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Modèles et modalités: les fêtes vice-royales au Mexique et au Pérou, xvie-xviie siècle

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Solange Alberro*
Affiliation:
El Colegio de México

Résumé

Les fêtes vice-royales du Mexique et du Pérou colonial suivirent les modèles en vigueur dans l’Espagne impériale. Inspirées de l’Antiquité gréco-romaine et de la tradition bourgui-gnonne, elle avaient un caractère mixte et universel. Unissant le religieux au profane, le lettré au populaire, elles mettaient en scène les dieux, héros et monarques fondateurs des imaginaires propres aux divers territoires constituant l’empire des Habsbourg et tous les acteurs de la société se devaient d’y participer. Par leur nécessaire adaptation aux contextes locaux, garantie de leur efficacité, ces fêtes en vinrent à exprimer les intérêts et les aspirations identitaires de secteurs particuliers à travers l’appropriation, la réhabilitation ou la réinterprétation qu’ils firent des figures, images et symboles dont le modèle festif prescrivait le déploiement.

Abstract

Abstract

Vice royal Mexican and Peruvian festivities followed established Spanish models. Inspired on Greco-Roman Antiquity and the Bourguignonne tradition, they were mixed and universal in nature. Unifying religious and profane, the learned and the populace, they staged gods, heroes and founding monarchs unique to the imaginary of diverse territories that constitued the Habsbourg Empire, and all actors in the society were expected to participate. Given the need to adapt to local contexts to guarantee effectiveness, these festivities came to express the interests and identity aspirations of particular sectors through the appropriation, rehabilitation or reinterpretation made of figures, images and symbols whose festive models prescribed deployment.

Type
Le creuset urbain
Copyright
Copyright © Les Áditions de l’EHESS 2006

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References

1 - Je me limiterai ici à ne donner que les références strictement nécessaires à l’intelligence du présent texte.

2 - Voir par exemple De Solano, Francisco, « Fiestas en la ciudad de México », in La ville en Amérique espagnole coloniale, Paris, Université de la Sorbonne nouvelle-Paris-III, 1984, pp. 243-332 Google Scholar.

3 - C’est le cas – magistral – de De Orsúa Y Vela, Bartolomé Arzáns, Historia de la Villa Imperial de Potosí, édité par Hanke, Lewis et Mendoza, Gunnar, Providence, Brown University Press, 1965 Google Scholar. L’auteur, qui écrivit son histoire entre 1705 et 1736, relate des faits remontant aux xvi e et xvii e siècles dont il déclare avoir eu connaissance à travers les écrits de cinq personnes: Juan Sobrino, Juan Pasquier, Bartolomé de Dueñas, Pedro Méndez, Antonio de Mendoza. Or, à l’exception de Sobrino, rien ne nous est parvenu à ce jour des quatre autres auteurs dont l’existence même n’est pas avérée, ce qui amène certains historiens à évoquer une « fiction historique » de la part d’Arzans. De là les doutes concernant certains épisodes, en particulier les fêtes splendides que les habitants de la cité fabuleuse avaient coutume de célébrer.

4 - Alberro, Solange, Les Espagnols dans le Mexique colonial. Histoire d’une acculturation. Paris, Armand Colin/Éditions de l’EHESS « Cahiers des Annales », 1992 Google Scholar; ID., El Águila y la cruz. Orígenes religiosos de la conciencia criolla. México, siglos xvi-xvii , Mexico, Fondo de Cultura Económica/El Colegio de México, 1999.

5 - Serge Gruzinski l’a pourtant fait avec succès dans La colonisation de l’imaginaire. Sociétés indigènes et occidentalisation dans le Mexique espagnol, xvii e-xviii e siècle, Paris, Gallimard, 1988, chap. i, en particulier pp. 51-76; ID., La guerre des images de Christophe Colomb à ‘Blade Runner’, 1492-2019, Paris, Fayard, 1990, chap. iii, pp. 101-147; ID., La pensée métisse, Paris, Fayard, 1999, chap. iv, pp. 87-104. Ses analyses concernant l’adoption et l’appropriation de l’écriture, de l’alphabet, de l’image et de la perspective en trois dimensions occidentales sont particulièrement suggestives.

6 - On sait que, malgré les catastrophes démographiques qui s’abattirent sur les peuples autochtones comme conséquence des guerres mais surtout du choc microbien qui suivit les diverses conquêtes, ceux-ci amorcèrent une récupération à partir du milieu du xvii e siècle et qu’ils restèrent à tout moment plus nombreux que les Européens d’origine. Parallèlement, le nombre des métis issus des Européens, Indiens, et Africains ne cessa de croître.

7 - Voir, entre autres nombreux témoignages, Alberro, Solange, « La conjunción de las artes en la venida de Nuestra Señora de los Remedios a la ciudad de México, 1616 », in Buxó, J. P. (éd.), La productión simbólica en la América colonial, Mexico, Universidad Nacional Autónoma de México, 2002, pp. 67-84 Google Scholar. Contrairement à ce qui est généraleent affirmé, les pièces d’argent disposées comme décoration et les animaux vivants attachés aux arcs ou à des ensembles décoratifs ne sont pas forcément d’origine indigène. Dans la Venise de la Renaissance, des plats d’argent ornaient les salles de banquets et, « aux branches des arbustes, d’où pendaient des corbeilles argentées pleines de fruits, étaient attachés avec des faveurs de soie des levrauts, des lapins, des oiseaux [...] » (Pompéo Molmenti, G., La vie privée à Venise. Depuis les premiers temps jusqu’a la chute de la République, Venise, Ferdinand Ongania, 1882, p. 293 Google Scholar). ii est donc probable que les deux traditions, indigène et occidentale, se soient rejointes sur ce point.

8 - Cette manifestation continue d’étre pratiquée aujourd’hui à des fins rituelles par les populations nahuas, totonaques et huaxtèques de la Sierra de Puebla, et pour des raisons touristiques et commerciales, ailleurs. Quatre danseurs montent au faîte d’un mât au sommet duquel se trouve un joueur de flûte indienne, la chirimía, qui se tient sur une petite plate-forme tournante. Les danseurs se jettent alors dans le vide, la tête en bas, un pied seulement rattaché à la plate-forme par une corde qui les fait tournoyer autour du mât. lis descendent alors lentement en décrivant un cercle chaque fois plus ample jusqu’à atteindre le sol, tandis que le musicien continue de jouer de son instrument. Ce rituel, qui transforme les danseurs en oiseaux, semble être en rapport avec les croyances concernant les quatre points cardinaux et les pratiques agricoles.

9 - Voir S. Gruzinski, La colonisation de l’imaginaire..., op. cit, et ID., La pensée métisse, op. cit. Pour ma part, je rappelle que lorsque Thomas Gage traversa le Chiapas, dans les années 1620-1630, il passa par Chiapa de los Indios (aujourd’hui Chiapa de Corzo), « cette ville eft fituée fur le bord d’une grande riviere, fur laquelle il y a plufieurs bateaux où l’on a enfeigné aux Indiens à faire des combats de mer, en quoy ils font extremement adroits, & à reprefenter les Nimphes de Parnaffe, Neptune, Æole, & les autres Dieux des payens, de forte qu’ils fe font admirer de tous les autres Indiens » ( Gage, Thomas, Nouvelle relation contenant les voyages de Thomas Gage dans la Nouvelle Espagne, Paris-Genève, [1676] 1979, t. i, chap. xvii, p. 73 Google Scholar). Avec ces Indiens se livrant sur le fleuve Grijalva à de brillantes joutes nautiques inspirées de la mythologie, nous sommes loin des masses inertes et maintenues dans un obscurantisme que l’on attribue par principe au système colonial espagnol...

10 - Mujica Pinilla, RamóN, « Díme con quien andas y te diré quién eres », in Hampe Martínez, T., La tradición clásica en el Perú virreinal, Lima, Universidad Nacional Mayor de San Marcos, 1999, pp. 191-219, ici p. 199 Google Scholar.

11 - De Medina, Cristóbal Gutiérrez, Viage de tierra y mar, feliz por mar y tierra, que hizo el Excellentissimo Señor Marqués de Villena, Juan Ruiz, 1640 Google Scholar.

12 - Il est aussi possible que la Couronne et ses hommes – religieux, fonctionnaires, etc. – aient cherché à réduire l’importance qu’eut la conquête militaire afin de ne pas soutenir ceux qui restaient des conquérants et leurs descendants dans leurs revendications, surtout au Pérou, où les guerres civiles avaient menacé l’autorité monarchique.

13 - Voir Ares Queija, Berta, « Representaciones dramáticas de la Conquista: el pasado al servicio del presente », Revista de Indias, LII, 195-196, 1992, pp. 231-250 Google Scholar.

14 - De Torquemada, Fray Juan, Monarquía Indiana, édité par León Portilla, Miguel, Mexico, UNAM, vol. II, livre v, chap. xviii, [1615] 1975, p. 390 Google Scholar; De Mugaburù, Josephe Y Francisco, Diario de Lima (1640-1694), Lima, 1935, p. 80 Google Scholar.

15 - García, Genaro, Don Juan de Palafox y Mendoza, obispo de Puebla y Osma, visitador y virrey de la Nueva España, Mexico, Librería de Bouret, 1918, p. 79 Google Scholar. L’auteur a eu accès à une version légèrement plus complète que celle à laquelle je me suis référée (cf. n. 11) qui ne mentionne pas cet épisode.

16 - B. Arzáns De Orsúa Y Vela, Historia de la Villa Imperial..., op. cit., t. i, lre partie, livre iv, chap. i, p. 95.

17 - Ibid., pp. 96-97.

18 - Ibid., p. 98. L’adjectivation que l’auteur introduit dans son récit lorsqu’il évoque les Espagnols (tyranniques et injustes) et les Indiens (victimes dignes de compassion), révèle des sentiments caractéristiques de l’élite créole du xviii e siècle, donc anachroniques par rapport aux faits qu’il rapporte, ce qui ne diminue aucunement la signification et l’importance des renseignements objectifs qu’il fournit, tels que les sujets des représentations théâtrales.

19 - Ibid., pp. 98-99.

20 - La formule est de De Salas, Agustín, Diseño historial de los gozos ostentativos con que la regia ciudad de Lima celebró el deseado nacimiento [...] de D. Felipe Andrés Próspero [...], Lima, Juan de Quevedo y Zárate, 1660, p. 77 Google Scholar.

21 - Il n’est pas possible toutefois de donner un caractère définitif à ces observations. En effet, dans la mesure où Arzáns écrit plus de cent cinquante ans après les faits qu’il rapporte et que manifestement il nourrit les sentiments créoles de son époque, on ne peut exclure qu’il ait passé sous silence les aspects qui concernaient l’affirmation de la présence espagnole dans ces fêtes.

22 - B. Arzáns De Orsúa Y Vela, Historia de la Villa Imperial..., op. cit., t. i, lre partie, livre vi, chap. i, p. 244.

23 - F. J. De Torquemada, Monarquía Indiana, op. cit.

24 - Chimalpáhin, Domingo, Diario, trad. et paléographie de Rafael Tena, Mexico, CONACULTA, 2001, p. 173 Google Scholar. Chimalpáhin écrit en 1608: « Quarante-quatre ans se sont écoulés depuis qu’en l’année Calli, 1565, mourut le seigneur don Luis de Santa María Nanacacipactzin, gouverneur de Tenochtitlán, qu’il gouverna pendant trois ans; avec lui les nobles mexica tenochca cessèrent de gouverner Tenochtitlán et le gouvernement seigneurial de ces derniers s’interrompit définitivement » (traduit du nahuatl par Rafael Tena).

25- S. Alberro, El Águila y la cruz..., op. cit.

26 - Cet arc de triomphe, qui constitue une révolution artistique mais plus encore mentale, a suscité de nombreuses études. Voir De La Maza, Francisco, La mitología clásica en el arte colonial de México, Mexico, UNAM, 1968 Google Scholar; Von Kügelgen, Helga, « Carlos de Sigüenza y Góngora, su Teatro de Virtudes Políticas que constituyen a un Príncipe y la estructuración emblemática de unos tableros en el arco de triunfo », in Cuadriello, J. (dir.), Juegos de ingenio y agudeza. La pintura emblemática de la Nueva España, Mexico, Museo Nacional de Arte, 1994, pp. 151-160 Google Scholar; Minguez Cornelles, Victor M., « Efímero mestizo », Iberoamérica mestiza. Encuentro de pueblos y culturas, Mexico, Fundación Santillana/SEACEX/CONACULTA/INAH/Ayuntamiento de Madrid-Centro Cultural de la Villa, 2003, pp. 55-56 Google Scholar.

27 - Marsden, C. A., « Entrées et fêtes espagnoles au xvi 5 siècle », in Les fêtes de la Renaissance (Journées internationales d’études, Abbaye de Royaumont, 8-13 juillet 1955), études réunies et présentées par Jacquot, Jean, Paris, CNRS Éditions, 1956, pp. 389-411, ici p. 402 Google Scholar. Des Indiens en chair et en os parurent également en 1525 à Tolède et, en 1585, ils se présentèrent dans la cathédrale, vêtus de drap d’or et d’argent, le visage doré, des miroirs sur la poitrine, des bijoux aux doigts et coiffés de plumes (Ibid., p. 392). On les vit aussi jouer à la pelote à Séville et à Tolède.

28 - F. J. De Torquemada, Monarquía Indiana, op. cit.

29 - De Ocaña, Diego, Un viaje fascinante por la América hispana del siglo xvi , édité par Arturo Alvarez, Fr., OFM, Madrid, Ediciones Studium, 1969, pp. 339-340 Google Scholar.

30 - Antonio Suardo, Juan, Diario de Lima, 1629-1639, édité par Vargas Ugarte, Rubén, SJ, , Lima, Universidad Católica del Perú, 1936, t. i, p. 144 Google Scholar.

31 - B. De Arzáns De Orsúa Y Vela, Historia de la Villa Imperial..., op. cit., t. ii, 2e partie, livre ii, chap. 3, p. 186.

32 - On le sait, les Noirs et mulâtres esclaves et libres, surtout lorsqu’ils vivaient dans les villes, avaient assez souvent accès aux instances judiciaires et l’Église se devait de défendre leur liberté en ce qui concerne le choix d’un conjoint et le minimum de loisirs pour qu’ils pussent accomplir leurs devoirs religieux. Lorsque le maître les faisait travailler à l’extérieur de sa demeure, une part de ce qu’ils gagnaient leur revenait, qui leur permettait éventuellement de s’émanciper, eux et leur famille. Enfin, les Noirs et les mulâtres formèrent des confréries religieuses qui, comme les autres, intervenaient dans les célébrations. En fait, leur situation pouvait être extrêmement différente selon qu’ils étaient esclaves ou libres et, surtout, qu’ils vivaient en milieu urbain ou rural. Actuellement, de nombreux travaux sur leur situation dans l’Amérique ibérique permettent de nuancer la vision trop générale que nous avions d’eux jusqu’à présent.

33 - Les morenos, c’est-à-dire les « bruns », catégorie qui englobe en fait les Africains et leurs descendants métis.

34 - De Rivas, Andrés Pérez, Crónica y historia religiosa de la Provincia de la Compañia de Jesús de México en Nueva España, Mexico, Imprenta del Sagrado Corazón de Jesús, 1896, livre v, chap. iv, pp. 250-251 Google Scholar.

35 - J. A. Suardo, Diario de Lima..., op. cit., t. i, p. 130.

36 - Ibid., pp. 137-141.

37 - Il s’agit du Festín hecho por las Morenas Criollas de la muy noble y muy leal Ciudad de México [...] compuesto por Nicolas de Torres [...], Mexico, Francisco Robledo, 1640; les femmes de couleur dansaient dans les rues, f. 38v.

38 - Pompa funeral y real mausoleo [...] a las memorias de [...] Doña Isabel de Borbón, Mexico, Juan Ruiz, 1645, ff. 26v-27.

39 - R. Mujica Pinilla, « Díme con quien andas... », art. cit., p. 207.

40 - Aux xvi e et xvii e siècles, les Espagnols nés aux Amériques se considèrent comme « Espagnols » et le terme gachupín, qui désigne en Nouvelle-Espagne le péninsulaire, ne fait son apparition qu’à la fin du xvii e siècle, comme d’ailleurs les termes « indiano » et « criollo », c’est-à-dire né aux Indes, ce dernier pouvant s’appliquer également aux Noirs et aux mulâtres. Il faut attendre la seconde moitié du xviii e siècle et surtout le début du xix e pour que celui d’« americano » désigne exclusivement l’Espagnol américain par sa naissance, par opposition aux Espagnols péninsulaires. Comme preuve de l’identification précoce des Espagnols avec les indigènes, rappelons celle qu’Alonso de Ávila donna en 1566 à Mexico, en représentant l’empereur Moctezuma offrant à Hernán Cortés un collier de fleurs et de nombreux présents (cf. n. 14).

41 - Plusieurs références chez B. De Arzáns De Orsúa Y Vela, Historia de la Villa Imperial..., op. cit., notamment l re partie, livre vi, chap. x, p. 276, où apparaissent les provinces de toutes les Amériques avec la faune et la flore; R. Mujica Pinilla, « Díme con quien andas... », art. cit., p. 207; C. Gutiérrez De Medina, Viage de tierray mar..., op. cit.

42 - Le récit de ces fêtes se trouve dans la Carta del Padre Pedro de Morales de la Compañia de Jesús [...] en la collocatión de las Sanctas Reliquias que nuestro muy Sancto Padre Gregorio xiii les embió, Mexico, Antonio Ricardo, 1579. Ce texte a été édité par Mariscal Hay, Beatriz sous le titre Carta del Padre Pedro de Morales, Mexico, El Colegio de México, 2000 Google Scholar. J’ai utilisé ce récit dans El Águila y la cruz..., op. tit., pp. 82-95, et « Modernidad jesuita: la fiesta de las reliquias en la ciudad de México, 1578 », in Ballón Aguirre, E. et Rivera Rodas, O., De palabras, imágenes y símbolos. Homenaje a José Pascual Buxo, Mexico, UNAM, 2002, pp. 71-90 Google Scholar.

43 - P. De Morales, Carta..., op. cit., p. 60.

44 - Par exemple les termes d’achiote, tecomate, cacao, chocolate (ibid., pp. 60-61).

45 - P. De Morales, Carta..., op. cit., pp. 184-185. Le huilpil est une sorte d’ample camisole de coton, souvent ornée de riches broderies que les Indiennes portaient, et continuent de porter, dans certaines régions du Mexique, généralement sur une jupe constituée d’une pièce de coton qu’elles enroulent autour de la taille et maintiennent serrées par une ceinture de laine ou de coton.

46 - A. De Salas, Diseño historial..., op. cit., p. 94.

47 - Le rire et le gros rire faisaient naturellement partie de ces plaisirs, comme le souligne A. De Salas, Diseño historial..., op. cit., p. 41: « Le propos des fêtes est, quoique indirectement, de réjouir le peuple », et plus loin il remarque que « de tous côtés on suscitait la joie des villageois. D’abord, on présenta un ensemble de sentences communes et de dictons anciens, que l’on glosa de travers, avec un piquant singulier et cocasse [...], quelque indécence se mêla à ces gloses, [...] car c’est un défaut inévitable de la vivacité que de se laisser aller à la malice, la satire et l’impudence » (pp. 52-53).

48 - B. Arzáns De Orsúa Y Vela, Historia de la Villa Imperial..., op. cit., t. iii, 1re partie, livre x, chap. XLI, pp. 47-48.

49 - Addicion a los festexos que en la Ciudad de México, se hizieron al Marques mi Señor, con el particular que le dedico el Collegio de la Compañia de IESUS, Mexico, Bernardo Calderón, 1640.

50 - Ibid. En effet, le texte précise que les jeunes danseurs furent si gracieux que le vice-roi décida d’en réunir huit « en habits et avec les atours des Indiens », afin de les envoyer se produire devant Sa Majesté, ce qui laisse entendre qu’ils n’étaient pas Indiens.

51 - Le syncrétisme a suscité de très nombreuses études et controverses que je me garde d’évoquer ici, et je donne ici à ce terme son sens le plus banal et général de « mélange » ou symbiose.

52 - De Rivas, Andrés, Historia de los triumphos de nuestra santa fee, Mexico, Siglo xxi, édition en fac-similé, 1992, Livre xii, chap. xi, pp. 639-640 Google Scholar (pagination irrégulière). La première édition datant de 1645, ce témoignage s’applique à la fête de 1640.

53 - A. Pérez De Rivas, Historia de los triumphos..., op. cit., p. 640.

54 - S. Alberro, El Águila y la cruz..., op. cit., pp. 69-76; S. Gruzinski, La pensée métisse, op. cit., en particulier dans la deuxième partie: « Les métissages de l’image », pp. 107-199, donne plusieurs exemples de processus syncrétiques de la part des indigènes.

55 - L’aigle posé sur la pierre et tenant dans son bec un serpent avait été exclu, pour l’instant, sans doute à cause de ses implications idolâtriques trop évidentes.

56 - P. De Morales, Carta..., op. cit., p. 83.

57 - Addición a los festexos..., op. cit., s. f. C’est sans doute le monogramme IHS qui se trouvait dans le corps de l’aigle.

58 - Ce n’est pas un hasard en effet si Carlos de Sigüenza y Góngora, reconnu comme un des premiers (grands) chantres de la conscience et des aspirations Créoles, était jésuite.

59 - De Motolinía, Fray Toribio, Historia de los Indios de la Nueva España, Madrid, Editorial Atlas, [1541] 1970, traité I, chap. 15, pp. 240-246 Google Scholar (cité et commenté par B. Ares Queija, « Representaciones dramáticas... », art. cit., pp. 234-236).

60 - Rappelons que les morenos de Lima représentèrent en 1660 l’enlèvement d’Hélène et la guerre de Troie, et qu’ils tinrent les rôles des nombreux personnages qui intervinrent alors.

61 - Pour formuler cette hypothèse, je me suis posée la question, à laquelle je ne puis répondre d’ailleurs, de savoir si, lors des entreprises coloniales européennes du xix e siècle, il eut été possible d’attribuer des rôles équivalents à ceux que tinrent les Indiens de Tlaxcala à des Kabyles, des Indochinois, des Peuls, en ce qui concerne la France, et à des Tamouls, des Bédouins ou des aborigènes australiens, etc., pour ce qui est de l’Angleterre impériale. Peut-on imaginer les populations soumises aux Européens représentant le Roman de la Table Ronde ou la Chanson de Roland? Ou, pour ne pas commettre d’anachronisme, les œuvres théâtrales de Shakespeare ou de Corneille? Il me semble que non.

62 - On connaît la formule par laquelle les rois d’Espagne terminaient leurs écrits administratifs: « Pour Notre service et celui de Notre Seigneur. »

63 - Un seul exemple: les Indiens étaient exemptés de la juridiction inquisitoriale du Saint-Office, parce que néophytes, et dépendaient de la justice ecclésiastique ordinaire en ce qui concernait les délits religieux.

64 - On ne peut toutefois exclure que des processus semblables soient intervenus au Pérou, notamment à Cuzco. Des recherches précises sur les stratégies syncrétiques des jésuites pourraient peutêtre s’avérer fructueuses.

65 - De Mesa, José et Gisbert, Teresa, Historia de la pintura cuzqueña, Lima, Fundación Augusto N. Wiese/Banco Wiese Ltdo, 1982, 2 vol., en particulier vol. i, pp. 177-180 Google Scholar. Voir également Tamayo Herrera, José, Historia del indigenismo cuzqueño. Siglos xvi-xx , Lima, Instituto Nacional de Cultura, 1980, p. 95 Google Scholar.

66 - Cité dans O’Phelan Godoy, Scarlett, La Gran Rebelión en los Andes. De Túpac Amaru a Túpac Catari, Cuzco, Petroperú/Centro de Estudios Regionales Andinos Bartolomé de Las Casas, 1995, p. 23 Google Scholar.

67 - Macera, Pablo, Trabajos de historia, t. ii, El arte mural cuzqueño, siglos xiv-xx , Lima, Nacional de Cultura, 1977, p. 360 Google Scholar.

68 - La question se pose de savoir pourquoi les Créoles de Cuzco s’emparèrent et participèrent de l’héritage culturel autochtone, alors que l’aristocratie inca en était le détenteur légitime et qu’elle le revendiquait hautement. On peut invoquer le poids écrasant du contexte andin sur la société locale, mais aussi, sans doute, l’importance du métissage entre élites Créoles et indigènes. La complexié de ce thème, qui mérite des travaux précis, dépasse manifestement le propos de la présente enquête.

69 - José Gabriel Condorcanki Noguera Túpac Amaru, cacique de Pampamarca, Tungasuca et Surimana, descendait directement de Túpac Amaru i er par doña Juana Pilcowaco, fille de celui-ci, exécuté en 1572 par le vice-roi du Pérou, Francisco de Toledo. Sa généalogie était officiellement reconnue depuis 1609. Voir Valcárcel, Daniel, La rebelión de Túpac Amaru, Mexico, Fondo de Cultura Económica, 1973, p. 42 Google Scholar.

70 - S. O’phelan Godoy, La Gran Rebelión..., op. cit., pp. 33 et 68; ID., Kurakas sin sucesiones. Del cacique al alcalde de Indias (Perú y Bolivia, 1750-1835), Cuzco, Centro de Estudios Rurales Bartolomé de Las Casas, 1997; J. Tamayo Herrera, Historia del indigenismo..., op. cit., p. 95.

71 - On considère que les nobles indigènes de Nouvelle-Espagne cessent pratiquement d’être présents sur la scène sociale dans les dernières décennies du xvi e siècle, pour s’être désormais confondus avec les macehuales (hommes du commun) ou avec la noblesse espagnole cédant la place à une nouvelle élite indienne, issue des cabildos.