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Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
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Le 29 août 70, les légions de Titus incendient et détruisent le Temple de Jérusalem*. Dans l'historiographie chrétienne, cet événement a longtemps été interprété comme marquant la fin du judaïsme, dont la mission historique cessait avec la naissance du christianisme. La recherche actuelle n'a pas totalement rompu avec ce modèle historiographique : il arrive encore que le judaïsme de la période du Second Temple, souvent appréhendée comme une période de déclin, soit étudié, non pour lui-même, mais comme toile de fond en vue de mettre en scène les premières communautés chrétiennes. Une tradition de l'historiographie juive au contraire (tradition qui trouve sa première formulation dans la Wissenschaft des Judentums et s'est développée dans la diaspora) reconnaît en 70 le véritable commencement du judaïsme, voyant dans la Michna et les Talmuds ses textes fondateurs. Cette dernière interprétation a pu faire dire, non sans paradoxe, que judaïsme et christianisme étaient deux frères jumeaux, tous deux nés aux premiers siècles de notre ère. Deux modèles historiographiques fortement connûtes qui ont en commun le déni de deux grandes périodes de l'histoire juive : la première interprétation, christiano-centrée, nie le judaïsme rabbinique, tandis que la seconde ne reconnaît pas la période du Second Temple comme appartenant à l'histoire du judaïsme.
- Type
- Le Judaïsme Ancien
- Information
- Copyright
- Copyright © École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris 1996
References
* Qu'il me soit permis d'exprimer toute ma reconnaissance à Evelyne Patlagean dont les avis attentifs ont permis le suivi de ce dossier. La partie qoumrânienne doit beaucoup à l'aide amicale et persévérante de Devorah Dimant. Ma gratitude va également à François Blanchetière (directeur du Centre de recherche français de Jérusalem, CNRS) qui avec le concours de Francine Kaufmann (Université de Bar Ilan) a assuré la traduction du texte hébreu d'A. Oppenheimer. Mes remerciements à Sylvie Cohen qui a traduit celui d'U. Rappaport, ainsi qu'à Véronique Didier- Gillet et Christophe Batsch qui ont respectivement traduit de l'anglais les articles de D. Dimant et de J. M. Baumgarten. Je dois à l'amitié d'Uriel Rappaport et d'Israël Shatzman d'avoir été invité à l'Institute for Advanced Studies, de l'Université hébraïque de Jérusalem, où la présentation de ce dossier a été achevée en janvier 1996.
1. Sur ces traditions historiographiques et leurs effets sur la recherche actuelle, voir Schmidt, F., La pensée du Temple. De Jérusalem à Qoumrân. Identité et lien social dans le judaïsme ancien, Paris, Le Seuil, 1994, pp. 37–63 Google Scholar.
2. Je suis ici Heymann, Florence qui a présenté « Les études juives dans les universités israéliennes », dans la Lettre d'information du Centre de Recherche Français de Jérusalem, 10, sept. 1992 Google Scholar.
3. Les lecteurs des Annales trouveront une mise en perspective de la Wissenschaft des Judentums par rapport à d'autres modèles scientifiques, le modèle russo-polonais et le modèle français, dans la présentation de Goldberg, S.-A. au dossier « Histoire juive, histoire des juifs », Annales HSS, 1994, n° 5, pp. 1019–1029 Google Scholar.
4. Scholem, G., « La science du judaïsme, hier et aujourd'hui », repris dans Le Messianismejuif Essais sur la spiritualité du judaïsme (préface, traduction et notes de B. Dupuis), Paris, Calmann-Lévy, pp. 427–440 Google Scholar.
5. Sur les discussions qui ont précédé la décision, prise en 1935, de séparer le département d'histoire juive du département d'histoire générale en sorte de ne pas « brouiller les frontières entre sciences humaines et études juives», voir Rein, Arielle, «La genèse du partage entre sciences humaines et études juives à l'Université hébraïque de Jérusalem : le cas de l'histoire », dans Les nouveaux enjeux de l'historiographie israélienne (Florence Heymann éd.), Lettre d'informationdu Centre de Recherche Français de Jérusalem, 12, 1995, pp. 23–39 Google Scholar. Sur l'émergence d'une « nouvelle historiographie » israélienne, voir l'introduction de F. Heymann, pp. 5-21.
6. Sur la mise en œuvre de cette « logique de séparation », voir Vidal-Naquet, P., « Formes d'activité politique dans le monde juif principalement aux environs du 1er siècle de notre ère », Les Juifs, la mémoire et le présent, Paris, Maspero, 1981, pp. 17–42 Google Scholar.
7. En dernier lieu, Sanders, E. P., Judaism. Practice & Belief (63 BCE - 66 CE), Londres, SCM Press, Philadelphie, Trinity Press international, 1992, pp. 13–29 Google Scholar.
8. Sur les manuscrits de Qoumrân, voir en français, sous la direction de Dupont-Sommer, A. et Philonenko, M. (1987), Écrits intertestamentaires, 1987, Paris, Gallimard Google Scholar, « Bibliothèque de la Pléiade », en particulier l'aperçu historique rédigé par A. Caquot, pp. XV-LIX.
9. Golb, N., « Les manuscrits de la mer Morte : une nouvelle approche du problème de leur origine », Annales ESC, 1985, n° 5, pp. 1133–1149 Google Scholar, et la critique de E. -M. Laperrousaz, « Note sur l'origine des manuscrits de la mer Morte », à laquelle répond Golb, N., « Réponse à la “Note” de E.-M. Laperrousaz », Annales ESC, 1987, n°6, pp. 1305–1312 Google Scholar et 1313-1320. En dernier lieu, voir Golb, N., Who Wrote the Dead Sea Scrolls ? The Search for the Secret of Qumran, New York-Londres, Scribner, 1995 Google Scholar.
10. En dernier lieu, Beall, T. S., Josephus ‘Description of the Essenes Illustrated by the DeadSea Scrolls, Cambridge, University Press, 1988 CrossRefGoogle Scholar.
11. Vermes, G., « The Essenes and History », Journal ofJewish Studies, 22.1, 1981, pp. 18–31 CrossRefGoogle Scholar
12. Sur les contradictions inhérentes à la plate-forme politique des hasmonéens, voir U. Rappaport, « The Hellenization of the Hasmoneans », dans Jewish Assimilation, Acculturation andAccommodation : Past Traditions, Current Issues and Future Prospects, M. Mor éd. (Center for the Study of Religion and Society, Creighton University), Lanham-New York-Londres, University Press of America, 1992, pp. 1-13.
13. Qimron, E. et Strugnell, J., Qumran 4. V, Miqsat Ma'ase ha-Torah, Oxford, Clarendon Press Google Scholar, « Discoveries in the Judaean Désert X », 1994. Sur la question historique, voir pp. 107- 121 : le chef politique à qui le document est destiné pourrait être Jonathan Maccabée, dans la première période de son activité publique (159-152), avant qu'il n'accède au pontificat et ne devienne pour les Qoumrâniens le « Prêtre impie ». Quant au porte-parole du groupe d'où émane ce document, certains ont proposé d'y reconnaître le Maître de justice ; cette identification demeure très conjecturale.
14. Sur la rédaction finale du Pentateuque et en particulier des textes législatifs à l'époque perse, voir Rouillard-Bonraisin, H., « Les livres bibliques d'époque perse », dans La Palestineà l'époque perse (sous la direction de E.-M. Laperrousaz et A. Lemaire), Paris, Le Cerf, 1994, pp. 178–188 Google Scholar.
15. Halakha : le lecteur trouvera ci-dessous dans le glossaire une définition de ce mot, ainsi que des autres termes techniques utilisés dans ce dossier. Pour des définitions plus approfondies, voir le Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, publié sous la direction de G. Wigoder et adapté en français par S.-A. Goldberg (avec la collaboration de V. Gillet, A. Sérandour et G. F. Veyret), Paris, Le Cerf, 1993.
16. Sur les traces d'anciennes traditions et controverses halakhiques dans la Septante, les textes apocryphes et pseudépigraphiques, voir Safrai, S., « Halakha », dans The Literature oftheSages. First Part : Oral Tora, Halakha, Mishna, Tosefta, Talmud, Externat Tractates, Safrai, S. éd., Compendia Rerum Iudaicarum ad Novum Testamentum, Section II, Assen-Maastricht, Van Gorcum ; Philadelphie, Fortress Press, 1987, pp. 133–146 Google Scholar.
17. Sur l'apport des manuscrits de Qoumrân à l'histoire de la halakha, cf. Y. Sussmann, dans E. Qimron et J. Strugnell, Qumran 4. V, Miqsat Ma'ase ha-Torah, 1994, pp. 179-184.
18. Détienne, M., Les Maîtres de vérité dans la Grèce archaïque, Paris, Maspero, 2e éd., 1973 Google Scholar. Sur l'apparition de la notion d'auteur dans le judaïsme ancien, contemporaine de cette transformation du droit juif, voir en outre Schmidt, F., « L'Écriture falsifiée. Face à l'inerrance biblique : l'apocryphe et la faute », Le Temps de la réflexion, V, 1984, pp. 147–165 Google Scholar.
19. Foucault, M., L'Ordre du discours, Paris, Gallimard, 1989, pp. 16–18 Google Scholar.
20. Si l'on me permet de transposer à une institution juive ancienne une expression grecque (en mesôi) que J.-P. Vernant a pensée en relation avec la naissance du politique dans la Cité.
21. Voir notamment Flavius Josèphe, Contre Apion 1,39-42. Sur le canon de la Bible juive à la fin du Second Temple, cf. Barthélemy, D., dans Le Canon de l'Ancien Testament. Sa formation, son histoire, Kaestli, J.-D., Wermelinger, O. éds, Genève, Labor et Fides, 1984, pp. 9–45 Google Scholar.
22. Sur le concept pharisien de « loi orale », voir S. Safrai, The Literature ofthe Sages, 1987, pp. 35-119, et plus particulièrement sur le paradoxe d'une loi orale conçue tout à la fois comme étant en cours d'élaboration et comme ayant déjà été révélée à Moïse au Sinaï au même titre que la loi écrite, voir pp. 56-60.
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