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Naissances illégitimes et abandons d'enfants en Anjou au XVIIIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

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Deux articles récemment parus dans cette revue ont de nouveau attiré l'attention sur le grand problème des débuts de la contraception en France au XVIIIe siècle. Jacques Dupâquier et Marcel Lachiver appliquant à la population de Meulan étudiée par ce dernier, une typologie de la contraception qui distingue malthusianisme diffus et malthusianisme résolu pratiqué par une minorité, montrent que « la révolution de la fécondité (…) a commencé dès le milieu du XVIIIe siècle, mais (que) l'étape décisive a coïncidé avec la Révolution politique ». Et les auteurs de conclure : « Reste à savoir si l'exemple de Meulan vaut pour les autres petites villes du Bassin parisien, si les grandes villes n'ont pas montré l'exemple, si les campagnes ont vraiment suivi avant 1789. »

Type
Normes et Déviances
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1972

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References

1. Chamoux, Antoinette et Dauphin, Cécile, « La contraception avant la Révolution française : l'exemple de Châtillon-sur-Seine », Annales E.S.C., 1969, n° 3, pp. 662684 Google Scholar. Dupaquier, Jacques et Lachiver, Marcel, « Sur les débuts de la contraception en France ou les deux malthusianismes », Annales E.S.C., 1969, n° 6, pp. 13911406 Google Scholar.

2. Article cité, p. 1402.

3. Dans cet ordre d'idées, je verse au dossier réuni il y a dix ans, par Bergues, Hélène (La prévention des naissances dans la famille, ses origines dans les temps modernes, Paris, I.N.E.D., Cahier n° 35, 1960, pp. 253307)Google Scholar, ce passage d'un « Mémoire contenant un moyen d'augmenter la population et conséquemment l'agriculture », rédigé en 1762 par le marquis de Turbilly (Arch. départ. Aisne, D 4 ; ce mémoire est inédit). Le célèbre agronome qui, depuis 1732, réside sur sa terre angevine de Turbilly, entre Baugé et La Flèche, dénonce la suppression en 1683 de l'édit de 1666 qui avait accordé diverses exemptions fiscales aux pères de familles nombreuses. « Cette suppression, écrit-il, produisit plusieurs mauvais effets; ce fut vraisemblablement elle qui introduisit dans les campagnes l'art criminel et dangereux de prévenir la naissance des enfans sans renoncer au commerce des femmes; cet abus n'est malheureusement devenu que trop commun aujourd'huy parmi les paysans quoiqu'il semblât réservé pour les grandes villes où l'activité et le luxe immodéré dominent ». Mais est-ce vraiment là le résultat de constatations faites par le marquis en pays baugeois ? Il est difficile de l'affirmer. Je noterai cependant que l'année précédente, le subdélégué de Baugé écrivait à l'intendant : « Le bêcheur gagne dix sols par jour qui ne peuvent suffire pour la nourriture de sa femme et de ses enfans dont il ne cherche qu'à réduire le nombre » (Arch. départ. Indre-et-Loire, C 131).

4. Cette proportion est aussi celle qui ressort de l'étude par sondage entreprise par l'I.N.E.D. dans la région rurale Bretagne-Anjou. Cf. Blayo, Yves et Henry, Louis, « Données démographiques sur la Bretagne et l'Anjou, de 1740 à 1829 », Annales de démographie historique. 1967, pp. 91171 CrossRefGoogle Scholar.

5. Cf. tableau et graphique ci-contre.

6. Et bien en deçà, comme le prouveraient les chiffres du XVIIe siècle.

7. L'acte de baptême distingue soigneusement les deux cas, comme en témoignent ces deux libellés-types : « Le (tant) a été baptisé (un tel) né de ce jour (ou de la veille), de père et mère inconnus, à nous présenté par (une telle), sage-femme de cette paroisse »; « Le (tant) a été baptisé (un tel) paraissant âgé d'un jour (ou plusieurs jours), de père et mère inconnus, trouvé exposé sur les marches de l'église Saint-Pierre (ou sur le seuil de la boutique de un tel), levé et à nous présenté par (un tel) commissaire de police (ou huissier) ».

8. Non sans hypocrisie dans le premier cas, car il est évident que la sage-femme qui venait faire baptiser l'enfant, n'ignorait pas l'identité de la mère. De plus, on sait que l'édit de Henri II de février 1556, renouvelé par une déclaration de 1708 qui en impose la lecture au prône tous les trois mois, fait obligation à toute femme non mariée de faire une déclaration de grossesse. Cf. à ce sujet, Charpentier, Jehanne, Le droit de l'enfance abandonnée. Son évolution sous J'influence de la psychologie (1552-1791), Paris, 1967, p. 104 Google Scholar.

9. Le premier chiffre entre parenthèses est celui des enfants exposés ; le second, celui des enfants présentés par une sage-femme ou une nourrice déclarant « répondre dudit enfant ».

10. Voire même plus faible dans certains cas.

11. Cf. Mols, Roger, Introduction à la démographie historique des villes d'Europe du XIVe au XVIIIe siècle, Louvain, 1955, t. II, p. 299 Google Scholar.

12. Bloch, Camille, L'assistance et l'État en France à la veille de la Révolution, Paris, 1908, p. 103 Google Scholar.

13. Plus précisément 1705-1725 et 1738-1750.

14. Je ne veux pas dire pour autant que la misère n'ait pas été longtemps le facteur déterminant des abandons d'enfants, légitimes ou non, notamment lors des grandes crises du XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle. Mais justement quelles que soient en Anjou les difficultés des années 1770-1790, la misère ne permet plus d'expliquer à elle seule la brusque augmentation de ces abandons, qui de surcroît commence en pleine période de prospérité.

15. Sur ces tentatives, cf. le petit livre (médiocre) de Menère, Charles, Les enfants abandonnés de la province d'Anjou, Angers, 1884, 63 p.Google Scholar Les enfants trouvés exposés à Angers étaient envoyés vers les hôpitaux de Tours, du Mans et surtout de Paris.

16. Recueil des anciennes lois françaises, publié par Isambert, Paris, t. XXVI, 1826, p. 7.

17. Lallemand, Léon. Histoire des enfants abandonnés et délaissés. Études sur la protection de l'enfance aux diverses époques de la civilisation, Paris, 1885, p. 163 Google Scholar.

18. La mention « illégitime » portée par les curés angevins en marge des actes de baptêmes d'enfants exposés, n'a en fait aucune valeur. Elle signifie seulement que ces enfants étant « de père et mère inconnus ». on ne peut affirmer qu'ils sont légitimes. On peut noter d'ailleurs que contrairement à la loi civile, la jurisprudence ecclésiastique présume légitimes les enfants trouvés. On lit en effet dans les Conférences ecclésiastiques du diocèse d'Angers sur les états, t. III, Angers, 1776, p. 180 : « Les enfants trouvés sont jugés parmi nous enfants légitimes et ont tous les droits attachés à la légitimité. M. d'Héricourt en fait un principe constant de notre jurisprudence, et on l'a suivi dans nos conférences sur les irrégularités, même par rapport aux ordres et aux bénéfices. Comme il n'est pas certain qu'ils ne sont pas nés en légitime mariage, c'est une question d'état qui rend leur cause favorable. Le crime ne se présume pas. »

19. Il existe dans les Archives communales d'Angers un « Registre servant à l'enregistrement des enfans trouvés exposés dans la ville, fauxbourgs, quinte et banlieue d'Angers, commencé le 23 novembre 1764 et fini le 5 décembre 1791 » (non coté). Il donne pour chaque enfant, le nom du commissaire ou huissier qui l'a levé, la date du procès-verbal, le nom du fief où il a été exposé et celui de la paroisse où il a été baptisé. Malheureusement, quelques sondages dans les registres de baptêmes de diverses paroisses d'Angers prouvent que tous les enfants trouvés exposés, puis baptisés dans l'une ou l'autre paroisse de la ville, n'ont pas été portés sur ce registre et que les chiffres que celui-ci fournit sont donc nettement inférieurs à la réalité. Voici tout de même ces chiffres, à titre indicatif, de 1771 à 1791 :1771 : 96; 1772 : 82; 1773 : 53; 1774 : 40; 1775 : 46; 1776 : 58; 1777 : 46; 1778 : 70; 1779 : 87; 1780 : 89; 1781 : 9 7; 1782 : 110; 1783 : 103; 1784 : 104; 1785 : 114; 1786 : 102; 1787 : 97; 1788 : 90; 1789 : 76; 1790 : 115; 1791 : 134.

20. Le rapprochement entre contraception et abandons d'enfants a déjà été fait il y a dix ans par Hélène Bergues (op. cit., p. 175 : « Il est à noter qu'en France cette augmentation considérable des abandons d'enfants survenait au moment où se répandaient progressivement les habitudes de stérilité volontaire »).

21. Quelques centaines peut-être, sur 80 à 100 000 couples ?