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Le sceau : un fait de civilisation dans la Mésopotamie ancienne
Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
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Les sociétés qui se sont succédé jusqu'à l'époque parthe en Mésopotamie ont eu comme caractéristique essentielle d'être des sociétés où « l'écriture est la mère de la parole » des sociétés où tout acte, qu'il requière des formes « juridiques », comme un contrat, ou qu'il n'en exige point, comme l'entrée ou la sortie des marchandises dans les magasins, la remise aux cuisiniers du Palais des rations quotidiennes ou les mouvements des personnes d'une ville à l'autre, donne lieu à une pièce écrite.
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- Travaux en Cours
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- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1960
References
1. Cf. Langdon, Ajsl, XXVIII, p. 242. Pour fixer des limites chronologiques, disons que les premiers écrits cunéiformes datent de la fin du IVe début du III e millénaire et les derniers de la fin du 1e r siècle avant J.-C.
2. Kunukkum, précédé du déterminatif abnu (état construit : aban) pierre ; sumérien NA4 Kishib est un substantif d'un type fréquent (cf. V. Soden, Grundriss der akkadischen Grammatik, § 55, 9, 32) dérivé du verbe kanâku : sceller, avec redoublement de la troisième consonne. L'expression technique pour désigner l'acte de sceller est, en dehors de kanâku, NA4 Kishib shugarruru (ou barâmu : rouler le cylindre (sur l'argile fraîche).
1. L'emploi du sceau comme signum, comme marque de propriété, est antérieur aux tablettes écrites. Cf. par exemple les tablettes d'Uruk sur lesquelles on note seulement la présence d'une ou plusieurs petites cavités indiquant probablement des nombres et l'impression d'un cylindre (A. Falkenstein, Archaische Texte aus Vruk (1936).
2. Pour l'ongle comme sceau, cf. G. Boyeb, in Symbolae Koschaker (Studia et Documenta ad iura orientis antiqui pertinentia, 11^ p . 209 e t sq.
3. Cf. P. Koschaker, PersOnlichkeitszeichen, Forschungen und Fortschritte, 18 (1942) Nos 24-25, p . 246-248, où l'auteur résume les théories qu'il avait exposées dans ses ouvrages précédents.
4. Cf. A. Ungnad, Orientalùtische Literaturzeitung, 1909, p. 479 ; M. Schorr, VAB, p. XL-XLI.
5. Cf. G. Boyer, Archives royales de Mari, 8, Nos, 1, 32, 57, 72, 81 ; dans ces textes, à côté de l'empreinte de la frange du vêtement, on lit : si-si-ik-ti X, (empreinte du) vêtement de X. Deux autres textes (Nos 34, 49) gardent des traces de l'empreinte sans que le mot sissiktum soit mentionné.
6. En Angleterre, il est fréquent même après la conquête normande, qui introduisit ou généralisa l'emploi du sceau, que celui qui fait établir un acte, imprime sur la cire dont on enduisait la charte, à côté du signe de la croix, quelques cheveux de son chef ou des poils de sa barbe « pro signo posteris » ; ou encore, comme le comte de Lincoln dans un acte de donation de terres à un monastère, qu'il y imprime ses dents : « in huius rei evidentiam sigillum dentibus meis impressi, teste Muriele uxore mea » (G. Hickes, Linguarum septentrionalium thésaurus, p. IX), cf. Ducange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, s.v. Sigillum.
7. Le bétail était marqué à l'époque ancienne avec une peinture ou une pâte : e mot shimtu, en sumérien IM.SHIM, semble avoir le sens de peinture ou de vernis, cf. SAN Nicolô - Ungnad, NRV, I, p. 100 ; SAN Nicolô, Orientalia, 17, p. 290 ; plustard à l'époque néo-babylonienne la marque devait être faite avec un sceau de fer (shimtu parzilli). Mais il semble aussi que cette marque qu'on exécutait sur la nuque ou sur les flancs de la bête pouvait être obtenue avec de l'argile au moyen de laquelle en empâtait les poils de l'animal afin d'y rouler dessus ensuite le cylindre. A Nuzi (AASOR XVI, N” 10, p. 19 et 74), au XV siècle a. J . - C , il est question en effet d'une brebis dont la marque apposée sur la nuque (I. 3 : ti-iq-qa-shu uk-te-en-ni-ku : litt. : il a scellé sa nuque) a été brisée (aban)kunukki-shu ih-te-pé). Altérer la marque d'un animal est un délit sanctionné par le Code d'Hammurabi, cf. Driver-miles, Babylonian laws, 265.
1. Une brisure de scel est invariablement punie à Nuzi (JEN 342,39 ; 381,17 ; 386,20 ; AASOR XVI, I, 43) par le paiement d'un boeuf (la même peine à laquelle est soumis celui qui calomnie un juge dans l'exercice de ses fonctions). Le prix d'un boeuf, à cette époque et dans cette région, était de 36 mines de plomb, c'est-à-dire 18 sicles d'argent (HSS V, 79, 10).
2. Le transport des marchandises d'une ville à l'autre se faisait par récipients fermés et scellés : jarres en terre cuite (karpatu) ou gourdes (naruqqu) en peau pour l'huile, le vin et la bière ; couffins enduits de bitume pour les céréales et les dattes ; plus simplement encore des ballots de marchandises enveloppés dans des nattes de roseau. A Suse, on a trouvé des empreintes d'argile de l'époque de Djemdet Nasr qui devaient cacheter le tissu couvrant l'ouverture des jarres, cf. Lebreton, RA, 50, p. 135.
3. Cf. Ebeling, Tod und Leben nach den Vorstellungen der Babylonier, p. 57, II. 8-9 et R. Labat, Le caractère religieux de la royauté assyro-babylonienne, p. 119.
4. Il n'est pour ainsi dire pas de rituel où la pierre n'intervienne. Qu'on pense à l'invocation aux pierres qui faisait partie du rituel d'intronisation du roi assyrien, cf. Muller, MVAG, 41, p. 58.
5. cf. Muller, op. cit. I. cit. - cf. aussi le pectoral du grand-prêtre en Israël : Ex 28, 9-12, 17-21 ; 39, 6-7, 9-15.
6. Voir, p. ex. le rôle des sceaux suspendus au cou de la femme qui attend un enfant afin de la préserver des entreprises démoniaques de Lamashtu (Thureau-dangin, RA, 18, p. 167). De même dans le mythe qui raconte la lutte des dieux contre Labbu, sorte de dragon, qui terrorise le monde, un dieu parvient à le vaincre et à le tuer en tenant devant sa figure, en guise de protection, son sceau qui est appelé kunukku napishtishu : le sceau de sa vie, et en lançant une flèche contre le monstre, cf. la traduction de ce mythe dans A. Heidel, The Babylonian Genesis (1951), p. 143.
1. Cantique des Cantiques, 8,6: simêni kahotam al-libbeka. Aussi bien dans ce passage comme dans celui d'Aggée (cf. note suivante), le mot hébreu hotam est traduit dans la LXX par : sfraghis.
2. Aggée, 2,23 : Wesamtaika kahotam, sans préciser si c'est sur la poitrine ou bien au doigt comme bague, cf. Jér. 22, 24 ; à propos de Jechonias, fils de Joakim, roi de Juda : fût-il un sceau (hotam) à ma main droite, je 1’ (litt.f) arracherai de là.
3. Cf. Gôssmann-oesa (le plus récent éditeur du poème) Dos Era-Epos, IV, p. 28, 29, 1. 43. La ligne suivante, 44, en comparant Babylone aux précieuses « tablettes de la destinée » montre qu'ici le sceau a encore une signification fonctionnelle. Dans une lettre assyrienne, ABL, 1042, 5-6 (Cf. A.L. Oppenheim, JAOS, 65 (1945), p. 195), on retrouve l'expression : « toi, place-le comme un sceau à ton cou » pour signifier peut-être — le contexte est très obscur — : prends-en un soin extrême. Notons encore, à propos du sceau et de Babylone, qu'un texte, CT 29, pi. 49, 28, signale, parmi les portenta qui eurent lieu avant la chute de Babylone, que le jour de la fête d'Enlil dans l'Ekur « le sceau du pays x s'est dissous dans le vin (ina libbi karâni ku-nu-uk ma-ti i-nar-ra-bu) omen effrayant, à juste titre, la pierre étant quelque chose qui ne doit pas se dissoudre dans un liquide, par opposition au kirbânu, la motte de terre qui, elle, peut se dissoudre.
4. Le sceau est un objet de don : le roi Shushin fait cadeau à sa femme Kubâtum d'un sceau en lapis à porter comme pendentif, cf. A. Falkenstein, Der Welt des Orients, I, p. 43.
5. Ces inventaires, qui offrent une très grande richesse de termes hourrito-accadiens relatifs à la bijouterie, ont été publiés par J. Bottéro dans RA 43, pp. 138-175.
6. Comme dans ABL 498, 16, où il est question des cylindres-sceaux pour la tiare du dieu Anu.
7. Cf. l'inventaire des bijoux du « dieu du roi », à Qatna : RA 43, pp. 174-175,1.6-7 : un anneau-de-bras en or orné d'un cylindre en lazulite pris dans un chaton en or.
8. S. Smith, JRAS 1926, pp. 443-444.
1. D. J. Wiseman, Iraq 20 (1958), p. 21 : l'inscription de ce sceau a été publiée par L.W. King, Records of the reign of Tukulti-Ninip I, pp. 106-109.
2. Il est significatif que dans la LXX ce passage n'est pas traduit. Le grec ne mentionne pas l'action du sceau sur l'argile, mais l'action démiurgique qui façonne l'être vivant avec la terre glaise, c'est-à-dire le mythe de Prométhée.
3. A.L. Qppenheim. The interprétation of dreams in the ancient Near-East, publié dans Transactions of. he American Philosophical Society, ns, vol. 46, fasc. 3 (1956), pp. 276 et 322 ; cf. également l'adaptation française de cette étude par J.M. Aynard qui vient de paraître sous le titre : Le rêve et son interprétation dans le Proche-Orient ancien, (1959), pp. 167-168.
1. Cf. R. Labat, Traité de pronostiques médicaux, pp. 10-11, 1. 43, et n. 18 : l'auteur restitue en partie ce passage qui peut-être rapproché d'un autre texte où l'on envisage le cas d'un individu qui a brisé, perdu ou laissé tomber dans la rivière, son sceau.
2. Il est, par exemple, significatif que selon plusieurs traditions, Mahomet prenait toujours soin d'enlever son anneau-cachet avant d'entrer dans un lieu d'aisance, cf. A.J. Wensinck, A handbook of early Muhammadan tradition2, p. 211.
3. Je remercie M. G. Le Bras de m'avoir signalé qu'en droit canon, ainsi qu'il résulte d'une lettre du pape Honorius III, les clercs ne sont autorisés à posséder un sceau (sigillum) que s'ils constituent un chapitre (unum corpus, quod capitulum appellaretur cf. Corpus juris canonici. Décrétales de Grégoire IX, Liv. V, titre 31, 14). Il s'agit d'un différend qui oppose l'abbesse de l'église de Jouarre en diocèse de Meaux aux clercs qui, contre sa volonté, veulent avoir un sceau commun). Le sceau en droit canon est représentatif de la personne, mais d'une personne civile, d'une corporation.
4. Hss XVI, 399, 16 et 401, 21 ; on mentionne également que ces femmes ont, avec elles, divers articles d'habillement et de toilette.
5. Bien que le mot hotam soit d'origine égyptienne.
6. Cf. pour l'étude de ce passage, H.M. Weil, Gage et cautionnement dans la Bible (1938), pp. 42-43 (Archives d'histoire du droit oriental, t. II).
1. Le sceau, accompagné cette fois du thakd et du livre de prière, se retrouve dans la légende juive de la fille sage à tête de bête (cf. M. J . Bingorion, Der Born Judas “ (1924), I, p. 204 et sq.). Celle-ci demande au mari, qui, épouvanté par son aspect animal, va la quitter le lendemain de leur noce, de lui confier les trois objets grâce auxquels un jour, l'enfant qu'elle mettra au monde pourra retrouver son père. Signalons, en outre, que dans le récit que Tabari donne dans ses Chroniques, trad. Zotenberg, vol. IV. p. 182, de la prise de Samarkande (an 93 de l'Egire), il fait état d'une curieuse utilisation du sceau. Qotaïba aurait ordonné qu'on apposât sur la main de tout infidèle se rendant dans la ville conquise un cachet d'argile ; ceux qui n'en sortiraient pas avant que l'argile fût sèche, devaient être mis à mort.
2. L. Gernet, « La notion mythique de la valeur en Grèce », Journal de Psychologie, 1948, pp. 433-435.
3. Suidas, S. V, rûyou SaxTÙXto;, dit qu'il pouvait se rendre à volonté visible ou invisible en tournant la pierre gravée.
4. Cf. J . Nougayrol, Le Palais d'Ugarit, III, p. XL et sq.
5. Cf. S. Smith, Antiquaries Journal, 19 (1939), pp. 41 et 43. Fragment d'un traité AT 211 et 212 : sous le sceau de Niqmepa, roi d'Alalakh, il y a six lignes d'inscription suivies du sceau d'Abban, le fondateur de la dynastie.
1. Il s'agit surtout d'actes royaux (donations de terres) provenant de Tarse (cf. Goetze, Jaos, 59 (1939), pp. 2-3 et deBoghazkôy (cf. Guterbock, AFO, Beiheft5 p. 47 et sq.). On y voit l'impression du sceau, probablement d'un anneau, de Tabarna. Il s'agit, peut-être, du nom déguisé du fondateur de la dynastie, Labarna, cf. Gurney, Hittites, p. 64 : « chaque roi régnant était regardé par les Hittites comme l'incarnation du fondateur de la dynastie ».
2. Cf. S. Smith, l.c. p. 43. Le sceau de Shuttarna, roi de Mitanni est remployé par son descendant Saushsatar dans une tablette relatant le procès d'un individu qui prétendait être citoyen de Hanigalbat. Le caractère superlégitime du sceau ancestral en domaine hourrite apparaît également dans le cycle mythique autour du dieu Kumarpi, cf. A. Goetze, apud J. A. Pritchabd, Ancient Near Eastern Texts relating to the Old Testament, p. 124 b.
3. Il n'est pas sans intérêt de signaler que le sceau de Mahomet, dont il a déjà été question plus haut, cf. p. 747, n. 2, fut remployé par ses successeurs, les califes, Abu-Bakr, Omar et Ottman, puis fut égaré, cf. Bukhari, Libas, 46, 55.
4. J. Noitgayrol, op. cit., p. XLIII : « Cet exemple de sceau dynastique… souligne le prestige qu'on attachait dès cette époque à la légitimité, à la continuité et à la haute antiquité de la lignée royale ». Pour les rapports entre le nom et la lignée, voir l'article fondamental de mauss, Marcel, « Une catégorie de l'esprit humain : la notion de personne celle de moi », dans Journal ofttie Royal Anthropological Institute, 68 (1938), pp. 275– 276.Google Scholar
5. Q. Curtius Rufus, De rébus gestis Alexandri Magni, VI, 6 : Litteras quoque, quas in Europam mitteret, veteris annuli gemma obsignabat : Us, quas in Asiam scriberet, Darii annulas imprimebatur.
1. On peut aussi voir une confirmation « a contrario » de cette interprétation de la fonction du sceau dynastique dans la coutume qui veut qu'on brise à la mort de chaque pape, Yannulum piscatoris lui ayant appartenu. Le pape détient son pouvoir directement de Dieu dont il est le vicaire sur terre. Il est de ce fait, et de ce fait seul, l'égal de Pierre, sans qu'il y ait effet cumulatif des « pouvoirs » de ceux qui l'ont précédé.
2. Cf. D. J . Wiseman, Iraq, 20 (1958), pp. 29-80.
3. Op. cit. pp. 14-16 et 19-20. L'apposition du sceau du dieu Assur, à côté des sceaux des ancêtres, confirme le caractère religieux de leur caution.
4. Cf. Hss XV, 161 ; dans HSS XVI, 332, un autre descendant de Tehiptilla, Wantiya se sert du sceau de ce dernier.
5. Cf. Pukves, AJSL 57 (1940) p. 164. Il s'agit de-Jen 137, 20 ; 148, 17, et pass.
6. J. Lewy, HXJCA 27 (1956), p. 29 : B. Hrozny, ICK, p. II, n° 12f : Ilibani fils de Iaa, exprime la volonté qu'après sa mort, son fils Iaa prenne son sceau.
1. A noter qu'un synonyme de dinânu pûhu s'écrit en sumérien SAG : tête, face.
2. H. Winckler, MVAG, 6, pp. 153-160 ; J . Pedersen, Der Eid bei den Semiten (1914), pp. 175-176 ; A. Jeremias, Der Sehleier von Sumer bis heute, Der Alte Orient 31, p. 61 et sq.
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