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Les délégations de la Seigneurie (XVIe-XVIIIe siècle)
Communication politique ou pratique de négociation entre Venise et la Terre ferme ?
Published online by Cambridge University Press: 20 January 2017
Résumé
À l’époque moderne, l’État vénitien – composé d’une ville (la Dominante), des domaines de Terre ferme et de possessions maritimes – se présente comme une réalité complexe dans laquelle coexistent des cultures, mais surtout des systèmes juridiques profondément différents. Cet article analyse un type particulier de suppliques, fréquemment utilisé par les sujets et destiné à suspendre le procès et à obtenir son transfert (delegazione) à une autre cour locale ou vénitienne. Les principes et les modalités qui inspirent le recours à ces suppliques sont abordés à partir des catégories interprétatives de l’État juridictionnel pré-moderne, grâce auxquelles peut être proposée une lecture du système juridique vénitien en cohérence avec celui des autres États européens. Au sujet, qui a des motifs de croire que le jugement d’un procès sera contaminé par l’inégalité de position et de ressources des parties, est concédé le droit de supplier à la Seigneurie la grâce de déléguer la cause à une autre cour. La procédure pour la concession de cette grâce, qui est un acte politique, repose sur l’examen contradictoire des parties et débouche sur un jugement. Bien que dans le cours du procès soient maintenues des garanties analogues à celles de la procédure civile et criminelle ordinaire, cette nature mixte de la délégation fait que le jugement ne peut pas seulement se conformer à de rigides normes juridiques, mais est un acte discrétionnaire de la part de juges patriciens qui appliquent une lecture politique du contexte de l’affaire. De ce fait, la supplique, pour être persuasive, doit proposer une version « politique » des faits, en lieu et place de la vérité légale. Cette procédure induit aussi une négociation car les parties jouissent d’une forte autonomie dans la gestion du conflit et, parfois, l’objectif n’est pas tant une décision judiciaire que la création de conditions plus favorables à la pratique d’un contradictoire extrajudiciaire non violent. Ce caractère négocié de la procédure a facilité sa large diffusion ; en retour, cette sortie volontaire des réseaux locaux a créé les conditions d’une contamination culturelle des systèmes juridiques, dans laquelle on peut voir l’embryon d’un lexique commun entre les divers sous-systèmes qui composent l’État vénitien.
Abstract
In the early modern period, the Venetian state—consisting of the city (known as La Dominante), the western regions of the Terraferma, and the coastal territories in the Mediterranean—was a complex entity, in which different cultures and juridical systems coexisted. This article analyzes a frequently used type of petition, designed to adjourn a trial and delegate the proceedings to another court in Venice itself or outside of the city. Reading the procedures and guiding principles of this delegation or delegazione according to the interpretative categories of the premodern “jurisdictional state” opens up new interpretations of the Venetian legal system, which subsequently appears more consistent with the law of other European countries. A subject who feared that the outcome of a trial would be compromised by differences in position or resources between the parties had the right to petition the Signoria to have it delegated to another court. The procedure for granting this favor or grace—which should be considered as a political act—was based on a cross-examination of both parties resulting in a judgment. Although this trial was subject to the same guarantees as ordinary civil or criminal procedures, the “mixed” nature of the delegazione meant that its resolution did not simply depend on the application of strict legal standards. Instead, the judgment was a discretionary act on the part of the patrician judges, based on a political reading of the case and its context. Rather than seeking to present the legal truth, the petitions thus expressed political accounts of the facts in order to be persuasive. Moreover, the procedure also fostered negotiations between the parties, who enjoyed a great deal of autonomy in managing the conflict. In fact, sometimes the goal of a petition for delegazione was not to obtain a court decision but rather to create better conditions for an extrajudicial, nonviolent resolution of the dispute. This negotiatory aspect contributed to the procedure's popularity. In return, by bringing local disputes to the city of Venice, the petitioners laid the foundations for a cross-cultural legal “contamination,” the seed of a common vocabulary shared by the different legal subsystems that made up the Venetian State.
- Type
- Droit et société à Venise (XVIe-XVIIIe siècle)
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2015
References
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3- L’activite de magistrat, accomplie d’office pour satisfaire les interets collectifs, est indissociable des principes du proces : l’officier ne peut pas obliger, du moins en principe, un sujet récalcitrant à obéir à son ordre, sinon après avoir vérifié sa conformité aux lois ou à la coutume et en lui garantissant les mêmes possibilites d’intervenir qui sont réservées par l’ordo iudiciorum aux controverses entre personnes privées. L’ordre acquiert une force exécutoire seulement quand il est transformé en une véritable affaire jugée, c’est-a-dire une déclaration authentique et définitive de ce qu’est le droit, Mannori, Luca, « Giustizia e amministrazione tra antico e nuovo regime », in Romanelli, R. (dir.), Magistrati e potere nella storia europea, Bologne, Il Mulino, 1997, p. 39–65, ici p. 50.Google Scholar
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11- Sur le « raisonnement juridique », propre aux systemes « fermés », et sur leur application extensive aux raisonnements fondés sur des bases coutumières, qui obéit tout de même a un code juridique, voir Friedman, Lawrence M., Il sistema giuridico nella prospettiva delle scienze sociali, Bologne, Il Mulino, [1975] 1983, p. 400–405 Google Scholar.
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13- Par Quarantie, il faut comprendre les grandes cours vénitiennes d’appel en matière pénale et civile que sont les trois conseils des Quarantie (Criminale, Civil vecchia et Civil nuova). La cour civile est divisée en deux tribunaux, l’un est compétent pour les affaires situées à Venise, l’autre pour celles du reste de l’État. Chacune est composée de quarante nobles qui n’ont aucune formation jurisprudentielle. Voir les travaux de Cozzi, G. et de Piero Negro, Del, ainsi que Ferrari, Giannino, « I contradittori nelle magistrature d’appello di Venezia e nei consigli di Padova e Verona », Nuovo archivio veneto, 19-1, 1910, p. 112–144 Google Scholar.
14- Garino, Ernesto, « Il diritto civile », in Arnaldi, G. et Pastore Stocchi, M. (dir.), Storia della cultura veneta, vol. 5-II, Dalla Controriforma alla fine della Repubblica. Il Settecento, Vicence, N. Pozza, 1986, p. 147–152, ici p. 155Google Scholar.
15- L’Avogaria di Comun est composée de trois patriciens. Elle représente, par antonomase, l’organe de garantie et de contrôle des actes législatifs. Sur le plan judiciaire, elle occupe des fonctions d’instruction et d’accusation publique dans les procès politiques et criminels, et l’avogador peut être considéré comme un juge intermédiaire d’appel (examen de la recevabilité des pourvois en appel), détenant des pouvoirs d’intromissione sur les sentences criminelles formulées par les magistratures de Venise et de l’État. Voir Dudan, Bruno, « Il processo d’intromissione (contributo alla storia del procedimento d’appello) », Rivista italiana per le scienze giuridiche, 21-14, 1936, p. 75–108 Google Scholar ; Cozzi, Gaetano, « Note sopra l’Avogaria di Comun », in Tagliaferri, A (dir.), Venezia e la Terraferma attraverso le relazioni dei rettori, Milan, Giuffrè, 1981, p. 547–557 Google Scholar ; Viggiano, Alfredo, « Interpretazione della legge e mediazione politica. Note sull’Avogaria di Comun nel secolo XV », in Studi veneti offerti a Gaetano Cozzi, Venise, Il Cardo, 1992, p. 121–132 Google Scholar.
16- Si ces deux institutions permettent aux populations de se tourner vers la justice vénitienne, la délégation du procès à une autre cour n’est pas comparable à l’appel, comme le prétend Cristina Setti, à cause de son caractére extraordinaire, de ses implications procédurales, du niveau hiérarchique de la procédure judiciaire, mais aussi de ses implications politiques, C.|Setti, « Avocats, procureurs, juges… », art. cit., p. 107.
17- Pour une analyse approfondie des traits originaux de l’aequitas et de l’arbitrium vénitiens, voir Cassandro, Giovanni, « Concetto, caratteri e struttura dello stato veneziano », Rivista di storia del diritto italiano, 36, 1963, p. 23–49, ici p. 43Google Scholar ; Cozzi, Gaetano, Repubblica di Venezia e stati italiani. Politica e giustizia dal secolo XVI al secolo XVIII, Turin, G. Einaudi, 1982, p. 219–222, 313-318 et 323-324Google Scholar ; C. POVOLO, « Un sistema giuridico… », art. cit., p. 332-333.
18- Prologue Ier du livre Ier des Statuts de Venise, Novissimum statutorum ac venetarum legum volumen, duabus in partibus divisum, Aloysio Mocenico Venetiarum Principi dicatum, Venise, Pinelli, 1729, fol. 3v. Voir Povolo, Claudio, « Gaetano Cozzi, ieri e oggi », Annali di storia moderna e contemporanea, 8, 2002, p. 495–512 Google Scholar ; Ferrajoli, Luigi, Diritto e ragione. Teoria del garantismo penale, Rome, Laterza, 2004, p. 138–143 Google Scholar.
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21- HÄrter, Karl, « Negoziare sanzioni e norme. La funzione e il significato delle suppliche nella giustizia penale della prima età moderna », in Nubola, C. et Wórgler, A. (dir.), Suppliche e « gravamina »…, op. cit., p. 263–306, ici p. 263Google Scholar.
22- Nubola, Cecilia, «La via supplicationis negli stati italiani della prima età moderna (secoli XV-XVIII) », in Nubola, C. et Wórgler, A. (dir.), Suppliche e « gravamina »…, op. cit., p. 21–64, ici p. 21.Google Scholar
23- Friedman, L. M., Il sistema giuridico…, op. cit., p. 51.Google Scholar
24- Nubola, C., «La via supplicationis … », art. cit., p. 29 Google Scholar.
25- Ibid., p. 28 ; Archivio di Stato di Venezia (ci-aprés ASVe), Maggior Consiglio, Deliberazioni (ci-aprés MC), reg. 22, fol. 83r, 24 sept. 1430 ; reg. 44, fol. 141v-142r, 29 juin 1701.
26- Différentes lectures coexistent dans l’historiographie contemporaine : la supplique peut être vue comme une forme de communication et un moment de médiation entre les gouvernants et les sujets (donc partie intégrante du système d’administration de l’EÉtat) ou comme un élargissement du gouvernement d’urgence et un instrument du dominant pour affirmer son propre pouvoir (donc l’expression d’un rapport plus asymétrique : Vallerani, Massimo, « La supplica al signore e il potere della misericordia. Bologna 1337-1347 », Quaderni storici, 131-2, 2009, p. 411–441 Google Scholar) ; un instrument par le biais duquel le sujet revendique une reconnaissance de son droit de citoyenneté ( Cerutti, Simona, « Travail, mobilité et légitimité. Suppliques au roi dans une société d’Ancien Régime (Turin, XVIIIe siécle) », Annales HSS, 65-3, 2010, p. 571–611 Google Scholar) ; enfin, un outil pour la compréhension de la gestion des conflits à l’époque moderne, de nature anthropologique (voir les travaux de C. Povolo sur les domaines vénitiens).
27- HÄrter, K., « Negoziare sanzioni e norme… », art. cit., p. 265 Google Scholar.
28- Mannori, L., « Giustizia e amministrazione tra antico… », art. cit., p. 46–47 Google Scholar.
29- On retrouve des pratiques similaires en matiére de droit commun dans les recursos de suplicación et de injusticia notoria espagnols auprés du Consejo Real et des casos de Corte, Dios, Salustiano De, « El ejercicio de la gracia regia en Castilla entre 1250 y 1530. Los inicios del Consejo de la Càmara », Anuario de historia del derecho españolo, 59-1, 1990, p. 323–351 Google Scholar ; Id., Gracia, merced y patronazgo real, la Camara de Castilla entre 1474 y 1530, Madrid, Centro de estudios constitucionales, 1993 ; M. VALLERANI, « La supplica al signore… », art. cit. De même en Italie et en France, mais analysés jusqu’ici pour les périodes antérieures qui qualifient différemment le phénoméne : Chiffoleau, Jacques, Gauvard, Claude et Zorzi, Andrea (dir.), Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 2007 Google Scholar. Des analogies sont également observables dans la common law, avec le recours à la justice de l’equity et de la Court of Chancery. Pour une analyse plus approfondie et documentee de la supplique et de la délégation civile vénitienne à l’époque moderne, voir Sambo, Alessandra, « Praticare la giustizia nella Venezia del Seicento. Governanti, legislatori, giudici, litiganti », thése de doctorat, Università degli studi di Messina, 2008, en particulier vol. I, p. 59–108, et vol. II, p. 1-4 et 37-65Google Scholar.
30- Cozzi, G., Repubblica di Venezia e stati italiani…, op. cit., p. 334–335 Google Scholar.
31- La Seigneurie, ou Dominio, qui preéside les plus grands conseils vénitiens, est dotée de fonctions politiques de proposition et d’orientation, d’une capacité juridictionnelle et législative autonome mais qui est progressivement réduite. Elle est composée du Petit Conseil (Minor consiglio), qui réunit le doge – une charge élective à vie –, contrúlé par six Conseillers ducaux qui sont renouvelés chaque année, et des trois Chefs de la Quarantia Criminale, en charge pour deux mois à tour de rúle. Dans les faits, le terme désigne aussi la formation plus restreinte : le Petit Conseil, sans les Chefs. Elle est soutenue, pour les activités de l’instruction, par un collège, appelé aussi Consulta, composé des trois mani (commissions) de Sages (six du Sénat – parmi les lesquels la charge tournante de Savio di settimana, qui assure la présidence et la coordination –, cinq de Terre ferme et cinq aux Ordres), élus pour une durée semestrielle. La Seigneurie, ce collége et un nombre variable d’autres magistrats, n’ayant souvent pas le droit de vote ou d’initiative, composent le Plein Collége. Sur la juridiction exclusive de la Seigneurie en matiére de suppliques, voir ASVe, MC, reg. 22, fol. 83r, 24 sept. 1430.
32- Avant 1640, la nécessité n’avait pas été ressentie d’écrire dans une loi que la délégation était une grâce. Jusqu’alors, sa légitimité venait, seulement en partie, de la coutume : ASVe, MC, reg. 39, fol. 1v, 9 janv. 1640 ; ASVe, Correttori delle leggi (ci-aprés CdL), b. 1 bis, Verbali, fol. 18v.
33- Une autorité « éthique » Tenenti, selon Alberto, « Il senso dello Stato », in Tenenti, A. et Tucci, U. (dir.), Storia di Venezia, vol. 4, Rinascimento : politica e cultura, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1996, p. 311–344 Google Scholar, en particulier p. 316. Se concentrant sur l’étude de la communication politique au sein de la Dominante dans la conjonture politico-juridictionnelle tendue de l’Interdit de 1606-1607, Filippo De Vivo valorise d’autres fonctions – indubitablement présentes – de la Seigneurie, de la Consulta et du Collége, qui sont plus étroitement liées au processus de decision making du gouvernement, attribuant à la Consulta un pouvoir « fort » d’orientation et de contrúle du Sénat. Cette perspective a été reprise et approfondie par G. Florio, qui élargit l’analyse à d’autres figures et formes de communication politique, comme les représentants à Venise des communautés sujettes (nunzi) et les suppliques. Mettant en avant l’activité consultative et exécutive de la Consulta dans les travaux du Sénat et de la Seigneurie pour le Grand Conseil (de maniére quelque peu exagérée, car seulement une partie des lois du Sénat requérait la lecture du Collége : quand cela advenait, la Chancellerie apposait le sigle «LC» (Lecta Collegio) au bas de la délibération du Sénat), Vivo, F. De et Florio, G. font de l’union de ces deux organes (Petit Conseil et Consulta) dans le College le centre d’impulsion de toute la machine d’État : Vivo, Filippo De, Information and Communication in Venice: Rethinking Early Modern Politics, New York, Oxford University Press, 2007, p. 32 et 37-39CrossRefGoogle Scholar ; Id., Patrizi, informatori, barbieri. Politica e comunicazione a Venezia nella prima età moderna, Milan, Feltrinelli, 2012, p. 142-152 ; G. Florio, « Rappresentanti e rappresentazioni… », op. cit., p. 141 sq.
34- Pour la définition de la communication politique, voir Vivo, F. De, Information and Communication in Venice…, op. cit., p. 2–17 ; Id., Patrizi, informatori, barbieri…, op. cit., p. 17-34Google Scholar ; au sujet de la sphére publique, voir Rospocher, Massimo (dir.), Beyond the Public Sphere: Opinions, Publics, Spaces in Early Modern Europe, Bologne/Berlin, Il Mulino/ Duncker und Humblot, 2012 ; Id., Oltre la sfera pubblica. Lo spazio della politica nell’Europa moderna, Bologne, Il Mulino, 2013 Google Scholar.
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36- Pour éviter toute confusion signalons que, dans la base de données en ligne relative aux suppliques de l’Istrie (supra n. 20), est nommé « Magistrature déléguée » (Magistratura delegata) le champ dans lequel est enregistrée l’autorité publique (magistrature venitienne ou recteur) à laquelle il revenait de donner un avis ; l’indication éventuelle du recteur ou de la cour vénitienne auxquels le suppliant demande que soit déléguée sa cause est reportée dans le champ « Objet » (Oggetto). Pour une description de la base de données, voir Biasiolo, E., Luca, L. De et Povolo, C. (dir.), Voices from Istria…, op. cit., p. 13–18 Google Scholar.
37- Pour une réflexion plus générale sur la relation entre grâce et équité, voir Hespanha, António M., « Jurists as Gamekeepers » [2001], Acta Histriae, 16-4, 2008, p. 477–502, ici p. 486-490Google Scholar ; entre grâce et arbitrage, Id., «Las categorías del politico y de lo juridico en la época moderna »,Ius fugit, 3-4, 1994-1995, p. 63-100, ici p. 69-70.
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40- Pour la definition de l’État « actif » et « réactif », voir les modèles élaborés par Damaška, M. R., I volti della giustizia e del potere…, op. cit., p. 133 Google Scholar sq.
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42- Friedman, L. M., Il sistema giuridico…, op. cit., p. 392 sq Google Scholar.
43- G. Cozzi, «La politica del diritto… », art. cit., p. 148.
44- ASVe, MC, reg. 39, fol. 1v-3r, 9 janv. 1640.
45- G. Cozzi, « La politica del diritto… », art. cit., p. 35-36. Voir aussi les considérations de C. Povolo, « Faida e vendetta… », art. cit., p. 87-89, sur l’importance de l’étude de la procédure pénale pour comprendre les interrelations existant, dans cette période, entre la dimension culturelle et sociale de la vengeance et les nouvelles formes d’intervention de l’État.
46- Pour une réflexion sur la Chancellerie vénitienne et la formation de ses archives, voir Vivo, Filippo De, « Ordering the Archive in Early Modern Venice (1400-1650) », Archival Science, 10-3, 2010, p. 231–248 CrossRefGoogle Scholar ; Id., « l’|État, Coeur De, lieu de tension. Le tournant archivistique vu de Venise (XVe-XVIIe siecle) », Annales HSS, 68-3, 2013, p. 699–728 Google Scholar.
47- En 1627, il est décidé que les suppliques doivent obligatoirement être enregistrées à la Chancellerie où sera conservé l’original et par laquelle sera délivrée une copie aux demandeurs. Ainsi, dans les années suivantes, la série de la Chancellerie des Suppliche au Collége (conservée à partir de 1554, l’année qui suit la loi sur les citations) est dédoublée en deux sous-séries principales, Di dentro et Di fuori, dans lesquelles sont conservées les suppliques selon la destination des demandes d’approfondissement auprés des magistratures de la Dominante ou de Terre ferme. La série connaiît des divisions ultérieures, en particulier avec la sous-série Presentate, dans laquelle sont archivées les suppliques relatives aux contentieux à aborder au Collége et à la Seigneurie, ASVe, Collegio, Notatorio (ci-aprés CN), reg. 87, fol. 32 de 1627, 5 mai 1627 ; ASVe, MC, reg. 28, fol. 17, 16 août 1553.
48- ASVe, MC, reg. 4, fol. 20r, 25 aout 1271 ; reg. 9, fol. 287v, 1er sept. 1306. Au XVIIe siècle, l’usage de les recevoir, contre les dispositions de la loi, « in voce solamente », est encore attesté, ASVe, CN, reg. 99, fol. 171, 10 fevr. 1645.
49- ASVe, CN, reg. 99, fol. 307, 15 févr. 1639.
50- L’obligation de la signature du plaignant ou de son représentant légal n’est prescrite qu’à partir du milieu du XVIIIe siécle seulement, ASVe, CN, reg. 173, fol. 11r de 1755, 18 avril 1755, arrêté (terminazione) des Conseillers : « debba […] esser sottoscritta dal proprietario o interveniente che la presenteré ». Leur nom n’était pas toujours indiqué auparavant ; c’était parfois celui d’un procureur, d’un ami ou d’un membre de la famille. L’attribution par C. Setti de la rédaction des suppliques aux seuls avocats ou aux seuls causidici et sollecitatori n’est donc pas justifiée : C. Setti, « Avocats, procureurs, juges… », art. cit., p. 106-107 et 112-113.
51- La compétence revient peut-être initialement é ces mບmes Conseillers, qui remettaient ensuite la supplique aux Sages, mais la procédure semble ne pas avoir subi de modifications si l’on en juge par ce qui est enregistré dans la supplique. À la fin du XVIIIe siecle, la compétence des Sages est confirmée par la loi, ASVe, MC, reg. 50, fol. 239v-241r, 17 janv. 1775.
52- ASVe, Senato, Deliberazioni, Terra (ci-après ST), reg. 196, fol. 8v, 5 mars 1678 ; ASVe, CN, reg. 173, fol. 11r de 1755, 18 avril 1755 ; reg. 181, fol. 34r-35r, 24 juil. 1770 ; reg. 87, fol. 32, 5 mai 1627, arrâtés des Conseillers ; ASVe, Collegio, Suppliche, Presentate.
53- La fréquente coexistence de différentes formulations de l’ordre attestée dans les lettres envoyées semble confirmer l’alternative possible d’une transmission autonome et d’office, ASVe, Serenissima Signoria, Lettere sottoscritte.
54- Tout cela peut être indiqué de façon générale dans la lettre, par le renvoi à ce que le porteur de la missive estime devoir signaler et produire, mais cette formulation apparaît en diminution progressive, ASVe, Serenissima Signoria, Lettere sottoscritte.
55- L’Avogaria di Comun, élaquelle l’affaire est généralement adressée apres la délégation, peut être encore impliquée au début du XVIIe siècle dans la phase préliminaire par la production d’un avis, dans la mesure ouùla procédure que suivent les suppliques risque de provoquer une longue suspension, voire un blocage, de l’instruction en cours, ASVe, CN, reg. 66, fol. 75 ; reg. 77, fol. 118, 29 janv. 1616, arrêtés des Conseillers.
56- Citons un exemple de la Riviera de Salâ : Olimpia Pedretti présente deux suppliques en l’espace de trois mois. Dans la premiére, elle demande une délégation, en racontant avoir été amenée à rédiger un acte de donation de ses biens à Matteo Arrighi afin qu’il épouse sa nièce, mais celui-ci ne respecta pas l’accord et s’empara de l’acte et de ses biens, bien que la jeune femme ait épousé un autre homme. Dans la seconde, elle denonce une violence : Matteo l’ayant récemment approchée dans un lieu public, é la sortie de l’église, en l’encerclant avec ses hommes, supposés armés, demandant si elle avait présenté une supplique é la Seigneurie et obtenant d’elle, qui était intimidée, une réponse négative en présence de témoins, que celui-ci comptait utiliser pour annuler l’action légale qu’elle avait entreprise, ASVe, CN, liasse 305, 9 août 1638 ; ASVe, Collegio, Suppliche, liasse 613, 15 juin 1638.
57- Une plus grande indépendance d’action est possible dans le champ pénal. Par exemple, dans le cas de Paolo Orgiano, le podestat de Vicence décide de son propre chef d’arrêter la personne dénoncée dans la supplique, provoquant l’intervention du Conseil des Dix, et exclut de la procédure les suppliants. Il transforme ainsi une délégation criminelle avec le rite ordinaire et ouvert de la Quarantia en une délégation avec le rite propre et fermé du Conseil des Dix, C.Povolo (dir.), Il processo a Paolo Orgiano…, op. cit., p. XXXVII-XL (la relation doit être entendue par la Seigneurie, sous la forme du Petit Conseil ou des Conseillers, plutot que par le Collège).
58- ASVe, ST, reg. 15, fol. 173, 27 avril 1507 ; reg. 33, fol. 139v, 8 nov. 1544 ; reg. 68, fol. 62, 8 août 1598 ; reg. 198, fol. 138-139r, 15 mai 1679 ; ASVe, MC, reg. 27, fol. 130r, 27 mai 1547.
59- ASVe, Compilazione delle leggi (ci-après CL), b. 148, fol. 86r.
60- ASVe, MC, reg. 4, fol. 109v, 13 mars 1272 ; ASVe, Senato, Deliberazioni, Misti, reg. 59, fol. 84r, 16 déc. 1434 ; ASVe, ST, reg. 15, fol. 173, 27 avril 1507.
61- ASVe, CN, reg. 130, fol. 3r, 3 mars 1660, arrêté des Conseillers. La citation obligatoire de l’avocat fiscal de la magistrature vénitienne proposée pour la élégation est imposée en 1640, mais ne semble pas encore être appliquée plus d’un siècle après ; en 1657, on prescrit d’en informer au moins la magistrature, mais la règle du silence approbateur annule n’importe quelle action positive : ASVe, MC, reg. 39, fol. 1v-3r, 9 janv. 1640 ; ASVe, CN, reg. 107, fol. 12v, 17 mars 1657 ; reg. 144, fol. 63v, 17 juin 1674, arrêtés des Conseillers.
62- En 1660, sur 136 cas discutés par la Seigneurie, il est manifesté un intéreêt pour l’avis des avocats fiscaux dans 31 cas seulement, probablement parce qu’à cause de la nouvelle législation les deux tiers des éponses (21) sont attribuables à l’avis des Auditeurs nouveaux qui, dans la moitié des cas, interviennent pour s’opposer sans que cela influe sur la décision des Conseillers dans la mesure où la délégation est accordée : ASVe, CN, liasse 364-365. La fréquence des avis négatifs de la part des magistratures vénitiennes, en position défensive, ne doit pas induire en erreur car elle ne porte pas sur la totalité des cas puisque les cours vénitiennes ne sont pas toujours impliquées. La faible fréquence est tout de meême le symptome d’une certaine indifférence de leur part.
63- Les avis sont rarement présentés et les recteurs et les avocats fiscaux répètent presque toujours en conclusion par une formule stereotypee que la delegation est une juridiction exclusive et inconditionnelle de la Seigneurie, car elle est destinée à restaurer, par le biais d’une intervention arbitraire, l’ordre social ; et qu’elle est donc totalement étrangère à la compétence de l’écrivant, lequel se remet ainsi au jugement souverain ; citons l’exemple de l’année 1731 : ASVe, CN, liasse 493, 16 mai, 2 et 23 juin, 2 août, 25 sept., 22 et 29 déc. 1731 ; 11 janv., 22 et 29 févr. 1732.
64- ASVe, MC, liasse 75, 2 sept. 1731 ; ASVe, CN, reg. 160, fol. 71 de 1731, 10 sept. 1731 ; reg. 168, fol. 51r-52r de 1744, 4 août 1744, arrêtés des Conseillers.
65- Deux décennies auparavant, une loi relative aux causes criminelles déléguées avait déja été promulguee par le Conseil des Dix, par laquelle les recteurs et le personnel de la cour prétorienne – les curialisti – étaient obligeés de rédiger un résumeé détaillé de la phase informative du proces et de l’envoyer, signé de leurs mains et juré, aux juges vénitiens, afin que ceux-ci évaluent la pertinence de la poursuite de l’instruction dans le tribunal local ou son renvoi devant une instance supérieure, ASVe, Consiglio di dieci, Parti, Comuni, reg. 163, fol. 142, 18 sept. 1713.
66- ASVe, CN, reg. 67, fol. 124v, 5 oct. 1605, arrêté des Conseillers.
67- ASVe, ST, reg. 15, fol. 117r, 21 août 1506.
68- ASVe, CN, reg. 58, fol. 45v-46r, 26 mai 1596, arrêté des Conseillers – soit cinq ou dix années aprés ce qui est génériquement indiqué par C. Povolo (« milieu des annees 80 » et « depuis les années 1580 »).
69- Povolo, C. (dir.), Il processo a Paolo Orgiano…, op. cit., p. XXXVIII, n. 88 ; Id., « The Small Community and its Customs » [2008], The Emergence of Tradition: Essays on Legal Anthropology (XVI-XVIII Centuries), Venise, Libreria Editrice Cafoscarina, 2015, p. 101–137, ici p. 134Google Scholar ; Id., L’uomo che pretendeva l’onore. Storia di Bortolamio Pasqualin da Malo, 1502- 1591, Venise, Marsilio, 2010, p. 103-104, n. 26. Cette scansion chronologique impropre de la norme procédurale continue à être reproduite dans des contributions récentes qui portent sur la juridiction criminelle et des faits postérieurs à la loi de 1596 et se conforment à une ligne interprétative éventuellement applicable à la seule époque précédente tout en attribuant génériquement la même procédure a toutes les suppliques (pas seulement les judiciaires et sans distinguer procédure civile et procédure pénale, même si elles sont toutes deux inspirées par la volonté d’offrir une protection au faible). Ces études maintiennent également une certaine confusion entre les compétences du Collége, de la Seigneurie et du Petit Conseil : Biasiolo, Eliana, « Dalla supplica di Isabella Moscorno, cipriota, di Pola : una condanna capitale nell’Istria di fine ‘500 », Acta Histriae, 18-4, 2010, p. 889–906 Google Scholar ; Id., « Procedure, contenuti, significati : riflessioni sulle suppliche », in Biasiolo, E., luca, L. De et Povolo, C. (dir.), Voices from Istria…, op. cit., p. 31–40 Google Scholar ; Castellani, Erasmo, « Documenti disordinati : un esempio di ricerca basato sulla supplica di Agostino Vida di Capodistria », Acta Histriae, 19-3, 2011, p. 483–504 Google Scholar ; G.Florio, « Rappresentanti e rappresentazioni… », op. cit. ; Id., « Une autre ‘guerre des ecritures’… », art. cit. ; C.Setti, « Avocats, procureurs, juges… », art. cit.
70- Il semble admis au milieu du XVe siécle que la pratique puisse être discutée dans des instances différentes avec l’accord de la Seigneurie, ASVe, ST, liasse 986, copie d’une loi datée du 19 mai 1460, insérée le 13 mai 1679.
71- ASVe, CN, reg. 58, fol. 45v-46r, 26 mai 1596 ; reg. 87, fol. 32, 5 mai 1627 ; reg. 96, fol. 58v-59r, 16 juill. 1638, arrêtés des Conseillers.
72- Le droit vénitien ne prévoit pas que des tiers puissent intervenir librement au cours du procés. Pour faire valoir leurs droits, ils doivent d’abord s’enregistrer formellement dans le procés (assumere il giudizio) et ont seulement alors la légitimité d’agir, Ferro, Marco,Dizionario del diritto comune e veneto, Venise, Andrea Santini e figlio, [1778] 1845, vol. 1, p. 114 Google Scholar.
73- Sur le théme de l’oralité des débats, voir Cozzi, Gaetano, « Fortuna, o sfortuna, del diritto veneto nel Settecento », in Cozzi, G., Repubblica di Venezia e stati italiani…, op. cit.,p. 319–410 Google Scholar, ici p. 345 sq. et 396 sq. Sur l’application dans d’autres États, Id., « Note su Carlo Goldoni, la società veneta e il suo diritto », in Cozzi, G., La società veneta e il suo diritto. Saggi su questioni matrimoniali, giustizia penale, politica del diritto, sopravvivenza del diritto veneto nell’Ottocento, Venise, Marsilio, 2000, p. 3–17 Google Scholar ; Damaၡka, M. R., I volti della giustizia e del potere…, op. cit., p. 118 Google Scholar sq.
74- Dans le modèle d’un ordre politique paritaire, la cause doit être traitée durant une unique session ; sur le Day in Court, voir ibid., p.120.
75- Les Chefs de la Quarantia sont présents seulement en qualité de suppléants des Conseillers.
76- ASVe, MC, reg. 39, fol. 1v-3r, 9 janv. 1640.
77- La présentation de la délégation au magistrat du Superior se produit avec un d\élai qui peut aller de quatre mois à une année, bien que seule une délégation sur trois soit présentée, A. Sambo, « Praticare la giustizia… », art. cit., vol. I, p. 132-134. Outre leur fonction de cour d’appel des jugements du Sopragastaldo, les trois juges du Superior sont les destinataires de la majeure partie des délégations de la Seigneurie : ASVe, MC, reg. 41, fol. 213v-214r, 30 nov. 1667.
78- L’institution du compromis more veneto, qui voit peu à peu sa sphére d’application s’étendre progressivement jusqu’en Terre ferme, présente des traits semblables à l’infrajudiciaire. Le juge ordinaire peut ordonner et être présent dans la phase finale, il ne juge pas mais participe en subsumant le compromis entre les parties. Il donne une issue légale – infrajudiciaire – aéla contestation en rendant irrévocable le compromis qui sort ainsi de la sphére privée. Voir Bellabarba, Marco, « Le pratiche del diritto civile. Gli avvocati, le ‘Correzioni’, i ‘Conservatori alle leggi’ », in Cozzi, G. et Prodi, P. (dir.), Storia di Venezia dalle origine alla caduta della Serenissima, vol. 6, Dal Rinascimento al Barocco, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1994, p. 795–824 Google Scholar.
79- D’aprés le modéle et les dynamiques décrits par M. R. Damaška, I volti della giustizia e del potere…, op. cit., p. 139–146.
80- Sur les rapports entre justice et infrajustice, voir Garnot, Benoît, « Justice, infrajustice, parajustice et extrajustice dans la France d’Ancien Régime », Crime, histoire et sociétés, 4-1, 2000, p. 103–120 CrossRefGoogle Scholar ; Garnot, Benoît (dir.), L’infrajudiciaire du Moyen Âge à l’époque contemporaine, Dijon, Publications de l’universite de Dijon, 1996 Google Scholar. Une réflexion sur la coexistence, la non-opposition et l’interaction des deux regimés dans un système pluraliste d’exercice de la justice est développeée par António Hespanha, M., « Savant et rustiques. La violence douce de la raison juridique », Ius commune, 10, 1983, p. 1–48, ici p. 16 et 48Google Scholar ; Id., « Justiça e administração… », art. cit.,p. 140-145 ; Sbriccoli, Mario, «Giustizia negoziata, giustizia egemonica. Riflessioni su una nuova fase degli studi di storia della giustizia criminale », in Bellabarba, M., Schwerhoff, G. et Zorzi, A. (dir.), Criminalità e giustizia in Germania e in Italia. Pratiche giudiziarie e linguaggi giuridici tra tardo Medioevo ed età moderna, Bologne/Berlin, Il Mulino/Dunker und Humboldt, 2001, p. 345–364, ici p. 349-350Google Scholar ; Chiffoleau, J., Gauvard, C. et Zorzi, A. (dir.), Pratiques sociales et politiques judiciaires…, op. cit., en particulier Andrea ZORZI, « Introduzione » et « Pluralismo giudiziario e documentazione : il caso di Firenze in età comunale », respectivement p. 1– 29, ici p. 17, et p. 125-187, ici p. 129-130Google Scholar, ainsi que Nella LONZA, « L’accusatoire et l’infrajudiciaire : la ‘formule mixte’ à Raguse (Dubrovnik) au Moyen Âge », p. 643-658, ici p. 656-658 ; M. Vallerani, « Procedura e giustizia… », art. cit., p. 439-494, ici p. 439 et 492-493 ; G. Alessi, « Giustizia pubblica, private vendette… », art. cit., p. 98-114.
81- Sur l’« isonomie », ses implications socio-institutionnelles et ses relations avec la conception « asymétrique » du procàs, voir Giuliani, Alessandro, « Ordine isonomico e ordine asimmetrico », Giustizia ed ordine, Milan, Giuffré, 1997, p. 233–240, ici p. 240Google Scholar ; Benedictis, Angela De, Politica, governo e istituzioni nell’Europa moderna, Bologne, Il Mulino, 2001 Google Scholar.
82- Sur la procédure sommaire dans la République veénitienne, voir Cozzi, G., Repubblica di Venezia e stati italiani…, op. cit., p. 341–344 Google Scholar ; Fusaro, Maria, « Politics of Justice/Politics of Trade: Foreign Merchants and the Administration of Justice From the Records of Venice's Giudici del Forestier », MEFRIM, 126 1, 2014 Google Scholar,https://mefrim.revues.org/1665. Pour d’autres aires etatiques, voir S. Cerutti, Giustizia sommaria…, op. cit. ; Alessi, Giorgia, « Giustizia e identità sociali. Alessi legge Cerutti », Storica, 9-27, 2003, p. 189–201 Google Scholar.
83- Le nombre total des suppliques est légèrement supérieur, dans la mesure où la meme affaire peut être présentée é plusieurs reprises par la même personne comme par la partie adverse.
84- ASVe, CN, reg. 66, fol. 75, 26 août 1604 ; reg. 67, fol. 124, 5 oct. 1605 ; reg. 77, fol. 118, 29 janv. 1616.
85- Povolo, C. (dir.), Il processo a Paolo Orgiano…, op. cit., p. XXXVIII-XXXIX et 28–34 Google Scholar.
86- Ainsi, en 1620, les Conseillers écrivent au podestat de Veglia (Krk) pour lui signaler qu’ils n’ont pas encore reçu la réponse demandée au sujet d’une supplique de la commune de Verbenico (Vrbnik) et lui intiment l’ordre de l’envoyer immédiatement : ASVe, Serenissima Signoria, Lettere sottoscritte, Terra, liasse 181, 1er août 1620.
87- Notre lecture propose une relation plus complexe entre les parties et entre cellesci et les autorités, dans laquelle le mécanisme de suspension ou de (menace de) renvoi à une autre cour assume moins la fonction de simple « stratégie dilatoire » de la part des avocats que d’espace de dialogue et de négociation. Il peut jouer ce rúle dilatoire, mais sans qu’il soit central, contrairement à ce qu’affirment des études récentes : C. Setti, « Avocats, procureurs, juges », art. cit. Naturellement, notre approche de la gestion réticulaire conflits est différente de l’approche triangulaire de F. De Vivo, appliquée à la communication politique : Filippo De Vivo, « Public Sphere or Communication Triangle ? Information and Politics in Early Modern Europe », in M. Rospocher (dir.), Beyond the Public Sphere…, op. cit., p. 115-136, ici p. 123-124 et 136.
88- ASVe, CL, b. 148, fol. 86r.
89- ASVe, CL, b. 148, fol. 55v et 58r.
90- Cozzi, G., Repubblica di Venezia e stati italiani…, op. cit., p. 334, 351 et 367-372Google Scholar.