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L'exploitation des métaux précieux au temps des Incas

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

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Bien que les « hautes civilisations » du Pérou aient utilisé l'or et l'argent longtemps avant la naissance de l'Empire inca, c'est seulement à partir de la seconde moitié du XVe siècle, avec l'extension de cet empire, que se développe l'exploitation intensive des mines dans les Andes. Le butin fabuleux des conquistadores à Cajamarca et au Cuzco, en 1533 et 1534 (10 tonnes d'or à 22 carats et demi, 70 tonnes d'argent fin), atteste que les derniers souverains du Tahuantinsuyo avaient accumulé, en quelques décennies, des quantités considérables de métaux précieux, ce qui suppose une intense activité minière, la mobilisation de nombreux travailleurs et une organisation à l'échelle de l'État. Par qui, pour qui et comment les mines étaient-elles exploitées ?

Summary

Summary

On the basis of several examples, this article attempts to determine the principal characteristics of the exploitation of precious metals in the Inca period. As in the case of land, cattle, and grazing, it is necessary to distinguish, on the one hand, the “mines of the Inca”, which supplied the needs of the State, of the royal families, and of the official cults, and, on the other hand, the “communal mines”, which the communities could freely dispose of and which supplied the local chiefs or caciques. These two types of mines were characterized by two very different Systems, one based in the centralized power structure (i.e. in the State) and the other in the communities (where it was in the hands of the local chiefs). This fundamental difference can be seen in all aspects of mining: in the control of the exploitation of the mines and in decisions concerning the number of workers and where they came from; in the location of mines, in the types of beds worked, and in the techniques employed; and even in the realm of beliefs and underlying ideologies.

Type
L'État Inca et les Ethnies
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1978

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References

Notes

1. Cet article est tiré d'une thèse sur Une région minière des Andes péruviennes : Carabaya inca et espagnole (1480-1630), Paris, 1977.

2. H. de Santillán, « Relation del origen, descendencia, politica y gobierno de los Incas » [1563], § 51, 57, dans Crónicas peruanas de interés indigena, Madrid, 1968, pp. 116-118 ; J. de Matienzo, Gobierno del Perú [1567], Paris-Lima, 1967, pp. 7, 43.

3. « Historia del Nuevo Mundo » [1653], liv. 12, chap. 36, dans Obras del P. Bernabé Cobo, Madrid, 1964, vol. 2, p. 141 ; de même Garcilaso de la Vega, « Primera parte de los comentarios reaies de los Incas » [1606], liv. 5, chap. 7, dans Obras complétas del Inca Garcilaso de la Vega, Madrid, 1965, vol. 2, p. 156.

4. Cobo, ibid., liv. 3, chap. 36, vol. 1, p. 138. L'usage de l'argent était beaucoup plus répandu, jusque dans le peuple (ibid., chap. 37, p. 141).

5. « Information sobre las minas de Carabuco » [1573], dans Relaciones geogrdficas de Indias : Perú, Madrid, 1965, vol. 2, p. 69 (c'est nous qui soulignons).

6. Ibid., p. 70 (c'est nous qui soulignons).

7. Archives nationales de Bolivie (Sucre), Minas 123, ms. 1093 : «Visita que Alonso del Moral… tomó de los asientos de minas de Aporoma y Santiago de Buenavista, provincia de Carabaya, a cuyas labores asisten indios de repartimiento», 1628, ff. 405-576, passim. C'est à l'extrême obligeance de Nathan Wachtel que nous devons la communication de ces documents des archives boliviennes sur Carabaya.

8. « Information… de Carabuco », p. 69. Une autre notation va dans le même sens : pour se rendre à leurs mines de communauté, avec les lamas chargés de vivres, les Indiens de Moho mettaient dix jours ; ceux de Huaycho, qui devaient probablement passer par Moho, douze ; mais les gens de Carabuco, encore plus au sud et apparemment plus éloignés de Carabaya, ne mettaient que onze jours, car ils empruntaient un autre chemin, plus court (ibid., p. 70). Ce n'est possible que s'il s'agit de mines situées dans la région du Tambopata, sur les hauts affluents de cette rivière.

9. « Discurso de la sucessión y gobierno de los Incas » [v. 1570], dans V. M. Maurtua (éd.), Juicio de limites entre el Perii y Bolivia…, lrc série, t. 8, p. 161 (c'est nous qui soulignons).

10. A. Alonso Barba, Arte de los metales… [1640], Lima, 1817, p. 62.

11. «Historia… », liv. 12, chap. 33, 36, vol. 2, pp. 131, 141.

12. S. F. Moore, Power and property in Inca Peru, New York, 1958, p. 40.

13. Archives nationales de Bolivie, Minas 123, ms. 1091 : « Visita que el licenciado don Diego Munoz de Cuéllar… tomó del asiento de minas de oro de Aporoma, provincia de Carabaya, donde asisten indios de repartimiento », 1614, ff. 365r°-368r° ; ibid., ms. 1092 : « Visita… del pueblo y asiento de minas de oro de Santiago de Sandia, provincia de Carabaya, donde asisten indios de repartimiento», 1614, f. 354r°. En réalité, la situation à Carabaya est plus complexe. Tupa Yupanqui s'était réservé, à titre privé, pour lui et pour son lignage royal (sapanaca), « les Indiens de Carabaya et leurs mines d'or » (” Mémorial del pleito que pende en el Real Consejo de Indias… » [v. 1617], publ. par M. Rostworowski de Diez Canseco,Historia y cultura [Lima] 4, 1970, p. 258). Mais il n'est pas assuré que les mitimaes transférés du Collao aient été, comme les autochtones de Carabaya, au service personnel de l'Inca et de son lignage. Quoi qu'il en soit, nous nous en tenons, dans cette étude, à l'opposition fondamentale entre les deux systèmes d'exploitation utilisés, selon qu'il s'agit des mines « de l'Inca » ou des mines « des communautés ».

14. P. Cieza de Leon, Elsehorio de los Incas :2aparte de la crónica delPerú[\550], chap. 63, Lima, 1967, p. 211.

15. Cieza, ibid., chap. 18, p. 58 ; Santillán, « Relación… », § 42, 51, pp. 115, 116.

16. J. Polo de Ondegardo, « Informe del licenciado Juan Polo de Ondegardo al licenciado Briviesca de Munatones sobre la perpetuidad de las encomiendas en el Perú» [1561], Revista histórica (Lima), 13, 1940, p. 148.

17. M. Helmer, « ‘La Visitation de los yndios Chupachos’ : Inka et encomendero (1559) », Travaux de l'Institut français d'études andines, 5, 1955-1956, p. 40. On trouve une notation analogue, un peu moins détaillée, dans la Visita de la provincia de León de Hudnuco en 1562, Inigo Ortiz de Zuniga, Visitador, Huánuco, 1967-1972, t. 1, p. 26.

18. P. Sancho de la Hoz, « Relation para S. M. de lo sucedido en la conquista y pacification de estas provincias de la Nueva Castilla… » [1535], dans Colección de libros y documentos referentes a la historia del Perú, Lima, 1916-1919, vol. 5, p. 198.

19. Polo de Ondegardo, « Relation de los fundamentos acerca del notable daiïo que résulta de no guardar a los indios sus fueros… » [1571], dans Colección de libros… del Perú, vol. 3, pp. 101-102.

20. Visita… de Hudnuco…, p. 26.

21. Polo, « Relación… », p. 102. Les besoins en métaux précieux étaient en effet accrus, soit à cause des rituels funéraires (à la mort du souverain), soit par les exigences du nouvel Inca, qui devait constituer un patrimoine pour le lignage qu'il fondait par son accession au tróne.

22. « Informe… », p. 165.

23. Visita… de Huánuco…, p. 26.

24. « Information… de Carabuco », p. 69.

25. Ce que les caciques d'Omasuyo disent ici des mitimaes, qu'ils ne nomment pas mais que nous connaissons par ailleurs, vaut certainement pour les autochtones de Carabaya, qui sont au service personnel du lignage royal de Tupa Yupanqui.

26. El senorio…, chap. 18, p. 58.

27. Sancho de la HOZ, « Relacion… », p. 198.

28. La « cinquantaine » de travailleurs indiquée au début du texte semble correspondre au nombre approximatif de ceux qui sont occupés à l'extraction proprement dite, dont parle le même texte quelques lignes auparavant. La mita est une prestation en travail, à tour de róle ; ceux qui la fournissent sont appelés mitayos.

29. « Relacion… », p. 102.

30. « Información… de Carabuco », pp. 69-70, passim (c'est nous qui soulignons).

31. « Noticia gênerai de las provincias del Perú, Tierra Firme y Chile » [ 1630], dans Maurtua (éd.), Juicio de limites…, 2e série, t. I, p. 280.

32. « Visita que Alonso del Moral… », f. 455r°.

33. « Historia… », liv. 3, chap. 36, vol. l,p. 140. Que les Indiens n'aient jamais su exploiter les mines où l'or est enfoui dans la roche, c'est-à-dire les mines de filons, est peut-être vrai dans le sud du Tahuantinsuyo, mais, dans le nord, les Chachapoyas exploitaient au temps des Incas des cerros où l'or se trouvait « en betas fixas », autrement dit en veines continues et compactes (Bibliothèque nationale de Madrid, codex J 58, ms. 3 040 : « Memoria de las minas de oro que ay en estas prouincias de los Chachapoyas… », s.d., f. 448r°). Hors de l'aire culturelle inca, on peut citer les filons de quartz aurifère des Indiens d'Antioquia, dans l'actuelle Colombie (G. Fernández de Oviedo, Historia gênerai y natural de las Indias [1549], liv. 27, chap. 10. Madrid, 1959, vol. 3. pp. 167-168).

34. Sancho de la HOZ, « Relacion… », p. 198.

35. Ibid.

36. Ibid.

37. « Carta del factor de Potosi… » [1581], dans Relaciones geogràficas…, vol. 2, p. 62 ; P. Pizarro, « Relacion del descubrimiento y conquista de los reinos del Perú… » [1571], dans Crónicas del Perú, Madrid, 1963-1965, vol. 5, p. 221.

38. La vision des vaincus…, Paris, 1971, p. 119; cf. aussi M. Godelier, Horizon, trajets marxistes en anthropologie, Paris, 1973, pp. 83-92, 343-355.

39. Cobo, « Historia… », liv. 13, chap. 5, p. 157.

40. Métraux, A., Les Incas, Paris, 1961, p. 115 Google Scholar.

41. Polùica indiana [1648], liv. 2, chap. 17, Madrid, 1972, vol. 1, p. 291. Le mythe du « Roi inca » (Inkariy) est toujours vivant dans les communautés andines. Selon les versions recueillies dans la province d'Azangaro, la mort de l'Inca par les Espagnols a entraîné la disparition des métaux précieux, mais ceux-ci réapparaîtront le jour du Jugement dernier (J. A. Flores Ochoa, « Inkariy y Qollariy en una comunidad del altiplano », dans J. Ossio [éd.], Ideologia mesiánica del mundo andino [Lima], 1973, pp. 301-336, passim).

42. « Instrucción para descubrir todas las guacas del Pirú y sus camayos y haziendas » [ap. 1580], publ. par Duviols, P., Journal de la Société des Américanistes, 56(1), 1967, p. 18 CrossRefGoogle Scholar (c'est nous qui soulignons).

43. Ibid., p. 38.

44. « Historia… », liv. 3, chap. 36, vol. 1, pp. 138-139 ; cf. aussi de Acosta, « Historia natural y moral de las Indias » [1590], liv. 4, chap. 4, dans Obras del P. José de Acosta, Madrid, 1954, pp. 92-93.

45. « Primera parte… », liv. 8, chap. 24, vol. 2, p. 328.

46. C. de Molina, le Chilien («Conquista y población del Pirú… » [1552], dans Crónicas peruanas…, p. 76).

47. Relaciones geogràficas…, vol. 1, p. 185, n. 55 ; Cobo, « Historia… », liv. 13, chap. 11, vol. 2, p. 166 ; M. de Murúa, « Historia de los Incas » [1590], liv. 3, chap. 49, dans Colección de libros… del Perú, 2e série, t. 4, p. 227.

48. Fernández de Oviedo, Historia…, liv. 6, chap. 8, vol. 1, pp. 163-164; de Acosta, « Historia… », liv. 4. chap. 4, pp. 92-93 ; Cobo, « Historia… », liv. 3, chap. 36, vol. 1, p. 139.

49. Ibid., liv. 13, chap. 11, vol. 2, p. 166 ; cf. aussi de Murúa, « Historia… », liv. 3, chap. 49, p. 227.

50. Bertonio, L., Vocabulario de la lengua aymara… [1612], Leipzig, 1879, vol. 1, p. 317 Google Scholar et vol. 2, p. 55. En quechua, le sens est un peu différent : D. Gonzalez Holguin appelle koya le filon d'une mine (Vocabulario de la lengua gênerai de todo el Perti… [1608], Lima, 1952, pp. 69, 142, 589). La confusion entre les multiples gutturales des langues indigènes ainsi que la corruption phonétique ont été à l'origine du faux sens quasi général donné à ce mot, tant dans le passé (par exemple dans la «Descripcion de la villa y minas de Potosi, ano de 1603 », dans Relaciones geogràficas…, vol. 1, p. 374) que dans le langage contemporain.

51. Relaciones geogràficas…, vol. I, p. 346.