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Adaptabilité versus inaliénabilité Les dérogations des fidéicommis dans la Venise du XVIIIe siècle
Published online by Cambridge University Press: 20 January 2017
Résumé
À la différence d’autres États italiens, Venise n’a jamais cherché à réformer les fidéicommis, ces fondations testamentaires qui empêchaient l’aliénation des biens et définissaient in perpetuum la ligne de succession. Avec des hésitations, l’État patricien a cependant légiféré sur les fidéicommis à mesure qu’ils entraient en contradiction avec d’autres institutions (dot, fisc) et d’autres systèmes de normes (crédit). Au nom de leur intérêt, il a aussi défini les conditions de levée de l’inaliénabilité des biens, dépassant la contradiction entre la conservation à l’identique et des accommodements avec le principe de prohibition. Comment s’opérait le passage entre l’indisponible et le disponible ? Tel est l’objet de cet article quimet en évidence la différence de traitement des biens immeubles et des capitaux sujets à fidéicommis. À partir du XVIe siècle, la levée de l’inaliénabilité des biens immeubles étaitune prérogative du Grand Conseil, l’organe souverain, à l’issue d’une lourde procédure qui impliquait plusieurs magistratures. L’octroi des dérogations par la grâce fut cependant parcimonieux à cause des conditions très restrictives d’acceptabilité des requêtes. L’image des biens immeubles qui ne sortaient qu’exceptionnellement des fidéicommis contraste avec celle des capitaux assujettis – rentes publiques ou prêts aux particuliers – qui étaient appelés à circuler à la faveur de remboursements et qu’il fallait réemployer au bénéfice du fidéicommis. Les juges du Procurator avaient le contrôle sur la procédure de levée de dépôt destinée à ce que le représentant du fidéicommis n’ait jamais les capitaux entre les mains. Garants de l’intégrité des fidéicommis, les juges étaient placés dans une position ambivalente à l’égard des ayants droit dont ils devaient surveiller les actes et dont ils étaient aussi les auxiliaires. Pour les requérants, ce dispositif s’avérait d’une grande plasticité puisqu’il I I permettait de remodeler le contenu du fidéicommis sans changer le périmètre de sa valeur.
Abstract
Unlike other Italian states, Venice never reformed the entail (fideicommissum), an inheritance mechanism that prohibited the alienation of property and defined the line of succession in perpetuum. However, the patrician republic did occasionally introduce new legislation relating to entails, especially when these came into conflict with other institutions such as dowries, taxation, or with other systems of norms such as private credit. It also defined the conditions for lifting the inalienability clause when there was a contradiction between the imperative of conservation of property and the need to accommodate the principle of prohibition. This article addresses this question by highlighting the different ways the entail applied to real estate assets and movable goods. From the sixteenth century, the authority to lift the inalienability clause on real estate assets was a prerogative of the Great Council, the republic's sovereign body, through a complex procedure involving several magistrates. These conditions were so restrictive that very few dispensations from entails were granted. If real estate only rarely changed hands outside of an entail, the situation was quite different for movable capital (i.e., bonds or private credit), which was supposed to circulate easily and to be reinvested so as to broaden the entail. The magistrates known as Giudici del Procurator had control over the procedure meant to authorize the use of entailed capital so that the heir of an entail could not dispose of it freely. Guarantors of the integrity of an entail, these judges found themselves in an ambivalent position in relation to the heirs: they served their interests while also monitoring their legal obligations. Heirs benefited from the flexibility of this legal device, which allowed them to reshape the content of an entail without changing the scope of its value. It imposed a constraining but protective framework, within which they could manage capital as if they were active administrators. This device suggests that the patrician republic was not a reformist state but an expression of the interests of its elites.
- Type
- Droit et société à Venise (XVIe-XVIIIe siècle)
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2015
Footnotes
Qu'Anna Bellavitis, Simona Cerutti, Paola Lanaro, Paolo Napoli, Jacques Revel et Alessandra Sambo soient remerciés pour les conseils que leur a inspirés la lecture de la première version de ce travail.
References
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6- Pour une bibliographie complète et européenne, voir le dossier « Fidéicommis. Procédés juridiques et pratiques sociales (Italie-Europe, bas Moyen Âge-XVIIIe siècle) », MEFRIM, 124-2, 2012, p. 321-605, http://mefrim.revues.org/649, qui consacre un seul article à Venise – celui de Paola Lanaro, « Fedecommesso, doti, famiglia : la trasmissione della ricchezza nella Repubblica di Venezia (XV-XVIII secolo). Un approccio economico », p. 519-531 – et n’aborde pas la question des capitaux soumis à fidéicommis, objet du présent article. À ce jour, la seule tentative de synthèse reste l’article de Cooper, John Philips, « Patterns of Inheritance and Settlement by Great Landowners from the Fifteenth to the Eighteenth Centuries », in Goody, J., Thirsk, J. et Thompson, E. P. (dir.), Family and Inheritance: Rural Society in Western Europe 1200-1800, Cambridge, Cambridge University Press, 1976, p. 192–327.Google Scholar Sur le fidéicommis en Italie, citons les travaux fondateurs des juristes Trifone, Romualdo, Il fedecommesso. Storia dell’Istituto in Italia, Naples, L. Pierro e figlio, 1914 Google Scholar ; Tria, Luigi, Il fedecommesso nella legislazione e nella dottrina dal secolo XVI ai nostri giorni, Milan, Giuffrè, 1945 Google Scholar ; Vismara, Giulio, Famiglia e successioni nella storia del diritto, Rome, Studium, 1975 Google Scholar; Padovani, Andrea, Studi storici sulla dottrina delle sostituzioni, Milan, Giuffrè, 1983 Google Scholar ; Giovanni rossi, « I fedecommessi nella dottrina e nella prassi giuridica di ius commune tra XVI e XVII secolo », in Cavaciocchi, S. (dir.), La famiglia nell’economia europea, secc. XIII-XVIII, Florence, Firenze University Press, 2009, p. 175–202.Google Scholar Les travaux des historiens ont suivi trois phases : celle des pionniers dans les années 1960, illustrée par James davis, C., The Decline of the Venetian Nobility as a Ruling Class, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1962 Google Scholar, et Gambino, Luigi, « Il substrato socio-culturale del fedecommesso familiare », La nuova critica, 27-28, 1971, p. 143–176 Google Scholar ; celle, dans les années 1980, des études juridiques sur le fidéicommis lombard, d’une part, avec Antonio Schioppa, Padoa, « », Italia ed Europa nella storia del diritto, Bologne, Il Mulino, [1982] 2003, p. 439–459 Google Scholar, et Zorzoli, Maria Carla, « Della famiglia e del suo patrimonio. Riflessioni sull’uso del fedecommesso in Lombardia tra Cinque e Seicento », Archivio storico lombardo, 11-6, 1989, p. 91–148 Google Scholar, et des études anthropologiques sur la pratique fidéicommissaire dans le royaume de Naples, d’autre part, avec Visceglia, Maria Antonietta, Il bisogno di eternità. I comportamenti aristocratici a Napoli in età moderna, Naples, Guida, 1988 Google Scholar, et Delille, Gérard, Famille et propriété dans le royaume de Naples, XVe-XXe siècle, Rome/Paris, École française de Rome/Éd. de l’EHESS, 1985 CrossRefGoogle Scholar. Une dernière phase qui coïncide avec les années 2000 se caractérise par la multiplication des terrains d’étude : Piccialuti, Maura, L’immortalità dei beni. Fedecommessi e primogeniture a Roma nei secoli XVII e XVIII, Rome, Viella, 1999 Google Scholar; Marca, Nicola La, La nobiltà romana e i suoi strumenti di perpetuazione del potere, 3 vol., Rome, Bulzoni, 2000 Google Scholar; Calonaci, Stefano, Dietro lo scudo incantato. I fedecommessi di famiglia e il trionfo della borghesia fiorentina, 1400ca-1750, Florence, Le Monnier Università, 2005 Google Scholar ; Bonzo, Caterina, Dalla volontà privata alla volontà del principe. Aspetti del fedecommesso nel Piemonte sabaudo settecentesco, Turin, Deputazione subalpina di storia patria, 2007 Google Scholar ; Id., L’inevitabile superamento della tradizione. Il destino del fedecommesso nel XIX secolo, Naples, Jovene, 2014.
7- Visceglia, M. A., Il bisogno di eternità…, op. cit.Google Scholar
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9- Ainsi G. delille, Famille et propriété…, op. cit., p. 31-81, a-t-il montré que, dans le royaume de Naples à la fin du XVIe siècle, inaliénabilité des biens et réduction des héritiers par le biais de la primogéniture constituèrent la réponse de la noblesse féodale à la vente de fiefs et à l’arrivée de nouveaux acteurs, que le régime précédent d’élargissement des héritiers et de ventes libres – qu’elle avait pourtant arraché au roi – avait favorisé.
10- Sur les critiques formulées au XVIIIe siècle, voir N. La Marca, La nobiltà romana…, op. cit., vol. 1, p. 167-188 ; Venturi, Franco, Settecento riformatore, vol. 1, Da Muratori a Beccaria, 1730-1764, Turin, Einaudi, 1969, p. 166–167 Google Scholar. \
11- Ferro, Marco, « Popolazione », Dizionario del diritto comune e veneto, 2 vol., Venise, Santini e figlio, [1778-1782] 1845-1847, vol. 2, p. 470–473 Google Scholar, ici p. 472 : « Quasi tutte le terre fedecommesse si veggono incolte, per negligenza dei proprietarii, che non si affezionano a beni, dei quali non possono disporre, a beni che sono loro stati ceduti mal volentieri, e dati preventivamente ai loro successori, i quali non dovrebbero esser loro eredi, perchè eglino non li hanno nominati. Il diritto dunque di primogenitura e di fedecommesso è una legge che si potrebbe dire essere stata fatta a fine di diminuire la opolazione degli stati. »
12- Cogné, Albane, « Le fidéicommis, un instrument d’immobilisation des patrimoines ? Le cas de la Lombardie durant la période moderne », et Marchi, Lara, « La legge toscana sui fedecommessi (1747). Il processo di autorizzazione degli ‘scorpori’ dei beni fedecommessi », MEFRIM, 124-2, 2012, respectivement p. 501–517 et 579-592Google Scholar ; S. Calonaci, Dietro lo scudo incantato…, op. cit., p. 197-202.
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16- En réaction aux mesures restrictives imposées dans le grand-duché de Toscane, Ortes défendit l’utilité sociale des fondations en établissant un parallélisme entre le fidéicommis de famille, ce qu’il appelait le fidéicommis ecclésiastique et le fidéicommis des luoghi pii, le premier concourant au maintien de la noblesse, le second du clergé et le troisième du peuple par l’entremise des institutions caritatives, dans une vision fixiste de la société : Gianmaria Ortes, Dei fidecommessi a famiglie e a chiese e luoghi pii in proposito del termine di mani-morte introdotto a questi ultimi tempi nell’economia nazionale libri due [1784], in Custodi, P. (éd.), Scrittori classici italiani di economia politica, Rome, Bizzarri, [1804] 1968 Google Scholar.
17- Le fidéicommis présente des analogies avec d’autres types de fondation inspirés par la même logique de protection des biens et qui se sont développés dans des aires culturelles différentes : le trust anglo-saxon et le waqf musulman. Dans un trust, le fondateur constitue un fonds doté d’une personnalité juridique qu’il confie à une personne de confiance (trustee) pour le compte d’un tiers qui en est bénéficiaire : Wortley, B. A., «Le ‘trust’ et ses applications modernes en droit anglais », Revue internationale de droit comparé, 14-4, 1962, p. 699–710 CrossRefGoogle Scholar. En droit islamique, le waqf (habis au Maghreb ou vakif en Turquie) est une donation à perpétuité de biens par un particulier à une institution caritative qui ne peut pas les aliéner. La donation dispose d’une personnalité juridique et est gérée par un administrateur qui distribue les revenus selon les volontés du fondateur. Parallèlement au waqf kayrı¯ (public) s’est développé le waqf ahlı¯ (privé) qui permet de contourner le droit de succession (dans lequel on ne peut disposer que du tiers de ses biens) en désignant des usufruitiers afin de favoriser un des enfants. Voir Milliot, Louis, Introduction à l’étude du droit musulman, Paris, Sirey, 1953, p. 537–573 Google Scholar ; Bilici, Faruk (dir.), Le waqf dans le monde musulman contemporain (XIXe-XXe siècles). Fonctions sociales, économiques et politiques, Paris/Istanbul, L’Harmattan/Institut français d’études anatoliennes, 1995 Google Scholar ; Ghazaleh, Pascale, Fortunes urbaines et stratégies sociales. Généalogies patrimoniales au Caire, 1780-1830, Le Caire, IFAO, 2010 Google Scholar.
18- Les caractères juridiques du fidéicommis vénitien sont présentés par Ferro, Marco, « Fedecommesso », Dizionario del diritto comune e veneto, op. cit., vol. 1, p. 704–716 Google Scholar. La pratique fidéicommissaire a été abordée par Davis, James C., Una famiglia veneziana e la conservazione della ricchezza. I Donà dal 500 al 900, Rome, Jouvence, [1975] 1980 Google Scholar ; Garino, Ernesto, « Insidie familiari. Il retroscena della successione testamentaria a Venezia alla fine del XVIII secolo », in Cozzi, G. (dir.), Stato, società e giustizia nella Repubblica Veneta (sec. XV-XVIII), Rome, Jouvence, 1985, p. 303–378 Google Scholar ; Gullino, Giuseppe, I Pisani dal Banco e Moretta. Storia di due famiglie veneziane in età moderna e delle loro vicende patrimoniali tra 1705 e 1836, Rome, Istituto storico italiano, 1984 Google Scholar ; Derosas, Renzo, « I Querini Stampalia. Vicende patrimoniali dal Cinque all’Ottocento », in Busetto, G. et Gambier, M. (dir.), I Querini Stampalia. Un ritratto di famiglia nel Settecento veneziano, Venise, Fondazione scientifica Querini Stampalia, 1987, p. 43–87 Google Scholar ; Id., « Dal patriziato alla nobiltà. Aspetti della crisi dell’aristocrazia veneziana nella prima metà dell’Ottocento », in Les noblesses européennes au XIXe siècle, Rome/Milan, École française de Rome/Università di Milano, 1988, p. 333-363 ; Id., « La crisi del patriziato come crisi del sistema familiale. I Foscarini ai Carmini nel secondo Settecento », in Studi veneti offerti a Gaetano Cozzi, Venise, Il Cardo, 1992, p. 309-331 ; Id., « Riflessi privati della caduta della Repubblica », in Gasparri, S., Levi, G. et Moro, P. (dir.), Venezia. Itinerari per la storia della città, Bologne, Il Mulino, 1997, p. 271–303 Google Scholar ; Povolo, Claudio, La primogenitura di Mario Capra, Vicenza, 1619-1626, Vicence, s. n., 1990 Google Scholar ; Id., « Polissena Scroffa, fra Paolo Sarpi e il Consiglio dei Dieci. Una vicenda successoria nella Venezia degli inizi del Seicento », in Studi veneti offerti a Gaetano Cozzi, op. cit., p. 221-233 ; Lanaro, Paola, «La restituzione della dote. Il gioco ambiguo della stima tra beni mobili e beni immobili (Venezia tra Cinque e Settecento) », Quaderni Storici, 135-3, 2010, p. 752–778 Google Scholar ; Id., « Fidecommesso, doti, famiglia… », art. cit. ; Sambo, Alessandra, « Strategie d’immortalità tra resistenze private e veti pubblici. Donne e famiglie nella Venezia del Seicento », Quaderni storici, 143-2, 2013, p. 567–595 Google Scholar.
19- Extrait du mémoire d’Angelo Sabini de 1745 sur la succession des enfants naturels et légitimés. Archivio di Stato di Venezia (ci-après ASVe), Compilazione delle leggi (ciaprès CL), b. 209, Fedecommessi, fol. 25r : « In quei tempi però nei quali furonno compilati questi Statuti, cioè sotto la Ducea del serenissimo Giacomo Tiepolo nell’1242, ben pochi erano li fideicommissi che si potevano o si volevano instituire, non essendovi altri oggetti in allora che unicamente quelli della mercatura e di un esteso commercio. »
20- Le patriciat vénitien en fit un large usage à partir du XVIe siècle, mais des familles s’en dispensèrent, à l’image des Pisani Moretta, sans que leur prospérité en fût affectée : G. Gullino, I Pisani dal banco e moretta…, op. cit.
21- Laura Megna, « La fonte perenne. Fedecommessi e primogeniture a Venezia tra Cinque e Settecento », thèse de doctorat, Università degli studi di Messina, 2009.
22- Sur la place des femmes dans le régime de succession et la restitution des dots, voir Bellavitis, Anna, Famille, genre, transmission à Venise au XVIe siècle, Rome, École française de Rome, 2008, p. 35–72 Google Scholar.
23- Colonaci, Stefano, « Promesse da realizzare. I fedecommessi nello ‘Stato Nuovo’ di Siena (secc. XVI-XVIII) », MEFRIM, 124-2, 2012, p. 551-577 Google Scholar, a montré que, à Sienne, le fidéicommis dividuo pratiqué jusqu’au XVIIIe siècle était un outil pour élargir les bases de la propriété. Il n’en reste pas moins vrai qu’il entraîne au fil des générations une multiplication des ayants droit, contrebalancée par des stratégies de concentration du patrimoine, comme la primogéniture, qui fut introduite tardivement à Venise et à une échelle bien moindre qu’en Terre ferme et que dans les États de tradition féodale (royaume de Naples, États pontificaux).
24- La désignation d’une institution pieuse comme ultime ayant droit était aussi le moyen de placer sous contrôle les héritiers et les exécuteurs testamentaires pour veiller à ce que les volontés du testateur fussent correctement respectées.
25- Le décret du 29 mars 1491 du Grand Conseil est publié dans les Novissima Veneta Statuta, 1729, fol. 169v-170r, et résumé dans ASVe, CL, b. 209, Fedecommessi, fol. 20r : « Non se possi per debiti della Signoria nè per qualunque altro debito, salvo che per le dote, vender nè alienar alcun stabile condizionato, ma quello affittar sino alla estinzione del debito. Li beni condizionati siano per li nodari dati in nota in Cancellaria inferior. » Les seules entorses, provisoires, à cette loi eurent lieu à la fin du XVe siècle, en 1509 et en 1570, quand la Sérénissime saisit les biens conditionnés des contribuables en délicatesse avec le fisc pour financer les dépenses de guerre.
26- Au Piémont, les Constitutions de 1723 et 1729 fixèrent le cadre de la politique de la monarchie de Savoie à l’égard de la noblesse. En imposant l’enregistrement des fidéicommis, en limitant les types de bien qui pouvaient y entrer et, surtout, en restreignant son usage à la noblesse d’épée, elles renforcèrent les prérogatives de cette dernière tout en la plaçant dans une situation de surveillance et de dépendance accrue par le rôle dévolu au Sénat de Turin – contrôlé par la monarchie – dans l’octroi de dérogations. Voir C. Bonzo, Dalla volontà privata alla volontà del principe…, op. cit. La monarchie entendait également donner des gages aux créanciers en excluant des fidéicommis la noblesse d’office, qui se consacrait au négoce et était insolvable du fait de la protection de son patrimoine : Cerutti, Simona, La giustizia sommaria. Pratiche e ideali di giustizia in una società di Ancien Régime, Torino, secolo, Milan, Feltrinelli, 2003 Google Scholar. Sur le grandduché de Toscane, voir S. Calonaci, Dietro lo scudo incantato…, op. cit., p. 68-76.
27- En Lombardie, une disposition de Marie-Thérèse prononça l’invalidité des futurs liens fidéicommissaires et restreignit ceux qui existaient à deux passages seulement, disposition aggravée par Joseph II qui dénoua tous les fidéicommis et obligea leur conversion en capitaux déposés dans des banques publiques : A. Padoa Schioppa, « Sul fedecommesso nella Lombardia teresiana », art. cit., p. 458. La mesure fut reprise en 1796 par Charles-Emmanuel IV au Piémont et Léopold Ier interdit en 1789 la formation de nouveaux liens fidéicommissaires.
28- ASVe, Savi sopra conti, Suppliche, b. 5, fol. 11v, 1756, extrait de la supplique des frères Alessandro et Ranuccio Zurla, originaires de Crema, qui entendaient répudier l’héritage paternel pour se débarrasser des dettes et accepter le fidéicommis qui était indépendant de l’héritage paternel : « per presservarci questa piccola parte delle nostre uniche sostanze della general invasion de creditori ».
29- ASVe, Quarantia Civil Vecchia (ci-après QCV), Suppliche, b. 327, n. 19, 4 avril 1742, extrait de la supplique adressée par Carlo Vicenzo Conti, héritier d’une famille noble de Padoue intégrée au patriciat vénitien en 1667, qui avait répudié dans les années 1740 l’héritage paternel grevé de dettes pour ne conserver que le fidéicommis de famille et avait toutes les peines à le récupérer : « L’occupazione de’ fideicommissi più sacri, unico sostentamento d’una famiglia patrizia. »
30- Novissima Veneta Statuta, 1729, fol. 194r, Correzione del serenissimo Principe Marc’Antonio Memo, 22 mars 1613 : « le quali cedule, contenendo ben spesso fideicommissi, non solo possono esser squarciate et annichilate da quelli in mano di chi pervengono, et così non rilevate ; ma li testatori vengono a rimaner defraudati delle ordinationi et volontà loro, e li chiamati a restar privi de’ beneficii lasciatili, ma, quello che è peggio, ritenute occulte per molti anni, alienati beni stimati liberi, vengono poi li medesimi beni dalli heredi ritolti a possessori di buona fede, et così restano questi privi de’ loro ».
31- Novissima Veneta Statuta, 1729, fol. 254v-255r, loi votée le 15 février 1334 par le Grand Conseil qui obligeait les notaires à déclarer les points des testaments comportant des biens conditionnés auprès de la Corte dell’Esaminador ; fol. 169v-170r, loi votée le 29 mars 1491 par le Grand Conseil qui exigeait l’enregistrement des biens conditionnés dans un livre en Chancellerie.
32- Ferro, Marco, « Breviario », Dizionario del diritto comune e veneto, op. cit., vol. 1, p. 280–281 Google Scholar.
33- ASVe, Senato Terra, reg. 108, fol. 363r-365r, loi du 9 octobre 1632 du Sénat qui s’inscrit dans une série de mesures financières et économiques mises en oeuvre par Alvise Corner q. Giovanni et les Sages du Collège. Voir Povolo, Claudio, « Corner, Alvise », in Dizionario biografico degli Italiani, vol. 29, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1983 Google Scholar, http://www.treccani.it/biografie/.
34- AVSe, Cancelleria Inferiore, Miscellanea Notai diversi, Alfabeto dei testamenti nelle eredità condizionate (1613-1750), r. 115 et 116.
35- M.|Piccialuti, L’immortalità dei beni…, op. cit., p. 63-89 ; N. La Marca, La nobiltà romana…, op. cit., vol. 1, p. 63-73.
36- Dans Il tutore (1752), Carlo Goldoni rend compte, au détour de la conversation entre Ottavio, tuteur incompétent et malhonnête, et Pantalon, pupille maltraité, de la banalité des litiges en matière fidéicommissaire : « OTT. : L’ho io il testamento di mio cognato ? PANT. : Sior sì. L’altro zorno ve l’ho lassà, acciò che considerè quel ponto del fidecommisso per la lite che s’ha da far. »
37- Jusqu’au XIIe siècle, la juridiction civile et pénale était exercée directement par le doge, assisté de juges qui formaient la curia ducis. À partir du doge Sebastiano Ziani (1172-1178), la fonction judiciaire fut assumée par des juges élus temporairement et la curia ducis fut divisée en tribunaux dont les compétences spécifiques n’empêchèrent pas des chevauchements et des conflits de juridiction. Sur les douze cours originelles, six furent en activité jusqu’à la fin de la République, formant des tribunaux de première instance et d’homologation des actes. Il s’agit des Giudici del Mobile, del Forestier, di Petizion, del Proprio, dell’Esaminador et del Procurator, que l’on désignait sous le nom de Corti di palazzo. Une étude récente fait le point sur les modalités de conservation de leurs archives et sur la juridiction des Giudici del Forestier sur les étrangers (sans privilèges communautaires) et les litiges commerciaux : Fusaro, Maria, « Politics of Justice/Politics of Trade: Foreign Merchants and the Administration of Justice from the Records of Venice's Giudici del Forestier », MEFRIM, 126-1, 2014 Google Scholar, http://mefrim.revues.org/1665.
38- A. Bellavitis, Famille, genre, transmission à Venise…, op. cit., p. 31-32.
39- Les juges du Procurator ont également étendu leur compétence aux cas de séparation entre époux, signe de la constitution d’un espace propre d’intervention de l’état en matière matrimoniale : Rigo, Angelo, « Giudici del Procurator e donne ‘malmaritate’. Interventi della giustizia secolare in materia matrimoniale a Venezia in epoca tridentina », Atti dell’Istituto Veneto di scienze, lettere ed arti, 151, 1992-1993, p. 241–266 Google Scholar ; Id., « Interventi dello Stato veneziano nei casi di separazione : i Giudici del Procurator, alcuni dati degli anni Cinquanta e Sessanta del 16 secolo », in Menchi, S. Seidel et Quaglioni, D. (dir.), Coniugi nemici. La separazione in Italia dal XII al XVIII secolo, Bologne, Il Mulino, 2000, p. 519–536 Google Scholar.
40- Cette condition est réaffirmée au milieu du XVIIIe siècle alors que les tribunaux avaient émis des jugements contradictoires, ASVe, CL, b. 209, Fedecommessi, fol. 24-38.
41- Une sentenza a legge est un jugement prononcé par le tribunal qui permet de valider une action. Dans le cas présent, elle permet l’entrée en possession des biens laissés par le testateur : Ferro, Marco, « Sentenza », Dizionario del diritto comune e veneto, op. cit., vol. 2, p. 679 Google Scholar.
42- ASVe, Giudici del Procurator, Capitolare, fol. 327r, 5 sept. 1777 : « e ciò a preservazione della giuridizione del detto loro offitio di Procurator, sollo giudice competente in proposito di fideicomissi ».
43- La question s’est posée bien plus précocement pour les biens ecclésiastiques. Le Décret de Gratien affirme en plusieurs endroits leur inaliénabilité (C. 12, q. 2, c. 13-16, 49 et 52 ; C. 17, q. 4, c. 40) ; toutefois, selon un dictum de Gratien, on peut vendre sous certaines conditions (C. 12, q. 2, c. 49). La Glose au Décret de Jean le Teutonique repère quatre situations : la nécessité urgente, l’utilité manifeste, les dettes à recouvrir et les misères pressantes à secourir (C. 12, q. 2, c. 1). Au XVIe siècle, l’élasticité fut poussée encore plus loin puisque même si l’auteur de la vente était considéré comme parjure, la validité de la transaction restait intacte. Je remercie P. Napoli de ces indications.
44- Luca, Giovanni Battista De, Il dottor volgare, overo il Cómpendio di tutta la legge civile, canonica, feudale e municipal, Rome, G. Corvo, 1673, p. 134 Google Scholar.
45- Thomas, Yan, « La valeur des choses. Le droit romain hors la religion », Annales ESC, 57-6, 2003, p. 1431–1462 Google Scholar.
46- M. Ferro, « Fedecommesso », art. cit., p. 715 : « Anche le doti si detraggono dai fedecommessi degli ascendenti, e quando non vi sieno beni liberi sopra, i quali poterle costituire o pagare ; con questa differenza per altro, che in Terra ferma, tanto nella costituzione della dote, quanto nella restituzione, la dote può intaccare i fedecommessi, in Venezia poi può intaccarli nella sola restituzione ; poichè dice la legge che il figliuolo o discendente maschio possa obbligare il fedecommesso per la dote : Stat. ven. lib. 4 cap. 11. » Voir P. Lanaro, « La restituzione della dote… », art. cit., et « Fidecommesso, doti, famiglia… », art. cit.
47- Novissima Veneta Statuta, 1729, fol. 281v-282r : 1546 4 settembre in Pregadi e Maggior Consiglio ; ASVe, CL, b. 209, Fedecommessi, fol. 18r : rappel de la loi du 14 septembre 1546 : « Sia data facoltà alli Provveditori di Comun di vender o livellar li fondi rovinosi, che fossero Fideicommisi per conto e vantaggio di chi ne fosse legitimo successore » ; M. Ferro, « Fedecommesso », art. cit., p. 714-715. La magistrature des Provveditori di Comun fut instituée en 1256 ; ses compétences, portant initialement sur la navigation, se sont élargies à l’entretien de la voirie et des puits et à la tutelle des postes et des scuole minori.
48- Falguières, Patricia, « Rome, dépouilles et parures : les ornements de la Ville », in Napoli, P. (dir.), Aux origines des cultures juridiques européennes. Yan Thomas entre droit et sciences sociales, Rome, école française de Rome, 2013, p. 47–69 Google Scholar. L’état de ruine des biens est aussi un motif pour libérer les biens waqfs comme l’a montré P. Ghazaleh pour Le Caire, où l’abandon de certaines propriétés était volontaire : Fortunes urbaines et stratégies sociales…, op. cit.
49- L’achat pouvait prendre deux formes : une acquisition classique avec versement du capital au vendeur ou un livello, par lequel l’acheteur payait une rente au vendeur jusqu’au versement du capital qui servait, entre-temps, de caution au fidéicommis.
50- ASVe, CL, b. 209, Fedecommessi, fol. 45.
51- Novissima Veneta Statuta, 1729, fol. 282r : « Non se intendendo però esser servata la via della gratia a quelli che per evidente utilità supplicassero de poter vender, permutar o livellar li loro stabili conditionati et che non fussero ruinati, la qual gratia servatis servandis se li possa concieder ordinariamente et con li cinque sesti del nostro Mazor Conseglio, nel qual etiam la presente parte se habbia metter. »
52- Ce pouvoir revenait au Sénat à Turin et à Milan, au Conseil de régence à Florence, au tribunal de la Rote à Rome : S. Calonaci, Dietro lo scudo incantato…, op. cit., p. 197- 199 ; L. Marchi, « La legge toscana sui fedecommessi… », art. cit. ; Monti, Annamaria, « Fedecommessi lombardi : profili giuridici e riflessi privati delle dispense senatorie », MEFRIM, 124-2, 2012, p. 489–500 Google Scholar ; A. Cogné, « Le fidéicommis, un instrument d’immobilisation des patrimoines… », art. cit.; N. La Marca, La nobiltà romana…, op. cit., vol. 1, p. 114-116.
53- Le duché de Venise épouse les contours de la lagune.
54- La Seigneurie était composée du doge, de six conseillers (consiglieri ducali) et des trois chefs de la Quarantia Criminale.
55- L’Avogaria di Comun, composée de trois magistrats, constituait un organe de contrôle administratif et comptable veillant à ce que les actes publics soient conformes aux lois.
56- ASVe, QCV, b. 390, Scritture per permuta fidecommissi.
57- Un avis des avocati fiscali daté de 1794 évoque l’accroissement d’un tiers comme l’un des critères retenus par la loi (ASVe, QCV, b. 390, n. n. : « Terzo, che portino evidente utilità in capital e rendita al fidecommisso, la quale utilità dalla legal consuetudine è prescritta ad un terzo di più del capital e rendita dei beni fide commissi. » La loi de 1546 ne quantifie pas l’avantage, mais évoque seulement une « evidente utilità ».
58- ASVe, QCV, b. 390, n. n. : «È sempre più vantaggioso ad un fide-commisso il subrogare uno stabile roggetto a vuoti e restauri a campi e terre sempre fruttiferi e vendenti. »
59- ASVe, Cassier della Bolla ducale, Permute fideicommessi 1701-1795. Le registre a été réalisé en 1777 à la demande du grand chancelier Giovanni Colombo. On ignore les raisons qui ont poussé à mieux individualiser les grâces pour permutation de biens fidéicommissaires.
60- L. Marchi, « La legge toscana sui fedecommessi… », art. cit., p. 585.
61- Le registre est complet si l’on en juge par la confrontation avec les dossiers conservés dans la série des grâces du Grand Conseil. On s’étonne néanmoins que les grâces ne soient pas plus nombreuses puisque tous les habitants de l’état vénitien devaient se plier à la même procédure : ASVe, Cassier della Bolla ducale, Registro permute fideicommissi fatto rinnovare essendo cancellier grande il magnifico Giovanni Colombo dal fedelissimo Marin Corniani, casiere all’offizio della cancelleria ducale alla Bolla, nell’anno MDCCLXVII.
62- Pour six grâces, il n’est pas possible de déterminer s’il s’agit d’une permutation de biens ou d’une vente suivie d’un réinvestissement. Un cas associe permutation et vente, un autre, vente et subrogation.
63- L. Marchi, « La legge toscana sui fedecommessi… », art. cit., p. 585-586.
64- A. Cogné, « Le fidéicommis, un instrument d’immobilisation des patrimoines… », art. cit., p. 502-508.
65- Bellavitis, Anna, Identité, mariage, mobilité sociale. Citoyennes et citoyens à Venise au XVIe siècle, Rome, école française de Rome, 2001, p. 150 Google Scholar.
66- Béguin, Katia, Financer la guerre au XVIIe siècle. La dette publique et les rentiers de l’absolutisme, Seyssel, Champ Vallon, 2012, p. 298-30Google Scholar6, voit dans l’immobilisation de rentes dans les fidéicommis le moyen de préserver le capital de la dépréciation puisqu’elles étaient hors marché.
67- La série des terminazioni di levo di deposito des juges du Procurator est divisée en quatre sous-séries : les liasses (filze) qui comportaient les minutes, les registres où les terminazioni étaient recopiées par deux notaires du tribunal (chaque année comporte donc deux registres), les carte, dans lesquelles figuraient la copie authentifiée des titres présentés aux juges, et un index nominatif (Repertorio alfabetico) des propriétaires qui eurent recours à la procédure entre 1728 et 1787. Seule la documentation postérieure à 1728 est conservée.
68- Bien qu’elle soit très codifiée et d’un usage massif au XVIIIe siècle, cette procédure n’est décrite dans aucun des manuels sur le fonctionnement des tribunaux vénitiens, ASVe, Miscellanea Codici I, Storia veneta, 208, Pratica civilis fori veneti. Per i Magistrati ed offizii di San Marco, Giudici del Procurator, fol. 34r-51r ; Nani, Filippo, Pratica civile delle Corti del Palazzo veneto, Venise, S. Curti, 1678, p. 123–130 Google Scholar.
69- Nicolò Tron quondam Andrea était, par ailleurs, le père d’Andrea Tron (1712-1785), le « paròn », figure centrale de la politique vénitienne du milieu du XVIIIe siècle. Sur la carrière politique et l’activité entrepreneuriale de Nicolò, voir Panciera, Walter, « Vent’anni di bilanci di un’impresa laniera nel secondo Settecento », Studi veneziani, 19, 1990, p. 125–126 Google Scholar ; Id., L’arte matrice. I lanifici della Repubblica di Venezia nei secoli XVII e XVIII, Trévise, Fondazione Benetton studi ricerche/Canova editrice, 1996 ; Id., «A Follina, da Schio e dall’Europa : la compagnia Tron – Stahl », in Gasparini, D. et Panciera, W. (dir.), I lanifici di Follina. Economia, società e lavoro tra Medioevo ed età contemporanea, Vérone, Cierre Edizioni, 2000, p. 161–177 Google Scholar ; Gullino, Giuseppe, « L’anomala ambasceria inglese di Nicolò Tron (1714-1717) e l’introduzione della macchina a vapore in Italia », in Non uno itinere. Studi storici offerti dagli allievi a Federico Seneca, Venise, Stamperia di Venezia, 1993, p. 186–207 Google Scholar ; Hunecke, Volker, Il patriziato veneziano alla fine della Repubblica, 1646-1797. Demografia, famiglia, ménage, Rome, Jouvence, 1997, p. 149–150 Google Scholar.
70- En 1740, les revenus immobiliers et fonciers déclarés par Nicolò s’élevaient à 1 290 ducats et 7 gros tandis que ceux de son frère Zuanne, dans lesquels entraient les biens sous fidéicommis, étaient de 4278 ducats et 13 gros, ASVe, Dieci Savi alle decime, Condizioni di decima, 1740, b. 326, cond. 401 et 402.
71- ASVe, Giudici del Procurator, Terminazioni di levo di deposito, liasse 2, n. 42, 11 juin 1729 ; liasse 3, n. 150, 1er févr. 1730 more veneto (ci-après m. v.). La construction portait sur neuf maisons, deux casini, un four et quatre petites habitations .
72- ASVe, Giudici del Procurator, Terminazioni di levo di deposito, liasse 2, n. 42, 11 juin 1729 : « così che in luoco di tale dennaro sogetto allo stesso fideicomisso paterno succedi e subentri l’equivalente proprietà, et importare delle sudette fabriche ».
73- ASVe, Giudici del Procurator, Terminazioni di levo di deposito, liasse 5, n. 164, 9 janv. 1732 m. v. ; liasse 11, n. 64. Le nouveau complexe est décrit dans Gianighian, Giorgio et Pavanini, Paola (dir.), Dietro i palazzi. Tre secoli di architettura minore a Venezia, 1492- 1803, Venise, Arsenale editrice, 1984, p. 166–167 Google Scholar.
74- ASVe, Giudici del Procurator, Terminazioni di levo di deposito, liasse 5, n. 164 : « così che di questi se possa egli disporre a suo piacere come di cosa propria,
75- En 1740, Anzolo et Marin Celsi établirent une déclaration fiscale conjointe sans distinguer, comme il est d’usage, les biens libres et les biens fidéicommissaires (en provenance de Francesco Celsi en 1548, de Giulio Celsi en 1586, de Marco Celsi en 1587, d’Elena Morosini en 1591). Leur patrimoine immobilier est composé pour moitié de biens à Venise (423d.) et de biens en Terre ferme (dans quatre domaines différents pour un total de 120 campi, auxquels s’ajoutent une villa à Istrana et six maisons de paysan) : ASVe, Dieci Savi alle decime, Condizioni di decima 1740, b. 318, cond. 545.
76- ASVe, QCV, Accordi, b. 239 : le 16 décembre 1791, l’accord entre Caterina Celsi et l’hôpital de la Pietà rappelait que, en 1739, le fidéicommis Giacomo Celsi procurait une rente immobilière de 288 ducats et comportait 122 176 ducats et 6 gros de capitaux. Ce montant est néanmoins sous-évalué car des prêts aux particuliers n’ont pas été pris en compte.
77- Cet exemple s’appuie sur les documents exhumés par A. Sambo et publiés en annexe dans Pietrogrande, Enrico et Zucchetta, Emanuela, Palazzo Celsi a Venezia. Storia e recupero di una casa patrizia, Milan, Electa, 2000, p. 83–90 Google Scholar. À l’invitation d’A. Sambo, la documentation a été complétée par mes soins dans les archives de la Pietà. Sur la famille Celsi et la restauration du palais, voir
78- Ces ventes sont retranscrites dans ASVe, Censo provvisorio, Notifiche, Venezia, b. 102, n. 3208.
79- ASVe, Notarile, Testamenti, notaio Giovanni Antonio Minguelli, b. 537, 35, testament de Giacomo Celsi q. Giacomo. L’attachement de Giacomo au sang patricien était si fort qu’en cas d’extinction de la descendance patricienne le fidéicommis devait revenir à l’hôpital de la Pietà, ce qui se produisit à la fin du XVIIIe siècle à la mort de Francesco Maria. S’ensuivit un procès entre les représentants du rameau cittadino et l’hôpital, héritier de la branche patricienne, qui se termina par un accord grâce auquel le palais revint à Marin Celsi, cittadino, qui le transmit en 1798 à son fils, Francesco Maria, lequel instaura un fidéicommis en 1804 en faveur de son neveu
80- ASVe, Giudici del Procurator, Terminazioni di levo di deposito, liasse 36, n. 407/15, 6 juin 1752 et liasse 35, n. 565/86, 23 janv. 1752 m. v. (1753) : autorisation d’investir 6 500 ducats et 5 178 ducats et 1 gros déposés auprès 8 7 2 de l’Arte dei pistori dans la reconstruction.p. 14-19 et 20-36.
81- ASVe, Giudici del Procurator, Terminazioni di levo di deposito, liasse 38, n. 546/67, 1er déc. 1753 : 3 550 ducats placés près de l’Arte dei fruttaroli furent utilisés.
82- ASVe, Giudici del Procurator, Terminazioni di levo di deposito, Carte delle terminazioni di levo di deposito, liasse 43, n. 862/38, 6 sept. 1756, expertise de Gasparo Montan ; n. 862/ 38, 7 sept. 1756 : 2 000 ducats sont débloqués par l’Arte dei pistori : « e l’intiera summa delle lire 117087:16 debitrice il deto fedeicomisso per causa di ditta refabrica per conto del medemo, come sopra dichiarita, non intende in alcun tempo mai addimandare cosa alcuna al ditto fedeicomisso ».
83- ASVe, Giudici del Procurator, Terminazioni di levo di deposito, liasse 46, n. 830/79, 17 déc. 1757 : 600 ducats déposés auprès de l’Arte dei luganegheri pour la restauration des quatre maisonnettes ; liasse 59, n. 1814/103, 9 janv. 1764 m. v. (1765) : mise à disposition d’un livello de 2 000 ducats.
84- Les autres investissements concernent des bonifications, des subrogations de liens libres et des rentes publiques. Les capitaux déposés sur le compte du fidéicommis auprès des juges du Procurator s’élevèrent à 216 406 ducats (dont 72 831 sont réinvestis deux fois entre 1739 et 1789) ; les investissements portèrent sur 215 701 ducats.
85- La série des Terminazioni di levo di deposito n’est conservée qu’à partir de 1728. En l’état des connaissances, les raisons de la perte des actes antérieurs sont inconnues. Faut-il l’imputer à Antonio Antelmi qui fut chargé en 1773 par les Conservatori ed Esecutori alle Leggi de la réorganisation des archives des Corti di palazzo et qui en vendit une partie au poids, ce qui lui valut d’être banni de la République ? On estime, au total, que 4 222 registres et 1 428 liasses ont disparu. Voir M. Fusaro, « Politics of Justice/Politics of Trade… », art. cit., § 6-9.
86- ASVe, CL, b. 209, Fedecommessi, fol. 11r : « Li Privilegi accordati ai capitali della Zecca hanno per oggetto la preservazione del dinaro che è affidato da’ privati nei pubblici depositi. »
87- L’abondance des capitaux, la valorisation sociale de la rente et la difficulté de trouver des investissements sûrs constituent l’une des caractéristiques de l’économie d’Ancien Régime décrite par Grenier, Jean-Yves, L’économie d’Ancien Régime. Un monde de l’échange et de l’incertitude, Paris, Albin Michel, 1996, p. 81–90 et 99-103Google Scholar.
88- ASVe, Giudici del Procurator, Capitolare, fol. 230, 12 févr. m. v. 1659.
89- ASVe, Giudici del Procurator, Capitolare, fol. 306v, 4 août 1759 : « Fu finalmente inventato un altro abuso il quale, non essendo prima d’ora caduto in esame merita, di essere abolito come non telerabile e mostruoso. Chi avea raggione di godere per fideicomisso li frutti del capitale depositato presentavano ad un nodaro e stipulava con se medesimo un instrumento di livello, assegnando per fondo tanti suoi beni liberi, contraendo con formalità abborita da tutte le leggi l’obbligatione di pagar il livello a se stesso e di fare l’affrancazione parimenti a se stesso, la qual poi non veniva mai a succedere. »
90- ASVe, CL, b. 209, Fedecommessi, fol. 10r-11v et 55r.
91- ASVe, Giudici del Procurator, Terminazioni di levo di deposito, liasse 15, n. 49, 1742 : « per conto e benefitio delli fideicommissi ordinati ». Le cardinal De Luca s’exprime dans les mêmes termes : « il possessore del fidecommisso, il quale viene stimato un’amministratore legale dell’eredità a comodo proprio ». G. B. De Luca, Il dottor volgare…, op. cit., p. 137.
92- La figure de l’administrateur permet de ne pas aborder la propriété seulement sous l’angle du dominium sur les choses mais aussi à travers le prisme de son exercice. Les catégories de l’administration s’avèrent utiles pour penser la notion des biens communs : P. Napoli, « Indisponibilità, servizio pubblico, uso… », art. cit., p. 420-425.
93- G. B. De Luca, Il dottor volgare…, op. cit., p. 10 : « Se il successore sarà savio il fedecommesso non bisogna, e se sarà pazzo non si ritroverà mai cautela sufficiente per riparare alle dissipazioni. Anzi quanto maggiori sono i vincoli e le cautele delle proibizioni, tanto più facile e presta si rende la dissipazione, e più presto il possessore si impoverisce. » 94 - Les fidéicommis furent successivement supprimés par la municipalité le 20 juin 1797, rétablis par les Autrichiens le 31 mars 1798, abolis par Napoléon en 1806. Les anciens fidéicommis ne furent pas restaurés lors du rattachement à l’Autriche après 1814. Voir R. Derosas, «Riflessi privati della caduta della Repubblica », art. cit., p. 278-279.
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- Cited by