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Sur les traces de l'argent du Potosî

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Emmanuel Le Roy Ladurie
Affiliation:
Bibliothèque Nationale
Jean-Noël Barrandon
Affiliation:
CNRS, Centre Ernest-Babelon
Bruno Collin
Affiliation:
Monnaies et Médailles
Maria Guerra
Affiliation:
Univ. Nova de Lisboa
Cécile Morrisson
Affiliation:
CNRS, Bibliothèque Nationale

Extract

Suivre un métal d'une provenance donnée « à la trace » n'est pas une simple métaphore. Les alliages métalliques (et donc monétaires) contiennent en effet à côté des éléments majeurs (or-argent-cuivre pour les monnaies d'or ; argentcuivre pour les monnaies d'argent) que l'on mesure en pourcentage, des éléments- traces présents en quantités infimes, mesurées en parties pour million ou ppm (10 6 g/g). Ces traces constituent comme la carte d'identité, ou l'empreinte digitale, des minerais sources. Leur détection et leur mesure sont d'avancée récente ; seule l'application de la physique nucléaire au matériel archéologique les a rendues possibles.

Summary

Summary

Anyway, a new method of neutron activation analysis developed by the Centre Ernest Babelon (CRA, CNRS, Orleans) allows to follow via the trace-element Indium, characteristic of Andean silver, the arrival of Potosi silver ore in European coinages. Some 200 coins struck by the Spanish and French mints of the “Atlantic group” have been analysed. The results contribute to date this arrival in Europe in the 1570's, and to estimate the relative volume of Potosi silver in French coinage. In its peak years of the 1590', it made up to some 70% of the metal struck by French coastal mints.

Type
Monnaies et Prix Revisités
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1990

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References

Notes

1. Pour une première orientation voir : Barrandon, J.-N. et Morrisson, C., « Les analyses en numismatique. Quelles méthodes ? Et pour quoi ? », Les nouvelles de l'Archéologie, 33, 1988, pp. 1215.Google Scholar Le lecteur pourra également se référer aux travaux publiés par la Royal Numismatic Society (Londres), Methods of Chemical and Metallurgical Investigation of Ancient Coinage, E. T. Hall et D. M. Metcalf éds, Londres, 1972 ; Metallurgy in Numismatics, I, 1980, 2, 1988 ; A Survey of Numismatic Research (1978-1984), M. Price et alii éds, Londres, 1986, pp. 961-1040.

2. Bilan de ces applications historiques : Morrisson, C., Barrandon, J.-N. et Brenot, C., « Composition and Technology of Ancient Médiéval Coinages : A Reassessment of Analytical Results », The American Numismatic Society Muséum Notes, 32, 1987, pp. 181209.Google Scholar

3. F. Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, t. I (2e édition), chap. 2, « Les économies, métaux précieux, monnaies et prix ».

4. Voir en général : Lombard, M., Monnaie et histoire d'Alexandre à Mahomet, Paris-La Haye, Mouton, 1971.Google Scholar Id., Les métaux dans l'Ancien Monde du Ve siècle au XIe siècle, Paris-La Haye, Mouton, 1974 ; J. Guey, « De “ l'or des Daces ” (1924) au livre de Sture Bolin (1958) », Mélanges J. Carcopino, 1966, pp. 445-475.

5. Tel est le cas de l'inflation de l'or induite au rve siècle par le recours à de nouvelles sources de minerai, vraisemblablement situées en Thrace et en Macédoine. Révélé par l'accroissement du taux des traces de platine dans les monnaies d'or, ce phénomène éclaire les mentions des sources littéraires et juridiques sur l'activité des chercheurs d'or et la banalisation relative du métal jaune dans la circulation, cf. Callu, J.-P. et Barrandon, J.-N., « L'inflazione nel iv secolo (295-361) : il contributo délie analisi », Société romana e Impero tardoantico (sous la direction de A. Giardina), Bari, Laterza, 1986, pp. 559599 Google Scholar et pp. 801-804, et la synthèse de Callu, J.-P., « L'inflation au ive siècle », dans Hommes et richesses dans l'Empire byzantin, Lefort, J. et Morrisson, C éds, Paris, 1989, pp. 223233.Google Scholar

6. Les travaux anciens en ce domaine sont : Hamilton, E. A., American Treasure and the Price Révolution in Spain (1501-1650), Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1934 CrossRefGoogle Scholar ; Spooner, F. C., L'économie mondiale et les frappes monétaires en France (1493-1680), Paris, Armand Colin, 1956.Google Scholar Idem, The International Economy and Monetary Movements in France 1493-1725, Cambridge, Mass., 1972. Pour un réexamen récent et une nouvelle estimation de la production des mines du Potosi, ainsi que de l'ensemble des mines d'or et d'argent du continent sud-américain, voir : Cross, H. E., « South American Bullion Production and Export (1550- 1750) », dans Precious Metals in the Later Médiéval and Early Modem World, Richards, J. F. éd., Durham, N. C , 1983, pp. 397423.Google Scholar On peut également consulter utilement L. Hanke, The Impérial City of Potosi, La Haye, Mouton, 1956 ; A. Jara, « La produccion de metales preciosos en el Perû y Chile en el siglo XVI », Boletin de la Universitad de Santiago, 1963, pp. 58-64.

7. A. et J. Gordus, E. Le roy Ladurie et D. Richet, « Le Potosi et la physique nucléaire », Annales ESC, 1972, n° 6, pp. 1235-1256. Une seconde version de ce travail a été publiée au moment où notre article était sous presse. A. A. et Gordus, J.P., « Identification of Potosi Silver Usage in Sixteenth-Seventeenth Century European Coinage through Gold-Impurity Content of Coins », dans The Coinage of El Perû, Bischoff, W. L. éd., New York, American Numismatic Society, 1989, pp. 2122.Google Scholar

8. A. et J. Gordus et alii, op. cit., p. 1243.

9. Pour plus de détails sur la méthode d'analyse voir Guerra, M. F. et Barrandon, J.-N.-, « Thermal Neutron Activation Analysis of Archeological Artifacts Using a Cyclotron », Proceeding ofthe 26th International Archeometry Symposium, Toronto, 1988, pp. 262268.Google Scholar

10. Un tel flux (3 10s n/s/cm2) est faible par rapport à celui d'un réacteur nucléaire (10 “ n/s/cm2) mais comme la masse irradiée est beaucoup plus importante (10 g au lieu du mg), la sensibilité de la méthode est du même ordre de grandeur.

11. La mesure de la radioactivité gamma est réalisée à l'aide d'un détecteur semi conducteur du type Ge (Li).

12. Après la décroissance de la radioactivité forte de l'Ag 108, il ne reste que la radioactivité très faible des éléments dosés.

13. Beauchesne, F., Barrandon, J.-N., Revue d'Archéométrie, 10, 1986, pp. 7585.CrossRefGoogle Scholar

14. Une partie des monnaies provenant du Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale avait déjà été et analysée sur microprélèvements par A. et J. Gordus. Le Musée Puig de Perpignan, que nous remercions pour son étroite collaboration, nous a fourni des exemplaires nouveaux de monnaies espagnoles et catalanes. Nous remercions également la maison Bourgey qui nous a prêté trois exemplaires de monnaies espagnoles frappées dans l'atelier monétaire de Potosi.

15. A. et J. Gordus, op. cit.

16. Le Potosi est situé à environ 4 000 mètres d'altitude, sur un plateau froid et venteux sur lequel on ne cultive que des pommes de terre. La meilleure relation sur ce sujet a été rédigée, en 1585, par Luis Capoche, propriétaire d'engins de broyage de minerai, à l'intention du vice-roi. Luis Capoche, Relation gênerai de la villa impérial de Potosi, 1959, Biblioteca de Autores Espanoles.

17. Une bonne approche du système d'exploitation du Potosi est développée dans Pierre Vilar, Or et monnaie dans l'histoire, Paris, Flammarion, 1974. Voir également les nouvelles estimations, la synthèse et la bibliographie données par Cross, H. E., « South American Bullion Production and Export 1550-1750 », dans Precious Metals in the Later Médiéval and Early Modem Worlds, Richards, J. F. éd., Durham, N. C , 1983, pp. 397423.Google Scholar

18. Henri II entreprend, dès 1547, la restauration du monnayage français : sur les monnaies d'or, l'effigie du roi remplace la croix ; le « numéro d'ordre » du souverain, jusque-là absent sur les espèces, est placé après son nom ; et surtout, le millésime de frappe est indiqué. Néanmoins, jusqu'en 1565, le millésime n'est changé sur les monnaies qu'à Pâques.

19. F. C. Spooner, op. cit., pp. 230-235. Le choix de ces hôtels des monnaies, qui se situent, a priori, sur le « front » de l'entrée des métaux précieux a été effectué de façon à obtenir une sélection de monnaies frappées en métal potosien le plus pur possible. On peut, en effet, penser que, plus on s'éloigne de la source, plus le métal pur se raréfie. Les fabrications de l'hôtel des monnaies de Bayonne, en contact étroit avec l'Espagne, donnent des courbes de production monétaire équilibrées, soutenues, autrement dit très abondantes et sans creux conjoncturels catastrophiques de court terme. Comme le souligne Spooner, « ce témoignage est donc de tout premier ordre ». La Monnaie de Bordeaux est de moindre importance quant aux quantités produites ; en revanche, cet atelier participe largement au « recyclage » de l'argent espagnol après 1578, tout en conservant une production de pièces d'or assez régulière. La Rochelle et Nantes, comme ports, occupent des situations privilégiées sur la route des métaux vers l'intérieur des terres. On peut cependant supposer que l'intégralité de ces métaux n'était pas refrappée dans leurs ateliers, mais continuait sa route. Les documents de la série Zlb des Archives nationales permettent de retrouver les chiffres de production de ces ateliers.

20. A la suite des découvertes de mines d'argent à Schwaz, au Tyrol, et d'une pénurie locale d'or, de lourdes pièces d'argent furent frappées à la fin du xve siècle. Le nom de « thaler » est l'un des plus couramment utilisé pour désigner ces grosses monnaies. Il provient du toponyme d'une des mines d'argent les plus riches, Saint-Joachimstal, exploitée en Bohême par les comtes de Schlick.

21. F. Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen, 1966, t. l,p. 441.

22. Cette production de pièces d'argent pendant la période ainsi mise en cause est multipliée par 2,3 à Bayonne, 1,9 à Bordeaux, 2,2 à Toulouse. Cette progression atteint 3,2 à La Rochelle, qui, il est vrai, démarrait avec un fort handicap, et 3,5 à Nantes, dont les chiffres de production ne seront jamais égalés.

23. AN, Zlb 72, Remontrances de la Cour des Monnaies pour les États généraux à Blois, réunis à partir du 16 septembre 1588.

24. Selon l'accord de Joinville (31 décembre 1584) entre Philippe II et les Guises, la Ligue fut assurée d'une subvention de 600 000 écus par an, dont une bonne partie dut être versée en espèces d'argent. Cependant, divers documents laissent penser que ces pièces n'étaient pas systématiquement refondues ni refrappées aux armes de France, mais servaient directement à payer les troupes (AN Zlb 72, procès-verbal du 15 décembre 1598, et AN Zlb 382, Arrêt de la Cour des Monnaies du 20 décembre 1590).

25. Cette décroissance est également manifeste dans les productions. Entre 1601 et 1630, Bayonne voit le volume de ses frappes d'argent diminuer de 81 %, Nantes de 67 %. Les deux grands perdants étant Bordeaux dont la production chute de 99 % et La Rochelle qui est même fermé en 1620.