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L'aménorrhée de famine (XVIIe-XXe siècles)

Published online by Cambridge University Press:  11 October 2017

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Dès 1946, Jean Meuvret, travaillant sur les famines louis-quatorziennes, diagnostiquait, comme phénomène concomitant, outre une prévisible mortalité, la très forte raréfaction des naissances. Il en offrait le premier un diagnostic fin, qui acheminait vers une explication causale, sans pour autant proposer celle-ci avec certitude. Compulsant les registres paroissiaux, et spécialement les chiffres de baptêmes, Jean Meuvret décida de ne plus raisonner en termes de naissances, mais de conceptions. Pour aboutir à cette donnée primaire, il décala, comme on sait, de neuf mois vers l'amont chronologique toutes les dates des baptêmes ; et il parvint ainsi à suivre, mois par mois, le mouvement des conceptions elles-mêmes. Du coup se fit jour, avec force, une vérité qu'on avait seulement soupçonnée : au moment précis où culminaient les prix du grain, et où se multipliaient les morts de faim et d'épidémies, on voyait s'effondrer le nombre des conceptions.

Type
Maladies et Mort
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1969

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References

page 1589 note 1. J. Meuvret, « Les crises de subsistance et la démographie de la France d'Ancien Régime », Population, 1946, pp. 643-650. Voir aussi Thomas, D. S., Social and Economie Aspects of Swedish Population Movements, 1750-1933, New York, 1941 Google Scholar.

page 1589 note 2. P. Goubert, « Une richesse historique : les registres paroissiaux », Annales, 1954, p. 92.

page 1590 note 1. J. Ruwet, « Crises démographiques : problèmes économiques ou crises morales, le pays de Liège sous l'Ancien Régime », Population, 1954, pp. 451-476.

page 1590 note 2. Etienne Gautier et Louis Henry, « La population de Crulai, paroisse normande », Travaux et documents de VI.N.E.D., Paris, 1958. Dans les villes cependant, grandes et petites, les « funestes secrets » de la contraception se répandent au xvme siècle, surtout après 1750 : cf. notamment les travaux de A. Chamoux et C. Dauphin sur Châtillon-sur-Seine (Annales, 1969, pp. 662-684); de M. Lachiver, sur Meulan (E.P.H.E. jl969) ; de EL Kordi, sur Bayeux ; des élèves de P. Gou- Bert,sur Argenteuil ; et bien entendu, pour une période un peu antérieure, la démonstration de Louis Henry, « Anciennes familles genevoises. Étude démographique », Travaux et documents de l'I.N.E.D., Paris, 1956.

page 1590 note 3. P. Goubert, Beauvais et le Beauvaisis, Paris, 1960, pp. 49-50.

page 1590 note 4. Moheau, Recherches et considérations sur la population de la France, 1778, cité par P. Goubert, ibid., p. 50.

page 1590 note 5. Ibid., p. 50.

page 1591 note 1. On se reportera, pour une mise au point médicale, à A. Netter, Comment soigner les aménorrhées, Paris, 1955, p. 61, et du même auteur, en collaboration avec P. Lumbroso, Aménorrhées, dysménorrhées, Paris, Baillière, le Précis du Praticien, 1962, p. 58, et passim : l'aménorrhée de dénutrition y est définie parmi les diverses aménorrhées secondaires ; cf. aussi, récemment « Les aménorrhées non ménopausiques », Les Assises de médecine, t. XXIII, 26e année, n° 2, mai 1968, notamment p. 102.

page 1591 note 2. J. V. Jaworski, « Mangelhàfte Ernàhrung als Ursache von Sexualstôrungen bei Frauen », Wiener Klinische Wochenschrift, août 1916, n° 24, p. 1068 sq. Il est à noter que dès le temps de paix (1898), on signalait encore, dans les régions arriérées et misérables de Galicie polonaise, une influence négative des mauvaises récoltes et des hauts prix du blé sur le nombre des naissances ; alors qu'une telle corrélation, caractéristique de l'ancien régime céréalier, avait disparu depuis longtemps des régions développées d'Europe (” En Galicie, après la très mauvaise récolte de 1897, le nombre des mariages baissa de 3 506, mais celui des naissances de 45 438 », d'après Buzek, « Der Einfluss der Ernten, resp. der Getreidepreise auf die Bevôlkerungsbewegung in Galicien, 1878-1898 », Der statistische Monatschrift, 1901, cité par Julius Wolf, Der Geburtenruckgang, Iena, G. Fischer, 1912, pp. 124-125).

page 1591 note 3. Sur ces phénomènes, sur les données cliniques et le syndrome biologique qui les accompagne, et sur les exceptions mentionnées, cf. « Les aménorrhées non ménopausiques », op. cit., pp. 101-102.

page 1591 note 4. A. Giesecke, « Zur Kriegsamenorrhoe » Zentralblatt fur Gynâkologie, 1917, 2, pp. 865-873 ; et K. Czerwenka, « Ûber Kriegsamenorrhoe », Zentralbl.f. Gyn., 1917, 2, pp. 1162-1165.

page 1592 note 1. Ibid. Voir aussi F. Spaeth, « Zur Frage der Kriegsamenorrhôe », Zentralbl. f. Gyn., 1917, vol. 2, n° 27, pp. 664-668 ; et C. Kurtz, « Alimentâre Amenorrhôe », Mônatschrift fur Geburtshilfe und Gynâkologie, 1920, pp. 367-378.

page 1592 note 2. Kurtz, art. cité, 1920, pp. 371-372.

page 1592 note 3. Czerwenka, 1917, art. cité. Czerwenka insiste beaucoup sur le manque d'hydrates de carbone : on notera qu'il s'agit là d'un trait commun avec les disettes françaises du XVIIe siècle.

page 1593 note 1. Hilferding, « Zur Statistik der Amenorrhôe », Wiener Klinische Wochenschrift, 1917, n° 27, d'après le c.r. du Zentralblatt f. Gynâk., n° 50,1917, col. 2, p. 1139.

page 1593 note 2. Spaeth, art. cité, 1917.

page 1593 note 3. G. Teebken, « Amenorrhôe in der Kriegs-und Nachkriegs zeit, ein Ruckblick um 10 jahre nach dem Kriege », Zbl. f. Gynâk., vol. 52, 1928, t. n i , pp. 2966-2978.

page 1593 note 4. M. Boucher, L'Aménorrhée de guerre dans les régions envahies, Thèse de la Fac de méd. de Lille, Lille, imp. centrale du Nord, 1920, notamment p. 24.

page 1593 note 5. Ibid., p. 51.

page 1593 note 6. Ibid., p. 28

page 1594 note 1. Le poids médian de ces douze personnes passa en effet de 65 kg à 49,5 kg. (Ibid., p. 29.)

page 1594 note 2. T. Heynemann, « Die Nachkriegs-amenorrhôe », Klinische Wochenschrift, 26 mars 1948, pp. 129-132.

page 1594 note 3. H. Selye, Stress, The physiology andpathology ofexposure to stress…, Montréal, 1950, pp. 366- 367.

page 1594 note 4. Aux articles déjà cités, il faut ajouter : Schilling, « Kriegsamenorrhoe », Zentralblatt fur innere Medizin, 1917, n° 31, (c.r. dans Zentralblatt fur Gynàk., 1918, 2, p. 712) ; Graefe, « Uber Kriegsamenorrhoe », Mùnchen Med. Wochenschrift, 1917, n° 32, (c.r. in Zentralblatt fur Gynàkologie, n° 50, 1917-2, p. 1140). En 1916, une polémique importante oppose, d'une part, A. Hamm de Strasbourg (” Geburtshilflich-Gynâkologische Kriegsfragen », Zentralblatt fur Gynàk., 1918, I, p. 82) qui croit davantage au rôle des traumatismes psychiques dans le déclenchement de l'aménorrhée de guerre, et, d'autre part, les tenants de la thèse du rôle dirimant de la sous-alimentation (ceux-ci s'exprimant notamment dans les travaux de Graefe et Spaeth, art. cit. ; de Dietrich et Pok, Zblt.f. Gynàk, 1917, nos 6 et 20 ; de Schweitzer, Mûnch. med. Wochenschrift,, 1917, n° 17).

page 1594 note 5. L. Von Lingen, « Kriegsamenorrhoe in Petersburg », Zentralblatt fur Gynàkologie, vol. 45, sept. 1921, pp. 1247-1248.

page 1594 note 6. W. H. Stefko, in Virchows Arch., 252, an 1924, p. 385, d'après T. Heynemann, art. cité., 1948, pp. 130 et 132.

page 1595 note 1. Il faut mettre à part bien entendu le cas des territoires occupés (Boucher, op. cit.).

page 1595 note 2. Art. cité.

page 1595 note 3. « Amenorrhoea in Wartime… », 1918, The Lancet, p. 712.

page 1595 note 4. Pour la France, la bibliographie du sujet cette fois est vaste : cf. notamment les Questions gynécologiques d'actualité (t. III, 1943, recueil collectif) ; et aussi G. Laroche et E. Bompard, « Les aménorrhées de guerre », Paris médical, 30 août 1943, pp. 217-219 ; les mêmes auteurs, et J. Trémolières, « Les aménorrhées de guerre », Revue française de gynécologie et d'obstétrique, mars 1943, p. 65 et suiv. ; G. Cotte, in Lyon médical, vol. 169, 28 mars 1943, p. 263 (qui insiste surtout sur les facteurs psychologiques) ; M. Sendrail et J. Lasserre dans Revue de Pathologie comparée et d'hygiène générale, vol. 48, janv.-fév. 1948, pp. 63-75 (importante bibliographie). Les renseignements qui suivent sont tirés, sauf indications particulières, de ces articles.

page 1595 note 5. E. Olivier-Pascual, in Clinica y laboratorio, nov. 1941, d'après Sendrail et Lasserre, art. cité.

page 1595 note 6. Laroche et Bompard, art. cités.

page 1595 note 7. F. L. QUÉMÉRÉ, Les aménorrhées de guerre, thèse, Paris, 1942

page 1596 note 1. Mais il est vrai qu'il s'agit de 5,11 % d'une clientèle d'hôpital.

page 1596 note 2. Thèses de S. Vidal, 1945 (Toulouse) et de Castan-Pollin (Montpellier) citées par Sendrail et Lasserre, art. cité.

page 1596 note 3. Sur ce point, les articles essentiels, et remarquables, sont ceux de C. A. Smith, « Effects of maternai undernutrition upon the newborn infant in Holland (1944-1945) », The Journal ofpediatrics, vol. 30, mars 1947 ; et « The effect of wartime starvation in Holland upon pregnancy », Amer. J. obst. andgynec, avril 1947, pp. 599-608.

page 1596 note 4. J. A. Stroink, « Kriegsamenorrhôe », Gynaecologia, vol. 123,1947, pp. 160-165.

page 1596 note 5. Selye, op. cit., 1950, pp. 366-367.

page 1596 note 6. A. Binet, « Les aménorrhées chez les déportées », Gynécologie et obstétrique, t. 44, n “ 1-2-3 « 1944 » (1945), p. 417. Voir aussi L. S. Copelman, « L'aménorrhée des déportées », Revue de path. comp. et d'hyg. gén., 48e année, 1948, pp. 102-107 (386-391), qui conclut son étude détaillée par ces réflexions : « La proportion des cas d'aménorrhée est en relation directe avec l'intensité de la famine… (dans les camps). La reprise de l'activité ovarienne a lieu immédiatement après la reprise de l'alimentation. »

page 1597 note 1. K. Horvath, C. Selle, R. Weisz, « Beitrâge zur Pathologie… der Kriegsbedingten Aménorrhée », Gynaecologia, vol. 125, 1948, pp. 368-374. Les conclusions de ces auteurs sur la reprise d'activité ovarienne après la famine sont plus nuancées que celles, précédemment citées, de L. Copelman.

page 1597 note 2. A. Netter, op. cit., 1962, p. 59 sq., et 1955, p. 61.

page 1597 note 3. Cf. aussi, à ce propos, le recueil, déjà cité, des Assises de médecine, 1968, pp. 102-103.

page 1597 note 4. F. Whitacre et B. Barrera, « War amenorrhea, a clinical and laboratory study », Jour, ofthe am. med. assoc. ,vol. 124, n° 7, 12 février 1944, pp. 399-403.

page 1598 note 1. A. Sydenham, « Amenorrhoea at Stanley Camp, Hong-Kong, during internment », British médical journal, août 1946, (vol. 2), p. 159.

page 1598 note 2. Sweeney, J. S. et collaborateurs, « An observation on menstrual misbehaviours », The journal ofclinical endocrinology,vol. 7, 1947, p. 659 sq.Google Scholar

page 1598 note 3. Cf. Ibid., p. 660.

page 1598 note 4. Il est utile de rappeller à ce propos les définitions d'Alfred Netter : « L'aménorrhée est un symptôme, comme la fièvre ou l'amaigrissement… ce n'est jamais une maladie, ce n'est qu'un symptôme, une manifestation inquiétante d'une lésion ou d'un trouble fonctionnel qui atteint le mécanisme complexe dont l'aboutissement est le cycle menstruel… l'aménorrhée n'est bien souvent qu'un cri de souffrance, souffrance physique des maladies infectieuses ou cachectisantes, souffrance morale des émotions brusques… ; l'enquête doit considérer la malade dans son ensemble somatique, social, psychologique… l'aménorrhée n'est pas sous la seule dépendance d'une lésion de l'utérus, des ovaires ou de l'hypophyse, elle peut relever de multiples causes, atteignant d'autres organes, d'autres fonctions… l'aménorrhée peut être « le témoin d'une souffrance organique » ou bien « le témoin d'une souffrance psychologique, émotion brutale, situation conflictuelle, épuisement nerveux » (A. Netter, op. cit., 1955, pp. 5, 61 etpass., et 1962, pp. 7, 59 etpass.).

page 1598 note 5. T. Heynemann, art. cit., 1948.

page 1599 note 1. C. Lévi-Strauss, La pensée sauvage, p. 326.

page 1599 note 2. R. L. Strecker et T. T. Emlen, « Regulatory mechanisms in house-mouse populations: the effect of limited food supply », Ecology, 1953, p. 375 et suiv. Voir aussi Ball, B., « Calorie restriction and fertility », American journal ofphysiology, 1947, vol. 150, p. 511 sq.Google Scholar

page 1600 note 1. A. Netter, op. cit., 1962, p. 59.

page 1600 note 2. Parmi les autres facteurs, figurent, bien entendu l'abstinence, et peut-être aussi certaines tentatives de limitation des naissances ; le problème qui reste à résoudre est de savoir quel est le poids respectif de ces divers facteurs, dans le phénomène global qu'est la baisse des conceptions en période de crise aiguë des subsistances.

page 1601 note 1. Cf. supra, au début de cet article.

page 1601 note 2. H. Boerhave, Institutions de médecine, avec un commentaire de M. de La Mettrie, docteur en médecine, Paris, trad., t. I (éd. 1743), p. 231 et t. VI (éd. 1747), p. 108 et suiv. Il existe, d'autre part, des textes pertinents sur le retard pubertaire, spécialement marqué dans les régions misérables. Cf. par exemple, (dans les données que m'a communiquées J.-P. Peter) les citations qui concernent Bressuire, et la Bretagne : « Les filles dans ce pays sont très sujettes aux pâles couleurs et sont rarement réglées avant l'âge de dix-huit, dix-neuf et vingt ans » (Archives Départementales des Deux- Sèvres, C 14, Subdélégation de Bressuire : « Topographie de la ville et de la subdélégation de Bressuire » par Berthelot, docteur en médecine, juillet 1786) ; et encore : « Parmi les personnes du sexe, celles qui ne sont pas employées aux travaux de la campagne sont réglées d'onze à quatorze ans, celles qui y sont occupées ne le sont que de quatorze à dix-huit. » (Académie de Médecine, Archives S.R.M., Carton 179, Baudry, docteur en médecine, « Topographie de Vieillevigne, Bretagne », octobre 1787.)

page 1601 note 3. Animal dispersion in relation to social behaviour, Londres, 1962, notamment le chapitre 21.

page 1601 note 4. A. Netter, op. cit.

page 1601 note 5. Je remercie Jean-Pierre Peter, Antoinette Chamoux et le docteur Michel Bitker pour les indications bibliographiques ou médicales qu'ils ont bien voulu m'apporter. S43 htm