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L'alphabétisation en Amérique, 1650-1800

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Kenneth A. Lockridge*
Affiliation:
University of Michigan

Extract

Cet article reprend les conclusions de mon livre Literacy in colonial New England (L'alphabétisation en Nouvelle-Angleterre pendant la période coloniale), paru en 1974, et les présente dans le contexte de recherches récentes sur l'alphabétisation dans l'Europe moderne.

Le thème général à retenir est que, de part et d'autre de l'Atlantique, la religion a joué un rôle majeur dans l'apprentissage de la lecture par les hommes et souvent par les femmes. Quand l'ardeur religieuse a suscité la création d'un réseau d'écoles, la plupart des hommes, mais nettement moins de femmes, ont aussi appris à écrire et éventuellement à compter. En dehors de cette scolarisation systématique, la connaissance de l'écriture et des mathématiques dépendait largement des nécessités du commerce et de la pratique du droit qui y était associée.

Summary

Summary

This is a report on the conclusions reached in a monograph on Literacy in Colonial New England (1974), and a commentary on those conclusions in the perspective of recent research on literacy in early modem Europe. This presentation, and some final reflections, lead to the following conclusions.

In the course of the 16th-18th centuries, millions of men and women in Europe and in America were led to pick up the potentially radical tool of literacy, often for reasons deeper than its ever and ever greater availability. But it could be wrong always to associate the motivating social forces with progress or with upward mobility. There is evidence for a more skeptical and pessimistic account of the social forces behing this new instrument. Moreover, until the 19th century, not social forces alone but only religion and the availability it brought could push this mass literacy to universality. Both in the presence and in the absence of this push, a measure of attitudes so sensitive that even in a biassed sample it should show some attitudinal impact from literacy, shows virtually none. This is consistent with current skepticism concerning the degree of functional adequacy, and of attitudinal liberation, among the mass of modem literates.

Literacy could be seen, in fact, as an epiphenomenon of a larger and more subtle struggle for individual adequacy in the face of social changes which we hardly understand and which might conform only loosely to the idea of modernization.

Type
l'Alphabétisation
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1977

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References

Notes

1. Literacy in colonial New England : An inquiry into the social context of literacy in the early modem West (N. Y., 1974) ; j'ai utilisé, par ailleurs, pour l'Angleterre, la France et la Suède, les travaux sur l'alphabétisation de Roger Schofleld, François Furet et Jacques Ozouf et Egil Johansson dans leur première version. Les données sur les signatures en Suède ont été rassemblées par moi.

2. Cela n'exclut évidemment pas qu'à chaque époque, une proportion importante, mais essentiellement constante, d'hommes jeunes ait reçu une instruction extra scolaire, et à un âge plus avancé.

3. L'analyse est fondée sur 5 000 inventaires en Nouvelle-Angleterre.

4. Mémoire inédit, Université d'Illinois, Chicago Circle, 1974. Version publiée dans William and Mary Quarlerly, janvier 1975.

5. Mémoire inédit de David Cressy (1974-1975). La déformation introduite par l'âge a pu être encore plus prononcée en Nouvelle-Angleterre, les testateurs y étant légèrement plus âgés, et donc moins aptes physiquement à signer que les Anglais qui signaient une déposition. Un biais maximum de 5 % serait ainsi introduit, d'après un certain nombre de données. De fait, les estimations anglaises de 1 à 2 % incluent une partie de ce biais, car il y avait des hommes âgés parmi les auteurs de déposition. Pour la Nouvelle-Angleterre, il faut compter la totalité des 5 % car l'échantillon des testateurs est plus âgé. D'un autre côté, ceci est probablement compensé par le fait que l'échantillon de la Nouvelle-Angleterre comprend aussi quelques hommes jeunes, qui ne sont sûrement pas susceptibles d'avoir oublié l'écriture. Que tous les différents effets de l'âge aient été décroissants ou non en Angleterre, les faits prouvent qu'ils ont diminué au XVIIIe siècle en Nouvelle-Angleterre ; c'est pourquoi le chiffre pour toutes les déformations dues à l'âge a été réduit à 10 % autour de 1758-1762.

6. Dans les testaments anglais, ces déformations opposées semblent d'abord glisser doucement vers la réduction des effets de l'âge puisque le taux brut de signatures dans les testaments a dû être augmenté pour correspondre aux taux plus élevés de signatures trouvées dans des documents plus aléatoires, et probablement dans la population. Ensuite ces autres documents anglais aléatoires, en particulier les dépositions, semblent connaître une déformation limitée mais significative, due à la richesse, ce qui signifie que leur taux de signatures devrait être réduit au niveau approximatif trouvé dans les testaments pour obtenir le taux présumé exact de la population en général.

7. Le taux d'alphabétisation chez les femmes progressa un peu plus tard et sans influence directe de l'Église. Roger Schofield suggère que l'apparition de petites écoles privées, d'origines très diverses, en Angleterre au milieu du XVIIIe siècle a permis à un important pourcentage de femmes d'apprendre à lire. Dans un village anglais du début du XIXe siècle, 85 % des femmes ne pouvaient pas signer mais savaient lire. La situation a pu être identique en Nouvelle-Angleterre. Que les femmes aient acquis cette capacité essentiellement passive de la lecture assez tardivement, et par une instruction informelle, ne change rien au fait que l'enseignement primaire en Nouvelle-Angleterre coloniale fut essentiellement protestant et masculin.

8. François Furet et Jacques Ozouf n'ont pas trouvé de corrélation certaine entre l'offre scolaire (ou la densité de population) et les signatures masculines dans leur étude portant sur un grand nombre de communes françaises au milieu du XIXe siècle. L'une des raisons peut en être que leur échantillon comprend certaines régions d'industrie lourde, où la densité était élevée mais où le système scolaire avait dégénéré, et où l'alphabétisation était faible, à cause de l'industrialisation de l'immigration. On peut aussi invoquer le rôle important joué par l'armée, qui enseignait à lire et à écrire à des jeunes gens issus de régions rurales à faible densité. Le résultat serait une corrélation faible entre l'implantation scolaire et l'alphabétisation parce que, à la limite, l'école n'était pas liée à l'alphabétisation. La corrélation est encore affaiblie par la tendance, sensible dans le Nord-Est de la France, des « forces » économiques à encourager l'alphabétisation là même où les écoles n'existaient pas. Pour le reste, le Sud-Ouest français, avec des écoles laïques encourageant l'alphabétisation, doit fortement ressembler à la Nouvelle-Angleterre. Dans la Suède du XIXe siècle, on constate une corrélation plus étroite entre le nombre des écoles et l'alphabétisation. Créer des écoles signifiait, ici, rendre la lecture et l'écriture quasi universelles indépendamment des autres conditions.

9. Tenir compte de la déformation qui affecte les données initialement utilisées pour les fermiers et artisans anglais pourrait les rapprocher de leurs homologues américains, mais les données récentes, rassemblées par David Cressy, et Roger Schofield, donnent toujours l'avantage aux artisans et aux fermiers anglais sur les artisans, les planteurs et les fermiers de Virginie au début et au milieu du XVIIIe siècle. En revanche, les testaments virginiens et anglais montrent un taux d'alphabétisation supérieur chez les Américains les plus fortunés.

10. Une analyse plus fine, génération par génération, laisserait apparaître une progression lente du degré d'instruction, commençant chez ceux qui ont été éduqués vers 1750 et qui disparaissent vers 1790. Cette progression est imputable à une pression économique accrue, ainsi, vraisemblablement, qu'à d'autres facteurs d'évolution sociale.

11. Cette hypothèse a d'abord été esquissée dans la seconde partie d'une étude sur la modernisation présentée à Edimbourg en juillet 1973. Daniel Scott Smith semble s'y arrêter dans son compte rendu de mon livre paru en 1975 dans le Journal of American History. Le principal fondement théorique de cette analyse plus large, et plutôt sceptique et conservatrice, de la modernisation, est présenté dans les articles de E. A. Wrigi.EY, Journal of Interdisciplinary History, 1971 et de Charles Tilly, History of Education Quarterly, 1973. Les études postérieures de J. Hanson et les miennes sur la Nouvelle-Angleterre, l'Angleterre et la Virginie indiquent que la diminution générale des legs charitables s'accompagna d'une tendance à tester de plus en plus jeune, preuve supplémentaire de l'apparition d'une rationalisation des attitudes à l'égard de la famille ou de soi-même.