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Les apprentissages parisiens aux xviiie et xixe siècles
Published online by Cambridge University Press: 11 March 2020
Résumés
L’article discute des changements et des continuités dans les pratiques de l’apprentissage et ses normes sociales, à Paris, avant et après la Révolution française. Il souligne l’intérêt d’une analyse quantifiée et de comparaisons entre sources hétérogènes pour aborder ce sujet. Il traite d’abord de la question du rapport entre nombre d’apprenti·es et nombre de maîtres·ses dans chaque métier, ainsi que des aspirations qui pouvaient être celles des apprenti·es et de leurs parents : avec quel espoir entrait-on en apprentissage ? L’étude de trajectoires individuelles pour le xviiie siècle et d’une statistique de l’époque pour le xixe siècle permet notamment d’indiquer que l’apprentissage était loin de toujours déboucher sur une carrière au sein du métier appris. Un travail sur les sources judiciaires montre ensuite que le rôle des tribunaux dans le règlement des conflits autour de l’apprentissage s’est à la fois accru et transformé, en se concentrant sur le respect du temps imparti. L’article illustre enfin la persistance, sur la longue durée, de normes largement partagées définissant les bons apprentissages et de pratiques s’écartant nettement de ces normes, différentes selon le genre et le métier, que ce soit avant ou après la fin des corporations.
Abstracts
This paper delineates changes and continuities in the practices, discourses, and social norms of apprenticeship in Paris before and after the French Revolution. It uses quantification and a comparison of heterogeneous sources to shed light on this question. The first section discusses numbers of apprentices and masters or mistresses, and the aspirations of apprentices and their parents: What did they hope to gain from an apprenticeship? The study of eighteenth-century trajectories and nineteenth-century statistics reveals that many apprenticeships were not the beginning of a career in the trade. The authors then turn to judicial archives to show that courts were increasingly used to settle apprenticeship disputes in the nineteenth century, and that their role was more focused on the enforcement of the duration of contracts. Finally, the paper discusses the persistence over the long-term of widely shared norms of good apprenticeship and their coexistence with many deviant practices that differed across genders and trades.
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- Histoire quantitative
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- © Éditions de l'EHESS
Footnotes
Les auteur·es remercient Anaïs Albert et Élodie Charié pour leur contribution à certaines opérations de saisie et, pour la première, de codage, permise par l’American Council of Learned Societies et le bureau scientifique de Sciences Po. Les auteur·es sont également reconnaissant·es envers les collègues qui ont discuté des versions préliminaires de certaines parties de cet article dans de nombreux séminaires et colloques.
References
1 Bellavitis, Anna, Frank, Martina et Sapienza, Valentina (dir.), Garzoni. Apprendistato, lavoro e società a Venezia e in Europa, xvi-xviii secolo, Venise, Edizioni Ca’ Foscari, 2017Google Scholar ; Maarten Prak et Patrick Wallis (dir.), Apprenticeship in Early Modern Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2019. Voir aussi, pour la France, l’article pionnier d’Anne-Marie Cocula, « Contrats d’apprentissage à Langon et autour de Langon dans la seconde moitié du xviiie siècle », Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, 20, 1971, p. 107-124.
2 Ce que décourage déjà la périodisation habituelle : Le Bihan, Jean et Mazel, Florian, « La périodisation canonique de l’histoire : une exception française ? », Revue historique, 680, 2016, p. 785-812.CrossRefGoogle Scholar
3 Souvent dans les termes posés par Stephan R. Epstein, « Craft Guilds in the Pre-Modern Economy: A Discussion », et Sheilagh Ogilvie, « Rehabilitating the Guilds: A Reply », The Economic History Review, 61-1, 2008, respectivement p. 155-174 et 175-182.
4 Au xixe siècle, les contrats notariés ne peuvent plus être considérés comme représentatifs, mais ils subsistent dans certains cas, ainsi que l’avait noté Pellegrin, Nicole, « L’apprentissage ou l’écriture de l’oralité. Quelques remarques introductives », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 40-3, 1993, p. 356-386CrossRefGoogle Scholar. Les registres d’enregistrement d’actes notariés (photographies transmises par Gilles Postel-Vinay) que nous sommes en train d’exploiter montrent que ces contrats restent assez fréquents dans certaines villes en 1807 (mais ils ont à peu près disparu en 1840) : 211 sont enregistrés à Lyon, contre 527 en 1740 ; 60 à Laval, contre 32 en 1780. Des sondages préliminaires, incluant aussi l’enregistrement des actes sous seing privé, laissent à penser que le quasi-abandon du formalisme juridique a été plus précoce à Paris, où l’on ne trouverait sans doute que quelques dizaines de contrats notariés ou enregistrés par an pendant la Révolution et l’Empire.
5 Claire Lemercier, « Apprentissage », in A. Stanziani (dir.), Dictionnaire historique de l’économie-droit, xviii e-xx e siècles, Paris, Lgdj, 2007, p. 23-34.
6 C’est par exemple ce qu’écrivent la plupart des préfets interrogés à ce sujet en 1877-1890 par le ministère du Commerce : Paris, Archives nationales (ci-après AN), F12 4831-4833. Pourtant, même à cette période tardive et y compris dans des départements ruraux comme l’Allier, ceux des préfets qui avaient poussé leur investigation trouvaient des centaines d’apprenti·es, avec contrats verbaux. Cette enquête montre que les contrats sous seing privé (implicitement ceux qui sont enregistrés), certes moins rares que les actes notariés, constituent une petite minorité : la norme statistique est le contrat dit verbal (qui n’exclut pas une mise par écrit, mais sans formalisme juridique).
7 Clare H. Crowston et Claire Lemercier, « Surviving the End of the Guilds: Apprenticeship in Eighteenth and Nineteenth-Century France », in M. Prak et P. Wallis (dir.), Apprenticeship…, op. cit., p. 282-308.
8 C. Lemercier, « Apprentissage », art. cit. ; Lequin, Yves, « L’apprentissage en France au xixe siècle : rupture ou continuité ? » [1986], Formation Emploi, 27-28, 1989, p. 91-100CrossRefGoogle Scholar ; Véronique de Chardon, « L’apprentissage en France de 1851 à 1919 », thèse de doctorat, Université Paris 4, 1992.
9 Milo, Daniel S., « Pour une histoire expérimentale, ou la gaie histoire », Annales ESC, 45-3, 1990, p. 717-734Google Scholar. Nous présentons ici le questionnement d’un projet d’ouvrage qui porte sur l’ensemble de la France et mobilise des sources plus variées que cet article.
10 L’idée reçue et la démarche de recherche sont donc à l’inverse de l’une de nos inspirations : Clare H. Crowston, « Du corps des couturières à l’Union de l’Aiguille. Les continuités imaginaires d’un corporatisme au féminin, 1675-1895 », in S. Kaplan et P. Minard (dir.), La France, malade du corporatisme ? xviii e-xx e siècles, Paris, Belin, 2004, p. 197-232.
11 La question reste peu traitée pour l’Europe moderne, malgré des travaux pionniers : N. Pellegrin, « L’apprentissage ou l’écriture de l’oralité… », art. cit. ; Krausman Ben-Amos, Ilana, « Women Apprentices in the Trades and Crafts of Early Modern Bristol », Continuity and Change, 6-2, 1991, p. 227-252CrossRefGoogle Scholar ; Deborah Simonton, « Apprenticeship: Training and Gender in Eighteenth-Century England », in M. Berg (dir.), Markets and Manufacture in Early Industrial Europe, Londres, Routledge, 1991, p. 227-258 ; Crowston, Clare Haru, Fabricating Women: The Seamstresses of Old Regime France, 1675-1791, Durham, Duke University Press, 2001.CrossRefGoogle Scholar
12 Anheim, Voir Étienne, « Les hiérarchies du travail artisanal au Moyen Âge entre histoire et historiographie », Annales HSS, 68-4, 2013, p. 1027-1038Google Scholar, discutant Philippe Bernardi, Maître, valet et apprenti au Moyen Âge. Essai sur une production bien ordonnée, Toulouse, Cnrs/Université de Toulouse-Le Mirail, 2009.
13 Kaplan, Steven L., « L’apprentissage au xviiie siècle. Le cas de Paris », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 40-3, 1993, p. 436-479CrossRefGoogle Scholar. Une déclaration royale de 1782 qui tentait de remédier au retard des nouveaux règlements fixait des prescriptions minimales en matière d’apprentissage, mais il est très difficile d’évaluer son application. Selon des comptages réalisés par Postel-Vinay sur douze répertoires de notaires parisiens, le nombre de contrats par an y fluctue entre 250 et 450 en 1748-1775, puis entre 70 et 140 en 1776-1787.
14 Par exemple, à Paris, les contrats de l’Orphelinat du Prince impérial (Paris, Archives départementales de Paris (ci-après ADP), VD6 343) ou ceux liés aux bourses d’apprentissage de la Ville (ADP, VD6 189) ; les traités de François Étienne Mollot, Le contrat d’apprentissage expliqué aux maîtres et aux apprentis : selon les lois, règlements et usages et la jurisprudence des conseils de prud’hommes, Paris, L. Colas, 1847 (l’un des inspirateurs de la loi de 1851, également impliqué dans la création du conseil de prud’hommes parisien des métaux) ou de P.-G. Toussaint, Manuel des patrons et ouvriers justiciables des conseils de prud’hommes du département de la Seine et spécialement du conseil de prud’hommes pour les industries diverses, Paris, Bonaventure et Ducessois, 1851 (l’auteur est commis-secrétaire de ce conseil).
15 S. Kaplan et P. Minard (dir.), La France, malade du corporatisme ?…, op. cit.
16 Nous n’avons pas (encore) quantifié ces discours, mais nous avons tenté d’être systématiques par un recours à Gallica qui permet une recherche dans des publications en série comme le Journal des économistes ou dans les débats parlementaires.
17 S. Kaplan, « L’apprentissage au xviiie siècle… », art. cit., p. 477.
18 Nous appelons normes des principes et des règles qui orientent les comportements et dont le non-respect peut être sanctionné.
19 C. H. Crowston, « Du corps des couturières à l’Union de l’Aiguille… », art. cit. ; P. Bernardi, Maître, valet et apprenti au Moyen Âge…, op. cit.
20 S. Kaplan, « L’apprentissage au xviiie siècle… », art. cit., p. 459-466 ; Crowston, Clare Haru, « L’apprentissage hors des corporations. Les formations professionnelles alternatives à Paris sous l’Ancien Régime », Annales HSS, 60-2, 2005, p. 409-441Google Scholar. La mise en apprentissage est toujours pratiquée au xixe siècle par les hôpitaux et d’autres institutions charitables, soit en atelier, soit dans leurs propres ouvroirs : Michaux, Laurette, « Le travail des enfants, orphelins pauvres, enfants assistés et abandonnés de l’hôpital Saint-Nicolas de Metz au xixe siècle », Académie nationale de Metz, 12, 2009, p. 61-78.Google Scholar
21 William H. Sewell, Gens de métier et révolutions. Le langage du travail, de l’Ancien Régime à 1848, trad. par J.-M. Denis, Paris, Aubier Montaigne, [1980] 1983.
22 William H. Sewell, « The Political Unconscious of Social and Cultural History, or, Confessions of a Former Quantitative Historian », Logics of History: Social Theory and Social Transformation, Chicago, The University of Chicago Press, 2005, p. 22-80.
23 Armitage, Au contraire de David et Guldi, Jo, The History Manifesto, Cambridge, Cambridge University Press, 2014Google Scholar ; voir le no spécial « La longue durée en débat », Annales HSS, 70-2, 2015.
24 Giovanni Levi, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du xvii e siècle, trad. par M. Aymard, Paris, Gallimard, [1985] 1989 ; Simona Cerutti, La ville et les métiers. Naissance d’un langage corporatif (Turin, 17 e-18 e siècle), Paris, Éd. de l’Ehess, 1990 ; Pierre-André Chiappori et Maurizio Gribaudi, « La notion d’individu en microéconomie et en micro-histoire », in J.-Y. Grenier, C. Grignon et P.-M. Menger (dir.), Le modèle et le récit, Paris, Éd. de la Msh, 2001, p. 283-315. Nous nous inspirons aussi de Roger Chartier, « Le monde comme représentation », Annales ESC, 44-6, 1989, p. 1505-1520.
25 Kaplan, Steven L., La fin des corporations, trad. par B. Vierne, Paris, Fayard, 2001Google Scholar ; Jéhanno, Christine, « Le travail au Moyen Âge, à Paris et ailleurs : retour sur l’histoire d’un modèle », Médiévales, 69-2, 2015, p. 5-17.CrossRefGoogle Scholar
26 Contrairement à Londres, Paris n’offre pas des sources plus riches que les autres villes françaises ; c’est même souvent l’inverse. Leunig, Voir Tim, Minns, Chris et Wallis, Patrick, « Networks in the Premodern Economy: The Market for London Apprenticeships, 1600-1749 », The Journal of Economic History, 71-2, 2011, p. 413-443.CrossRefGoogle Scholar
27 Ce n’est que dans la seconde moitié du xixe siècle qu’apparaissent en France des livres (fréquents en Angleterre dès le siècle précédent) qui prétendent conseiller les parents en détaillant salaires et conditions de travail, l’un des premiers étant Henri Leneveux, Manuel d’apprentissage, guide pour le choix d’un état industriel, Paris, Passard, 1855.
28 Paris, Bibliothèque nationale de France (ci-après BNF), ms. Joly de Fleury, 1728, « Estat par estimation de ce que tous les corps des marchands et des arts et mestiers de Paris peuvent payer… ». Clare Haru Crowston, « Mercantilism, Corporate Organization and the Guilds in the Later Reign of Louis XIV », in J. Prest et G. Rowlands (dir.), The Third Reign of Louis XIV, c. 1682-1715, New York, Routledge, 2016, p. 100-115.
29 AN, Y 9323-9334. Un·e relecteur·rice des Annales nous a signalé que les Statuts, reglemens, arrests et sentences de la communauté des maitres taillandiers-ferblantiers, Paris, 1774 (AN, ADXI 26) obligeaient les jurés à enregistrer les brevets d’apprentissage sur les registres de la Chambre du procureur du roi. À notre connaissance, cette prescription n’a pas été suivie. Elle pourrait témoigner d’un intérêt nouveau pour la question, dans le cadre des débats publics sur les corporations.
30 Dijon, Archives municipales de Dijon, G 83 à G 185 ; Lyon, Archives municipales de Lyon, HH 574 à 607 ; Caen, Archives départementales du Calvados, 1B 2016-2080 ; Rouen, Archives départementales de la Seine-Maritime, 4BPL 32-74.
31 Pour Paris, seulement le quart des maîtres·ses sont ainsi fils ou filles de maîtres·ses. S. Kaplan, La fin des corporations, op. cit. ; Maarten Praket al., « Access to the Trade: Monopoly and Mobility in European Craft Guilds, 17th and 18th Centuries », Economic History Working Papers, 282, London School of Economics and Political Science, 2018, http://eprints.lse.ac.uk/88365/.
32 Cette démarche a été suggérée par Ilana Krausman Ben-Amos, « Failure to Become Freemen: Urban Apprentices in Early Modern England », Social History, 16-2, 1991, p. 155-172 ; Kaplan, Steven L. et Postel-Vinay, Gilles, « L’apprentissage : un destin ? », Gnomon, 126, 2000, p. 23-24Google Scholar. De la même manière, la prosopographie a renouvelé l’histoire médiévale des métiers : C. Jéhanno, « Le travail au Moyen Âge… », art. cit.
33 La population retenue exclut toutefois la majorité des apprenties : la comparaison entre le devenir des jeunes femmes et celui des jeunes hommes est donc biaisée.
34 Il semble en réalité que l’effectif des métiers ne produise aucun effet systématique. Pour l’ensemble des 80 métiers pour lesquels nous trouvons moins de 15 contrats en 1761, le taux d’accès certain à la maîtrise est de 15 % ; il est de 12 % pour les 31 métiers où nous trouvons entre 15 et 121 contrats. Ce faible écart n’est pas significatif (selon un test de χ2).
35 D’autant que, à partir de 1755, les apprenti·es de Paris pouvaient accéder à la maîtrise partout dans le royaume, un privilège partagé seulement avec les villes de Lille, Lyon et Rouen.
36 Il est clair pour les contemporain·es qu’une bonne partie des compagnons le sont à vie, plutôt que d’être des aspirants à la maîtrise. Voir, par exemple, Jacques Savary des Bruslons, « Compagnons », Dictionnaire universel de commerce, d’histoire naturelle, et des arts et métiers, t. 1, Genève, Cramer et Philibert, [1723] 1750, p. 1061-1062.
37 À partir de la base de données « Minutes » des Archives nationales et de celle des « Familles parisiennes » constituée par des généalogistes, qui ne correspondent pas à des corpus bien définis.
38 Gaillard, Jeanne, Paris, la ville (1852-1870), Paris, L’Harmattan, 1997, p. 294-309.Google Scholar
39 Statistique de l’industrie à Paris résultant de l’enquête faite par la Chambre de Commerce pour les années 1847-1848, Paris, Guillaumin, 1851, p. 58-60. D’autres commentateurs envisagent une organisation du placement, pour éviter l’exploitation des apprenti·es et, surtout, l’entretien de vains espoirs d’ascension sociale par les familles : Alexandre Compagnon, Les classes laborieuses, leur condition actuelle, leur avenir par la réorganisation du travail, Paris, Michel Lévy frères, 1858, p. 39-46 ; Édouard Ducpétiaux, De la condition physique et morale des jeunes ouvriers et des moyens de l’améliorer, Bruxelles, Méline, Cans et Cie, 1843, t. 2, p. 200.
40 Joan W. Scott, « Statistical Representations of Work: The Politics of the Chamber of Commerce’s Statistique de l’Industrie à Paris, 1847-48 », in S. L. Kaplan et C. J. Koepp (dir.), Work in France: Representations, Meaning, Organization, and Practice, Ithaca, Cornell University Press, 1986, p. 335-363, ici p. 337.
41 Ibid., p. 347. Voir aussi Claire Lemercier, « Classer l’industrie parisienne au xixe siècle », Actes et communications de l’Inra, 21, 2004, p. 237-271.
42 « Tentons l’expérience », Annales ESC, 44-6, 1989, p. 1317-1323 ; dossier « Histoire et statistique », Genèses, 9, 1992, p. 90-119.
43 W. H. Sewell, « The Political Unconscious of Social and Cultural History… », art. cit., p. 50-51, pose cette question à propos de J. W. Scott, « Statistical Representations of Work… », art. cit.
44 Ruiz, Émilien, « Quantifier une abstraction ? L’histoire du ‘nombre de fonctionnaires’ en France », Genèses, 99, 2015, p. 131-148CrossRefGoogle Scholar ; Raffaella Sarti, Anna Bellavitis et Manuela Martini, « Introduction », What is Work ? Gender at the Crossroads of Home, Family, and Business from the Early Modern Era to the Present, New York, Berghahn Books, 2018, p. 1-84, ici p. 31-37.
45 La plupart des résultats présentés se fondent sur la Statistique de l’industrie à Paris résultant de l’enquête faite par la Chambre de commerce pour l’année 1860, Paris, Chambre de commerce, 1864. L’ouvrage, élaboré de la même manière, inclut plus de questions sur l’apprentissage. Les données sont supposées porter sur 1848 et 1860, mais elles ont été collectées au cours des années suivantes.
46 Il en va de même dans l’enquête contemporaine sur le travail de l’Assemblée nationale, qui n’est pas menée à Paris (AN, C 944-969).
47 Les personnes qui font leur apprentissage avec leur père ou leur mère sont tantôt compté·es parmi les apprenti·es, tantôt non. Les effectifs sont très faibles, peut-être du fait d’une forte sous-déclaration ; cette catégorie apparaît difficile à cerner dans la plupart de nos sources sur les deux périodes.
48 Dans le recensement de la population de Lyon en 1851, par exemple, on trouve presque un tiers de personnes de dix-sept ans et plus parmi celles décrites comme apprenti·es.
49 J. W. Scott, « Statistical Representations of Work… », art. cit, qui avait évoqué le genre dans la Statistique de l’industrie à Paris à propos des textes sur les ouvrières, n’avait pas discuté de cet usage limité du masculin neutre, partout appliqué aux « entrepreneurs » ou aux « fabricants » (même dans des industries comme celle des « couturières ») et parfois aux « apprentis ». Sur le genre des noms de métiers, voir Natacha Coquery, « Norme, genre, taxinomie. Désigner les métiers : le Dictionnaire universel de commerce de Savary des Bruslons », in G. Buti, M. Janin-Thivos et O. Raveux (dir.), Langues et langages du commerce en Méditerranée et en Europe à l’époque moderne, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2013, p. 255-274.
50 C. H. Crowston, Fabricating Women…, op. cit., p. 299. Il est fort possible que ce résultat compte parmi les spécificités parisiennes. Sous l’Ancien Régime, Paris était l’un des lieux qui comptait le plus de communautés féminines, même si certaines villes normandes le dépassaient.
51 Statistique de l’industrie à Paris résultant de l’enquête faite par la Chambre de Commerce pour les années 1847-1848, op. cit., p. 260.
52 BNF, ms. Joly de Fleury, 1728 ; N. Coquery, « Norme, genre, taxinomie… », art. cit. ; C. H. Crowston, Fabricating Women…, op. cit., p. 211.
53 Parmi l’ensemble des contrats d’apprentissage du xviiie siècle indexés par les Archives nationales (les contrats de 1751 et 1761 et des petites bases thématiques), nous avons trouvé 56 contrats d’allouage et 38 d’apprentissage, de fait illégaux, qui concernent des jeunes filles dans des communautés masculines. Leurs stipulations ne diffèrent guère, par ailleurs, des autres.
54 Julien Hayem et Jules Périn, Traité du contrat d’apprentissage. Commentaire de la loi du 22 février-4 mars 1851, Paris, Marchal, Billard et Cie, 1878, p. 68.
55 AN, LL 801 et H5 3782. Ainsi, la paroisse de Saint-Jean-de-Grève finançait l’apprentissage de jeunes gens pauvres. Entre 1710 et 1717, 24 des 25 jeunes filles concernées furent confiées à des couturières, contre 43 sur 75 identifiables entre 1774 et 1787.
56 Nous analysons les 129 industries qui emploient au moins 30 apprenti·es de moins de seize ans et les 56 qui emploient au total au moins 2 500 personnes ; ces deux catégories se recoupent largement.
57 C’est l’algorithme qui suggère une division en quatre types. Une classification ascendante hiérarchique (utilisant le critère de Ward) est opérée sur les coordonnées sur les cinq principaux axes de l’analyse en composante principale. Elle est consolidée par une analyse des centres mobiles qui prend pour centres initiaux les parangons obtenus. La bibliothèque utilisée est FactoMineR. Voir François Husson, Sébastien Lê et Jérôme Pagès, Analyse de données avec R, Rennes, Pur, 2009, p. 189-195.
58 La catégorie supérieure des salaires commence à 6 F par jour pour les hommes et à 4 F pour les femmes, la catégorie moyenne à 3 F et 2 F.
59 Viruega, Jacqueline, La bijouterie parisienne du Second Empire à la Première Guerre mondiale, Paris, L’Harmattan, 2004.Google Scholar
60 Statistique de l’industrie à Paris résultant de l’enquête faite par la Chambre de Commerce pour l’anné 1860, op. cit., p. 126.
61 ADP, D1U10 388*, 30 août 1860.
62 AN, MC/ET/IV/549, 12 juin 1747. Geraldine Sheridan, Louder than Words: Ways of Seeing Women Workers in Eighteenth-Century France, Lubbock, Texas Tech University Press, 2009 ; N. Coquery, « Norme, genre, taxinomie… », art. cit., p. 271-273.
63 Marion Bernard, « L’organisation du travail des armuriers parisiens, entre réglementation et réalité(s) de terrain (xiiie-xve siècle) », Médiévales, 69, 2015, p. 49-69, ici p. 66-68.
64 María Eugenia Albornoz Vásquez, Matteo Giuli et Naoko Seriu (dir.), no spécial « Les archives judiciaires en question », L’atelier du Centre de recherches historiques, 5, 2009.
65 AN, Y 9385, 21 juill. 1751 ; Y 9388, 11 févr. 1757.
66 ADP, D1U10 14, 27 oct. 1853 ; D1U10 385, 11 sept. 1857.
67 Collectif Onze, Au tribunal des couples. Enquête sur des affaires familiales, Paris, Odile Jacob, 2013 ; Claire Zalc, Dénaturalisés. Les retraits de nationalité sous Vichy, Paris, Éd. du Seuil, 2016 ; Camille François, « Une discrimination au délogement. Les procédures judiciaires d’expulsion locative des résidents de foyers de travailleurs migrants », Terrains et travaux, 29, 2016, p. 105-125.
68 Nous avons saisi tous les avis pour 1699-1701 (au nombre de 74 ; AN, Y 9373 B), pour 1721 (72 ; AN, Y 9375 B) et pour 1749-1757 (203 ; AN, Y 9384-8), ainsi que tous les jugements conservés pour 1848-1854, 1860 et 1885 des conseils des prud’hommes des métaux (ADP, D1U10 14 et 22 ; 56, 59 et 25 jugements) et des tissus (ADP, D1U10 379, 388* et 412* ; 41, 67 et 19 jugements) et un échantillon aléatoire des années 1864 et 1868 pour les métaux (ADP, D1U10 15 et 17 ; 24 et 12 jugements), 1857 et 1864 pour les tissus (ADP, D1U10 385 et 392 ; 24 et 10 jugements). À partir de 1848, il y a quatre conseils des prud’hommes à Paris. Les jugements des conseils des industries chimiques (incluant l’alimentation) et des industries diverses (dont le bâtiment) n’ont pas été conservés. Les conseils des métaux et tissus regroupent entre deux tiers et trois quarts des affaires d’apprentissage traitées à Paris : Compte général de l’administration de la justice civile et commerciale en France, Paris, Imprimerie impériale, 1857 à 1880.
69 La juridiction consulaire entend certains conflits entre maîtres et compagnons, voire apprentis, mais il semble que ce soit rare : Kessler, Amalia D., A Revolution in Commerce: The Parisian Merchant Court and the Rise of Commercial Society in Eighteenth-Century France, New Haven, Yale University Press, 2007, p. 130-135Google Scholar. Une recherche dans les archives du parc civil (AN, Y 1413-1414 pour 1761 et Y 1695-1696 pour 1781) et de la chambre civile (AN, Y 7954-7955 pour 1779-1790) du Châtelet n’a livré aucune affaire d’apprentissage.
70 Compte général…, op. cit., 1862, p. 191. Les ouvriers élus aux conseils sont parmi ceux considérés comme les plus qualifiés, à la frontière de l’indépendance ; les maîtres ont parfois de très grands ateliers, mais ne figurent pas parmi les grands notables parisiens. Voir Claire Lemercier, « Comment peut-on être prud’homme ? Les facettes du mandat à Paris avant 1870 », in H. Michel et L. Willemez (dir.), Les prud’hommes. Actualité d’une justice bicentenaire, Bellecombe-en-Bauges, Éd. du Croquant, 2008, p. 27-45.
71 Benoît Garnot, Histoire de la justice. France, xvi e-xxi e siècle, Paris, Gallimard, 2009.
72 Aux deux étapes, les prud’hommes interviennent collectivement. Cela crée des configurations collectives de jugement très variées qui interdisent de quantifier des « effets-juges » sur les décisions, par exemple en fonction des métiers représentés.
73 Que l’on retrouve ailleurs, par exemple chez Rushton, Peter, « The Matter in Variance: Adolescents and Domestic Conflict in the Pre-Industrial Economy of Northeast England, 1600-1800 », Journal of Social History, 25-1, 1991, p. 89-107CrossRefGoogle Scholar et Wallis, P., « Labor, Law, and Training in Early Modern London: Apprenticeship and the City’s Institutions », Journal of British Studies, 51-4, 2012, p. 791-819.CrossRefGoogle Scholar
74 Cottereau, Alain, « Justice et injustice ordinaire sur les lieux de travail d’après les audiences prud’homales (1806-1866) », Le mouvement social, 141, 1987, p. 25-59.CrossRefGoogle Scholar
75 P. Rushton, « The Matter in Variance… », art. cit. ; P. Wallis, « Labor, Law, and Training in Early Modern London… », art. cit. ; Steinberg, Marc W., « Unfree Labor, Apprenticeship and the Rise of the Victorian Hull Fishing Industry: An Example of the Importance of Law and the Local State in British Economic Change », International Review of Social History, 51-2, 2006, p. 243-276.CrossRefGoogle Scholar
76 Compte général…, op. cit. Il n’y a plus, en revanche, que 644 affaires à Paris en 1880. La capitale concentre la moitié des conflits d’apprentissage soumis aux prud’hommes en France.
77 A. Kessler, A Revolution in Commerce…, op. cit.
78 La quantification met aussi au jour des différences d’usage de la justice que seule une enquête par métier dans d’autres sources nous permettra de comprendre. Ainsi, les doreurs représentent 2 % des contrats d’apprentissage notariés indexés pour 1761, mais 7 % des avis du procureur du roi ; au contraire, les merciers représentent 5 % des contrats, mais 1 % des avis. Des 55 avis sur demande des juré·es, 28 émanent des horlogers, lingères et boulangers. Les couturières représentent 22 % des apprenties en 1860 (une part sans doute sous-estimée), contre 14 % pour les fleuristes ; les parts dans nos jugements sont de 18 % et 28 % – peut-être parce que les fleuristes, tôt organisés collectivement, sont très présents parmi les prud’hommes, tandis que les couturières ne peuvent être élues avant 1908.
79 Schalk, Rubenet al., « Failure or Flexibility ? Exits from Apprenticeship Training in Pre-modern Europe », Journal of Interdisciplinary History, 48-2, 2017, p. 131-158.CrossRefGoogle Scholar
80 L’une des cinq affaires présente un montant de demande exceptionnel (2 000 F), correspondant à un dédit prévu au contrat, et repris par les prud’hommes pour l’indemnité. Mais toute cette affaire est exceptionnelle (ADP, D1U10 412*, 11 juin 1885). Nous l’avons exclue, ainsi que deux autres affaires ayant donné lieu à des indemnités de 1 000 F (sans contrat écrit), modélisations de la demande et à des jugements. Les autres demandes et indemnités ne dépassent en effet pas 600 F.
81 Nos calculs prennent en compte la demade formulée en dernier lieu, juste avant le jugement (les écarts avec les demandes initiales sont en général plus grands).
82 ADP, D1U10 15, 7 mars 1864.
83 E. Ducpétiaux, De la condition physique…, op. cit, t. 2, p. 400.
84 Ibid.
85 Wallis, Patrick, « Apprenticeship and Training in Premodern England », The Journal of Economic History, 68-3, 2008, p. 832-861.CrossRefGoogle Scholar
86 Expression empruntée à S. Kaplan et G. Postel-Vinay, « L’apprentissage… », art. cit.
87 R. Schalket al., « Failure or Flexibility ?… », art. cit.
88 Nos modèles portent sur les affaires où un départ prématuré est mentionné par les maîtres·ses, quels que soient le demandeur et le résultat. Des périmètres un peu différents ne changent pas la substance des résultats.
89 Une modélisation prenant en compte, à la place du nombre de mois déjà effectués, le nombre de mois prévus, la part d’apprentissage déjà faite et le carré de cette part (pour obtenir une décroissance à la fin du contrat) reste compatible avec les données de l’ensemble de notre échantillon, mais elle ne l’est pas pour chaque conseil ou période séparément. En outre, la décroissance de la demande en fin de contrat reste faible dans ce modèle, bien plus que chez Ducpétiaux.
90 Comme dans la figure 6, à l’exception du conseil des tissus, une autre version de la temporalité, incluant un terme quadratique, est compatible avec nos données, mais produit une plus faible décroissance en fin de contrat que chez Ducpétiaux. À Londres à la fin du xviie siècle, P. Wallis, « Labor, Law, and Training in Early Modern London… », art. cit., trouve également un effet linéaire croissant du temps écoulé.
91 Comme le souligne Alain Cottereau, « Sens du juste et usages du droit du travail. Une évolution contrastée entre la France et la Grande-Bretagne au xixe siècle », Revue d’histoire du xix e siècle, 33, 2006, p. 101-120, qui en déduit qu’en découlaient des normes ne défavorisant pas trop les ouvrier·es.
92 ADP, D1U10 388*, 29 nov. 1860.
93 A. Cottereau, « Justice et injustice ordinaire sur les lieux de travail… », art. cit.
94 Sur les Pays-Bas du Nord et du Sud, voir Chris Minnset al., « Contracting for Apprenticeship in Early Modern Europe », Working Paper BEUCitizen, 2016, https://beucitizen.eu/publications/working-paper-on-formal-and-informal-characteristics-of-apprenticeship-contracts-d3-5/.
95 Gilles Moreau, Le monde apprenti, Paris, La Dispute, 2003.
96 C. Crowston, S. Kaplan et C. Lemercier, « Trajectoires d’apprenti·e·s en France aux 18e et 19e siècles : des mobilités socialement différenciées », 9e Rencontres jeunes et sociétés, Lausanne, 2018.
97 Dans notre recherche plus générale, nous prenons en compte pour comparaison, outre les alloué·es du xviiie siècle, les adolescent·es présenté·es dans les recensements du xixe siècle comme exerçant un métier mais non apprenti·es, ainsi que les situations d’enseignement par la pratique non nommées « apprentissage » qui concernent les domestiques, les mousses, les professions libérales, etc. Pour le xviiie siècle, il faudrait aussi envisager la formation des maîtres·ses « sans qualités » des villes avec corporations et des maîtres·ses tout court des autres villes ; mais les sources sont très difficiles à inventer.
98 Jean-Yves Grenier, « L’histoire quantitative est-elle encore nécessaire? », in J. Boutier et D. Julia (dir.), Passés recomposés. Champs et chantiers de l’histoire, Paris, Autrement, 1995, p. 173-183.
99 Là où É. Anheim, « Les hiérarchies du travail artisanal… », art. cit., propose d’écrire « l’histoire économique et sociale de la période allant du xiiie au xviiie siècle » « comme celle d’un monde cohérent possédant ses logiques propres » (p. 1036), nous aurions tendance à étendre cette proposition jusqu’au moment où les grandes entreprises bouleversent l’organisation de la production – seulement dans les dernières décennies du xixe siècle dans la capitale.
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