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Sel et diplomatie en Savoie et dans les Cantons suisses aux XVIIe et XVIIIe siècles
Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
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C'est de certains aspects très particuliers de la vie économique qu'aux siècles modernes — et jusqu'à une époque assez voisine de la nôtre — relèvent avant tout la production, la commercialisation, la circulation et la répartition du sel.
Aspects de fiscalité d'abord : partout où elle a pu y parvenir sans se heurter à d'insurmontables résistances, la puissance publique a discerné dans le sel — indispensable absolument à l'équilibre physiologique des humains et des animaux — une base de choix pour asseoir ses taxes, souvent très lourdes. A telle enseigne que cet impôt sur le sel, la gabelle, s'offre, pour ces temps, comme le type même du plus fructueux impôt de consommation ; la perception étant d'ailleurs, le plus souvent, assurée par un monopole.
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- Études
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- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1960
References
1. Sources : Dossiers des Gabelles des Sels de Savoie (Archives d'Etat de Turin — Section 1). Actuellement aux Archives Départementales de la Savoie, Classement provisoire Archives de Cour, Inventaire 73. En outre aux Archives de Turin, Négociations avec la France (classement chronologique). Négociations avec les Suisses (classement chronologique).
2. Il y a lieu de s'étonner qu'au regard des régions les plus difficiles d'accès affectées par cette diffusion, c'est-à-dire les pays de haute altitude adonnés à l'élevage, nulle enquête n'ait été encore instituée visant à mettre en évidence le lacis — extrêmement ramifié parfois — des sentiers du sel desservant jadis les « grandes montagnes » pastorales, nourricières, l'été durant, de grosses agglomérations de bétail.
1. P. Baud. « Une industrie d'Etat. Les Salines de Tarentaise » (Rexrue d'Histoire Economique et Sociale, 1934-1935).
1. Comme exemple du ton adopté par les deux Cours, on peut retenir les lettres que voici échangées entre le Duc de Choiseul et l'Ambassadeur de Sa Majesté Sarde à Paris, le bailli Solar. Le 80 janvier 1761, le premier mande qu'il a obtenu des Fermiers Généraux qu'ils s'exécutent, mais que ces derniers gémissent beaucoup sur les versements de Savoie en France. « J'ai lieu de croire que leurs représentations sont fondées, et j'espère que Votre Excellence voudra bien engager sa Cour à faire quelque attention. Le roi ne désire rien plus sincèrement que de donner au roi de Sardaigne des marques d'amitié et de complaisance. Mais sa Majesté connaît trop les sentiments équitables du Roi son oncle pour n'être pas persuadé qu'il ne voudrait pas que ce fût aux dépens de la règle et des intérêts du Roi et des sujets de Sa Majesté. » A quoi l'Ambassadeur de Sardaigne répond, en remerciant, le 2 février 1761 : « Votre Excellence pourra se faire rendre compte du mémoire ci-joint que j ‘ a i dressé pour ne pas l'ennuyer par une longue lettre. J'ai tâché de répondre sur les représentations que MM. les Fermiers Généraux ont faites, qui ne m'ont point étonné parce que c'est une répétition de ce qu'ils ont dit bien des fois sans constater jamais la réalité de tels versements. On a toujours combattu cette allégation ; l'on est même en état de les convaincre du contraire ; mais, quelques raisons qu'on leur dise et quelques preuves qu'on puisse leur faire, je prévois qu'ils ne se prêteront jamais à la persuasion. Sa Majesté fait trop de cas de l'amitié et de la complaisance que le Roi son neveu a pour elle, pour vouloir souffrir des abus préjudiciables aux intérêts de Sa Majesté Très Chrétienne. Mais aussi, si, à chaque renouvellement du contrat, on lui dispute la quantité de sel et on lui en veut hausser le prix, il semble qu'on veuille forcer Sa Majesté à ne plus profiter de ce qui a été accordé depuis plus d'un siècle… »
1. Le Chef de la Maison de Savoie, avait été d'abord, promu roi de Sicile. C'est contraint et forcé qu'il se résignera, plus tard, à n'être que roi de Sardaigne.
1. Le sel de Tarentaise en l'occurrence valait aussi pour donner au mélange une teinte déterminée permettant de déceler plus facilement détournement et fraude. Cette préoccupation d'une coloration déterminée des sels se retrouve souvent alors et qu'il s'agisse des pays de gabelles où il y avait lieu de dépister dans chaque zone l'introduction de sel de moindre coût, qu'il s'agisse des pays comme les Cantons suisses où la vente des sels à peu près exempte d'intention de fiscalité n'excluait pourtant pas le souci d'une discrimination des consommateurs. Il va de soi que c'était là bien souvent fragile barrière contre la fraude.
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- Cited by