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Les faux-semblants de la « révolution du thé » (1920-1945) dans la province de Phú Thọ (Tonkin)

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2017

Olivier Tessier*
Affiliation:
École française d’Extrême-Orient

Résumé

Le leader lakota Sitting Bull a été enterré deux fois, à soixante ans d’intervalle, sur la réserve américaine de Standing Rock. Ses tombes n’invitent pas à écrire une nouvelle histoire de la mémoire d’un grand personnage mais à mettre au jour la production et la reproduction d’un pouvoir colonial certes fragile et contesté, mais aussi profondément inséré dans les interactions symboliques qui ont lieu sur et autour de la réserve. Elle veut relancer de cette manière l’histoire d’un colonialisme américain interne fait de privatisation des terres, d’individualisation des populations, et d’américanisation des esprits. Ce dernier volet a souvent été considéré comme un échec massif face à la résistance des peuples indiens. Le présent article veut nuancer et complexifier cette évaluation.

Abstract

Abstract

The colonization of the land that is now Vietnam and the establishment of a French Protectorate in Tonkin in the late nineteenth century led to new methods of agricultural production and new means of exploiting natural resources. This article examines this evolution by focusing on the endogenous and spontaneous movement of colonization that developed “illegally” during the first half of the twentieth century and which concerned several villages in the hills of two districts in Phú Thoø province. A comparison of archival sources produced by the Protectorate authorities with the testimonials recorded by former planter-settlers and their descendants reveals how the colonial state manipulated and falsified information in order to subsequently claim ownership of this colonial movement, which transformed the region's environment, society, and economy.

Type
Mémoires colonisées
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2013

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Footnotes

*

Cet article est accompagné d’un dossier documentaire accessible sur le site de la revue (annales.ehess.fr), rubrique « Compléments de lecture ».

References

1- Archives nationales du Vietnam (ANV), fonds de la Résidence supérieure du Tonkin (RST), Programme de colonisation dans la province de Phú Thọ, no 67031, 1939.

2- La majorité du territoire de la province de Phú Thọ fait partie de la Moyenne Région (Trung du), région collinaire prise en étau entre le delta du fleuve Rouge, densément peuplé, où domine sans partage jusqủau début des années 1990 une riziculture irriguée intensive, et l’arc montagneux de la Haute Région, faiblement peuplé, où cohabitent une trentaine de groupes ethniques de riziculteurs de vallée et/ou d’essarteurs (culture sur brûlis).

3- Le protectorat sur le Tonkin est imposé à la cour de Huế par le traité Harmand du 23 août 1883, réaffirmé par le traité Patenôtre du 6 juin 1884. À la différence du système de sujétion directe mis en place dans les colonies françaises, telle la Cochinchine devenue partie intégrante de l’empire le 5 juin 1862 (traité de Saigon), le régime politique du protectorat ne s’accompagne pas légalement du transfert de souveraineté des territoires conquis au profit de la puissance occupante. Dans les protectorats du Tonkin et del’Annam existe ainsi un double système administratif et judiciaire : l’appareil mandarinal vietnamien présent jusqủau niveau du district en la personne du tri huyện (ou quanhuyện), mandarin relevant de la cour de Huế, et l’administration centrale française dontles services décentralisés ne descendent qủà l’échelon politico-administratif de la province, avec à sa tête le Résident de France. Dans la réalité, l’empiétement massif du pouvoir colonial sur les prérogatives régaliennes, conservées formellement par la cour de Huế, offre un tableau d’ensemble du protectorat du Tonkin qui s’apparente rapidement à celui d’une colonie pleine et entière.

4- À défaut d’une traduction idoine, la fonction de lý trủὀ’ng peut être assimilée à celle de maire d’une commune.

5- M. Nguyễn Văn Mán, né en 1927, commune de Thái Ninh, entretien du 9 oct. 1997.

6- M. Nguyễn Văn Chất, né en 1915, commune de Vũ E n, entretiens des 11 et 15 août1997.

7- Une analyse détaillée des résultats de la phase d’enquête de terrain est présentée dans le de uxième chapitre «De la guerre de conquête à la ‘révolution’ du thé : mobilité de la population et recomposition des espaces villageois », de Olivier Tessier, « Lepays natal est un carambole sucré [Quê hủὀ’ng là chùm khế ngọt]. Ancrage social et mobilité spatiale. Essai de définition d’un espace social local au nord du Vietnam », thèse de doctorat, université de Provence, 2003, p. 116-163.

8- Veyne, Paul, Comment on écrit l’histoire, Paris, Éd. du Seuil, [1971] 1996, p. 15.Google Scholar

9- Lefèvre-Pontalis, Pierre, Notes sur l’exploitation et le commerce du thé au Tonkin, Paris, E. Leroux, 1892, p. 6.Google Scholar

10- Brénier, Henri, Essai d’atlas statistique de l’Indochine française. Indo-chine physique, population, administration, finances, agriculture, commerce, industrie, Hanoï, IDEO, 1914, p. 167.Google Scholar

11- Eberhardt, Philippe et Aufray, Maurice, Contribution à l’étude du thé en Indochine, extrait du Bulletin Économique de l’Indochine no 33, Hanoï, IDEO, 1919, p. 89.Google Scholar

12- H. Brénier, Essai d’atlas statistique…, op. cit., p. 166, carte XXXVI.

13- Pasquier, Robert Du, La production du thé en Indochine, Hanoï, IDEO, 1941, p. 4.Google Scholar

14- Goubeaux, Jean, « Étude agronomique et économique de la province de Phu-Tho(Tonkin) », Bulletin économique de l’Indochine, 31-195, 1928, p. 389412, citation p. 403.Google Scholar

15- Braemer, Paul, « La production du thé au Tonkin », Bulletin économique de l’Indochine, 30-185, 1927, p. 208216, citation p. 212.Google Scholar

16- En 1891, la province de Hủng Hóa fut entièrement remodelée par l’arrêté no 541 du gouverneur général Jean-Marie de Lanessan (8 septembre 1891), et sa capitale fut transférée le 5 mai 1903 dans la ville de Phú Thọ . En 1905, les autorités coloniales redéfinirent les provinces du Nord du Tonkin ; à partir d’une fraction des territoires des provinces de So’n Tây, Hủng Hóa et Thái Nguyên, trois nouvelles provinces virent le jour : Phú Thọ , Vĩnh Yên et Phù Lỗ. Voir LÊ Tủọ’ng et Vũ Kim Biên, Lịch sủ Vĩnh Phú [Histoire de la province de Vĩnh Phú], Việt Trì, nxb Văn hoá và Thông tin Vĩnh Phú, 1980, p. 128.

17- Cette tradition de plantation est à l’origine d’une série de demandes de fourniture de semences adressées au Résident de France à Hủng Hoá. Le 3 octobre 1901, le Résident de France à Thái Nguyên sollicite l’envoi de graines de théiers pour les planteurs français et en obtient quatre-vingt paniers ; le 7 décembre 1901, le Résident de France à Bắc Ninh demande l’expédition de dix à quinze kilos de semences après que le Résident supérieur du Tonkin lui a indiqué qủil dispose d’un stock de quarante kilos ; enfin, le 1er décembre 1902, le directeur du Jardin botanique adresse une requête similaire en arguant du fait que « le théier abonde dans la région que vous administrez », ANV, fonds de la province de Phú Thọ, « Culture alimentaire, le théier », N 45, no 1151,1900-1905.

18- ANV, fonds de la province de Phú Thọ , « Affaires indigènes, village de Mạn Lạn », no 714, 1893-1910.

19- Ibid.

20- J. Goubeaux, « Étude agronomique et économique… », art. cit., p. 408-409.

21- Trại signifie littéralement « camp, campement, colonie », mais peut être traduit dans le contexte rural duNord, d’après GustaveDumoutier cité par Nguyễn Tùng, par « métairies isolées », « habitations écartées » : Nguyễn Tùng et Nelly Krowolski, «Noms etappellations au Vietnam », in Massard-Vincent, J. et Pauwels, S. (dir.), D’un nom à l’autre en Asie du Sud-Est. Approches ethnologiques, Paris, Karthala, 1999, p. 275318, icip. 281.Google Scholar

22- Cette création s’inscrit dans la politique de relance des services agricoles de l’Indochine, décidée par le gouverneur général Albert Sarraut et confiée en 1913 à Auguste Chevalier, botaniste du Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Ce dernier fonde en 1917-1918 un collège vétérinaire et l’École supérieure d’agriculture et de sylviculture àHanoï, et ouvre quatre stations expérimentales dont deux sont consacrées à l’amélioration de la culture du thé, Phú Hộ et Pleiku. Voir Brocheux, Pierre, Une histoire économique du Viet Nam, 1850-2007. La palanche et le camion, Paris, Les Indes savantes, 2009, p. 73.Google Scholar

23- R. Du Pasquier, La production du thé en Indochine, op. cit., p. 4.

24- Henri, Yves, Économie agricole de l’Indochine, Hanoï, IDEO, 1932, p. 680.Google Scholar

25- P. Braemer, « La production du thé au Tonkin », art. cit., p. 214.

26- J. Goubeaux, « Étude agronomique et économique… », art. cit., p. 401.

27- « 50 000 hectares de théiers et de caféiers furent abandonnés par les planteurs français entre 1926 et 1931, la superficie se stabilisa à 2 950 hectares », André Guinard, « La culture du thé en Indochine » (1953), cité par P. Brocheux, Une histoire économique du Viet Nam…, op. cit., p. 86.

28- Au milieu des années 1920, la situation de la paysannerie dans le delta du fleuve Rouge se dégrade. Les mécanismes de régulation endogènes, notamment la redistribution périodique des terres communales, et les revenus complémentaires fournis par un secteur artisanal traditionnel important et dynamique ne permettent plus de s’opposer à la paupérisation croissante de la paysannerie et à l’augmentation du nombre de paysanssans terre. Mais ce n’est qủà la suite de la crise internationale de 1929 et de ses répercussions sur l’économie coloniale, et donc sur les peuples colonisés, que les autorités du protectorat amorcent un changement d’attitude vis-à-vis des campagnes. La « politique d’aide à la rizière », lancée en 1931-1932, vise à doter le delta du fleuve Rouge d’infrastructures hydrauliques permettant la généralisation de la double riziculture annuelle, tout en décongestionnant ses provinces les plus densément peuplées par l’organisation de mouvements migratoires vers les zones sous-peuplées du Centre et du Sud du Vietnam. Voir Tessier, Olivier et Fontenelle, Jean-Philippe, « Pression démo-graphique et contraintes politiques : la paysannerie nord vietnamienne dans la tour-mente du XXe siècle », in Gubry, P. (dir.), Population et développement au Viêt-nam, Paris, Karthala/CEPED, 2000, p. 495527, particulièrement p. 499-500.Google Scholar

29- « Vers 1932, la production commença à subir les effets de la surproduction mondiale (90 millions de kilos étaient stockés à Londres en 1935), en France même les thés de Ceylan (Sri Lanka) et des Indes faisaient concurrence aux thés d’Indochine. » Et P. Brocheux de constater que si, durant les années 1930, les superficies plantées diminuent de 13 000 hectares en 1935 à 6 100 hectares en 1938, les exportations augmentent : la balance des importations annuelles par rapport aux exportations est déficitaire pendant la période 1924-1930 (2 131/946 tonnes) et s’inverse progressivement pour être largement excédentaire en 1940 (200/2 556 tonnes). Voir P. BROCHEUX, Une histoir eéconomique du Viet Nam…, op. cit., p. 86-88.

30- ANV, fonds de la province de Phú Thọ, « Affaires indigènes, village de Thái Ninh », no 732, 1901-1921.

31- ANV, fonds de la province de Phú Thọ, « Affaires indigènes, village de Ninh Dân », no 729, 1896-1922.

32- Du’o’ng Thị The et PHạM Thị Thoa, Tên làng xã Việt Nam đầu thế kỷ XIX [Lesnoms des communes au Việt Nam au début du XIXe siècle], Hanoï, nxb Khoa học Xã hộ i, 1981.

33- Tessier, Olivier, « Fondateurs, ancêtres et migrants : mobilité et reformulation des espaces d’appartenance dans un village du nord du Viêt-nam», Moussons, 6, 2002, p. 99132, ici p. 103.CrossRefGoogle Scholar

34- À partir de 1850, la révolte des Taï Ping qui vient d’éclater en Chine provoquel ’afflux demilliers demercenaires et de bandits chinois qui s’aventurent loin à l’intérieur des terres du Tonkin, comme dans la province de Thái Nguyên où ils sont réprimés en 1851 par l’armée de l’empereur Tuø’ Đú’c. Les pillages et exactions perpétrés par les Pavillons noirs (Cờ đen), Pavillons rouges (Cờ đo) et Pavillons jaunes (Cờ vàng), regroupés sous l’appellation générique de « pirates chinois », sont étroitement liés à la guerre de conquête française, dans la mesure où des alliances avec ces différentes bandes de pirates sont périodiquement scellées puis dénoncées tant par le futur pouvoir colonial en formation que par l’État impérial déstabilisé par l’intrusion d’une force étrangère occidentale. Voir LÊ Thành Khôi, « Absolutisme et immobilisme », Histoire du Viêt-Nam, des origines à 1858, Paris, Sudestasie, 1981, p. 343-392, ici p. 383.

35- Cet extrait d’une requête adressée en juin 1902 par le lý trủo’ng de la commune de Ninh Dân au tri huyện de Thanh Ba en donne un aperçu succinct : « Notre village est situé dans la zone forestière dont le territoire possède une immense superficie. Il était autrefois excessivement peuplé. Plus tard les habitants ont été dispersés par suite de la piraterie et les terres ont par conséquent été laissées en friche », ANV, fonds de la Résidence de Phú Thọ , « Affaires indigènes, village de Ninh Dân », op. cit. À ce sujet, Pierre Gourou remarque : «De très anciens villages annamites occupent les terrasses comprises entre le fleuve Rouge et la rivière Claire comme les terrasses de la rive droite du fleuve Rouge jusqủà quelque distance en amont de Thanh Ba (province de Phú Thọ). Ce peuplement annamite ancien a beaucoup souffert des troubles du XIXe siècle qui ont livré le pays à des bandes de pillards dont les plus célèbres furent les Pavillons noirs ; de nombreux villages ont disparu et la colonisation annamite a beaucoup de terrain à reconquérir », Pierre GOUROU, Les paysans du delta tonkinois. Étude de géographie humaine, Paris, Les Éditions d’art et d’histoire, 1936, p. 201.

36- O. Tessier, « Fondateurs, ancêtres et migrants… », op. cit., p. 104-108.

37- NGÔ Đú’c Thọ, Nguyễn Văn Nguyên et Philippe PAPIN (éd.), Đồng Khánh đị a dủchí [Géographie descriptive de l’empereurĐồng Khánh], Hanoï, EFEO/Purple Ink, 2004,p. 943.

38- Phạm Xuân Độ, Phú Thọ tinh đị a chí [Géographie de la province de Phú Thọ], Hanoï, nxb Tổng Phát hành Nam-Ký, 1939, p. 34-35.

39- Dès 1914, Henri Brénier relève que le transport des marchandises constitue la première recette brute des chemins de fer en Indochine. C’est notamment le cas pour la ligne Ha i Phông–Yunnanfou, bien que le prix de la tonne kilométrique transportée y soit trois fois plus élevé que sur les lignes publiques. Voir H. BRÉNIER, Essai d’atlas statistique…, op. cit., p. 205. Il faut reconnaître que ce mode de transport est plus rapide et moins risqué que la navigation sur le fleuve Rouge qui est de surcroît impraticable pendant la période de mousson.

40- Au cours des premières décennies de la colonisation, le recul désastreux de la forêt en Cochinchine est tel que deux arrêtés, en 1891 puis en 1894, s’attachent à définirune réglementation forestière valable pour toute l’Indochine avec, pour clé de voûte du système, la création de réserves forestières. Mais si l’exploitation libre y est interdite, « cette réglementation très sévère pour les ‘indigènes’ ne doit pas pour autant faire penser au développement d’une volonté de conservation des forêts. Il s’agit seulement de se donner les moyens de régénérer les forêts épuisées par vingt ans d’exploitation coloniale pour ne pas aller vers un épuisement total des forêts. » Voir Thomas, Frédéric, Histoire du régime et des services forestiers français en Indochine de 1862 à 1945, Hanoï, nxb Thế Giới, 1999, p. 25.Google Scholar

41- Arrêté du gouverneur général de l’Indochine, 31 juil. 1914, Journal officiel de l’Indochine française, p. 1327-1328 ; arrêté du gouverneur général de l’Indochine, 9 nov. 1928, Journal officiel de l’Indochine française, p. 3351-3352. Ces deux réserves font parties des dix-neu fréserves établies entre 1908 et 1931 dans la province de Phú Thọ . Leur surface totale est de 38 386 hectares, soit plus de 10% de la superficie provinciale (3 740 km2 environ).

42- ANV, fonds RST, «Forêts – Réserves dans la province de Phú Thọ », N 92, no 75747, 1908-1939.

43- Cet état de fait est confirmé dans l’état des lieux dressé le 3 octobre 1927 par le chef de la Division forestière de Phu Đoan précisant la composition de la future réserve de Năng Yên. Le projet de classement proposé porte sur 2 263, 30 hectares répartis entreles territoires de neuf communes appartenant à deux districts : 753, 82 hectares de « forêtde densité moyenne », 1 145,86 de « forêts clairières » et 138,14 « en reconstitution », Ibid., sous-dossier « Réserve forestière », matricule no 490 Năng Yên, arrêté du 9 nov. 1928.

44- Si la comparaison des dix-neuf arrêtés de classement met en évidence des variations de formulation, le contenu des dispositifs réglementaires est similaire. À titre d’exemple, « Il est reconnu aux habitants des villages circonvoisins de la réserve de Năng Yên, les droits d’usage suivants : 1. Coupe gratuite des bois et bambous nécessaires à leurs besoins personnels pour construction et entretien de leur cases et pagodes ainsi queleurs besoins de chauffage, sous réserve d’en faire la demande au Service forestier et de se conformer aux instructions de ce dernier ; 2. Exploitation gratuite des Cu-nau, racines comestibles, médicinales et masticatoires ; 3. Récolte gratuite des feuilles de lataniers qui se trouvent actuellement en forêt sans pouvoir, en aucune manière, favoriser l’extension de cette essence ; 4. Autorisation de récolter gratuitement la résine de Tram-trang (canarium copaliferum). » Arrêté du gouverneur général de l’Indochine, 9 nov. 1928, op. cit.

45- Y. Henri, Économie agricole de l’Indochine…, op. cit., p. 395.

46- J. Goubeaux, « Étude agronomique et économique… », art. cit., p. 409-410.

47- R. Du Pasquier, La production du thé en Indochine, op. cit., p. 26.

48- ANV, fonds RST, « Programme de colonisation dans la province de Phú Thọ », op. cit.

49- ANV, fonds RST, «Forêts – Réserves dans la province de PhúThọ », op. cit., courrier du 3 août 1937, sous-dossier «Déclassement partiel des réserves forestières de Đại Luøc et Năng Yên », matricule no 292 et 490, arrêté no 96 du 8 juin 1938.

50- Ibid., courrier du 13 août 1937.

51- Neuf courriers furent échangés entre le 14 septembre et le 20 décembre 1937, sachant que des références manquent dans le dossier conservé aux archives.

52- Ibid., courrier du 13 août 1937.

53- ANV, fonds RST, «Forêts – Réserves dans la province de PhúThọ », op. cit., courrier du chef du Service forestier du Tonkin, 24 août 1928, sous-dossier « Réserve forestière », matricule no 490 Năng Yên, arrêté du 9 nov. 1928.

54- Annuaire général de l’Indochine. Partie administrative, Hanoï/Haïphong, Impr. d’Extrême-Orient, 1914, p. 423-425.

55- Annuaire administratif de l’Indochine, Hanoï/Haïphong, Impr. d’Extrême-Orient, 1929, p. 279-280.

56- ANV, fonds RST, « Demande de défrichement présentée par Chu Văn Cu du hameau de Đông Lĩnh, village de Đào Giã », no 42454, 1927.

57- ANV, fonds RST, « Demande de défrichement présentée par le village de Hủo’ng Xạ », no 42468, 1926.

58- ANV, fonds RST, « Demande de défrichement présentée par Phăm Van Nghiêmdu village de Đào Giã », no 42460, 1927.

59- La lourdeur d’une telle procédure, où devaient être contrôlées la nature de la propriété, la surface, les limites des terrains et la bonne foi du demandeur, avait de quoi décourager, il est vrai, les plus « légalistes » des administrés.

60- Phạm Xuân Độ, Phú Thọ tınh đị a chí, op. cit., p. 79-80.

61- L’agronome René Dumont et le géographe P.Gourou, défenseurs de cette vision malthusienne, ont ainsi écrit « [a]ucun progrès sensible ne pourra être réalisé tant que le delta portera un excès de population, qủil ne peut, dans les conditions économiques actuelles, nourrir convenablement, ni occuper normalement », Dumont, René, La culture du riz dans le delta du Tonkin. Étude et propositions d’amélioration des techniques traditionnelles de riziculture tropicale, Patani, Prince of Songkia University, [1935] 1995, p. 63 CrossRefGoogle Scholar ; « [l]’excessive densité de la population est un mal sans remède. […] Ces paysans tirent déjà de leur sol presque le maximum de ce qủil peut donner ; les travaux d’hydraulique, les bouleversements techniques ne peuvent augmenter la production au point de bouleverser les conditions de la vie matérielle [pauvreté chronique] », P. Gourou, Les paysans du delta tonkinois…, op. cit., p. 577. Selon des chiffres unanimement partagés, le delta du Tonkin supporte dans les années 1930 un excédent démographique de 1,5 à 2 millions de personnes pour une population totale de sept à huit millions, voir Khérian, Grégoire, « Esquisse d’une politique démographique en Indochine », Revue indochinoise juridique et économique, I, 1937, p. 335, ici p. 41.Google Scholar

62- Smolski, Thadeus, Notes sur le mouvement de la population en Indochine, extrait du Bulletin Économique de l’Indochine no 199, Hanoï, IDEO, 1929.Google Scholar

63- Ainsi, en 1907, un premier essai de colonisation officielle aboutie à l’installation de quatre-vingt-quatre familles (328 personnes) issues de la province de Thái Bình dans la province de Cần Tho’ ; la plupart d’entre elles sont rapatriées au cours des années suivantes. Voir Grivaz, Raymond, Aspects sociaux et économiques du sentiment religieux en pays annamite, Paris, Éd. Montchrétien, 1942.Google Scholar

64- ANV, fonds du gouvernement général de l’Indochine, session de décembre 1941 du Conseil fédéral de l’Indochine, rapport no 5 « Le problème démographique, sur population et colonisation », ANVNI GGI 1367, p. 6.

65- ANV, fonds RST, « Programme de colonisation dans la province de Phú Thọ », op. cit.

66- Discours de M. Tholanche à la Chambre des représentants du peuple du Tonkin, le 20 octobre 1936, cité par Khérian, Grégoire, « Esquisse d’une politique démo-graphique en Indochine », Revue indochinoise juridique et économique, II, 1937, p. 544, citation p. 43, n. 1.Google Scholar

67- ANV, fonds RST, « Forêts - Réserves dans la province de PhúThọ », op. cit., courrier du 20 déc. 1937, sous-dossier « Déclassement partiel des réserves forestières de Đại Luøc et Năng Yên », matricule no 292 et 490, arrêté no 96 du 8 juin 1938.

68- Synthèse de deux documents issus des ANV, fonds RST, « Carte du programme de colonisation dans la province de Phú Thọ », no 67053, 1938-1939, et « Programme de colonisation dans la province de Phú Thọ », op. cit.

69- Créé le 20 mars 1936 par arrêté du Résident supérieur du Tonkin, le régime de « concession de peuplement » fondé par et autour d’un « membre bienfaiteur » responsable du recrutement des colons, puis de leur direction matérielle et morale, représente l’archétype de la vision évolutionniste et paternaliste coloniale. « […] la plupart des belles réalisations en matière de colonisation annamite ont eu pour pivot un personnage de cette sorte, tantôt un haut mandarin philanthropique, tantôt des Missionnaires françaisou annamites, tantôt même des colons français ou des sociétés minières », G. Khérian, « Esquisse d’une politique démographique en Indochine », art. cit., II, p. 42.

70- ANV, fonds RST, « Minutes des fiches de concessions à Phú Thọ », no 166, 1936. À cette date, les districts de Thanh Ba et Hạ Hòa ne comptent aucune concession européenne et il faut attendre 1941 pour que deux concessions de ce type soient attribuées dans le premier.

71- ANV, fonds RST, «Demande de concession de 200 ha à Thái Ninh formulée par Trần Văn Họ’i », N 67047, 1938-1940, courrier adressé au Résident de France à Phú Thọ, 26 juil. 1938.

72- Ibid., courrier adressé au gouverneur général de l’Indochine, 25 oct. 1939.

73- Ibid., réponse du gouverneur général de l’Indochine, 15 janv. 1940.

74- Il évoque ainsi pêle-mêle la nécessité de satisfaire la demande du marché nord-africain : « C’est dans ce but qủa été créée en Algérie une agence Indochinoise pour le placement des produits agricoles », ou encore le «Comité de propagande qui vient d’être organisé à Paris sous la présidence de M. De Fol qui justifie pleinement l’intérêt que porte la Métropole à cette importante question des thés indochinois », Ibid., courrier adressé au Résident supérieur du Tonkin, 12 oct. 1938.

75- L’arrêté du 28 mars 1929 officialise la possibilité d’octroi à titre gratuit de concessions d’une superficie maximale de 300 hectares à des Annamites. Cette disposition est complétée par l’arrêté du 20 mars 1936 qui définit le régime de « concession de peuplement » et instaure le principe de colonisation fondée sur le groupement.

76- Dans un rapport rédigé en 1939, l’Administrateur Résident de France à Phú Thọ justifie en ces termes l’avis défavorable prononcé à l’encontre de cinq demandes de « concessions de peuplement » : «La grande colonisation et la colonisation de peuplement doivent être limitées aux régions isolées, malsaines ou peu sûres et où, en tout état de cause, l’immigration spontanée ne pouvait être réalisée. Ces conditions ne sont que très exceptionnellement remplies dans la province de Phú Thọ […]. En résumé, le régime de la petite colonisation (attribution de concessions de moins de 15 mẫu – arrêté du 13 novembre 1925) me paraît être à tous égards, tant du point de vue social que fiscal, le seul acceptable et souhaitable », ANV, fonds RST, « Programme de colonisation dans la province de Phú Thọ », op. cit.

77- Les corporations (phu‘ờng) constituent une forme d’organisation professionnelle largement répandue dans le Vietnam ancien précolonial. La culture populaire identifie une corporation par métier, d’où l’appellation générique « association des 100 métiers ». Leurs activités sont diverses : création de tontines, rassemblement de fonds en cas de mariage ou de décès, car l’association « envoie par tradition des offrandes, des cadeauxou une subvention aux membres ». Voir Phan Kế Bính, Việt Nam Phong Tục [Mœurs et coutumes du Viêt-Nam], Paris, EFEO, 1975, p. 209. Au-delà de ces échanges matériels, leur objet est de « créer une communion nécessaire entre gens d’une même condition sociale », et d’accroître le prestige de la corporation en faisant don d’objets cultuels àla maison communale (đình) qui lui est exclusivement dédiée et porte son nom. Nguyễn Tuừ Chi, « Le làng traditionnel au Bắc Bộ, sa structure organisationnelle, ses problèmes », Le village traditionnel, Hanoï, nxb Thế Giới, 1993, p. 94. L’originalité de cette « Corporation des planteurs indigènes » tient à son caractère revendicatif.

78- ANV, fonds RST, « Pétition àMonsieur LeRésident Supérieur au Tonkin », no 67774,1937.

79- Ibid.

80- Ibid.

81- ANV, fonds RST, « Forêts – Réserves dans la Province de Phú Thọ », op. cit.

82- ANV, fonds RST, « Pétition à Monsieur Le Résident Supérieur au Tonkin », op. cit.

83- En 1937, les projections de Paul Bernard, polytechnicien et président de la Société française financière et coloniale (SFFC), sont des plus pessimistes. À l’horizon 1948, le delta du Tonkin comptera un excédent de 2 400 000 paysans et alors que la transmigration envisagée par le gouverneur général ne pourra concerner qủun maximum de 40 000 transplantés au regard des sommes à engager : 10 000 francs par famille avant la première récolte. Pour lui, comme pour un certain nombre de hauts fonctionnaires en poste en Indochine pendant la période du Front populaire, la crise que traverse depuis 1929 le monde occidental, et la France en particulier, impose une transformation du mode d’accumulation du profit colonial en substituant l’exportation du capital dans la colonie à celle des marchandises métro politaines, en élargissant le marché intérieur, en luttant contre la paupérisation croissante de la paysannerie par une industrialisation rapide et massive de la colonie, et en engageant des réformes politiques graduelles. Voir Brocheux, Pierre et Hémery, Daniel, Indochine. La colonisation ambiguë, 1858-1954, Paris, La Découverte, 2001, p. 311312.Google Scholar

84- ANV, fonds de la province de Phú Thọ , « Rôle des impôts personnels des différents phủ, huyện, châu et centres urbains de la province de Phú Thọ », 14, 1297, 1926-1927.

85- ANV, fonds RST, «Modifications territoriales : érection en phu du huyêøn de Thanh Ba », no 68830, 1939.

86- Arrêté no 4215, 4 sept. 1943.

87- ANV, fonds RST, «Érection en phu du huyện de Câ m Khê », no 68828, 1943.

88- L’occupation japonaise fut durement ressentie jusque dans les villages : «The impact of the Japanese coup against the Vichy French was felt in the village when orders came to convert rice lands to the production of industrial crops like castor oil seed and jute », Kleinen, John, Facing the Future, Reviving the Past: A Study of Social Change in a Northern Vietnamese Village, Singapour, Institute of Southeast Asian Studies, 1999, p. 74.Google Scholar

89- La famine qui se produisit entre l’automne 1944 et l’hiver 1945 se solda par la mort de 1,5 à 2 millions de paysans, principalement dans le delta du fleuve Rouge. Anh, Nguyễn Thế, « La famine de 1945 au Nord Viêt-nam », Approche Asie, 8, 1985, p. 103116.Google Scholar

90- Phạm Xuân Độ , Phú Thọ tinh đị a chí, op. cit., p. 68-69.

91- Scott, James C., The Moral Economy of the Peasant: Rebellion and Subsistence in Southeast Asia, New Haven, Yale University Press, 1976 Google Scholar ; Popkin, Samuel L., The Rational Peasant: The Political Economy of Rural Society in Vietnam, Berkley/Los Angeles/Londres, University of California Press, 1979.Google Scholar

92- En faisant entrer l’Indochine dans la transition démographique (réduction de la mortalité) sans pour autant mobiliser les moyens humains et financiers capables d’impulser un développement de la production agricole en rapport avec l’accroissement exponentiel de la population, le pouvoir colonial a contribué à plonger le Tonkin dans une situation de sous-alimentation chronique. La crise internationale de 1929 a accéléré et amplifié ce processus et s’est soldée par des famines et des mouvements de révolte.

93- Il est généralement retenu comme apport moyen nécessaire à l’alimentation d’un adulte une ration annuelle de 300 à 350 kilos d’équivalent paddy, soit 210 à 250 kilos de riz/habitant/an.

94- P. Brocheux et D. Hémery, Indochine. La colonisation ambiguë…, op. cit., p. 255.

95- L’enquête de terrain s’est attachée à réaliser une évaluation quantitative du flux migratoire au sein de trois lignages établis dans la commune de Mạn Lạn, point de départ de nombreux colons-planteurs dans le courant de la première moitié du XXe siècle. Elle révèle que 57 à 80% des hommes adultes de chacun des lignages ont quitté leur village pour s’installer dans la zone historique de plantation. Un mouvement d’une telle ampleur, et largement partagé sur le lieu de départ, va à l’encontre de l’image de la migration conçue comme stade ultime de la paupérisation d’une frange de la paysannerie qui n’aurait d’autre issue que le départ pour survivre. Cette étude donne au contraire une image de développement économique, d’effervescence, de dynamique de front pionnier ; image pour le moins paradoxale et incongrue en cette période de crise. Pour les candidats à l’immigration, la réalité avérée du retour de certains migrants dans la commune de Mạn Lạn était la démonstration que, dans les faits, le départ n’était pas à sens unique, qủil n’avait pas un caractère définitif. Autrement dit, le fait que le processus migratoire ne soit pas jugé irréversible a rendu socialement et économiquement envisageable les départs et a permis qủils se réalisent sur une grande échelle. Voir O. Tessier, « Le pays natal est un carambole sucré… », op. cit.

96- Citons à titre d’exemple : « Ils [les villageois] se soumettent docilement à toutes les obligations qui découlent de la double dépendance où les placent leur famille et leur commune. Ils sont pliés à cette discipline, à tel point qủils ne peuvent concevoir l’esprit de liberté individuelle qui caractérise l’Européen. […] Ces liens sociaux et religieux sont d’une telle force que l’Annamite quitte rarement son village ou en tout cas y revient toujours », Delamarre, Émile, « La réforme communale au Tonkin », Revue du Pacifique, 1-3, 1924, p. 200219, citation p. 211-212Google Scholar. Cette approche culturaliste n’a pas disparu avec la colonisation : « Comme chaque village vietnamien est une identité et une entité en soi, et qủil se distingue des autres par ses traditions, ses pratiques sociales, ses règles morales et son génie tutélaire qui représente son protecteur et qui incarne son âme, le culte dédié à ce génie devient alors l’affaire de toute la communauté », , Nguyễñ Văn, La société vietnamienne face à la modernité. Le Tonkin de la fin du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 2829 Google Scholar. Pour un tour d’horizon plus complet de la question, voir Philippe Papin et Olivier Tessier (éd.), Le village en questions [Làng ὀ’ vùng châu thổ sông Hồng : vấn đề còn bὀ ngὀ], Hanoï, Publications du centre de l’EFEO, 2002.

97- En 1932, Yves Henri, inspecteur général de l’agriculture des colonies, évalue la main-d’œuvre nécessaire à l’entretien d’une plantation française de 500 hectares de théiers en des termes de maquignon : « 1 500 coolies (hommes, femmes, enfants), soit trois par hectare ce qui est le nombre normal admis sur les plantations d’Assam », Y. Henri, Économie agricole de l’Indochine…, op. cit., p. 595.

98- Cet aveuglement indéniable est alimenté par une série de prérequis élevés au rang de postulats, que les élites politiques et scientifiques ressassent après chaque tentative avortée de transplantation dirigiste de population : attachement indéfectible des paysans à leur village (le « pays natal ») et à leurs coutumes locales expliqué par des facteurs économiques, psychologiques, sociaux (statut) et spirituels (culte, superstition) ; crainte atavique des reliefs et des climats malsains ; peuple de plaine dépérissant en l’absence de rizière ; manque d’esprit d’initiative individuelle et besoin d’être guidé et encadré, etc. Une analyse détaillée est présentée dans l’introduction et le troisième chapitre « Espace social local à la veille de la réforme agraire : l’économie de plantation » de O. Tessier, « Le pays natal est un carambole sucré… », op. cit., respectivement p. 1-29 et 164-244.

99- Luong, Hy V., Revolution in the Village: Tradition and Transformation in NorthVietnam, 1925-1988, Honolulu, University of Hawaii Press, 1992, p. 43.Google Scholar

100- Bourdieu, Pierre et al., Le métier de sociologue, livre I, Paris, Mouton/Bordas, 1968, p. 37.Google Scholar

101- P. Veyne, Comment on écrit l’histoire, op. cit., p. 25.