Article contents
Porteurs, mendiants, gentilshommes
La construction sociale du pouvoir politique (Rome, XVIe-XVIIe siècle)
Published online by Cambridge University Press: 20 January 2017
Résumé
À travers l’utilisation de la notion de configuration de Norbert Elias et de modèles fondés sur la nature relationnelle du pouvoir (la relation patron-client, l’entrepreneur et le bigman), l’article a pour but de porter l’attention sur le rôle clé joué par les liens entre les élites et les couches populaires dans le processus de construction du pouvoir local. La forte mobilité sociale des élites romaines fait du quartier un espace politiquement ouvert: aucune liste officielle des membres de l’aristocratie n’existe avant le XVIIIe siècle, et le Statut de Rome (1580) se contente de définir le candidat aux charges municipales comme « un homme illustre du quartier ». Dans ce contexte, l’ancrage territorial est un élément essentiel dans la conquête du pouvoir local. Des chaînes d’interrelations unissent verticalement les couches les plus basses de la population aux familles de la noblesse. Grâce à des sources judiciaires, aux actes notariés et aux livres de comptes, l’article s’attache à montrer la forte personnalisation des échanges entre élites et couches populaires et l’enchevêtrement entre transactions économiques et relations sociales, ce qui est à la base de la formation de réseaux de clientèle locaux.
Abstract
Employing Norbert Elias's notion of configuration and referring to models based on the relational nature of power (patron-client relationship, entrepreneur and big man), this article highlights how the relationship between the elite and the lower classes played a crucial role in the establishment of local power. The high degree of social mobility amongst the Roman elite made the neighborhood a politically open space: an official list of the aristocracy's members was not available until the eighteenth century, and the Statute of Rome (1580) simply defined an eligible candidate for local offices as “a notable man from the neighborhood.” In this context, strong territorial connections were key when it came to gaining local power. An interconnected network of relationships linked the lower classes and noble families vertically. Through judicial sources, notarial records, and account books, this article presents the highly personalized nature of exchanges between the elite and the lower classes in addition to the complex web of economic transactions and social relations, which was essential to the creation of a local network of clients.
- Type
- Cultures politiques en Italie (XVIe-XIXe siècle)
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2013
References
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6 - M. D. Sahlins, « Poor Man, Rich Man… », art. cit.
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8 - ASR, Tribunale criminale del Governatore, Processi, vol. 46, 1605.
9 - Ibid.
10 - Il en résulte une forte mobilité de la population de Rome qui est pour une large part composée d’étrangers. Les vagues migratoires sont tellement importantes qu’elles influencent le sex ratio de la ville. En effet, à partir de la fin du XVIe siècle et jusqu’à la fin du XIXe siècle, la structure démographique de Rome se caractérise par un « surplus » d’hommes par rapport aux femmes, Sonnino, Eugenio, « L’età moderna (secoli XVIXVIII) », in Panta, L. Del, Bacci, M. Livi et Pinto, G. (dir.), La popolazione italiana dal Medioevo a oggi, Rome, Laterza, 1996, p. 73–130 Google Scholar; Sonnino, Eugenio (dir.), Popolazione e società a Roma dal medioevo all’età contemporanea, Rome, Il Calamo, 1998 Google Scholar. La Descriptio Urbis (1527), qui dénombre les lieux d’origine de 3 495 habitants de la ville, a donné lieu à des interprétations divergentes. Lee, Selon Egmont, les Romains représentaient 68%de la population totale, Descriptio Urbis: The Roman Census of 1527, Rome, Bulzoni, 1985, p. 289 Google Scholar. En revanche Delumeau, Jean, plus plausiblement, identifie un pourcentage beaucoup moins important de Romains, s’élevant à 16,4% du total, tandis que les immigrés seraient 83,6 %, Vie économique et sociale de Rome dans la seconde moitié du XVIe siècle, Paris, De Boccard, 1957, vol. 1, p. 338.Google Scholar
11 - Giovanni Francesco Commendone, Discorso sopra la corte di Roma, 1554, cité par Visceglia, Maria Antonietta, « Figure e luoghi della corte romana », in Ciucci, G. (éd.), Storia di Roma dall’antichità ad oggi. Roma moderna, Rome, Laterza, 2002, p. 39–78, citation p. 40.Google Scholar
12 - La liste nominative, qui dénombre 19 609 officiers, a été établie à partir des volumes d’actes des conseils municipaux, Archivio Storico Capitolino (ci-après ASC), Camera capitolina. Les officiers élus au cours de la période 1550–1650 sont enregistrés dans les volumes suivants: credenzone (ci-après cred.) I, vol. 4, 5, 18 et 20–34; cred. IV, vol. 33, 104, 116, 117, 120, 121 et 123; cred. VI, vol. 25–30, 33 et 36. Le degré d’ouverture des quartiers est variable. La comparaison entre trois quartiers – Borgo, Trastevere et Sant’Angelo – montre que, pour chaque période de dix ans, le premier a été gouverné par les membres de 40 familles en moyenne; cette valeur baisse, dans le cas du deuxième à 33,2 et plus encore pour le troisième, où la valeur moyenne descend à 27,4.
13 - Statuta almae Urbis Romae auctoritate S. D. N. Gregohi Papae XIII, a senatu, populoq. rom. reformata et edita. Romae in aedibus populi romani, 1580, livre III, chap. XXVII et XXVIII.
14 - Nussdorfer, Laurie, « City Politics in Baroque Rome, 1623–1644 », thèse, univer-sité de Princeton, 1985, p. 146.Google Scholar
15 - Les principaux revenus ordinaires de cet office sont constitués des amendes pour infraction en matière de propreté de la ville. Les permis de construire, qui concernent surtout les travaux nécessaires pour la fermeture des portiques, constituent une autre source de revenus. De même, les maîtres de rues tirent des bénéfices financiers du permis de creuser le sol et de spolier les anciens monuments, en s’appropriant un tiers des marbres et travertins trouvés. Enfin, une autre occasion de gain ordinaire réside dans la vente de parties du domaine public. À tout cela il faut ajouter les revenus extraordinaires, notamment la taxe pour la démolition (tassa per la ruina) qui est payée par les intéressés lorsqu’un travail public améliore leur bien immeuble.
16 - Waddy, Patricia, « Giacinto Del Bufalo, ‘Maestro delle Strade’ and Homeowner », in Striker, C. L. (éd.), Architectural Studies in Memory of Richard Krautheimer, Mayence, Philipp von Zabern, 1996, p. 175–179.Google Scholar
17 - Le tribunal des conservateurs exerce sa juridiction sur les corporations et a le dernier mot sur les décisions prises par les officiers des corps de métier. Ce tribunal n’est toutefois pas seulement un moyen de contrôle du Capitole sur les corporations: en effet, ellesmêmes se tournent vers lui en cas de problème, par exemple avec l’un de leurs membres.
18 - La familia est composée d’officiers tels que le chapelain, l’archiviste, les secrétaires et les scribes, ainsi que de serviteurs, à savoir le majordome du palais, le cuisinier et douze « fidèles », autrement dit des serviteurs personnels.
19 - En outre, il ne faut pas oublier que les offices capitolins offrent des occasions de percevoir des revenus. Tout d’abord, bien que relativement peu élevés, des salaires: le maître de rues est payé quarante-sept écus par an, le caporione quatorze écus par trimestre, le maréchal onze écus par trimestre. D’autres revenus viennent des droits que les officiers encaissent à titre personnel. Par exemple, en 1574–1575, Prospero Boccapaduli, en tant que maître de rues, gagne 366 écus de droits qui lui reviennent entièrement. Bien que l’intérêt d’être élu au Capitole réside ailleurs, lorsqu’on considère les cas de mauvaise conduite, on s’aperçoit que les occasions de profiter de sa charge et d’encaisser de l’argent indûment peuvent être nombreuses. Par exemple, le conseil secret du 8 octobre 1587 dénonce l’écrivain des conservateurs Pietro Paolo Muziano, en charge depuis trente ans, qui avait l’habitude d’encaisser 0,5% des sommes qu’il gérait, Pecchiai, Pio, Il Campidoglio nel Cinquecento, Rome, N. Ruffolo, 1950, p. 124.Google Scholar
20 - On utilise ici ce mot en sachant toutefois que, pour « mesurer » l’oligarchie, une analyse basée sur les noms n’est pas suffisante puisque, entre autres, elle ne permet pas seule de saisir les alliances et les parentés.
21 - Archivio storico del vicariato di Roma (ci-après ASVR), Parrocchia di San Bartolomeo, Stati d’anime, 1596–1628; Archivio di Santa Maria dell’Orto (ci-après ASMO), vol. 682, Mercanti e sensali di Ripa, et vol. 54, Catalogo dei fratelli, 1540–1575.
22 - On fait référence à l’ouvrage bien connu de Giovanni, Levi, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du XVIIe siècle, trad. par Aymard, M., Paris, Gallimard, [1985] 1989.Google Scholar
23 - ASMO, vol. 128, Eredità Tesauro, 1624–1633.
24 - ASR, Ospizio apostolico di San Michele, part. II, vol. 652, Libro delle persone che danno sicurtà, 1588–1590.
25 - Molho, Antony, « Patronage and the State in Early Modern Italy », in Mączak, A. (dir.), Klientelsysteme im Europa der Frühen Neuzeit, Munich, R. Oldenbourg, 1988, p. 233–242 Google Scholar; L. Nussdorfer, « Il ‘popolo romano’ e i papi… », art. cit.
26 - ASR, Ospizio apostolico di San Michele, part. II, vol. 652, 18 févr. 1588.
27 - Ibid., 24 janv. 1589.
28 - Ibid., 8 mars 1589. La référence à l’élection de Pompeo Ruggeri est dans ASC, Camera capitolina, cred. I, vol. 29.
29 - ASR, Ospizio apostolico di San Michele, part. II, vol. 652, 10 déc. 1589.
30 - Ibid., 6 janv. 1590. La référence à l’élection de Francesco Calvo est dans ASC, Camera capitolina, cred. I, vol. 29.
31 - Ibid., 4 avril 1589. Sur les musiciens du Capitole, voir Cametti, Alberto, « I musici di Campidoglio ossia ‘Il concerto di tromboni e cornetti del senato e inclito popolo romano’ », Archivio della società romana di storia patria, 48, 1925, p. 95–135.Google Scholar
32 - ASR, Ospizio apostolico di San Michele, part. II, vol. 652, 18 mars 1589.
33 - Ibid., 7 avril 1589. Sur les maîtres de rues, voir RE, Emilio, « Maestri di strada », Archivio della società romana di storia patria, 43, 1920, p. 6–102, et P. Waddy, « Giacinto Del Bufalo… », art. cit.Google Scholar
34 - ASR, Ospizio apostolico di San Michele, part. II, vol. 652, 28 déc. 1589.
35 - Sur les usages liés au pardon, voir Niccoli, Ottavia, Perdonare. Idee, pratiche, rituali in Italia tra Cinque e Seicento, Rome, Laterza, 2007.Google Scholar
36 - ASR, Miscellanea famiglie, vol. 78, Velli, 21 juin 1599.
37 - ASR, Miscellanea famiglie, vol. 107, Massimi, 23 janv. 1597.
38 - Ibid., 15 mai 1599. 7 4 2
39 - Ibid., 25 mai 1605.
40 - Ibid., 23 oct. 1598.
41 - ASR, Miscellanea famiglie, vol. 43, Cenci, 24 mars 1598.
42 - Ibid., vol. 66, Del Bufalo, 12 nov. 1581.
43 - ASR, Tribunale criminale del Governatore, Atti vari di cancelleria, vol. 96, 1618.
44 - Garzoni, Tomaso, La piazza universale di tutte e professioni del mondo, éd. par Cherchi, P. et Collina, B., Turin, G. Einaudi, [1585] 1996, p. 44.Google Scholar
45 - Dans la plupart des cas, les patrimoines fonciers des familles nobles comprennent des vignes, situées extra portam ou intra moenia. Depuis le Moyen Âge, les vignes sont un type de culture très répandu à Rome en raison de la forte demande en vin dans le marché de la ville, Cortonesi, Alfio, Terre e signori nel Lazio medioevale. Un’economia rurale nei secoli XIII-XIV, Naples, Liguori ed., 1988.Google Scholar
46 - ASVR, Parrocchia di San Lorenzo in Damaso, Baptêmes, 26 juin 1607.
47 - Ibid., 4 févr. 1691.
48 - Ibid., 21 juin 1692.
49 - ASVR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 139, Spese diverse Velli, 1611–1613; vol. 163, Libro mastro Velli, 1605–1609; vol. 178, Eredità Velli, 1573–1574; vol. 193, Libro mastro Velli, 1607–1614.
50 - Pour un total de quatre-vingt-quatorze ventes, effectuées entre 1564 et 1640, ASVR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 163, Libro mastro Velli, 1605–1609; vol. 164, Libro mastro Velli, 1625–1641; vol. 166, Ricevute di diversi artisti e creditori, 1544–1618; vol. 178, Eredità Velli, 1573–1574; vol. 179, Entrata e uscita Velli, 1625–1640; vol. 193, Libro mastro Velli, 1607–1614.
51 - « Strictly, clientization applies to the tendency, very marked in the suq, for repetitive purchasers of certains goods and services – wheter consumption ones like vegetables or barbering, or intracommercial ones like bulk weaving or porterage – to establish continuing relationships with certain purveyors, occasionally one, much more often a half dozen or so, instead of searching widely through the market at each occasion of need. More broadly it applies to the establishment of relatively enduring exchange relations of any sort, for in essence the phenomenon is the same, whether the client is a household head buying his morning pièce of lamb, a cloth seller laying in his weekly stock of jellaba materials, an adolescent apprenticing himself to a carpenter, or an arbitrager consigning his gathered-up goods to a carter or truck driver to be taken off to another market », Geertz, Clifford, « Suq: The Bazaar Economy in Sefrou », in Geertz, C., Geertz, H. et Rosen, L., Meaning and Order in Moroccan Society: Three Essays in Cultural Analysis, Londres, Cambridge University Press, 1979, p. 123–313, citation p. 217–218.Google Scholar
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53 - Cette forme de paiement échelonné est dite a buon conto – ou en latin ad bonum compotum –, une expression qui indique que la somme versée n’est qu’un acompte. Ainsi, les seize paiements que les Santacroce effectuent en faveur de Bernardino, forgeron de carrosses, s’étalent sur trois ans, de 1603 à 1606, ASR, Archivio Santacroce, vol. 515, Conti di casa Santacroce.
54 - En janvier 1605, Muzio Mattei vend à Giovanni Battista Sacchetti, illustrissimo, les herbes d’un terrain situé dans le domaine de Casetta: les accords prévoient que le prix sera versé en deux règlements, l’un à Pâques et l’autre en mai, pour la fête de la Sant’Angelo. Quelques jours plus tard, un berger de Bologne, Ligorio, acquiert de Muzio les herbes d’un autre terrain du domaine de Casetta et s’engage à payer selon les mêmes accords et aux mêmes termes, ASR, Trenta notai capitolini, ufficio (ci-après uff.) 2, vol. 54, 4 et 21 janv. 1605.
55 - Par exemple, les banquiers Ferrante et Filippo louent une boutique et une maison à San Simeone, propriétés du gentilhomme Antonio Formicini, du rione Sant’Angelo, et Ludovico Barbieri, Alessandro Capocefalo et Quintiliano – locataires de Formicini –, apothicaire, louent tous les trois deux boutiques en même temps. Cela laisse penser qu’ils entretiennent avec Formicini une relation qui va bien au-delà du contrat de location. En effet, Barbieri est l’un des locataires qui reste le plus longtemps chez Antonio, et Capocefalo habite dans un immeuble près de la maison Formicini: il est donc un voisin de la famille. Fils de l’eximius artium et medicine doctor dominus Ioannes Battista, Formicini dispose d’un patrimoine dont les immeubles locatifs représentent une part importante. Grâce à son livre de comptes, on peut reconstituer les étapes de la formation de son parc immobilier, dont les débuts remontent à la fin du XVe siècle (1494), lorsque l’un de ses ancêtres, Antonio, obtint en emphytéose du Collegio Capranica plusieurs maisons dans le rione Ponte, ASR, Arciconfraternita della Santissima Annunziata, vol. 211.
56 - Dans les livres de comptes des Santacroce, on en trouve d’autres exemples. En 1613, Domenico Marchesi, tailleur de pierre, loua trois immeubles différents: un « dépôt, ou chambre où il travaille comme tailleur de pierre », une maison où il habitait et deux autres chambres dans le même bâtiment, ASR, Archivio Santacroce, vol. 696, Libri antichi di entrata ed uscita in tempo del Signor Onofrio Santacroce dell’anno 1539 e seguenti. Un autre exemple vient du patrimoine immobilier de Francesco Cenci: Alessandro Olgiato, marchand de Côme, habite dans une des maisons du Monte dei Cenci (ASR, Trenta notai capitolini, uff. 7, vol. 23) et il est aussi locataire, depuis 1572, du jardin que Francesco possède à Santa Sabina (ASR, Collegio dei notai capitolini, vol. 422).
57 - ASR, Trenta notai capitolini, uff. 2, vol. 58, 26 mars 1607.
58 - Dans un autre cas, un boulanger est encore une fois impliqué. Fiore, de L’Aquila, donne en juin 1607 quittance à Ciriaco Mattei de la somme reçue – 285 écus – pour les travaux qu’il a effectué dans la Villa Maccarese; le paiement consiste en 166 écus au comptant et 199 sous forme de pain, que Fiore a reçu des fours d’Astolfo à Piazza Branca et de Giovanni à Macel de’ Corvi. Durant la période entre l’exécution des travaux et le solde du compte, Fiore a obtenu du pain chez ces deux boulangers en leur montrant, à chaque fois, des billets (bollettini), notes écrites par Ciriaco Mattei, où le noble demande aux deux artisans de livrer à Fiore du pain sur son compte, ASR, Trenta notai capitolini, uff. 2, vol. 58, 19 juin 1607.
59 - En ce qui concerne le crédit, R. Ago met en évidence le même phénomène d’extension du réseau personnel: « En général, le fait d’acheter tout à crédit, et donc la nécessité d’avoir recours constamment à un garant externe à la transaction, met souvent en contact des individus qui, autrement, n’auraient pas eu de relations directes entre eux », R. AGO, Economia barocca…, op. cit., p. 23 (trad. par l’auteur).
60 - ASR, Arciconfraternita della Santissima Annunziata, vol. 71, Giornale di entrata et uscita della vigna fuori di Porta San Pancrazio di Orazio Manili dal 1597 al 1633.
61 - Ibid.
62 - Wolf, Eric R., Peasants, Englewood Cliffs, Prentice-Hall, 1966.Google Scholar
63 - Hannerz, Ulf, Explorer la ville. Éléments d’anthropologie urbaine, trad. par Joseph, I., Paris, Éd. de Minuit, [1980] 1983.Google Scholar
64 - Le fait que le gentilhomme représente un centre de distribution des ressources est évident dans le cas du maçon Giovanni Angelo et de sa relation avec les Santacroce. Il effectue plusieurs travaux pour ces derniers – probablement avec son fils qui reçoit souvent les paiements destinés à son père – au point que le noble protège un membre de sa famille lorsqu’il se trouve confronté à la justice. En mai 1604, son frère, Francesco, se retrouve en prison et Tarquinio donne au maçon la somme nécessaire pour le faire sortir (7,80 écus). La relation entre le noble et Angelo va au-delà de la relation de travail et de la simple « fidélité » entre un artisan et ses clients de boutique. D’ailleurs, la fidélité entre artisan et client peut aussi survivre à un changement de métier: Alessandro Todeschini, un des forgerons de carrosses des Santacroce, devient, à partir de la fin de 1606, marchand de bois; mais Tarquinio continue d’être son client, en effectuant des achats de bois chez lui, ASR, Archivio Santacroce, vol. 696.
65 - Les archives de la famille Velli se composent d’environ trente volumes, recueillis dans le fonds du chapitre de Santa Maria in Trastevere, à l’ASVR. Cette localisation s’explique par le fait qu’Adriano, le dernier des Velli du Trastevere, mort sans descendants, fait un legs à l’église de Santa Maria in Trastevere qui hérite ainsi, en 1667, de tous les biens de la famille.
66 - En 1527, la Descriptio Urbis témoigne de l’importance des Velli dans le quartier: Felice (branche de Stefano) y figure comme le chef d’une maisonnée de cent personnes, tandis qu’Antonio et ses frères, descendants d’Onofrio, hébergent quatre-vingt-huit personnes, membres de la famille et domestiques.
67 - La zone « dei Velli » est déjà représentée dans les plans de Rome en 1551 quand Leonardo Bufalini identifie une partie du Trastevere par le nom « Velius », Leonardo Bufalini, Roma, gravure sur bois, Londres, British Library, Map Library, MapRoom S_I_R_1, 1551.
68 - De même, l’aubergiste Antonio Arrigoni paie, en avril 1636, le loyer d’un tinello de la famille et, en même temps, achète neuf barils de vin romanesco et Vincenzo Barone, locataire de longue durée, effectue des achats de romanesco – seize barils au total – en 1635–1636, ASR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 179.
69 - D’autres biens, liés à la campagne et à l’agriculture, font aussi l’objet de ces transactions superposées. En 1613, Giovanni Bagnaia, vendeur d’agrumes et locataire, achète 1 000 fascines au prix d’un écu (ASVR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 193, Libro mastro Velli, 1607–1614) et, en 1627, l’aubergiste Giacomo, locataire des deux granges à San Pietro in Montorio, donne aux Velli sept chariots de foin pour une valeur totale de quatre-vingts écus, à savoir le montant de son loyer (ASVR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 164, Libro mastro Velli, 1625–1641). Au cours de la même année, Lucchino d’Amatrice, locataire, paie son loyer de dix écus de la manière suivante: deux écus au comptant et huit écus décomptés pour le transport de produits de la vigne des Velli, qu’il apporte jusqu’à la domus magna à Rome. En 1640, le fils d’un autre locataire d’Amatrice, Ludovico, vend aux Velli de la paille pour 0,50 écu, ASVR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 179, Entrata e uscita Velli, 1625–1640.
70 - Un autre exemple est la relation entre Antonio Formicini et son locataire Simone, un tisserand qui louait une des boutiques à l’étage de la maison Formicini. Quand Simone part sans payer, restant débiteur de 6,80 écus, Antonio décompte de son crédit « tous les travaux faits jusqu’au jour où il est parti, et en particulier une toile en étoupe et la fabrication de plusieurs bandes de tissu ». Simone était donc un locataire des Formicini et réalisait des travaux pour eux en tant que tisserand, ASR, Arciconfraternita della Santissima Annunziata, vol. 211. On peut aussi mentionner le cas du gentilhomme Orazio Manili et de ses locataires Radicchio Schiavone et Caterina, apothicaires. Entre 1507 et 1548, ils lui louent une maison à Borgo Vecchio et payent une redevance annuelle qui consiste en cinq ducats et en produits de leur boutique, à savoir une livre de poivre et une autre d’encens.
71 - En 1607, Rosato De Amicis, facteur, achète du blé, ASVR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 163, Libro mastro Velli, 1605–1609. En septembre 1637, Giuliano, métayer de vignes (mentionné dans la comptabilité comme il nostro mezzarolo), achète cinquante et un barils de vin romanesco, ASVR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 179, Entrata e uscita Velli, 1625–1640.
72 - Maddalena Ramazzini travaille comme domestique chez les Velli pendant au moins quarante ans, à partir de 1602. Véritable pilier de la casa, elle s’y occupe du linge, de la nourriture et des autres frais divers de la famille. Le prêt effectué par Maddalena sera remboursé en plusieurs versements dont le premier (cinquante écus) date de 1629, en faveur de Menico Antonio, mari de la nièce de Maddalena, ASVR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 179, Entrata e uscita Velli, 1625–1640.
73 - Une autre source, le livre de comptes des Santacroce, témoigne de plusieurs de ces relations multiples. Ainsi, Angelo Senni, aubergiste, emprunte de l’argent sous forme de compagnia d’ufficio et achète également une auberge à Tarquinio; Lullo d’Aquilella est débiteur de plusieurs sommes, mais il agit aussi en tant qu’intermédiaire dans les paiements en apportant au noble des sommes reçues en son nom; de plus, il envoie son apprenti travailler pour lui en janvier 1603. Lorenzo de Cochi, locataire d’une auberge de Tarquinio, achète du blé au gentilhomme et lui sert plusieurs fois à manger chez lui, ASR, Archivio Santacroce, vol. 515, Conti di casa Santacroce.
74 - ASVR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 163, Libro maestro, 1605–1609.
75 - Ibid., juil. 1606, et ASVR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 193, Libro maestro, 1607–1614, avr. 1609.
76 - ASVR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 164, Libro maestro, 1625–1641.
77 - Ibid.
78 - ASVR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 179, Entrata e uscita Velli, 1625–1640.
79 - ASVR, Capitolo di Santa Maria in Trastevere, vol. 164, Libro maestro, 1625–1641. Un autre exemple est celui de Giovanni Domenico Cerasolo, alias Citolo, un boucher qui, entre 1625 et 1633, prend en location plusieurs biens de la famille: une des granges à San Pietro in Montorio, la casa grande de la via de’ Balestrari et une partie du domaine de Campo Salino. Ce dernier bien sera conservé par Citolo pendant très longtemps, de 1625 à 1640 (pour un loyer de 600 écus par an). Mais le boucher est aussi un des débiteurs de la famille, car il emprunte cent écus par un contrat de censo. Enfin, il livre de la viande pour rembourser le marchand Antonio Pozzo au nom des Velli, ibid.
80 - Sur les bobacterii, voir Gennaro, Clara, « Mercanti e bovattieri nella Roma della seconda metà del Trecento », Bullettino dell’Istituto Storico Italiano per il Medioevo e Archivio Muratoriano, 78, 1967, p. 155–203 Google Scholar; MAIRE-VIGUEUR, Jean-Claude, « Classe dominante et classes dirigeantes à Rome à la fin du Moyen Âge », Storia della città, 1, 1976, p. 4–26.Google Scholar
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- Cited by
Linked content
Translation available: Porters, Beggars, and Noblemen: The Social Construction of Political Power in Sixteenth and Seventeenth-Century Rome