théorie politique classique de Hannah Arendt.

Abstract

Abstract

Is there an anthropology of totalitarianism? Louis Dumont did not write extensively on this topic. Yet,he had an ongoing interest in it. The paper shows how crucial the explanation of totalitarianism is in Dumont's work,devoted to a comparative perspective on modern societies. Totalitarianism is ‘a disease of modern society’; totalitarian phenomena and modernisation can both be analysed through the same framework: the ‘hybridization’ of individualism and holism. The first sections give an outline of Dumont's ‘anthropology of modernity’ and of its philosophical bearings as they appear in the discussion between Dumont and the philosopher Vincent Descombes. The second part states the argument of the anthropological theory of totalitarianism and assesses its merits by comparing it with the classical political theory of Hanna Arendt and her followers.

Type
Penser le totalitarisme
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2008

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References

1 - Descombes, Vincent, Philosophie par gros temps, Paris, Éd. de Minuit, 1989, p. 181 Google Scholar.

2 - Les textes réunis et présentés par Enzo Traverso témoignent d’une généalogie complexe et controversée : Traverso, Enzo (dir.), Le totalitarisme. Le XXe siècle en débat, Paris, Le Seuil, 2001 Google Scholar. L’auteur se refuse cependant à réduire le concept à son usage de propagande, un point de vue qui conserve des partisans dans les sciences sociales. Pour une vue très critique fondée sur des arguments scientifiques, voir Ian Kershaw, « Retour sur le totalitarisme. Le nazisme et le stalinisme dans une perspective comparative », Esprit, janvier 1996, p. 101-121, également dans E. Traverso (dir.), Le totalitarisme…, op. cit., p. 847-872, et Id., « Nazisme et stalinisme. Limites d’une comparaison », Le Débat, 89, 1996, p. 177-189. Appréciation plus mitigée chez Furet, François, Le passé d’une illusion : essai sur l’idée communiste au 20e siècle, Paris, Calmann-Lévy/Laffont, 1995 Google Scholar.

3 - Pomian, Krzysztof, « Totalitarisme », Vingtième siècle, 47, 1995, p. 423 CrossRefGoogle Scholar. Voir Brudny, également Michèle-Irène, « Le totalitarisme : histoire du terme et statut du concept », Communisme, 4748, 1996, p. 1332 Google Scholar.

4 - Marc Bloch, La société féodale, Paris, Albin Michel, [1939] 1973, p. 13.

5 - Dumont, Louis, Essais sur l’individualisme : une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, Paris, Éd. du Seuil, 1983, p. 26 Google Scholar.

6 - Vincent Descombes, « Louis Dumont ou les outils de la tolérance », Esprit, juin 1999, p. 65-85 repris dans Le raisonnement de l’ours, Paris, Le Seuil, 2007, p. 227. L’inscription de L. Dumont dans sa discipline est aujourd’hui mieux reconnue dans le monde anglosaxon qu’en France. Le souci de contribuer à l’orientation de la discipline est documenté notamment par Dumont, Louis, Groupes de filiation et alliance de mariage : introduction à deux théories d’anthropologie sociale, Paris, Gallimard, [1971] 1997 Google Scholar, et par Id., Essais…, op. cit., chap. 6, «La communauté anthropologique et l’idéologie ».

7 - L. Dumont, Essais…, op. cit., p. 28.

8 - Ibid., p. 30.

9 - Le point est particulièrement net dans les derniers travaux de L. Dumont, par exemple : « une culture n’existe jamais seule, mais doit toujours être vue en relation avec son environnement », Dumont, Louis, L’idéologie allemande : France-Allemagne et retour, Paris, Gallimard, 1991, p. 45 Google Scholar. Il parle dans l’avant-propos de cet ouvrage d’une « loi générale du mouvement des cultures à notre époque » (p. 11). V. Descombes en donne une stylisation éloquente (Philosophie par gros temps, op. cit., p. 134). Thèse de portée universelle donc, même si elle a une importance spéciale pour l’identité collective allemande.

10 - L.Dumont, L’idéologie allemande…, op. cit., p. 26-28.

11 - L. Dumont rapporte une observation de M. Mauss selon laquelle « il n’est pas sûr que si nos civilisations n’avaient déjà distingué la religion de la morale, nous eussions pu nous-mêmes les séparer » : Mauss, Marcel, « Divisions et proportions des divisions de la sociologie », L’Année sociologique, 2, 1927, p. 98127 Google Scholar, repris dans OEuvres, Paris, Éd. de Minuit, 1968, vol. 3, p. 220. Dumont, Louis, Homo aequalis. Genèse et épanouissement de l’idéologie économique, Paris, Gallimard, 1977, p. 243 Google Scholar, ne cite toutefois pas M. Mauss verbatim, et peut-être se réfère-t-il à une maxime prononcée en cours plutôt qu’à l’article de M. Mauss.

12 - L.Dumont, Essais…, op. cit., p. 207.

13 - V.Descombes, Philosophie par gros temps…, op. cit., p. 88.

14 - Descombes, Vincent, « Philosophie du jugement politique », La pensée politique, 2, 1994, p. 131157 Google Scholar. Voir également la réponse de V. Descombes aux objections suscitées par cet article, in Descombes, Vincent, « Universalisme, égalité, singularité. Réponse aux objections », La pensée politique, 3, 1995, p. 284340 Google Scholar, ici p. 300-303. L’ensemble est repris désormais dans V. Descombes, Philosophie du jugement politique, Paris, Le Seuil, 2007.

15 - Descombes, Vincent, Le complément de sujet : enquête sur le fait d’agir de soi-même, Paris, Gallimard, 2004 Google Scholar.

16 - La philosophie de la guerre était bien représentée à Critique, où V. Descombes fit ses premières armes, avec Raymond Aron, Georges Bataille et John Nef. Peut-être la question de la guerre a-t-elle joué chez lui le rôle d’un antidote à la fascination pour des vues abstraites sur la « violence » (Friedrich Nietzsche, René Girard), avec lesquelles il pouvait voisiner pour leur lucidité critique face au rationalisme étroit, mais sans sympathiser avec la mystique de la violence sacrée.

17 - Descombes, Vincent, « Pour elle un Français doit mourir », Critique, 366, 1977, p. 9981027 Google Scholar.

18 - Descombes, Vincent, « La prochaine guerre », Critique, 411412, 1981, p. 723743 Google Scholar (compte rendu de Cornelius CASTORIADIS, Devant la guerre, t. I, Les réalités, Paris, Fayard, 1981). Cité ici d’après l’édition disponible sur Internet : http://classiques.uqac.ca/contemporains/descombes_vincent/descombes_vincent.html.

19 - Je ne peux discuter ici la thèse d’ensemble de C. Castoriadis sur la transformation de la Russie de régime bureaucratique en régime stratocratique (stratos =?armée), en impérialisme purement militaire. On a dit que l’effondrement de l’URSS huit ans plus tard avait apporté un démenti au diagnostic de C. Castoriadis, avec son insistance sur la supériorité militaire de la Russie par rapport à l’Occident. C’est négliger la part de la défaite militaire (en Afghanistan) dans cet effondrement. En outre, l’intérêt de ce livre est de risquer une interprétation de la transformation des régimes totalitaires, et en particulier de l’idéologie, après lamort de la foi révolutionnaire. Une question toujours d’actualité.

20 - V.Descombes, « Pour elle un Français… », art. cit., p. 1023.

21 - Durkheim, Émile, Les formes élémentaires de la vie religieuse. Le système totémique en Australie, Paris, PUF, [1912] 1994, p. 305 Google Scholar.

22 - V.Descombes, « Pour elle un Français… », art. cit., p. 1023.

23 - Ibid., p. 999 et 1000.

24 - Vincent Descombes, « Un itinéraire philosophique », Esprit, juillet 2005, p. 154-156, revient sur cette période. Il y juge le mélange de lucidité et d’irréalité de la « microculture » de « Socialisme ou barbarie », mais aussi la fécondité de la conception aristotélicienne de la politique qu’il y a apprise de C. Castoriadis.

25 - V.Descombes, « Philosophie du jugement politique », art. cit., p. 151-154.

26 - V. Descombes, Philosophie par gros temps…, op. cit., p. 161.

27 - L.Dumont, Homo aequalis…, op. cit., p. 22-23.

28 - Durkheim, Émile, De la division du travail social, Paris, PUF, [1893] 1998, p. XLVII Google Scholar.

29 - L.Dumont, Homo aequalis…, op. cit., p. 22.

30 - Dumont, Louis, Homo hierarchicus. Le système des castes et ses implications, Paris, Gallimard, [1966] 1979, p. 2930 Google Scholar.

31 - V.Descombes, « Pour elle un Français… », art. cit., p. 1026.

32 - É.Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse…, op. cit., p. 611.

33 - Réponse à une enquête internationale sur «La question religieuse » [1907], repris in Émile Durkheim, Textes, Paris, Éd. de Minuit, 1975, vol. 2, p. 170.

34 - Mentionnées par V. Descombes, « Pour elle un Français… », art. cit., p. 1024. Raymond Aron cite ces lettres dans ses Mémoires, Paris, Julliard, 1983, p. 71 : « Que des sociétés modernes, plus ou moins sorties du MoyenÂge d’ailleurs, puissent être suggestionnées comme des Australiens le sont par leurs danses, et mises en branle comme une ronde d’enfants, c’est une chose qu’au fond nous n’avions pas prévue. Ce retour au primitif n’avait pas été l’objet de nos réflexions. »

35 - V.Descombes, « Pour elle un Français… », art. cit. p. 1026.

36 - L.Dumont, Essais…, op. cit., p. 27-28.

37 - Pour l’expression développée de cette distinction, voir L. DUMONT, Homo hierarchicus…, op. cit., p. 22 et Id., Homo aequalis…, op. cit., p. 17, et la discussion de Descombes, Vincent, « Individuation et individualisation », Revue européenne des sciences sociales, XLI127, 2003, p. 1735 CrossRefGoogle Scholar.

38 - L’expression est Halévy, d’Élie, L’ère des tyrannies. Études sur le socialisme et la guerre, Paris, Gallimard, [1936] 1972, p. 214 Google Scholar.

39 - Comment la sociologie qui analyse « l’impératif de l’émancipation » des individus comme une obligation sociale « va-t-elle se distinguer de l’exigence totalitaire d’une soumission des individus aux idéaux de leur société ? ». V. Descombes, « Pour elle un Français… », art. cit., p. 1026.

40 - Ibid., p. 1025.

41 - L.Dumont, Homo hierarchicus…, op. cit., p. 100.

42 - « Sacré et profane sont deux termes corrélatifs qui n’ont de sens que l’un par l’autre. […] les êtres ou les choses sacrées sont ceux que défendent et protègent des interdictions […] Mais cela ne va pas sans réserves : car le sacré, lui aussi, doit en bien des cas éviter le contact du profane » : note ajoutée à AndrLalande, é, « Sacré », in Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, Alcan, 1926 Google Scholar, repris dans É. Durkheim, Textes, op. cit., vol. 2, p. 64. Cette note de 1917 fait partie des derniers textes rédigés par É. Durkheim.

43 - L. Dumont, Homo aequalis…, op. cit., p. 30.

44 - Nolte, Ernst, Le fascisme dans son époque, Paris, Julliard, [1965] 1970 Google Scholar ; Friedrich, Carl J. et Brzezinski, Zbignew, Totalitarian dictatorship and autocracy, Cambridge, Harvard University Press, 1956 Google Scholar ; Friedrich, Carl J. et al., Totalitarianism in perspective: Three views, New York, Praeger, 1969 Google Scholar.

45 - L.Dumont, Homo aequalis…, op. cit., p. 21-22.

46 - Pour une mise au point récente, on lira avec profit Taguieff, Pierre-André, Les contre-réactionnaires. Le progressisme entre illusion et imposture, Paris, Denoël, 2007 Google Scholar, chap. 4, « Progrès, ‘religion du progrès’, progressisme et au-delà. Esquisse d’une généalogie », p. 230-257.

47 - Arendt, Hannah, Le système totalitaire, Paris, Éd. du Seuil, [1958] 1972 Google Scholar.

48 - Ibid., p. 218.

49 - Ibid., p. 211.

50 - Ibid., p. 208.

51 - Lefort, Claude, L’invention démocratique. Les limites de la domination totalitaire, Paris, Fayard, 1981, p. 95 Google Scholar.

52 - Marcel Gauchet, « L’expérience totalitaire et la pensée de la politique », Esprit, juillet-août 1976, p. 3-28, repris récemment dans La condition politique, Paris, Gallimard, 2005. Cet article de 1976 est un bon exemple et de l’unité de ce que j’appelle la philosophie politique du totalitarisme, et de l’originalité individuelle de ses meilleurs représentants. Selon M. Gauchet, le totalitarisme est le précipité catastrophique « du plus ancien et du plus nouveau », « récurrence nostalgique de la forme sociale idéale découlant depuis toujours d’une vision religieuse du destin humain », transcendante, mais utilisant le vecteur opposé, purement immanent, de la politique totale, du « remodelage intégral de la société » par la volonté (p. 333). Le cadre commun est repris chez lui selon une interprétation originale, une forme singulière de philosophie de l’histoire, ce qu’il appelle l’histoire politique de la religion, dont l’axe est l’opposition entre l’entente religieuse ou « hétéronome » de la société et l’entente politique ou « autonome ». Cette vue conduit M. Gauchet à proposer une compréhension religieuse du totalitarisme, qui est bien sûr inséparable de sa conception de la religion. La « volonté forcenée de retour à la cohésion explicite de la communauté humaine » correspond au « retour en règle du principe religieux au sein d’un monde en passe de se défaire de la religion […] la persévération insensée dans ce que la modernité démocratique a justement pour originalité absolue de rendre impossible, à savoir l’adéquation pleine et entière de la société à une vérité depuis toujours prédéterminée » (p. 331-332).

53 - H. Arendt, Le système totalitaire, op. cit., p. 213-214.

54 - Ibid., p. 215.

55 - M. Gauchet, « L’expérience totalitaire… », art. cit., p. 444-446.

56 - Voir Enegrén, André, La pensée politique de Hanna Arendt, Paris, PUF, 1984 CrossRefGoogle Scholar.

57 - L.Dumont, Essais…, op. cit., p. 173.

58 - Louis Dumont, « Tocqueville et le respect de l’autre », Esprit, août 1987, p. 85.

59 - L.Dumont, Homo aequalis…, op. cit., p. 29.

60 - L. Dumont a consacré au nazisme le chapitre 4 des Essais…, op. cit. Ses remarques sur l’application de « l’hypothèse » au cas russe sont très brèves, voir L. Dumont, Homo aequalis…, op. cit., p. 238, n. 5, et Id., L’idéologie allemande…, op. cit., p. 25-29.

61 - L.Dumont, Essais…, op. cit., p. 144.

62 - Id., Homo aequalis…, op. cit., p. 19-21.

63 - Id., Essais…, op. cit., p. 156. Ce principe est la clé de la politique intérieure nazie (prévalence du Füherprinzip et organisation de la désorganisation de l’État) et de l’habileté « démoniaque » avec laquelle Hitler su mener l’Europe à la guerre sans qu’elle s’en aperçoive de 1933 à 1939.

64 - L’expression est notamment employée par Georges Mosse, un des historiens qui se sont attachés à comprendre les mouvements et régimes fascistes à partir de leur sens social. Voir Mosse, Georges, Les racines intellectuelles du Troisième Reich. La crise de l’idéologie allemande, Paris, Calmann-Lévy, [1964] 2006, p. 87 Google Scholar : « L’insistance du néo-romantisme sur l’intériorité devint finalement [dans l’idéologie völkisch] un éloge manifeste de la force, de la nécessité de la lutte pour réaliser la nouvelle utopie. » Même orientation « culturaliste » chez Fritz Stern, fréquemment cité par Dumont, L. : Stern, Fritz, Politique et désespoir. Les ressentiments contre la modernité dans l’Allemagne préhitlérienne, Paris, Armand Colin, [1961] 1990 Google Scholar.

65 - Guérin, Daniel, Sur le fascisme…, vol. 2, Fascisme et grand capital, Paris, Maspero, [1936] 1965 Google Scholar. Bien que G. Mosse soit à l’origine du concept de « brutalisation » ( Mosse, Georges, De la Grande Guerre au totalitarisme. La brutalisation des sociétés européennes, Paris, Hachette, [1990] 1999 Google Scholar), il n’en fait pas une théorie causale exclusive et s’efforce au contraire de dégager toutes les facettes des cultures totalitaires.

66 - JÄ Ckel, Eberhard, Hitler idéologue, Paris, Gallimard, [1969] 1995 Google Scholar.

67 - Sur ces questions, voir notamment Gentile, Emilio, Qu’est-ce que le fascisme ? Histoire et interprétation, Paris, Gallimard, [2002] 2004 Google Scholar ; Werth, Nicolas, « Totalitarisme ou révisionnisme ? L’histoire soviétique, une histoire en chantier », Communisme, 4748, 1996, p. 5770 Google Scholar ; Rousso, Henry (dir.), Stalinisme et nazisme, histoire et mémoires comparées, Bruxelles, Éd. Complexe, 1999 Google Scholar.

68 - L.Dumont, Essais…, op. cit., p. 154, 157, 159. Il remarque que cet hyperindividualisme est une surenchère par rapport au marxisme, de même que la révolution nazie se voulait une riposte et une surenchère par rapport à la révolution russe. Alors que dans le marxisme, l’infrastructure économique est plus réelle que la superstructure idéologique, pour le nazisme, l’homme biologique est plus réel que les rapports de production. La démystification de l’idéologie bourgeoise est portée au carré, la race est pour ainsi dire l’infrastructure de l’infrastructure.

69 - L.Dumont, Essais…, op. cit., p. 149.

70 - Voir notamment Faye, Jean-Pierre, Langages totalitaires, critique de l’économie narrative, Paris, Hermann, 1972 Google Scholar, sur lequel s’appuie L. Dumont.

71 - La politique à la fois démente et minutieuse de recomposition de la population polonaise après l’invasion de 1939 est étudiée par Browning, Christopher, Les origines de la solution finale, Paris, Les Belles Lettres, [2004] 2007 Google Scholar. De ce tableau d’ensemble j’extrais ce fait, cocasse et terrifiant, l’attention avec laquelle Himmler prend personnellement en main début 1940 le repérage et le transfert des rares polonais « racialement aptes » pour éviter toute erreur dans la gestion du capital génétique de la Pologne occupée ou annexée, alors que l’Allemagne est en train de remodeler un « magma de peuples » de 23 millions d’âmes, qui doivent être « passés au crible et triés » (p. 84-85).

72 - Discours d’Hitler le 5 février 1928, cité par L. Dumont, Essais…, op. cit., p. 155 : « L’idée du combat est aussi vieille que la vie elle-même, car la vie se perpétue grâce à la mort au combat d’autres êtres vivants […] La lutte est la mère de toutes choses. Ce n’est pas grâce aux principes d’humanité que l’homme peut vivre ou se maintenir audessus du monde animal, mais uniquement par la lutte la plus brutale. »

73 - L.Dumont, Homo aequalis…, op. cit., p. 22.

74 - Voir, par exemple, Renaut, Alain et Sosoe, Lukas, Philosophie du droit, Paris, PUF, 1991 Google Scholar.

75 - Lukacs, Georg, La destruction de la raison, Paris, L’Arche, 1958 Google Scholar.

76 - L. Dumont, L’idéologie allemande…, op. cit., p. 29.

77 - Friedländer, Saul, L’Allemagne nazie et les Juifs, Paris, Éd. du Seuil, 1997, p. 83119 Google Scholar, a justement défini l’unicité de l’antisémitisme nazi comme « antisémitisme rédempteur ».

78 - L.Dumont, Essais…, op. cit., p. 146, n. 25, p. 158.

79 - L.Dumont, L’idéologie allemande…, op. cit., p. 30-31.

80 - Cité dans V. Desconibes, « Universalisme, égalité, singularité… », art. cit., p. 323.

81 - Dumont, Louis, « On the comparative understanding of non-modern civilizations », Daedalus, 1042, 1975, p. 153162 Google Scholar, ici p. 159.

82 - L.Dumont, L’idéologie allemande…, op. cit., p. 31.

83 - Ibid., p. 235-244.

84 - Ibid., p. 221.