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L'œuvre d'Émile Benveniste : une analyse linguistique des institutions indoeuropéennes1

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

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Prolongée de sa généralisation sémiologique et sémiotique, la linguistique s'est imposée, depuis les années 1950, comme le modèle des sciences humaines. Elle fournit, en outre, des schémas explicatifs, ou, du moins, des métaphores, à des sciences de la nature telles que la génétique. Or, dans ce mouvement qui a fait que la science des langues et du langage est devenue la référence vers laquelle on se tourne de tous côtés, le linguiste Emile Benveniste a joué, en France, un rôle déterminant.

Un public plus vaste que la somme des lecteurs des revues spécialisées a pu en prendre conscience depuis qu'ont paru les Problèmes de linguistique générale (Paris, Gallimard, 1966). Ce recueil réunit des textes publiés entre 1939 et 1964 et qui ne sont qu'une partie, mais sans doute la plus significative, de l'oeuvre d'Emile Benveniste dans le domaine de la linguistique générale.

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Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1971

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Footnotes

1

Émile Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes. 1 : Économie, parenté société, 376 p. ; 2 : Pouvoir, droit, religion, 340 p. Sommaires, tableau et index établis par Jean Lallot, Paris, les Éditions de Minuit, 1969.

References

page 654 note 1. Entre autres inconvénients, ce parti pris comporte celui de masquer la différence entre les hypothèses ou découvertes personnelles de l'auteur, dont certaines ont provoqué des controverses qui ne sont pas encore éteintes, et des résultats acquis depuis les débuts de la grammaire comparée. L'auteur déroge parfois à la règle qu'il semble s'être fixée, sans qu'on voie ce qui le détermine : c'est ainsi qu'en II, p. 189 est signalée, à propos du mot sanctus une dissertation latine de Linke (Kônigsberg 1910). En revanche il n'est pas fait allusion à la thèse de Mlle Fugier, H., qui porte directement sur le sujet traité, Recherches sur l'expression du sacré dans la langue latine (Paris, 1963).Google Scholar

page 655 note 1. Sommaires, tableaux et index sont dus à M. J. Lallot. Le texte même de l'ouvrage est une version, remaniée par l'auteur, de notes de cours du Collège de France, prises par M. Gerschel. Il ne semble pas que M. Benveniste ait pu consacrer beaucoup de temps à la mise au point matérielle de ce livre. Car en son état présent il abonde en inadvertances et fautes d'impression, en particulier dans les termes sanskrits. Les mots grecs sont, en principe, rendus en alphabet grec et en transcription latine conjointement; en fait, il arrive souvent que l'une ou l'autre graphie fasse défaut. Dans la transcription des mots slaves, la voyelle e long fermé, au lieu d'être figurée par la lettre e surmontée du signe diacritique traditionnel (que le typographe connaît et utilise par ailleurs) est le plus souvent rendue par la lettre e surmontée du signe de brève. Etc.

page 655 note 2. Le Wôrterbuch de Mayrhofer, mentionné ici, est un dictionnaire étymologique du sanskrit seulement, et il n'y a pas de raison de le coiffer d'une rubrique « indo-aryen ». Cela est d'autant moins justifié qu'il existe en fait un dictionnaire des langues indo-aryennes (achevé en 1969), de R. Turner, dont il n'est pas fait état. L'unique ouvrage de G. Dumézil cité dans cette Bibliographie est Idées romaines : l'auteur ne le signale que pour dire qu'il a paru pendant l'impression et qu'il n'a donc pu être consulté. A quoi bon mentionner le livre de L.|Gernet, Anthropologie de la Grèce antique, si c'est pour dire, là encore, qu'on n'a pas pu le consulter, alors qu'il s'agit d'un recueil d'articles tous antérieurs à 1961? Il est amer d'avoir à se dire que ces imperfections mineures mais nombreuses, jointes aux erreurs plus graves que les spécialistes de chaque domaine seront bien obligés de relever, peuvent irriter les lecteurs les plus compétents (du moins parmi les linguistes) et les détourner de voir tout ce que ce livre contient de neuf, de profond et de stimulant.

A notre tour, mentionnons quelques points particuliers.

a) I, p. 288. On ne saurait dire que, dans l'Inde, le terme çûdra « s'applique aux gens de la plus basse catégorie, ethniquement mêlée, gens sans profession bien définie ni fonction précise ». En fait, les çûdra ont une fonction très précise, qui est de servir les trois premières classes. En outre, ces quatre classes ne forment pas toute la société : si les trois premières s'opposent solidairement à la quatrième, le bloc des quatre s'oppose à tout le reste, qui comprend les barbares, les déchus, les intouchables (et cela, dès les Brâhmand).

b) I, p. 294. Pour expliquer la correspondance entre l'avestique dahyu «pays' et le sanskrit dasyu « esclave étranger », Benveniste pose qu'aux yeux des Indiens védiques, le dahyu était un pays iranien particulier, qu'ils considéraient comme le pays des étrangers barbares. Dans le Véda, les dasyu sont caractérisés par leurs traits difformes et leur peau noire. Cette dernière particularité donne à penser qu'il s'agit d'aborigènes, de langue dravidienne ou munda, plutôt que d'Iraniens.

c) I, p. 301. Pour justifier l'étymologie du latin fors « destin » comme nom d'action de la racine fero « porter », l'auteur glisse dans l'explication la notion même à laquelle il s'agit d'aboutir. La racine de fero, dit-il, « ne signifie pas simplement « porter », mais bien plutôt « comporter » et « emporter », de sorte que fors est l'action de « comporter » et « ce que le sort emporte ». »

d) I, p. 367. Le mot grec polis, dont le sens primitif est « forteresse », est apparenté au sanskrit pur « citadelle » et au lituanien pilis « Burg, château fort ». « Il s'agit donc d'un vieux terme indoeuropéen, qui a pris en grec — et seulement en grec — le sens de « ville », cité puis « État ». » Non. En sanskrit, pur et son dérivé pura ont pris eux aussi le sens de « ville, cité », etpaura signifie proprement « citadin ».