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Pratiques de naturalisation. Le cas du bassin industriel de Longwy (1946-1990)

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Sarah Vanessa Losego
Affiliation:
Universität Trier
Lutz Raphael
Affiliation:
Universität Trier

Résumé

La présente contribution analyse un échantillon de dossiers de naturalisation concernant des étrangers italiens, polonais, portugais, algériens, marocains et tunisiens, résidents de l’agglomération de Longwy entre 1946 et 1990. Il en résulte que la population déclarée française doit être envisagée comme le point de croisement entre la volonté et la représentation de l’appartenance nationale de la part des cadres politico-administratifs et un ensemble de stratégies sociales de la part des étrangers. On peut distinguer trois constellations spécifiques renvoyant aux périodes 1950-1958, 1965-1975 et 1976-1990. En même temps, l’analyse fait voir l’émergence lente d’un modèle républicain de la naturalisation qui puise ses forces dans la stabilité des procédures administratives et dans la continuité du discours sur l’intégration. En pratique, la conception selon laquelle un individu est prêt et capable de faire partie harmonieusement de la « communauté française » a changé à partir du milieu des années 1970. La naturalisation est bien davantage devenue une ressource stratégique pour les immigrés, en particulier pour les jeunes, dans le cadre de trajectoires biographiques plus complexes et souvent très précaires. Surtout à l’égard de ces derniers, l’administration française a réagi en facilitant leur inclusion dans la communauté nationale.

Abstract

Abstract

The article presents the results of a qualitatif and statistical analysis of a sample of application files for citizenship and naturalization between 1946 and 1990 in the industrial area of Longwy. These files concern immigrants from Portugal, Poland, Italy, Tunisia, Marocco, and Algeria. They give evidence to the thesis that naturalization procedures have to be regarded as the interplay of social strategies of immigrants and the policy and representation of citizenship by French politicians and administrators. With regard to this interplay, three different periods (1950-1958, 1965-1975 and 1976-1990) could be identified. But throughout the period, a Republican model of naturalization emerged based on the stability of administrative routines and the continuity of the political discourse on integration. In practical terms, the criteria for becoming a full member of the French community have changed since the 1970s. Naturalization became more and more a strategic device especially for younger immigrants in a context of more complex and more fragile biographical trajectories. Confronted with these new demands, the French administration lowered their exigencies for inclusion in the national community.

Type
Histoire politique des populations
Copyright
Copyright © Les Áditions de l’EHESS 2006

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References

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3 - Gosewinkel, Dieter, « Staatsangehörigkeit und Nationszugehörigkeit in Europa während des 19. und 20. Jahrhunderts », in Gestrich, A. et Raphael, L. (dir.), Inklusion/ Exklusion. Studien zu Fremdheit und Armut von der Antike bis zur Gegenwart, Francfort-sur-le-Main, Lang, 2004, pp. 207-229 Google Scholar.

4 - Spire, Alexis, Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 2005 Google Scholar.

5 - Ibid., p. 14; Noiriel, Gérard, La tyrannie du national. Le droit d’asile en Europe (1793-1993), Paris, Calmann-Lévy, 1991 Google Scholar.

6 - Cette recherche s’inscrit dans le projet A6 « Contrôle administratif, surveillance organisée et stratégie de (sur)vie des migrants du travail méditerranéens dans les régions industrielles d’entre Rhin et Meuse (1950-1990) » du réseau de recherche interdisciplinaire (Sonderforschungsbereich 600) « Étrangers et pauvres. Changements dans les formes d’inclusion et d’exclusion de l’Antiquité à nos jours », financé par la Deutschen Forschungsgemeinschaft. Voir Sarah Vanessa Losego, « Die französische Praxis der Einbürgerung am Beispiel der Gemeinde Longwy und des Arrondissements Briey (Dép. Meurthe-et-Moselle) zwischen 1945 und 1990 », in A. Gestrich et L. Raphael (dir.), Inklusion/Exklusion..., op. cit., pp. 187-206.

7 - Les dossiers conservés aux Archives départementales de Meurthe-et-Moselle [AD, M-et-M] sont ceux qui furent collectés au niveau préfectoral: on y trouve en règle générale un rapport détaillé des Renseignements généraux consacré à la vie profession-nelle, aux revenus, aux éventuelles condamnations, une évaluation sociale du deman-deur, le questionnaire rempli par la mairie, un rapport sur l’assimilation du candidat, également rempli par le maire et, occasionnellement, l’opinion de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales ainsi qu’un résumé et les avis des deux dernières instances impliquées, le sous-préfet et le préfet. Sur l’utilisation de ces dossiers au niveau ministériel, voir A. Spire, Étrangers à la carte..., op. cit., pp. 340-344 et 350 sqq.

8 - Dans ce cas, bien étudié, voir Ibid., pp. 53-81 et 241-296.

9 - Ces chiffres sont extraits d’Alexis, Spire et Thave, Suzanne, « Les acquisitions de nationalité française depuis 1945 », in Regards sur l’immigration depuis 1945, Paris, Publications de l’INSEE, « Synthèse-30 », 1999, pp. 3-64, ici p. 51 Google Scholar.

10 - G. Noiriel, Longwy..., op. cit., p. 344, n. 28.

11 - Voir le tableau en annexe.

12 - Cosnes-et-Romain, Lexy, Rehon, Haucourt-Moulaine, Saulnes, Herserange, Longlaville, Mont-Saint-Martin et Longwy.

13 - Il s’agit d’une partie déjà traitée de la base de données Clio (Kleio-Datenbank) sur la population étrangère et naturalisée du bassin de Longwy provenant d’Italie, du Portugal ou des États d’Afrique du Nord et ayant immigré entre 1946 et 1990. Cette collecte d’informations a pour but de permettre aussi bien des études quantitatives que qualitatives sur la naturalisation sur une longue durée et, surtout, de faciliter la mise en œuvre d’une comparaison diachronique entre les populations immigrées dans cette région industrielle de l’Est de la France.

14 - Auxquels il faut ajouter cinq cas pour lesquels nous ne disposons pas de dossiers mais qui nous sont connus par la correspondance préfectorale.

15 - P. Weil, Qu’est-ce qu’un Français?..., op. cit., pp. 165-181.

16 - Rosental, Paul-André, L’intelligence démographique. Sciences et politiques des populations en France, 1930-1960, Paris, Odile Jacob, 2003, pp. 102-117 Google Scholar; Viet, Vincent, La France immigrée. Construction d’une politique, 1914-1997, Paris, Fayard, 1998, pp. 110-123 Google Scholar.

17 - Ministère de la Santé publique et de la population, direction générale de la population, direction du peuplement et des naturalisations, circulaire n° 112 du 23 avril 1947, « Instruction des demandes de naturalisation », p. 1.

18 - « La première condition qui s’impose à un candidat à la naturalisation, quels que soient ses titres, est son assimilation à nos mœurs; c’est à peine si un léger accent pourra être toléré » (ministère de la Justice, circulaire du 5 février 1945, « Transmission à la chancellerie de tous les dossiers de naturalisation et de réintégration dans la nationalité française », p. 4).

19 - Ministère de la Santé publique et de la population, secrétariat général du peuplement et de la famille, direction du peuplement, sous-direction des naturalisations, circulaire n° 18 du février 1946.

20 - Sur l’accord franco-polonais de rapatriement du 20 février 1946, voir Ponty, Janine, L’immigration dans les textes. France, 1789-2002, Paris, Belin, 2003, p. 294 Google Scholar sqq.

21 - Chiffres extraits de A. Spire et S. Thave, « Les acquisitions de nationalité française... », art. cit., p. 52.

22 - Blanc-ChaléArd, Marie-Claude, Les Italiens dans l’Est parisien. Une histoire d’intégration (1880-1960), Rome, École française de Rome, 2000, pp. 492-546 Google Scholar.

23 - Dix-sept des vingt-cinq professions mentionnées dans les dossiers de naturalisation de Longwy en 1954 se rattachent à la branche de l’acier. Six demandeurs travaillaient dans le bâtiment, un était cordonnier.

24 - Incluant la commune minière de Piennes, au sud de Longwy, ainsi que les communes de Villerupt, Thil, Hussigny-Godbrange, Homécourt et Jœuf, où se trouvent les aciéries.

25 - En 1954, il y avait officiellement 18 667 Italiens sur 30 363 étrangers dans l’arrondissement de Briey (AD, M-et-M, W 849 55, Statistiques annuelles 1948-1959).

26 - Voir le tableau en annexe.

27 - Ce profil souhaité réapparaît régulièrement dans les prises de position des autorités locales. Il était lié à un regard condescendant à l’égard des habitudes et comportements sociaux des requérants. A propos d’un ouvrier portugais de l’acier, on peut lire ce jugement: « bon ouvrier »; et, sur sa famille: « passable, pas complètement assimilée »; en résumé: « Ils parlent et comprennent couramment le français. Il n’apparaît pas néanmoins que la naturalisation de ces étrangers soit susceptible d’être de quelque utilité sociale ou économique pour notre pays en raison de l’âge et du manque d’assimilation des postulants qui ne font rien pour s’élever au niveau des familles françaises » (AD, M-et-M, W 199).

28 - L’état d’avancement des recherches ne nous permet pas encore de suivre les réseaux locaux jusqu’au niveau des rues et des quartiers.

29 - Huit cas sur trente-huit furent ajournés (AD, M-et-M, W 720, art. 7).

30 - Ceci conduisit, dans douze cas, dont dix italiens, sur trente-huit, à des ajournements (Ibid.).

31 - Ajournements dans Ibid.

32 - Toute déviation par rapport à cette norme bureaucratique mettait en danger la demande, comme le montre bien le refus signifié à un requérant portugais âgé de quarante-six ans lors de sa première demande, ouvrier charpentier de son état, à qui sa franchise fut néfaste. Depuis 1929 en France, ayant travaillé dans différents domaines d’activité: grands chantiers, bâtiment, agriculture, il exprima ouvertement l’espoir de profiter d’une meilleure retraite offerte par son pays d’adoption où il possédait une maison et vivait avec femme et enfants: il généra ainsi une réaction négative de la part de l’administration (dossier AD, M-et-M, VC 661).

33 - Les noms ne sont pas mentionnés pour des raisons de déontologie.

34 - AD, M-et-M, W 199, art. 12.

35 - Il faut souligner une particularité des sources utilisées: les dossiers de naturalisation, si riches sur bien des aspects, ne font jamais mention de la religion, ni dans le cas des Italiens ou des Polonais catholiques ni dans celui des Nord-Africains musulmans. Ainsi la dimension religieuse de la catégorie « immigrés » et la sociabilité religieuse des étrangers restent hors d’atteinte de l’enquête.

36 - Voir, entre autres, A. Spire, Étrangers à la carte..., op. cit., pp. 328-332 et 344-349.

37 - Ministère des Affaires sociales, direction de la population et des migrations, sous-direction des naturalisations, circulaire n° 439 du 23 novembre 1967 relative à l’instruction des demandes de naturalisation et de réintégration.

38 - Ibid., p. 3.

39 - Ministère du Travail, de l’emploi et de la population, direction de la population et des migrations, sous-direction des naturalisations, circulaire n° 4/74 du 12 février 1974, « Constitution et instruction des dossiers de naturalisation, de réintégration dans la nationalité française et d’autorisation de perdre la nationalité française », p. 6.

40 - Exprimé de manière négative, il s’agissait d’éviter la formation d’une minorité ethnique sur le territoire national.

41 - Ministère des Affaires sociales, circulaire n° 439, citée supra.

42 - Ministère du Travail, de l’emploi et de la population, direction de la population et des migrations, sous-direction des naturalisations, circulaire n° 4/74 du 12 février 1974, citée supra, pp. 7-8.

43 - AD, M-et-M, W 1576 122.

44 - AD, M-et-M, W 1576 118.

45 - V. Viet, La France immigrée..., op. cit., pp. 299-356.

46 - G. Noiriel, Longwy..., op. cit., p. 359.

47 - Ibid.

48 - Ibid.

49 - Donati, Marcel, Cœur d’acier. Souvenirs d’un sidérurgiste de Lorraine, Paris, Payot, 1994 Google Scholar.

50 - Font exception les Algériens; ils firent confirmer par déclaration leur nationalité française entre 1962 et 1967. Dans notre échantillon se trouvent quatre-vingt-neuf cas correspondant à cette catégorie de naturalisation (AD, M-et-M, W 966 123-126).

51 - Dans le département de Meurthe-et-Moselle, les Algériens, lors du recensement de 1975, représentaient, avec 12 780 individus, le deuxième groupe d’étrangers derrière les Italiens (16 240 personnes). INSEE, Recensement général de la population française, 1975: Collection INSEE, Série, D, n° 83, septembre 1981, p. 119 Google Scholar.

52 - Un candidat déposa quatre demandes consécutives, d’où ce total de neuf.

53 - Nous avons connaissance, en tout, de onze demandes déposées par ce groupe de candidats. Six concernaient l’arrondissement de Briey entre 1968 et 1981. Les cinq cas restants, tous des années 1969 et 1970 et concernant des personnes ayant vécu et/ou travaillé dans l’arrondissement de Briey, nous sont connus grâce à la correspondance du préfet de Meurthe-et-Moselle (AD, M-et-M, W 1576 115, Naturalisation, Correspondances diverses, 1969-1971). Notre propos s’appuie sur les six demandes des années 1968 et 1981.

54 - Dans cinq des six cas, la durée du séjour était comprise entre dix-neuf et trente et un ans. Dans le cas d’un requérant, elle était de neuf années, mais, avant de s’installer en France, celui-ci avait servi quinze ans dans l’armée française.

55 - Deux demandeurs étaient mariés, un était séparé et le quatrième divorcé.

56 - AD, M-et-M, 1639 W 28.

57 - Le dossier provient de l’arrondissement de Briey, mais non de Longwy ou des communes environnantes (Ibid.).

58 - Ou bien 1961, car le dossier contient des indications contradictoires.

59 - La prise de position du préfet contre la naturalisation de ce demandeur contient d’autres éléments de critique: une situation de vie instable, un degré d’assimilation médiocre, des relations sociales exclusivement avec des compatriotes et un « mauvais caractère ».

60 - AD, M-et-M, 1639 W 28, lettre du 5 juin 1971.

61 - Ministère des Affaires sociales, direction de la population et des migrations, sous-direction des naturalisations, circulaire n° 439 du 23 novembre 1967, relative à l’« Instruction des demandes de naturalisations et de réintégration », pp. 1-2.

62 - Ibid., p. 2.

63 - Ministère du Travail, circulaire n° 1/76 du 16 février 1976, relative à l’« Instruction des dossiers de naturalisation et de réintégration dans la nationalité française », p. 6.

64 - Ibid.

65 - De nouveaux immigrants continuèrent d’arriver malgré tout après cette date, seuls ou avec leur famille, à Longwy ou dans les environs. Les données personnelles contenues dans les dossiers le montrent bien, par exemple dans le cas de F., né en 1966 à Alger et arrivé avec sa famille en France en 1977 (AD, M-et-M, 1639 W 17). Ces cas restent toutefois rares.

66 - En 1978, un plan de restructuration négocié entre le gouvernement français, les syndicats et la CECA (le plan « Davignon ») est rendu public; il prévoyait la fermeture d’une grande partie des usines sidérurgiques du bassin de Longwy.

67 - Voir le projet Stoléru de 1977, qui prévoyait le versement d’une « aide au retour » de 10 000 F pour les étrangers qui escomptaient rentrer au pays et renonçaient volontairement et de manière définitive à retourner en France (J. PONTY, L’immigration..., op. cit., p. 348 sqq.). Voir aussi la loi Bonnet du 10 janvier 1980 qui durcit les conditions d’entrée pour les non-ressortissants de la Communauté européenne et « criminalisa » le séjour irrégulier des étrangers en France (A. SPIRE, Étrangers à la carte..., op. cit., p. 360 sqq.).

68 - Voir AD, M-et-M, 1196 W 114.

69 - Ce chiffre correspond à l’année de la décision ministérielle et non à la date du dépôt du dossier.

70 - Ce fait est confirmé par les lieux de naissance différents des enfants. Les plus âgés ont vu le jour dans le pays d’origine, les plus jeunes en France.

71 - Voir le tableau en annexe.

72 - De quarante et un ans en 1970 à trente-deux ans en 1989. Lors de la même période, on peut également observer une chute de la durée moyenne du séjour des candidat(e)s. En 1970, elle est de vingt-quatre ans et, en 1989, elle est tombée à vingt et un ans.

73 - De 13,7% en 1970, la proportion de célibataires passe en 1989 à 34,7%.

74 - Cette catégorie s’est trouvée projetée, au plus tard au début des années 1980, au centre de l’espace public et des débats politiques. Nous incluons dans le terme « seconde génération » soit les jeunes étrangers nés hors de France mais qui y sont arrivés en bas âge et ont donc grandi en France, soit les enfants nés en France de parents étrangers. Des candidats de ces deux groupes se trouvent dans notre échantillon, puisque, selon l’article 45 du Code de la nationalité française, dans les six mois précédant sa majorité, le mineur né en France – et donc de nationalité française – a la faculté de déclarer qu’il décline la qualité de Français. Plusieurs des jeunes candidats à la naturalisation dans l’arrondissement de Briey avaient fait usage de cette faculté, mais ont demandé plus tard la « réintégration » dans la nationalité française.

75 - AD, M-et-M, 1699 W 16 (le demandeur fut naturalisé en 1989).

76 - AD, M-et-M, 1639 W 21 (la demanderesse fut naturalisée en 1990).

77 - En témoigne cet extrait du dossier d’une jeune Marocaine: « Son installation en France paraît-elle définitive? Oui, elle n’a pas répudié la nationalité française de son propre chef, elle veut donc décider de sa propre nationalité, elle veut s’affirmer, elle dit être Française avant tout » (AD, M-et-M, 1699 W 16; la jeune femme fut naturalisée en 1990).

78 - Extrait du dossier d’une jeune Marocaine: « Si, au moment de sa majorité la requérante avait répudié notre nationalité, c’est qu’elle pensait retourner au Maroc pour y travailler. Maintenant, pour des questions pratiques et administratives, elle souhaite obtenir la nationalité française » (AD, M-et-M, 1639 W 17); la jeune femme fut aussi naturalisée en 1990.

79 - En 1970, le pourcentage de femmes parmi les demandeurs se montait à 38,3%; en 1989, il était de 52,6%.

80 - En 1970, 35,9% des personnes qui avaient déposé un dossier de naturalisation par décret étaient de sexe féminin; en 1989, la part des femmes atteignait 51,1%, d’après nos propres calculs, élaborés à partir de chiffres extraits de GISTI, Le guide de la nationalité française, Paris, La Découverte, 1992, p. 118. Il manque les chiffres de l’année 1954.

81 - En 1954, 1,8% des candidates étaient veuves ou divorcées. En 1970, elles étaient 3,8% à l’être et 12% en 1989.

82 - Pour un nombre global d’enfants inférieur en 1989: 71 pour 77 adultes. En 1970, il y avait 295 enfants pour 183 adultes.

83 - Dans ce groupe, quatre demandes sur vingt ont été déposées par des hommes. Cinq des seize demandes déposées par des femmes l’ont été avant 1976, la plus précoce datant de 1964.

84 - Parmi les seize candidatures, treize émanaient de femmes algériennes ou marocaines. Les autres avaient été déposées par une Belge, une Italienne et une Portugaise.

85 - En 1970, le délai moyen d’examen du dossier était de treize mois et, en 1989, de dix-huit mois et demi. Il faut tenir compte du fait que, en 1989, le nombre de décisions au niveau national a sensiblement augmenté par rapport à 1970, passant de 21 688 à 28 736 dossiers, les décisions négatives passant de 13,4 à 20,4% (A. Spire et A. Thave, « Acquisitions... », art. cit., p. 51).

86 - En tout, il y eut sept réponses négatives dont deux rejets et cinq ajournements.

87 - Les dossiers rejetés et ajournés émanaient tous d’étrangers qui avaient vécu plus de onze ans en France et qui, à une exception près, étaient âgés de plus de 30 ans.

88 - Une condition de recevabilité, rattachée au critère de la « moralité », spécifiait que le candidat à la naturalisation ne devait pas avoir de casier judiciaire ni avoir été condamné par un tribunal. Les délits prescrits ou des condamnations levées étaient traités au cas par cas, en l’absence de clarté des directives applicables: « Il convient [...] de ne tenir compte que des faits présentant un caractère de gravité et suffisamment récents » (Circulaire n° 1/76 du 16 février 1976, citée supra, p. 6).

89 - Ibid.

90 - Un exemple intéressant se trouve sous la cote AD, M-et-M, 1016 W 326. Il s’agit du dossier de naturalisation d’une femme née en Algérie française en 1931, veuve de nationalité algérienne et mère de huit enfants, qui ne fut pas naturalisée en 1972, entre autres au motif qu’« elle n’entretient [...] pas de bonnes relations avec son voisinage et n’est pas assimilée à la communauté française ». Trois années plus tard, ayant à nouveau mis au monde un enfant, cette femme renouvela sa demande, qui reçut en 1977 une réponse positive de la part du ministère et ce, malgré la position prise par le préfet: « Depuis, sur le plan de l’assimilation, la postulante n’a fait aucun progrès, elle s’exprime difficilement dans notre langue qu’elle ne sait ni lire ni écrire. Elle n’entretient pas de relations suivies avec son voisinage de nationalité française pour une meilleure assimilation aux mœurs notamment. »

91 - Stora, Benjamin, La gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte & Syros, 1998 Google Scholar.

92 - La difficulté pour les immigrés nord-africains nés en France, ou venus en France enfants et naturalisés Français, de trouver des catégories adéquates pour s’autodésigner éclaire les difficultés croissantes qu’il y avait à amalgamer des attributs et pratiques politiques, religieux, culturels et sociaux différents dans une identité « nette » et sans contradiction: voir Guénif Souilamas, Nacira, Des « beurettes » aux descendantes d’immigrants nord-africains, Paris, Grasset, 2000 Google Scholar.