Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Il est traditionnel d'opposer, dans la littérature géographique arabe des IIIe-IXe et IV-Xe siècles, les sédentaires aux voyageurs. Les premiers, hommes de l'administration califienne ou lettrés, qui s'adressent, selon le cas, à un public de fonctionnaires ou à « l'honnête homme » du siècle, ne font guère qu'exploiter des documents écrits : archives pour les uns, encyclopédies de « culture générale » (adab) pour les autres. Très tôt toutefois, des préoccupations économiques, religieuses et politiques, sans parler de la simple curiosité, ont amené l'éclosion d'une littérature du voyage et du témoignage direct (‘iyân), dont la fortune fut considérable. Fortune littéraire, d'abord, car la littérature des cénacles devait y puiser largement, à la recherche de thèmes insolites ; mais aussi, succès considérable auprès de la littérature des bureaux, soucieuse de rectifier sur le terrain les données de la vieille géographie ptoléméenne, la traditionnelle image de la terre (sûrat al-ard) que le monde arabo-musulman connaissait par les œuvres des traducteurs du IIIe-IXe siècle.
Je suis redevable, pour cet article, aux nombreuses observations et références que m'a communiquées M. M. Canard, ainsi qu'à son article sur Ibrahim b. Ya ‘qûb et sa relation de voyage en Europe, paru dans les Études d'orientalisme dédiées à la mémoire de Lévi-Provençal, Paris, 1962, t. II, pp. 505-508. M. Canard avait annoncé, à la fin de cette publication, son intention de traduire les passages d'Ibrâhîm b. Ya ‘qûb conservés par les auteurs arabes postérieurs. Ce m'est un motif de plus pour le remercier de la courtoisie avec laquelle il a bien voulu m'encourager à présenter cette traduction. Il va sans dire que j'ai voulu, avant tout, m'attacher à ce qui avait chance d'intéresser les médiévistes, c'est-à-dire le texte lui-même, sans prétendre épuiser, ni même aborder, tous les points de philologie, de géographie ou d'histoire qu'il soulève, dans sa forme mutilée et souvent incertaine. Il me sera évidemment très précieux de recevoir, des spécialistes intéressés, les compléments et rectifications indispensables. — Eu raison de certaines difficultés typographiques, on a dû adopter un système de transcription spécial, inspiré de celui de l'Encyclopédie de l'Islam, mais avec quelques variantes : h (spirante sourde), s, d, t, dh (consonnes emphatisées), q (occlusive glottale sourde), â ä, î, û. (voyelles longues).
page 1048 note 2. Vue d'ensemble sur cette littérature dans Encyclopédie de l'Islam, 2e éd., t. II, pp. 590-602, s.v. « Djughrâfiyâ » (S. Maqbul Ahmad).
page 1049 note 1. Le texte essentiel est la Relation de la Chine et de l'Inde (Akhbâr as-Sin wa I.-Hind) (vers 850 J. C), éd. et trad. française par J. Sauvaget, Paris, 1948.
page 1049 note 2. Les textes les plus importants ont été recueillis par A. Vasiliev, Byzance et les Arabes, éd. franc, de M. Canabd et H. Grégoire, Bruxelles, 2 v., 1935 et 1950.
page 1049 note 3. Cf. la trad., par M. Canard, de la Risâla (essai) d'Ibn Fadlàn sur son voyage chez les Bulgares de la Volga (921-922 J. C), dans Annales de l'Institut d'Études orientales de la Faculté des Lettres d'Alger, t. XVI (1958), pp. 41-146.
page 1049 note 4. Voir, par exemple, les citations d'un Hârûn b. Yaftyä (sur Salonique, Pavie, Rome et la Grande-Bretagne, notamment) par ibn rusteh, trad. franç. (Les Atours précieux) par G. Wiet, Le Caire, 1955, pp. 143-148.
page 1049 note 5. Turfûshî signifie « tortosan ».
page 1050 note 1. Onze pages de texte arabe, 162 pages de commentaire, notes et index (en polonais et latin), avec planches de reproduction du manuscrit.
page 1050 note 2. Il n'a conservé, du texte de Bakrî, que les passages relatifs à la Pologne et à la légendaire Ville des Femmes (cf. plus bas, article « Schleswig »).
page 1050 note 3. Berlin, 1891, 2° éd., 34 pp.
page 1050 note 4. Op. cit., p. 10.
page 1050 note 5. Op. cit., p. 21 sqq.
page 1050 note 6. La 3e éd. (Berlin, 1896, 77 p.) est intitulée Ein arabischer Berichterstatter (Artikel aus Qazwinîs « Athâr al-bilâd »). Très confuse, elle exclut, on ne sait pourquoi, Noirmoutier, mais déborde le cadre jusque là observé et donne notamment les notices relatives à Bakou et à certaines villes d'Espagne. La 2e édition de l'ouvrage de Jacob (citée n. 3) forme, avec trois autres publications successives, ses Studien in arabischen Geographen (t. II, III et IV, Berlin, 1892, avec pagination continuant celle de la 2e édit., précitée, d'Ein arabischer Berichterstatter, qui forme le t. I). Je cite, par ailleurs, un peu plus loin, un autre ouvrage de Jacob intitulé Arabische Berichte von Gesandten an germanische Fûrstenhôfe aus dem 9. und 10. Jahrhundert, Berlin- Leipzig, 1927.
Dans nos références, Q désignera dorénavant le texte de Qazwînî (t. II de l'éd. Wùstenfeld, Gôttingen, 1848), J ou Jacob le texte des Studien (principalement la 2e éd. d'Ein arabischer Berichterstatter) et J (3) la 3e éd. d'Ein arabischer Berichterstatter.
page 1051 note 1. Position qui se renforce de l'autorité d'I. Kratchkovsky, Arabskaïa geografitcheskaïa literatura, Moscou-Leningrad, 1957, p. 192, 1. 18-19. Sur l'exception de Rome, cf. la note suivante.
page 1051 note 2. Cf. notamment les articles « YURA » et « WRNK » (il s'agit probablement des pays de la Baltique, appelée « Baftr al-Warank » (Mer des Warank), le mot de WRNK seul renvoyant aux Varègues, envahisseurs Scandinaves de la Russie, ou Variagues : sous cette dernière forme, le mot peut désigner les mêmes envahisseurs, ou les Scandinaves en général, ou encore les Scandinaves d'origine spécifiquement norvégienne : cf. CANARD, op. cit., 117, n° 180 i. f.). Pour Rome, réduite à des traits légendaires, Qazwînî s'est inspiré d'autres sources (Kratchkovsky, op. cit., p. 133).
page 1051 note 3. Cette hypothèse inspirera l'ordre de présentation des textes.
page 1051 note 4. Si l'on élimine l'hypothèse d'un voyage réellement effectué jusqu'à l'Irlande (ou l'Islande) au profit de celle d'un récit recueilli oralement, c'est peut-être dans une de ces trois dernières villes que le récit a été recueilli.
page 1051 note 5. Cf. Kratchovsky, op. cit., 190.
page 1052 note 1. Q 334-335, J (3) 35. Texte relevant du chapitre consacré au cinquième climat, qui comprend par ailleurs, entre autres pays, l'Arménie, ie Caucase, l'Asie Mineure, la Grèce et l'Espagne. La localisation exacte des pays décrits apparaît très difficile. Sans doute faut-il penser à l'Italie et aux régions méridionales de la France, jusqu'à la latitude de Noirmoutier, rangée elle aussi dans le même chapitre. Mais Bordeaux et Trapani font alors difficulté, puisque relevant du chapitre consacré au sixième climat, qui borde au nord le précédent. Du reste, une autre notice sur le pays des Francs se trouve au chapitre du sixième climat, Elle n'est sans doute pas, elle, de la plume d'Ibrâhîm b. Ya'qûb, puisque expressément rapportée à l'écrivain Mas'ûdî (mort en 345/956), et semble désigner spécifiquement la France. En voici la traduction (J (3) 21) : « Le pays des Francs (Ifrandja) est vaste et situé aux limites occidentales du sixième climat. D'après Mas'ûdî, il renfermerait cent cinquante villes, dont la capitale serait Paris (Barîza) [ch. les Prairies d'or, de Mas'ûdî, III, 67, qui soulignent en effet le rôle prééminent de Paris (avec une graphie défectueuse : Bawîra), appelée « siège de l'autorité royale chez les Francs » : « dâr mamlakatihim ».] Ce pays s'étend en longitude sur un mois de marche, et, en latitude, sur une distance plus grande encore. Sa situation le rend peu fertile, impropre au labour, peu généreux [ou, avec une vocalisation différente : portant peu de vignes], mais très boisé. Ses habitants, les Francs, sont chrétiens ; gens de guerre, ils se battent, sur terre et sur mer, sans faiblesse ni défaillance, se refusant à fuir, car la défaite, chez eux, est pire que la mort. Ils tirent leurs ressources du commerce et de l'artisanat. »
page 1052 note 2. Célèbres, entre tous, avec ceux du Yémen.
page 1053 note 1. Il semble impossible d'identifier ces villes protégées par le roi des Francs. Sans doute faut-il voir là, en dernière analyse, une allusion à la défense des villes d'Italie du sud (et même de Rome) contre les raids arabes et à l'impossibilité où se trouvèrent les Musulmans d'assujettir complètement toutes les villes du littoral sicilien.
page 1053 note 2. = Q 389-390, J 23-24 (Qazmînî-Studien). La graphie arabe Brdhîl (latin Burdigala) laisserait croire, pour le « d », à la prononciation qu'on étudiera plus loin à propos de Rouen ; mais cette possibilité est contredite par le traitement, en français, des dentales derrière consonne : il faut donc restituer une graphie Brdîl.
page 1053 note 3. L'édifice auquel il est fait allusion est sans doute le temple de Tutela, qui fut détruit par Vauban en 1677 ; cf. J 144-145, avec références à : Drouyn, Bordeaux vers 1450, description topographique, Bordeaux, 1874 ; Baurein, Recherches sur la ville de Bordeaux, t. IV, Bordeaux, 1876 ; Robert, Le culte de Tutela, t. IV, Bordeaux (Société Archéologique), 1877 ; Juixian, C., Le temple de Tutelle à Bordeaux d'après une gravure du XVIe siècle, Paris, 1892 Google Scholar.
C'est sans doute au même édifice, mais sous un nom considérablement déformé, que renvoie le texte du « Kitâb ar-rawd al-mi'târ » (éd. Levi-Provençal, La Péninsule ibérique au Moyen Age…, Leyde, 1938), qui donne (p. 53), comme un monument de Bordeaux, le « palais de Titus » (« qasr Tîtush »).
page 1053 note 4. Pour ce nom, on peut faire, sous toutes réserves, l'hypothèse suivante : la partie finale du mot peut se lire, au lieu de WATI, RATS. On aurait alors le nom de l'île de Ré (latin Ratis ; cf. Géogr. de Ravenne, cité dans Besnier, M., Lexique de géographie ancienne, Paris, 1914, p. 637 Google Scholar), le «a» transcrivant un son mal connu, issu de «a» latin en voie d'évolution vers c (cf. * ad-satis > assez, cantatis > chantez).
page 1053 note 5. La pratique signalée dans le texte rappelle évidemment celle des régions nordiques (J 24). Elle reste étrange ici, et Jacob se demande si elle n'appartenait pas originellement à une autre notice. Mais rien n'est moins sûr, la mention de Bordeaux revenant en fin de texte et le nom de mâdiqa semblant renvoyer non à un mot d'origine germanique, mais au latin médica (ou médicu, avec une terminaison arabe de même genre que celle qu'on verra plus bas, « Saint Malo », n. 3, fin) ; dans les deux cas, on aurait affaire à une forme savante, dictée telle quelle à l'auteur par son informateur, et la seconde, notamment, en place de la forme plus courante « miège »). Il n'est pas interdit de penser en définitive aux envahisseurs normands, qui auraient transporté, sur des arbres appartenant à la flore de la région, leurs habitudes alimentaires. L'allusion à des Normands semblerait confirmée par le fait que le texte renvoie visiblement à une population dont la navigation est la ressource essentielle ; navigation à grand rayon d'action, puisque définie a contrario, dans le texte, par rapport à la petite navigation côtière qui, elle, reste toujours possible, même en hiver. La présence des Normands dans la région de Bordeaux est du reste confirmée par le « Kitab ar-rawd al-mi'iâr », loc. cit.
Sur l'arbre exploité (peut-être de l'espèce du pin), cf. J 146, et Arabische Berichte, p. 28. Sur la pratique alimentaire décrite, cf. Maurizio, A., Histoire de l'alimentation végétale, Paris, 1932, pp. 46 et 154-155Google Scholar.
page 1054 note 1. Il est difficile de localiser cette « montagne ». Tout ce qu'on peut noter, c'est que le thème de la statue indiquant les périls d'une exploration au delà du point qu'elle occupe est courant pour un pays supposé être la limite du monde habité : cas de l'Espagne, des Iles Fortunées ou de la Corée : cf. IBN RUSTEH, op. cit., p. 86, n° 1 ; Ibn Khurdadhbeh, « Kitâb al-masâlik wa 1-mamâlik », éd. De Goeje, Leyde, 1889, p. 116, etc. Dans le cas présent, la limite en question est représentée par l'Océan ou Mer Environnante (« al-baftr al-muAît »), lequel, pour les Arabes du Moyen Age comme pour les Grecs qui leur ont transmis cette notion, entoure la terre de toutes parts.
page 1054 note 2. Q 369 ; non traduit par Jacob. Le nom de l'île, transcrit Frmntîra, pourrait renvoyer, dans le principe, à Formentera, une des Baléares, mais la mention de A l'Océan fait alors difficulté. Il vaut mieux lire Frmntîra, renvoyant à Fromentine, nom du goulet qui sépare Noirmoutier de la côte.
page 1054 note 3. Le mille équivalant au tiers de la parasange (farsah) arabe, elle-même de l'ordre de 5,760 km, on obtient pour l'île des dimensions exagérées (environ 38 x 5,7 km). La réalité lui donne une longueur de 18 km sur une largeur variant de 1 à 6 km.
page 1054 note 4. Cette précision, qui nous paraît superflue pour une île, est nécessitée par le sens de l'arabe « djazîra », qui désigne toute contrée isolée d'une autre ou d'un continent, sur un ou plusieurs de ses côtés, par la mer, un grand fleuve, ou un désert : cf. Sauvaget, Relation de la Chine et de l'Inde, op. cit., paragraphe 5, n° 4, Encycl. Isl., 2e éd., II, 536.
page 1054 note 5. Ce qui est dit des serpents et des insectes, rapprochés ici comme ils le sont dans la théorie aristotélicienne (cf. par exemple Histoire des Animaux, VI, I) garde sans doute trace de vieilles théories sur « la génération et la corruption » mais, Aristote, ni dans le traité qui porte ce titre, ni dans la Génération des Animaux, ne laisse entendre que les oeufs, déposés sur ou en terre, se développent par un effet de cet ordre. Il reste que le thème exposé ici est courant dans la littérature arabe : voir par exemple, pour Ispahan, Yâaût, Mu'djam al-buldân, s.v.
page 1055 note 1. L'essor, en Occident, de la culture du safran (utilisé pour ses propriétés culinaires, tinctoriales et, prétendait-on, abortives, est, à ma connaissance, généralement fixé à l'époque des Croisades. Si le texte est réellement d'Ibrahim b. Ya'qûb, il faudrait attribuer, par le jeu des échanges commerciaux, son introduction en Europe à une date antérieure.
page 1055 note 2. Q 408, J (8) 85-86.
page 1055 note 3. L'identification de Shîthmrtîn avec Saint-Martin a été proposée par Jacob (p. 26), qui a ensuite pensé à un Ker-Maria (J (3), loc. cit.). Je n'ai pas été plus heureux que lui pour retrouver, dans les textes consacrés à Martin (Sulpice Sévère, Grégoire de Tours, Portunat, Paulin de Périgueux), une trace de la légende ou de la localité. La première est une histoire de plus à ajouter à toutes celles qui mettent aux prises Martin avec les brigands. La seconde pose de difficiles problèmes : j'ai pensé, en dernière analyse, à Saint-Malo, pour certaines raisons historiques et philologiques : en effet, Martin étant un des saints les plus populaires, et son culte très répandu, il n'est pas étonnant de trouver des Saint-Martin en Bretagne, notamment dans les Côtes-du-Nord, le Finistère et le Morbihan. Ce qui est plus intéressant, c'est que l'on trouve des Saint-Malo en dehors de la Bretagne proprement dite, notamment en Loire-Atlantique et Vendée. La légende rapporte en effet que Malo, brouillé avec ses compatriotes, se serait retiré pour un temps en Saintonge, donc dans cet Ouest de la France où Martin avait eu le principal de ses activités. Les relations que la légende établit, à travers les deux saints, entre les deux régions, trouveront une concrétisation historique lorsque Marmoutier, l'abbaye de Martin, deviendra propriétaire de celle de Saint-Malo. La concrétisation symbolique se fait, elle, dans notre texte, par la mention de la vigne, la plante des pays de la Loire, transportée au Nord. Enfin, une autre « rencontre » de Martin et Malo en Bretagne m'est signalée par G. Troupeau : il s'agit de la version locale du thème des Sept Dormants, identifiés parfois avec les compagnons de saint Martin, Malo étant l'un des sept (cf. Massignon, dans Revue des Études islamiques, XXII (1954), 59-112).
L'île où s'établit, au v i e siècle, l'ermite Aaron auquel succéda Malo, île qui devait devenir Saint-Malo, fut effectivement plus tard, à l'époque des invasions normandes, un refuge fortifié (” hisn », comme dit le texte) où vinrent s'abriter les habitants de la région, et notamment ceux d'Aleth (la future Saint-Servan), apportant avec eux les reliques de saint Malo, qu'ils détenaient ; c'est alors, pense-t-on, que le nom de Malo fut donné à la nouvelle ville.
On peut donc penser que ce refuge, vers les ixe-xe siècles, a été désigné sous le vocable breton de Ker-Malo. Dans ce cas, le H final de la transcription arabe (Krmâlh) traduirait, comme dans d'autres textes, la terminaison -o (cf. Mshqh pour Mesko, roi de Pologne, HUTH ou UTH pour Otto, etc.). Cette composition est d'autant plus recevable que le mot ker, à cette époque, ne s'est pas encore affaibli en son sens de « maison », « lieu », mais garde son sens premier de « lieu retranché », équivalent du latin « castrum » (cf. Longnon, A., Les noms de lieu de la France, Paris, 1920-29, pp. 314–316 Google Scholar ; cf. aussi de Jcbainville, D'Akbois, Recherches sur l'origine de la propriété foncière, Paris, 1890, p. 137, n° 1Google Scholar) : Ker-Malo serait donc, au propre, « le refuge de Malo ».
page 1056 note 1. Je traduis ainsi, faute de mieux, le pluriel « sarâwîl » de « sirwâl » (pantalon bouffant).
page 1056 note 2. Q 396, J 18-19. La graphie RDHÛM renvoie évidemment à la première partie du nom de Rotomagus ; elle est préférable à la leçon RDUM donnée, elle aussi, par les manuscrits : en effet, on sait que le « t » latin, en position intervocalique, est passé à la sonore correspondante « d », dans une grande partie du domaine roman, dès le v° siècle. Le « d » à son tour, qu'il fût primaire ou secondaire, passa à l'interdentale spirante « d » («th » anglais doux), mais cette fois spécifiquement dans le nord de l'ancienne Gaule, au vme siècle, avant d'achever, par sa disparition complète vers 1100, le cycle de son évolution. La graphie RDHÛM est donc justifiée pour une prononciation enregistrée au Xe siècle. Quant à la terminaison en ûm, elle rappelle celle des toponymes composés avec le celtique *mago (” champ », d'où « marché » et équivalent du latin «forum») : Biliomagus > Billom, Rigomagus > Riom, Icciomagus > Usson (cf. Dauzat, A., La toponymie française, Paris, 1960, p. 202 Google Scholar). Mais, alors que les toponymes de langue d'oc ont suivi l'évolution courante de la voyelle o devant la nasale m (fermeture d'abord, puis au XIIe siècle, nasalisation et ouverture : om > on), le toponyme normand obéit aux lois phonétiques du nord de la France : ici, devant m, la voyelle o conserve un son ouvert, puis se diphtongue en ne (le premier o du mot passant, lui, normalement, en tant qu'appartenant à une syllabe initiale non accentuée, au son u (français ou) au XIIIe siècle) : cf. Bourciez, Précis de phonétique française, pass.
page 1056 note 3. Rectifier, à tout le moins, la leçon SH'NA du texte en S'NA.
page 1056 note 4. Jacob interprète la formule négative «Iâ… aslan (là yafla/m bihâ 1-kurûmu wa sh-shdjaru aslan ») en : Nient schlagen dort Reben und Baume Wurzel ». Sur le sens de «figuier » donné en Espagne à «shadjar» (arbre), cf. Dozy, Supplément aux dictionnaires arabes, I, 728.
page 1056 note 5. Les Espagnols (cf. Dozy, I, 671) semblent entendre en ce sens le mot de «suit», dont l'acception couramment admise est celle d'orge (dépouillée de sa balle).
page 1056 note 6. Ou « ‘abr », selon d'autres manuscrits (cf. Dozy, II, 194).
page 1056 note 7. Telle est la leçon adoptée par Jacob. Mais on pourrait comprendre aussi, en donnant au mot de « isba' » (doigt) le sens, largement attesté, d'objet ou d'ornement affectant la forme d'un doigt : un jeune homme dont la barbe descendait jusqu'aux genoux, à la hauteur desquels elle se répartissait, par l'effet du peigne, en quatre nattes.
page 1057 note 1. Jacob (p. 19, n. 1) propose fort justement de lire, avec un diacritisme différent, « ghâns », où l'on reconnaît clairement le vocable germanique, connu déjà du vieux haut-allemand (cf. Streitberg, Vrgermanische Grtmmatik, pp. 120-121).
page 1057 note 2. Le nom de 'ÂLIQ connaît une autre lecture : ‘ÂLÎQ. Dans ce cas, la lettre q représentant sans doute une transcription du g dur inconnu de l'arabe, on peut penser, avec Jacob (p. 19, n. 2), aux îles Halligen, sur les côtes de la Frise septentrionale, mais aussi à l'île d'Heligoland.
page 1057 note 3. Q 388-389, J 19-20.
page 1057 note 4. Le nom de « Madjûs » (adorateurs du feu, Zoroastriens) a été donné par les Arabes d'Occident aux Normands (cf. Lévi-Provençal dans Enc. Isl., 1re éd., III, 105-106, avec bibl.). Son emploi à propos de l'Irlande (dans le cas où l'on conserve cette graphie : cf. ci-après, n. 5) laisserait entendre qu'il a été utilisé pour désigner, à travers les Normands eux-mêmes, l'ensemble des peuples et pays maritimes de l'Europe du nord-ouest, illustrés par leurs exploits.
page 1057 note 5. Si la graphie du nom est bien ÎRLANDA et non ISLANDA, l'estimation du périmètre de l'île est assez méritoire. Le mille arabe valant, comme on l'a dit, environ 1,9 km, on arrive à 1.900 km de tour. Si, négligeant les innombrables anfractuosité” côtières, on enferme l'île dans un parallélogramme de 800 x 400 km, on obtient un périmètre de 1.400 km ; on voit donc que le chiffre avancé, compte tenu précisément du profil de la côte irlandaise qui en allonge les distances, est d'une précision assez remarquable pour l'époque.
La localisation de l'île par rapport aux autres lieux d'Europe est moins heureuse: dans la division longitudinale en sept climats, héritée de la géographie ptoléméenne, l'Irlande relève, ainsi qu'il est dit, du sixième, soit de l'avant-dernier au nord, alors que Soest, Paderborn et Schleswig sont classées au chapitre relatif au septième climat. Or, les latitudes sont du même ordre (en gros, 51-55° pour l'Irlande, 51-52° pour Soest et Paderborn, 54°30’ pour Schleswig). L'erreur s'aggrave s'il s'agit de l'Islande.
page 1057 note 6. Pluriel de « burnus » (burnous).
page 1057 note 7. La valeur de cette monnaie ayant considérablement varié selon les lieux et les époques, il est impossible de fixer avec précision le prix du manteau. A titre indicatif, on signalera que le dinar avait, jusqu'au début du Xe siècle, un poids approximatif de 4,25 gr et un titrage de 96 à 98 %.
page 1057 note 8. La graphie «ablîna » remplace ici celle, plus courante, de wâl (ou bâl, fâl), démarquage du persan vâl : cf. Sauvaget, Relation de la Chine et de l'Inde (op. cit., p. 34).
page 1058 note 1. «Adjrâ'ahâ» : leurs petits (des baleines) : « adjrâ'» est le pluriel de «djarw», qui désigne ordinairement le chiot, le lionceau ou le petit de tout animal carnassier.
page 1058 note 2. Il faut en effet, comme le suggère Jacob (p. 20, n. 3), substituer istabsha'athâ ou « istashna'athâ » à la leçon » istab'athathâ » du texte de Qazwînî.
page 1058 note 3. Q 388, J 12. La leçon 'NTRHT de Qazwînî a été fort justement rectifiée par Jacob en 'ÎTRHT (latin Trajectum).
page 1058 note 4. C'est évidemment la tourbe.
page 1058 note 5. Il m'est impossible de préciser le genre d'outil employé le mot de « fa's » désignant toute espèce de pioche ou de hache.
page 1059 note 1. Q 888, J 169-170, J (3) 22. On rectifiera, au nom de l'usage des manuscrits maghrébins, la leçon AFSH du texte de Qazwînî en AQSH, où il faut reconnaître une des innombrables sources d'eau chaude à l'origine des toponymes en Aix ou Ax (note de Jacob, p. 26). Reste à préciser de quelle ville il s'agit : l'importance de l'établissement fait songer en priorité à Aix-en-Provence (Aquae Sextiae) et Aix-la-Chapelle (Aquae Granis ou Aquisgranum : Aachen, Aken). Mais l'essor de la seconde, depuis Charlemagne, le fait qu'en effet elle voit naître, issu de la source d'eau chaude, le ruisseau du Wurms, font pencher en sa faveur, à moins (mais l'interprétation ne paraît pas aussi sûre) que le groupe « ‘alâ Jarafi nahrin » ne signifie : « à l'écart d'une rivière », auquel cas il faudrait songer à Aix-en-Provence, située à quelque distance du fleuve côtier de l'Arc). Une autre Aqš (Lugo, en Galice espagnole) est donnée par le « Kitâb ar-rawd al-mi'târ », op. cit., p. 85 (28 du texte arabe).
page 1059 note 2. Corriger djamma en Aamma.
page 1059 note 3. Q 409, J 13-14. Le nom de MGHANDJA renvoie à Mogontiacum et sans doute, à travers une graphie approximative, à un stade intermédiaire vieux haut-allemand du type Maginza (cf. STREITBERG, pp. 43-45) ; le « gh » arabe transcrit une spirante gutturale et le « dj » essaie de traduire le son « ts » développé, dès le latin parlé de l'époque impériale, à partir du groupe « ty ».
page 1059 note 4. La date de 301-802 (913-914 après J.-C.) correspond en effet aux premières années du règne de Nasr b. AAmad (301-331 /913-943), qui marque l'apogée de la dynastie sâmânide du Khurâsân : celle-ci, vassale du califat de Bagdad, n'en mena pas moins, sur un vaste territoire allant du Seïstan à la Transoxiane et à la partie nord de l'Iran actuel, une politique indépendante, qui fit une large place à la renaissance de la littérature et des traditions persanes.
La mention du Directeur des Monnaies (sâftib as-sikka) sur les pièces semble référer à un personnage exceptionnellement en faveur auprès de son souverain (voir, pour les monnaies émises à Bagdad même, de rares exemples dans SOURDEL, Le vizirai abbasside, Damas, 1960, pp. 150, 640 et 678), mais le titre même de « sêJiïb as-sikka » semble un usage spécifiquement espagnol (cf. Lévi-Provençal, , L'Espagne musulmane au Xe siècle, Paris, 1932, p. 76 Google Scholar). Au début de son règne, Nasr n'a que huit ans et la régence de la principauté est confiée à un personnage particulièrement célèbre, le géographe et vizir Abu ‘Abd Allâh-al-Djayhânî (cf. YÂQÛT, Mu'gjam al-udabâ', éd. du Caire (1355-57/1936-38), t . XVII, pp. 156-159) ; il n'est pas impossible que ce fût ce nom-là qui figurât sur les monnaies vues à Mayence, environ cinquante ans après leur frappe, par notre voyageur. Sur les monnaies arabes en Europe au Moyen Age, cf. M. LOMBARD, « Les bases monétaires d'une suprématie économique ». « L'or musulman du v n e au x° siècle », dans Annales, II, 1947, pp. 142-160 ; J . DUPLESSIS, « La circulation des monnaies arabes en Europe du VIIe au XIIIe siècle », dans Revue numismatique, v-18, 1956, K. G. Peterson et U. S. Linder Welin, The Slubbemala Hoard, coll. Univ. Lund, 1962-1963, pp. 286-323 (compléter avec U. S. Linder Welin, Commentaiiones de nummis saeculorum IX-XI in Suecia repertis, pp. 21-102).
page 1060 note 1. Cf. Dozy, II, 340, mais il faut noter que l'œillet, ordinairement désigné sous ce terme (dérivé, comme notre « girofle », du grec « karyophyllon »), est lui aussi une plante originaire de climats chauds ou tempérés chauds (Asie et bassin méditerranéen).
page 1060 note 2. Cf. Desmaisons, Dictionnaire persan-français, II, 282.
page 1060 note 3. L'importance des notations relatives aux échanges entre l'Asie et l'Europe a déjà été soulignée. Parallèlement à la voie méditerranéenne menant, depuis l'Espagne et la Narbonnaise, soit à l'isthme de Suez, soit à Antioche, on connaît la voie de terre qui, par l'Europe centrale, aboutit à Constantinople ou aux pays de la basse Volga. Ces itinéraires, ainsi que les produits échangés, nous ont été conservés par les premiers géographes arabes, notamment par Ibn Khurdâdhbeh, (op. cit., pp. 153-155, trad., pp. 114-116), qui est la source essentielle de Heyd au t . I de son Histoire du commerce du Levant au Moyen Age. On trouvera, sur les échanges Orient-Occident par voie de terre, pour une époque antérieure encore à celle d'Ibrâhîm b. Ya’ qûb, d'autres indications dans les textes d'Ibn al-Faqîh, (Kitâb al-buldân, éd. De Goeje, Leyde, 1885, p. 270) et de DjâftidA (trad. par C. Pellat dans Arabica, I, 1954, pp. 153-165).
page 1060 note 4. Q 387, J 11. Le nom de 'BÛLDA pourrait aussi renvoyer à Apolda, près de Weimar, mais la référence à la célèbre abbaye, fondée par Sturm, disciple de saint Boniface, lève tous les doutes. Boniface en effet fut évêque de Mayence, donc au pays des Francs, comme on le verra plus bas, évangélisa la Hesse, la Thuringe et la Bavière, mourut martyr en Frise au v m e siècle et fut finalement inhumé à Fulda.
page 1060 note 5. Ce nom a été identifié (J, 33) comme étant celui du deuxième abbé de Fulda, Baugulf (779-802), sous lequel l'abbaye connut une extension décisive.
page 1060 note 6. Cette remarque recouvre une réalité historique : jusqu'en 1397, les femmes se sont vu interdire l'accès de la collégiale.
page 1061 note 1. Cf. Dozy, II, 435 (pi. plus usité : ku'ûs).
page 1061 note 2. « Alwâh al-âthâr » (litt. : tables de souvenirs, de vestiges). On peut penser à des plaquettes d'ex-voto (Jacob : « Gedenktafel ») ou à des tableaux perpétuant le souvenir du Christ ou de saints personnages, mais il vaut mieux, semble-t-il, opter pour le reliquaire en forme de cadre.
page 1061 note 3. Q 413, J 17. Le nom de Susatium est transcrit SHÛSELIΔ ou SÛST.
page 1061 note 4. V. Minobsky (A history of Sharvân and Darband, Cambridge, 1958, pp. 109-110), a, semble-t-il, été le premier à démontrer que l'appellation de Slaves n'était pas, comme on a pu longtemps le croire, toujours donnée confusément par les Arabes à l'ensemble des peuples, slaves ou non, de l'Europe du nord-est, mais qu'elle répondait souvent à des expériences précises : cf. ce qui a été dit plus haut, dans l'introduction, sur la frontière entre Francs et Slaves.
page 1061 note 5. Allusion probable aux sources d'eau salée de Werl et de Sassendorf (Jacob, p. 17, n° 3).
page 1061 note 6. « Qarn » (corne, d'où : coin, recoin, et ici : foyer abrité) ou, avec un diacritisme différent : « furn » (four, fourneau), sans aucun doute préférable.
page 1061 note 7. Q 415-416, J 17-18. L'identification de WÂTRBÛRÛNA avec Paderborn est évidemment facilitée par la localisation de la ville aux environs de Soest, en Westphalie.
page 1061 note 8. Ce mot, où l'on reconnaît la racine arabe SH'R, qui désigne les cheveux, le poil, peut-être une traduction du germanique « Haar », renvoyant à des noms de la région (Jacob, p. 18, n” 2 : Haar, Haarstrang ; ajouter Haaren, petite ville située à une vingtaine de km au sud de Paderborn). Jacob souligne par ailleurs la richesse en eau de cette région, la rivière de la Pader naissant, à l'intérieur même de la ville de Paderborn, de 198 sources. Sur l'identification de la Source de Miel, cf. J 22, 33-34 et 144.
page 1062 note 1. « ‘ufusa », mot formé sur « ‘afs » (noix de galle).
page 1062 note 2. Q 404, J 12-13. Aucune difficulté d'ordre philologique : le nom de la ville est transcrit SHLSHWÎQ (ou SHLSWÎQ), le « q » final représentant, ici encore, une transcription du « g » (en finale, prononciation dure ou spirante).
page 1062 note 3. L'Océan ou Mer Environnante (al-bahr al-muhît) est, comme on l'a dit, une notion héritée des Grecs : appliquée à la Baltique, la dénomination traduit les incertitudes de la connaissance géographique d'alors aux approches des régions septentrionales. On peut s'étonner toutefois du caractère approximatif de la notation d'Ibrahim b. Ya'qûb, la ville étant située non pas directement sur la mer, mais au fond du fjord de la Slie (Schlei).
page 1062 note 4. C'est le nom donné à Sirius ou, plus généralement, à l'ensemble de la constellation du Chien.
page 1062 note 5. Dans l'ensemble de la rubrique, la comparaison implicite avec les coutumes arabes est nette : paganisme, initiative du divorce échappant à l'homme et pratique du meurtre des enfants, sans doute comparée à celle qui existait en Arabie avant l'Islam (enterrement des filles nouveau-nées).
On rapprochera, de la notation relative à la capacité des femmes, le passage concernant la légendaire Ville des Femmes (Q 408) (à comparer avec le texte conservé par Bakrî, éd. KOWALSKI, p. 5) : « C'est une grande ville, de vaste périmètre, située dans une Ile sur la Mer Occidentale (nouvelle preuve des hésitations, déjà signalées, de la connaissance géographique : le nom de Mer Occidentale (BaAr al-Maghrib) est généralement celui de la Méditerranée, mais il s'applique également parfois a certaines parties présumées de l'Océan, notamment à la Baltique, dont il est sans doute question ici. Cf. Encyclopédie de l'Islam, 2e éd., I, 963-964 (s. v. «Bahr ar-Rûm») ]. D'après Turiûshî, elle est habitée par des femmes, sur lesquelles les hommes n'ont aucun pouvoir. Elles montent les chevaux, mènent la guerre avec une extraordinaire bravoure au combat et possèdent des esclaves, qui rendent chaque nuit visite à leurs maîtresses et, la nuit passée, les quittent en cachette au point du jour. Quand ces femmes donnent naissance à un enfant mâle, elles le tuent sur l'heure, mais elles laissent vivre l'enfant si c'est une fille. Turiûshî soutient que la Ville des Femmes existe réellement et qu'il ne saurait y avoir le moindre doute à son sujet (cette dernière phrase est une simple assertion, qui prouve qu'Ibrahim rapporte péremptoirement une tradition (où l'on reconnaît le thème des Amazones), sans pouvoir ajouter qu'il a vu lui-même la ville : aussi a-t-on exclu ce passage de la présente traduction). »
page 1063 note 1. Q 888, J (3) 20-21. La graphie 'SHT (ou 'ST) est très obscure. Le texte renvoyant à une ville sans doute importante et de solides traditions commerciales, il faut écarter de petites localités ou bourgades comme Asti, Este (J 169), Aoste ou Augst. En revanche, l'ancienne appellation d'Augusta, dont dérivent ces deux derniers noms, peut être retenue s'il s'agit de villes plus importantes et à condition qu'elles soient situées en pays « franc ». Augusta Treverorum (Trêves) ne convient pas, le nom de la ville étant déjà réduit alors à son deuxième composant (voir par exemple la chronique de saint Martin par Sulpice Sévère, citée plus haut). En revanche, il est permis de penser à Augusta Vindelicorum, tant en raison de la situation stratégique et de l'importance commerciale de la ville que de son nom même : ici, c'est la première partie du groupe qui a été conservée, à quoi l'on a joint le nom-suffixe germanique -burg : la forme Augstburg étant attestée au Moyen Age, il n'est pas interdit de penser que nous avons affaire ici à la première partie du mot, enregistrée à une époque où la ville était effectivement désignée sous cette forme simple, ou du moins à un stade où la composition du nom était assez récente pour laisser vivace, dans les consciences (et notamment dans celle de l'informateur, désireux de garder une forme savante et épurée, en place de la forme tendant à prévaloir dans l'usage commun), le souvenir du premier élément.
page 1063 note 2. Corriger « wâqafahu » en « wâfaqahu ».
page 1063 note 3. Q 408, J 25-26 (Qazwînî-Studien). Aucune difficulté de graphie (KRTNA).
page 1063 note 4. Pour trouver une raison à la notation plaisante du texte, Jacob pense à un usage vestimentaire : le port d'une coiffure par grandes chaleurs, créant une différence de carnation entre la partie du visage protégée et celle ordinairement exposée au soleil.
page 1063 note 5. Q 389, J 22-23 (Qazwînî-Studien). Ainsi que l'a noté Jacob, les deux noms arabes de BÂNÎ et ARÎSHA renvoient, l'un à l'antique Drepanum, l'autre à Eryx (Erice dans la prononciation italienne). La chute de la première syllabe du premier mot s'explique sans doute par une mauvaise coupe due à un copiste arabe, qui a cru reconnaître, dans la deuxième partie du mot (le b transcrivant p, inconnu de l'arabe), le thème « bânî », qui signifie en arabe « constructeur », « fondateur ». La fortune de la ville remonte à Hamilcar Barca, dont il est normal qu'il soit représenté regardant vers Carthage (le mot d'Afrique (Ifrïqiya) désignant, chez les auteurs arabes de l'époque, un territoire couvrant l'actuelle Tunisie et les régions orientales de l'Algérie). Quant à la statue de femme, sa mention reproduit les traditions nées en ce lieu du culte de Vénus Erycine.
Les deux villes sont bien voisines, l'une au sommet de la montagne où se célébrait le culte de Vénus, l'autre au pied, sur la mer. Leurs destins furent étroitement liés : Hamilcar notamment, en fortifiant Drepanum, y installa une partie des habitants d'Éryx : cf. référ. dans BESNIER, op. cit., pp. 277 et 301.