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Le Punyavantajâtaka : analyse structurale d'un Jâtaka
Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
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Une précédente étude de M. Atsuhiko Yoshida (Annales, juillet-août 1962, pp. 647-662), avait décelé une expression de l'idéologie indienne dans un roman bouddhique chinois. Les pages qui suivent examinent un Jâtaka du même point de vue. Un des principaux intérêts de cette rigoureuse analyse structurale est de mettre fortement en valeur une distinction que méconnaissent presque tous mes critiques : dans l'Inde même, à plus forte raison chez les autres peuples indo-européens, l'idéologie tripartie ne se réduit pas à la division des hommes en trois classes, ne se centre même pas sur elle, peut exister sans elle et, en tous cas, la déborde largement. M. Yoshida montre fort bien que les cinq concepts qui sont incarnés dans les cinq personnages du Jâtaka ne se réfèrent pas à une organisation sociale, mais à un système idéologique. On comparera quelques remarques de mes Aspects de la Fonction Guerrière, p. 79.
Georges DumézilLe Punyavantajâtaka a attiré l'attention des folkloristes par le motif du « Jugement de Salomon » qu'il contient. Sa structure, d'autre part, a donné lieu à des rapprochements avec le système des castes . C'est ce dernier problème que nous nous proposons d'aborder ici. Il existe de ce Jâtaka quatre versions principales en quatre langues : une version indienne, dans le Mahâvastu, une version tibétaine, dans le Kandjour, une version chinoise, dans le Cheng King, une version tokharienne . En voici de brefs résumés
- Type
- Études
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1964
References
1. Cf. Rfick , F.F.C.XXXV, n° 98, 1932 (Introduction à T H . Benfey, Die Reise der Drei Sônhe des Kônigs von Serendippo)pp. 19-23.
2. J. Hertel, Dos Pancatantra1914, pp. 374-375.
3. Sénart, E., Le Mahâvastu, III, 1882, pp. 33–41 Google Scholar. Pour le Mahâvastu, voir Winternitz, M., Geschichte der Indischen Literatur, II, 1913, pp. 187–193 Google Scholar ; L. DE LA VallÉE Poussin, dans l'Encycl.de Hastings, au mot « Mahâvastu ». D'après A. Barth, Journal des Savants1899, pp. 459, 517, 623, la rédaction du livre tel que nous l'avons « n ‘a probablement pas été achevée avant le vr8 siècle ». Mais, comme les savants le reconnaissent unanimement, l'ouvrage, dans son ensemble, n'en est pas moins très ancien.
1. Le Jâtaka en question occupe les feuilles 1-22 de l'édition Nartung des Sûtras (Mdo), cinquième grande section du Kandjour. Nous avons suivi la traduction allemande de È. A. von Schiefner, que reproduit Th. Benfey, PantschatantraII, 1859, pp. 535-537. Pour le Kandjour, voir A. Cosma Kôeôsi, , Asiatic Besearches, XX, 1836, pp. 41–93 Google Scholar et 391-585. D'après ce savant, la traduction du canon tibétain daterait, pour la plus grande partie, du IXe siècle. Mais les sources indiennes que les traducteurs tibétains ont rendues en leur langue avec l'exactitude qui les distingue de leurs homologues chinois ou japonais, sont naturellement beaucoup plus anciennes.
2. Chavannes, E., Cinq cents contes et apologues, III, 1911 Google Scholar, n° 427. La traduction chinoise date de l'an 285 ; la qualité en serait toutefois très médiocre (ibid.I, 1910, Introduction, p. vu).
3. Siro, K. et Sieolino, W., Tocharische Sprachreste, I, 1921 Google Scholar, feuilles 1-17.
4. Pour la signification de puraya, voir ci-dessous, pp. 692-093.
1. Heetel, op. cit.pp. 371-372. Kalîlah wa Damnahétait un vaste recueil des contes indiens que le médecin Burzuyeh avait traduits sous l'ordre du roi Chosran Anôsftararwân (Chosroès AnusMrvan). La principale source en était le Pancatantra mais il contenait aussi des contes qui ne figurent pas dans le recueil indien, notamment ce récit des « Quatre Camarades ». Le texte pehlevi est perdu, mais il a été retraduit en syriaque (vers 570) et en arabe (vers 750) (cf. Hertel, op. cit.pp. 357-416).
1. Cf. les très nombreuses références dans J . J. Meyeb, Hindu Taies1909. p . 212, n. 2, et Hektel, op. cit.p. 374.
2. Ibid.pp. 386-387.
3. Ibid.pp. 380-382.
1. N. Stchoupak, L. Nitti et L. Renou, Dictionnaire sanscrit-français1931-1932, au mot « Vîrya ». Cf. A. Foucher, Les vies antérieures du Bouddha1955, pp. 314-315.
2. Chavannes, op. Cit.III , p. 167.
3. Stchoupak, Nitti et Renou, au mot « Cilpa ».
4. Le MahâvastuIII, introduction p. vu.
5. Stchoupak, Nitti et Renou, au mot « Rûpa ».
6. Ibid.au mot « Prajnâ ».
7. Op. cit.p. 317.
8. Dans deux des trois versions jaïnistes analysées par Hertel (p. 387), c'est aussi grâce à un « Jugement de Salomon » que l'Intelligent fait fortune.
9. Chavannes, op. cit.III, p. 167.
1. « Tugend » (Fick) ; « gutes Werk » (Hebtel) ; « Aufopferung » (Benfey) ; « mérite moral » (SÉNart).
2. Stchoupak, Nitti , Renou, au mot a Punya ».
3. Ibid.C'est notamment le sens que le mot a dans les hymnes du Rig-Veda : « giinstig » (H. Ghassmann, Wôrterbuch zum Rig-Veda1873, s.v. « punya »). Aux deux seuls endroits du Rig-Veda où il est employé, le mot n'a absolument aucune connotation morale. En I I , 43, 2, « çakune pûnyam », synonyme de « çakune bhadrâm », signifie oiseau de la chance «, et en VII, 55, 8, » punya-gandha « signifie » d'une agréable odeur » (schôn duftend ; Grassmannn, ibid.).Cf. aussi M. M. Williams, A Sanskrit-English Dictionarynouv. éd. améliorée, 1899, s.v. « Puwyakâla » ( = auspicious time), « Punyâhâ » ( = a happy or auspicious day), etc.
4. Chavannes, op. cit.III, p. 174.
1. Voir la belle analyse de cette notion par R. Ruhxmann, dans A. F. Wright, The Confusion Persuasion1960, pp. 157-161.
2. « By the prince's truth, dit par exemple un vieux texte irlandais, fair weather cornes in each fitting season, winter fine and frosty, spring dry and windy, summer warm with showers of rain, autumn with heavy dews and fruitful » (A. et B. Rees, Celtic Héritage1961, p . 129). « Il est aisé, dit de son côté le Mahâbhârata, de découvrir le lieu où se trouve Yudhisthira, car dans ce pays régnent l'ordre et la tranquilité, chacun suit son dharma, la pluie tombe quand il faut, la récolte est suffisante, le bétail prospère et les hommes sont pacifiques, sans jalousie, généreux et véridiques ». (S. Wikander, cité dans G. DumÉZil, Jupiter Mars QuirinusIV, 1948, pp. 49-50).
3. Ruhxmann, op. cit.p. 157.
4. Dans la version originelle, après la démonstration de la supériorité du punya, les représentants des quatre autres vertus deviennent les « serviteurs » de Punyavanta, comme c'est encore le cas dans le récit chinois. Le charisme royal « attire la dévotion sans effort particulier » et le talent essentiel du souverain consiste en « the ability to choose and administer men well, to distribute responsabilities appropriately » (Ruhlmann, Op. Cit.p. 160).
5. Cf. en particulier, L'idéologie tripartie des Indo-Européens1958.
6. Ibid.pp. 7-8, 93.
7. Ibid.pp. 34 et suiv. ; 99 et suiv. ; et, en dernier lieu, Bull. Ac. Roy. Bel., Cl. des Lettres et des Se. Mot. et Pol.5, XLVII, 1961, pp. 265-298.
1. Dumézil, L'idéologiep. 19. Cf. Jupiter Mars QuirinusIV, p. 56 ; Wikander, Orientalia SuecanaVI, 1957, pp. 66-96 ; DumÉZil, La Saga de Hadingus1953, p. 24 ; J. DE Vries, Altgermanische Religions geschichte, II, 1957, p. 175 ; La Religion des Celtestrad. fr. 1963, p. 165, etc. Comparer aussi A. Yoshida, RHRCLXI, 1963, p. 165.
2. A. Miles, Le culte de Civatrad. fr., 1951, pp. 160-161.
3. DumÉZil, Annales1958, pp. 718-719.
4. Voir surtout Manu, X, 46-50, cité et commenté par DumÉZil, loc. cit.
5. Dharma Sûtra, I, 6,18,1 et suiv. ; XVII, I et suiv. Cf. L. DE LA VallÉE-Poussin, VInde jusque vers 300 av. J.-C1924, p. 159, n. 1.
6. DumÉZil, art. cit.pp. 716-724.
7. A. B. Keith, dans Rapson, E. J., The Cambridge History of India, 1, 1922, p. 100 Google Scholar.
8. Ibid.p. 718.
1. Comparer les cinq vertus qu'une tradition irlandaise attribue aux cinq provinces de l'île et qui correspondent, terme pour terme, aux cinq vertus de notre Jâtaka : « knowledgein the west, dit le texte, battlein the north, prosperityin the east, musie in the south, kingshipin the center » (A. et B. Rees, op. cit.p. 122).
2. Jupiter Mars QuirinusIV, p. 37 et suiv.
3. Hertel, op. cit.pp. 386-387. Aucune de ces versions altérées de notre conte n'incarne dans un personnage la vertu technique