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La raison dans l’histoire de la persécution

Observations sur l’historiographie des relations entre juifs et chrétiens sous l’angle des baptêmes forces

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2017

Elsa Marmursztejn*
Affiliation:
Université de Reims (CERHIC) – Institut universitaire de France

Résumé

La question du baptême forcé, comme forme de la persécution des juifs inscrite dans la longue durée de l’histoire des sociétés occidentales, apparaît comme un lieu de fortes tensions historiographiques. Analysant les risques auxquels son étude s’expose (” conception larmoyante de l’histoire juive », optique « téléologique », « anachronique », « judiciaire »), l’article traite des tendances historiographiques qui, rejetant le paradigme de la « société persécutrice » et réduisant systématiquement la part des facteurs religieux dans l’explication des formes de la persécution, ont donné lieu à un travail spécifique sur la causalité et la temporalité historiques. Deux situations précises (la première croisade en 1096, la croisade des Pastoureaux en 1320) permettent d’observer les mécanismes de rationalisation à l’oeuvre dans cette nouvelle histoire de la persécution, et de rendre compte de la diversité de ses objets et de ses approches.

Abstract

Abstract

Forced baptism, as a long-lasting instance of the persecution of Jews in Western societies, has been a highly controversial historiographical issue. Taking into account the risks involved in such a stance–as being a “lachrymose conception of Jewish history” and advocating “teleological”, “anachronistic”, “judiciary” views–this paper deals with the historiographical trends which, ruling out the “persecuting society” paradigm and systematically minimizing the part played by religious factors to explain the forms of persecution, have resulted in a specific work on historical causality and temporality. Two situations (the first Crusade in 1096 and the Crusade of the Pastoureaux in 1320) enable us to observe the mechanisms of rationalization in this new history of persecution, and show the diversity of its objects and approaches.

Type
Juifs et chrétiens au Moyen Âge
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2012

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References

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3 - Ibid., canon 60; Decretum Gratiani, C. 28, q. 1, c. 11 (Fr. I, 1087). Sur l’articulation entre baptême et enlèvement des enfants juifs, je me permets de renvoyer à Marmursztejn, Elsa, « Effacer et soustraire. Infanticides et baptêmes forcés au Moyen Âge », Penser/Rêver, 17, 2010, p. 132155 Google Scholar.

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12 - Yerushalmi, Y. H., Zakhor…, op. cit., p. 64 Google Scholar.

13 - Ibid., p. 66 et n. 44, p. 66.

14 - Les questions scolastiques sur le baptême forcé portent d’ailleurs fréquemment sur les enfants des juifs « et des autres infidèles ». Voir en particulier les travaux récents d’Isabelle Poutrin sur la conversion forcée des musulmans d’Espagne: Isabelle Poutrin, « L’Église et les consentements arrachés. Violence et crainte dans le baptême et l’apostasie (Espagne, XVIe-XVIIe siècle) », Rivista di Storia del Cristianesimo, 7-2, 2010, p. 489-508; Id., « Sisebut et les morisques. Le roi wisigoth Sisebut, figure des débats sur la conversion des musulmans et l’expulsion desmorisques d’Espagne (XVIe-XVIIe siècles) », in B. VINCENT (dir.), L’expulsion des morisques. Quand ? Pourquoi ? Comment ?, Madrid, Casa de Velázquez (à paraître).

15 - Voir sur ce point l’étude classique de Simon, Marcel, Israel, Verus. Étude sur les relations entre chrétiens et juifs dans l’Empire romain (135-425), Paris, De Boccard, 1948, p. 92124 Google Scholar.

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17 - Grévin, Benoît, « Israël en Edom: à propos de quelques publications récentes sur l’histoire du judaïsme en Europe du Nord au Moyen Âge central (XIe-XIVe siècles) », Médiévales, 41, 2001, p. 149164 CrossRefGoogle Scholar.

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19 - Premier titulaire d’une chaire d’histoire juive en Amérique du Nord et premier juif membre du département d’histoire réputé de l’université Columbia, l’historien a fait l’objet d’une biographie de Liberles, Robert, Salo Wittmayer Baron: Architect of Jewish history, New York, New York University Press, 1995 Google Scholar.

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25 - Baron, Salo W., A social and religious history of the Jews, New York, Columbia University Press, 1937 Google Scholar.

26 - Ibid., p. 40.

27 - Ibid.

28 - Les dix-huit volumes de la seconde édition sont parus entre 1952 et 1983.

29 - Je me permets de renvoyer sur ce point à Marmursztejn, Elsa, « La construction d’un passé meilleur: Salo Wittmayer Baron et la condition des juifs d’Europe avant l’Émancipation », Penser/Rêver, 19, 2011, p. 101120 Google Scholar.

30 - Baron, S. W., « Ghetto and emancipation », art. cit., p. 6162 Google Scholar.

31 - Ibid., p. 57-60.

32 - Ibid., p. 53-54.

33 - Ibid., p. 54-55.

34 - Ibid., p. 59-60.

35 - Ibid., p. 60.

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37 - Ibid., p. 248.

38 - En montrant que les communautés de la diaspora, dans leur lutte pour l’émancipation puis dans son accomplissement, ont entretenu un dialogue créatif avec les sociétés environnantes comme avec les traditions juives, dont sont issus de nouvelles identités juives et un sentiment croissant d’appartenance à ces sociétés ( Engel, D., « Crisis and lachrymosity… », art. cit., p. 245, n. 7 Google Scholar).

39 - «A conversation about Baron, Salo between Liberles, Robert and Zipperstein, Steven J. », Jewish Social Studies, 1-3, 1995, p. 6682 Google Scholar.

40 - Ibid., p. 75.

41 - Ibid., p. 76.

42 - Baron, Salo W., « Emphases in Jewish history », Jewish Social Studies, 1, 1939, p. 1538 Google Scholar.

43 - Ibid., p. 37.

44 - Ibid., p. 37-38.

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46 - Ibid., p. 316.

47 - « A conversation about Salo Baron… », art. cit., p. 76.

48 - E. Marmursztejn, « La construction d’un passé meilleur… », art. cit.

49 - Baron, Salo W., « Newer emphases in Jewish history », Jewish Social Studies, 25-4, 1963, p. 239 Google Scholar.

50 - Ibid., p. 240.

51 - Ibid.

52 - Ibid.

53 - Ibid., p. 242.

54 - Ibid., p. 240.

55 - Céline, Louis-Ferdinand, Bagatelles pour un massacre, Paris, Denoël, 1937, p. 3839 Google Scholar: « Vive le bon pleurnichage juif ! Vive la complainte qui réussit ! Vive l’immense lamentation ! Elle attendrit tous les bons coeurs, elle fait tomber avec l’or toutes les murailles qui se présentent […]. Dans le fondu sentimenteux le Juif taille, découpe, ronge, effrite, empoisonne, prospère […]. Vive l’excellente jérémiade ! […] Le guichet des Lamentations ! […] Pleurer nourrit ! Pleurer fait fondre ! Pleurer c’est le triomphe des Juifs ! Réussit admirablement ! Le monde à nous par les larmes ! Vingt millions de martyrs bien entraînés c’est une force ! Les persécutés surgissent, hâves, blêmis, de la nuit des temps, des siècles de torture… Les voici les fantômes… remords… suspendus à nos flancs… »

56 - Nirenberg, David, Violence et minorités au Moyen Âge, Paris, PUF, [1996] 2001, p. 6 Google Scholar.

57 - Ibid., p. 2.

58 - Ibid., p. 3.

59 - Ibid., p. 4.

60 - Ibid., p. 6.

61 - Ibid.

62 - Ibid., p. 304.

63 - Globalement favorable à un ouvrage « à dessein provocateur », qui met à mal le « modèle influent dans l’historiographie anglo-saxonne auquel se sont ralliés certains Européens, celui de la ‘société persécutrice’ […]. Selon cette problématique, dont l’horizon historiographique ultime est l’holocauste nazi, une mentalité ou culture collective ‘persécutrice’, qui deviendra caractéristique de l’Occident dans la longue durée, se serait développée au cours du Moyen Âge central […]. L’auteur en prend le contre-pied en explorant […] une alternative « intentionnaliste » et praxéologique: chaque acteur du jeu social en Aragon au 14e siècle utilise les discours existant sur les groupes religieux de ses fins individuelles. Les possibilités d’utilisations, et leurs potentiels de réussite, dépendent avant tout du contexte local et non d’une quelconque mentalité paneuropéenne » (Philippe BUC, « Anthropologie et histoire (note critique) », Annales HSS, 53-6, 1998, p. 1243-1244).

64 - Ibid., p. 1248.

65 - Nirenberg, D., Violence et minorités…, op. cit., p. 273 Google Scholar.

66 - Ibid., p. 274.

67 - Ibid., p. 275.

68 - Dont la formulation provocatrice est nuancée en note: Nirenberg, D., Violence et minorités…, op. cit., p. 278, n. 1Google Scholar.

69 - Ibid., p. 277.

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72 - Baron, S. W., A social and religious history…, op. cit., vol. 2, p. 40 Google Scholar.

73 - Baron, S. W., « The modern age », art. cit., p. 316 Google Scholar.

74 - Decretum Gratiani, D. 45, c. 5 (Fr. I, 161-162).

75 - Caffiero, Marina, Battesimi forzati. Storia di ebrei, cristiani et convertiti nella Roma dei papi, Rome, Viella, 2004, p. 79 Google Scholar.

76 - Ibid., p. 81-85.

77 - Ce sera le cas en 1858 dans l’affaire Mortara: voir Kertzer, David, Pie IX et l’enfant juif. L’enlèvement d’Edgardo Mortara, Paris, Perrin, [1997] 2001 Google Scholar.

78 - Caffiero, M., Battesimi forzati…, op. cit., p. 8586 Google Scholar.

79 - Sanctissimi Domini nostri Benedicti papae XIV Bullarium, Venise, 1778, t. 2, § 29, p. 95.

80 - Ibid., § 27, p. 94.

81 - Ibid., § 29, p. 95; Decretum Gratiani, C. 28, q. 1, c. 11 (Fr. I, 1087).

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85 - « L’affaire Finaly », Bulletin rationaliste…, op. cit., p. 5.

86 - Ibid., p. 6.

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90 - Ibid., p. 143-144.

91 - Augustin, Du baptême, contre les Donatistes, lib. 7, cap. 53, § 102, cité par CAZIER, P., « De la coercition à la persuasion… », art. cit., p. 134 Google Scholar: « De même, d’après les règles de mes prédécesseurs, je ne doute pas que quiconque reçoit le baptême, même dans des dispositions fausses (fallaciter) dans l’Église […], ne le reçoive véritablement […]. Mais, à supposer une société qui ne fût point composée de personnes ayant la foi, et à supposer que celui qui recevrait le baptême ne crût pas lui non plus, et que tout se passât de part et d’autre par manière de jeu, de comédie et de plaisanterie, serait-ce tout de même le vrai baptême ? Je pense qu’il faudrait demander à Dieu […] de faire connaître ce qu’il en pense. »

92 - Ibid.

93 - Isidore De Séville, Sentences, lib. 2, cap. 7 (” De conversis »), sent. 8, cité par Cazier, P., « De la coercition à la persuasion… », art. cit., p. 141 Google Scholar.

94 - Ibid., p. 142.

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99 - Marmursztejn, E. et Piron, S., « Duns Scot et la politique… », art. cit., p. 2639 et 46-52Google Scholar.

100 - Jean Duns Scot, Opus oxoniense, lib. 4, d. 4, q. 9, édité par Marmursztejn, E. et Piron, S., « Duns Scot et la politique… », art. cit., p. 5862 Google Scholar.

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105 - Le texte de la note a été publié par Poujol, C., Les enfants cachés…, op. cit., p. 187 Google Scholar.

106 - Qu’elle explique en ces termes: « Le fils d’un juif est juif et une part de son identité est visée par le génocide qui a touché son peuple, qui le touche toujours aujourd’hui, c’est peut-être un des éléments caractéristiques de ce processus unique en son genre nommé ‘Mémoire de la Shoah’. D’où une indignation sans cesse réactivée, une plaie ouverte en permanence, une actualisation immédiate. J’en veux pour preuve la campagne de presse qui a suivi, en 2004 et 2005, ma découverte d’une pièce prouvant qu’ordre a bien été donné par l’Église catholique de ne pas rendre les enfants juifs baptisés à leurs parents » (ibid., p. 297).

107 - Ibid., p. 298.

108 - De Poitiers, Richard, Chronicon, Recueil des historiens des Gaules et de la France, Paris, V. Palmé, 1877, t. 12, p. 411412 Google Scholar: « Antequam tamen illuc pergerent, Judaeos per omnem fere Galliam, praeter eos qui baptisari voluerunt, multa strage peremerunt. Dicebant enim injustum fore ut inimicos Christi in terra sua vivere permitterent, qui contra rebelles Christi persequendos arma sumpserunt. » Salomon bar Samsom prête également ce discours aux croisés rassemblés à l’appel du pape: Haverkamp, Eva (dir.), Hebräische Berichte über die Judenverfolgungen während des ersten Kreuzzugs, Hanovre, Hahnsche Buchhandlung, 2005, p. 298 Google Scholar; sur cette « new-style persecution », voir notamment Chazan, Robert, European Jewry and the first Crusade, Berkeley, University of California Press, 1987, p. 217220 Google Scholar.

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110 - Répondant à l’injonction du Lévitique (22, 32) de ne pas profaner le nom de Dieu, qui a servi de justification au martyre. Voir Cohen, Jeremy, Sanctifying the name of God: Jewish martyrs and Jewish memories of the First Crusade, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2004, p. 20 Google Scholar.

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114 - Haverkamp, E. (dir.), Hebräische Berichte…, op. cit., p. 354 Google Scholar.

115 - Ibid., p. 354-358.

116 - La question de savoir s’il existe des précédents au choix du martyre en dehors des cas prévus par la loi talmudique, et au meurtre des proches pour les soustraire à la conversion, fait toutefois l’objet de vigoureux débats. Les éléments de tradition préashkénaze invoqués par Avraham Grossman sont récusés par Haym Soloveitchik sur la base de minutieuses analyses textuelles: Grossman, Avraham, « The roots of early Ashkenazic martyrdom », in Gafni, I. et Ravitzky, A. (dir.), Sanctity of life and martyrdom: Studies in memory of Amir Yekutiel, Jérusalem, The Zalman Shazar Center for Jewish History, 1992, p. 99130 [en hébreu]Google Scholar; Id., « The cultural and social background of Jewish martyrdom in Germany in 1096 », in Haverkamp, A. (dir.), Juden und Christen zur Zeit der Kreuzzüge, Sigmaringen, Jan Thorbecke Verlag, 1999, p. 7386 Google Scholar. On verra d’autre part Soloveitchik, Haym, « Halakhah, hermeneutics, and martyrdom in medieval Ashkenaz (part II) », The Jewish Quarterly Review, 94-2, 2004, p. 278299 CrossRefGoogle Scholar.

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118 - Ibid., p. 476.

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123 - Ibid.

124 - Ibid., p. 295-298.

125 - Ibid., p. 303: « Through their literature of destruction, Jews perceive the cyclical nature of violence and find some measure of comfort in the repeatability of the unprecedented. »

126 - «We will hear an echo [dans les sources sur les événements de 1096] of what befell our generation. We will also draw from them strength to bear the pain and offer a bit of consolation in order to continue. Our enemies wanted to annihilate us, but we are still alive » (cité par Myers, D., « Mehabevin et ha-tsarot… », art. cit., p. 60 Google Scholar).

127 - Ibid., p. 61.

128 - Dont les « dangers » étaient « particularly evident in the post-Holocaust world in which the impulse to ‘cherish affliction’ has become a central pillar of Jewish identity, even when that impulse has been shorn of its traditional rationale » (ibid.)

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134 - Ibid., p. 31: l’exaltation du martyre pour « sanctifier le nom de Dieu » est mentionnée comme l’une des réactions suscitées par la persécution, sans lien direct avec les événements de 1096.

135 - Grossman, A., « The cultural and social background of Jewish martyrdom in 1096 », in Assis, Y. T. et al., Facing the Cross…, op. cit., p. IXX Google Scholar; Cohen, J., Sanctifying the name of God…, op. cit., p. 1330 Google Scholar.

136 - Cohen, J., Sanctifying the name of God…, op. cit., p. 60 Google Scholar.

137 - La proposition de J. Cohen s’inscrit dans un débat sur la « facticité » de ces chroniques, qui oppose en particulier, depuis les années 1980, I. Marcus et R. Chazan. On verra d’une part I. G. Marcus, « From politics to martyrdom… », art. cit., spécialement p. 471; sa recension dans Speculum, 64-3, 1989, p. 685-688, de l’ouvrage de Chazan, R., European Jewry…, op. cit.; Id., « History, story, and collective memory: Narrativity in early Ashkenazic culture », Prooftexts, 10-3, 1990, p. 365388 Google Scholar. On verra d’autre part R. Chazan, European Jewry…, op. cit., p. 46-49; Id., « The facticity of medieval narrative: A case study of the Hebrew First Crusade narratives », Association for Jewish Studies Review, 16, 1991, p. 31-56; Id., God, humanity, and history: The Hebrew First Crusade narratives, Berkeley, University of California Press, 2000, p. 22-24 et 124-139. Malkiel, David fait la synthèse de ce débat dans Reconstructing Ashkenaz: The human face of Franco-German Jewry. 1000-1250, Stanford, Stanford University Press, 2009, p. 7677 Google Scholar.

138 - Salomon bar Samson précise qu’à Ratisbonne, les convertis n’avaient reçu le baptême que sous une forte contrainte, faute d’avoir pu résister à l’ennemi, lequel « n’avait pas voulu les tuer » ( Haverkamp, E. (dir.), Hebräische Berichte…, op. cit., p. 480 Google Scholar).

139 - Stow, Kenneth, « Conversion, apostasy and apprehensiveness: Emicho of Flonheim and the fear of Jews in the 12th century », Speculum, 76-4, 2001, p. 911933, ici p. 924-925CrossRefGoogle Scholar.

140 - Ibid., p. 925.

141 - Qu’il faudrait lire comme ceux des juifs tués, et non comme ceux des seuls suicidés. Stow, K., « Conversion, apostasy and apprehensiveness… », art. cit., p. 932933 Google Scholar, ne vise pas ici à relativiser le nombre de suicides dans l’absolu, mais à interpréter la différence généralement admise entre le choix du martyre par les ashkénazes de 1096 et le choix de la conversion par les juifs ibériques entre le XIVe et le XVIe siècle: si l’on admet que le nombre de convertis fut supérieur aux estimations fondées sur des sources destinées à justifier le choix du martyre, la véritable opposition entre les deux expériences résiderait moins dans l’action que dans la mémoire. L’opposition classique entre les attitudes respectives des sépharades et des ashkénazes face au martyre est également mise en cause dans l’ouvrage récent de Malkiel, D., Reconstructing Ashkenaz…, op. cit., p. 254261 Google Scholar, qui renvoie en particulier à Carlebach, Elisheva, Between history and hope: Jewish messianism in Ashkenaz and Sepharad, New York, Third Annual Lecture of the Victor J. Selmanowitz Chair of Jewish History, Touro College, 1998 Google Scholar.

142 - Haverkamp, E. (dir.), Hebräische Berichte…, op. cit., p. 13 Google Scholar.

143 - Yuval, Israel, Two nations in your womb: Perceptions of Jews and Christians in late Antiquity and the Middle Ages, Berkeley, University of California Press, 2006 Google Scholar.

144 - Comme il ressort des sources chrétiennes étudiées par Minty, Mary, « Kiddush HaShem in German Christian eyes in theMiddle Ages » [en hébreu], Zion, 59, 1994, p. 233244 Google Scholar; voir Stow, K., «Conversion, apostasy and apprehensiveness… », art. cit., p. 924, n. 44 Google Scholar.

145 - Ibid., p. 930, sans référence aux travaux d’I. Yuval.

146 - Marcus, Ivan G., « Hierarchies, religious boundaries and Jewish spirituality in Medieval Germany », Jewish History, 1-2, 1986, p. 726, ici n. 27, p. 24-25CrossRefGoogle Scholar. Sur l’émergence de l’accusation de meurtre rituel, voir Mcculloh, John M., « Jewish ritual murder: William of Norwich, Thomas of Monmouth, and the early dissemination of the myth », Speculum, 72-3, 1997, p. 698740 CrossRefGoogle Scholar.

147 - Roth, Cecil, « The feast of Purim and the origins of the blood accusation », Speculum, 8-4, 1933, p. 520526 CrossRefGoogle Scholar; Yuval, I., Two nations in your womb…, op. cit., p. 165167 Google Scholar.

148 - Yuval, I., Two nations in your womb…, op. cit., p. 167 Google Scholar.

149 - Ibid., p. 167-169.

150 - Ibid., spécialement p. 136-138.

151 - D’aix, Albert, Historia Hierosolymitanae expeditionis. Recueil des historiens des croisades. Historiens occidentaux, Paris, Impr. nationale, 1879, vol. 4, p. 293 Google Scholar: « Matres pueris lactentibus, quod dictu nefas est, guttura ferro secabant, alios transforabant, volentes potius sic propriis manibus perire, quam incircumcisorum armis extingui. »

152 - BERNOLD DE CONSTANCE, Chronicon, éd. par G. H. Pertz, Monumenta Germaniae Historica, Scriptores, Hanovre, Hahn, 1844, t. 5, p. 465: « Diabolo et propria duricia persuadente, ipsos interfecerunt. »

153 - Gesta Trevorum, éd. par Pertz, G. H., Monumenta Germaniae Historica, Scriptores, Hanovre, Hahn, 1848, t. 8, p. 190 Google Scholar.

154 - Ce commentaire biblique d’origine ashkénaze, repris dans deux oeuvres provençales du XIVe siècle, est cité par Soloveitchik, Haym, « Halakhah, hermeneutics, and martyrdom in medieval Ashkenaz (part I) », The Jewish Quarterly Review, 94-1, 2004, p. 77108, ici p. 102CrossRefGoogle Scholar.

155 - Yuval, I., Two nations in your womb…, op. cit., p. 162 Google Scholar.

156 - Confessio Baruc olim Iudei modo baptizati et postmodum reversi ad iudaismum, in Duvernoy, J. (éd.), Le registre d’inquisition de Jacques Fournier, évêque de Pamiers (1318-1325), Toulouse, Privat, 1965, t. 1, p. 177185 Google Scholar.

157 - Pape entre 1335 et 1342 sous le nom de Benoît XII.

158 - Le début du texte le désigne sous le nom de Baruc Theutonicus: Confessio Baruc…, op. cit., t. 1, p. 177.

159 - Grayzel, Solomon, « The confession of a medieval Jewish convert », Historia Judaica, 17-2, 1955, p. 89120 Google Scholar.

160 - Grayzel, Solomon, « Popes, Jews, and Inquisition, from Sicut to Turbato », in Katsch, A. I. et Nemoy, L. (dir.), Essays on the occasion of the seventieth anniversary of the Dropsie University, 1909-1979, Philadelphie, Dropsie University, 1979, p. 151188 Google Scholar.

161 - Yerushalmi, Yosef Y., « The Inquisition and the Jews of France in the time of Bernard Gui », Harvard Theological Review, 63-3, 1970, p. 317376, ici p. 329-330, n. 38CrossRefGoogle Scholar.

162 - Barber, Malcolm, « The Pastoureaux of 1320 », Journal of Ecclesiastical History, 32-2, 1981, p. 143166, ici p. 144-149CrossRefGoogle Scholar.

163 - La distinction entre contrainte absolue et contrainte conditionnelle est élaborée par Innocent III dans une lettre adressée en 1201 à l’archevêque d’Arles, insérée en 1234 au Liber extra et connue sous le nom de décrétale Maiores. Le pape y répond à plusieurs questions sur la nécessité de l’intention dans le baptême (et en premier lieu à la question de l’utilité du baptême pour les enfants qui sont incapables d’y consentir). Tout en réaffirmant qu’il était contraire à la foi chrétienne de contraindre quiconque le refusait à recevoir et à observer le christianisme, le pape invite à distinguer entre « contraint et contraint »: à la différence de celui qui le refusait totalement, celui qui n’y consentait pas mais se laissait baptiser sous la menace – conditionaliter volens, licet absolute non velit – recevait effectivement le caractère sacramentel et devait observer la foi chrétienne (Liber extra, lib. 3, tit. 42, c. 3, Fr. II, 644-646). La genèse des normes sur la contrainte a été retracée par Poutrin, I., « L’Église et les consentements arrachés… », art. cit., p. 492498 Google Scholar.

164 - Confessio Baruc…, op. cit., p. 185.

165 - Ibid., p. 189.

166 - Ibid., p. 179.

167 - Ibid.

168 - Ibid., p. 184. Grayzel, S., « The confession of a medieval Jewish convert », art. cit., p. 101, n. 27Google Scholar, a identifié dans ce passage une référence au Mishneh Torah de Maïmonide: « En temps de persécution, quand un mauvais roi apparaît, comme Nabuchodonosor et ses pareils, et qu’il décrète contre Israël qu’il faut détruire la foi et les commandements des juifs, ceux-ci doivent se laisser tuer pour ne pas transgresser ne serait-ce qu’un seul des autres commandements [en dehors des trois pour lesquels un juif doit subir le martyre en tout temps: idolâtrie, immoralité, effusion de sang], qu’il soit contraint à de telles violations en présence de dix autres juifs ou qu’il soit seul avec l’idolâtre. » Dans le Talmud, le principe selon lequel on doit préférer le martyre à la profanation du nom de Dieu en présence de dix autres juifs n’est pas précisé par la distinction entre ordre du prince et violence populaire, non plus d’ailleurs que dans l’Épître sur la persécution, où Maïmonide distingue en outre le cas où l’on est contraint « d’accomplir des actes » du cas où l’on est contraint « de prononcer de simples paroles »: « à celui qui vient nous interroger pour savoir s’il doit se faire tuer ou reconnaître [la mission prophétique de Mahomet], nous lui répondons: qu’il reconnaisse [Mahomet] et ne se fasse pas tuer; mais qu’il ne reste pas dans le royaume de ce roi […]; il doit s’exiler dans un endroit convenable et ne rester absolument pas dans un lieu de persécution et quiconque y demeure transgresse et profane le Nom divin et il est proche de la faute avec préméditation » ( Maïmonide, , Épîtres, Paris, Gallimard, 1993, p. 3841 Google Scholar).

169 - Barber, M., « The Pastoureaux of 1320 », art. cit., p. 153155 Google Scholar.

170 - Nirenberg, D., Violence et minorités…, op. cit., p. 53 Google Scholar.

171 - Ibid., p. 59.

172 - Ibid., p. 53.

173 - Ibid., p. 60. Les motifs politiques, religieux et financiers de la protection royale sont analysés par Dahan, Gilbert, Les intellectuels chrétiens et les juifs au Moyen Âge, Paris, Éd. du Cerf, 1990, p. 4453 Google Scholar. Le prince concevait primordialement la protection de ses sujets juifs comme un devoir de justice, propre à garantir la paix; il la justifiait parfois par l’exigence, invoquée par l’Église, de la survie du « peuple témoin »; dans certains cas, cette protection était achetée par les juifs. Mais le prince les protégeait aussi parce qu’il les considérait comme son bien propre. Sur la question de la servitude des juifs vis-à-vis du souverain, on verra Dahan, G., Les intellectuels chrétiens…, op. cit., p. 6576 Google Scholar; Langmuir, Gavin I., « Judei nostri and the beginning of Capetian legislation », Traditio, 16, 1960, p. 203240 CrossRefGoogle Scholar; Id., «Tanquam servi: The change in Jewish status in French law about 1200 » [1980], Toward a definition of antisemitism, Berkeley, University of California Press, 1990, p. 167-194.

174 - Nirenberg, D., Violence et minorités…, op. cit., p. 60 Google Scholar.

175 - Ibid., p. 61.

176 - Ibid., p. 64.

177 - Élargie à tous les « médiévaux » dans David NIRENBERG, « Warum der König die Juden Beschützen musste, und warum er sie verfolgen musste », in Jussen, B. (dir.), Die Macht des Königs. Herrschaft in Europa vom Frühmittelalter bis in die Neuzeit, Munich, C. H. Beck, 2005, p. 229 Google Scholar. À l’appui de cette généralisation, D. Nirenberg cite Pierre le Chantre: « Hii vero latrunculi sunt nunc sanguisuge principum qui, cum omnia suxerint, evomunt in fiscum » (cité par D. Nirenberg d’après la Patrologie latine, le texte l’est ici d’après la version récente et plus correcte donnée par Monique BOUTRY (éd.), Verbum adbreviatum, pars 1, cap. 48, Turnhout, Brepols, 2004, p. 324), auquel on peut par exemple opposer ABÉLARD, Dialogue d’un philosophe avec un juif et un chrétien, trad. par M. de Gandillac, Paris, Éd. du Cerf, 1993, p. 70-71: « N’est-il pas vrai que, dispersés parmi toutes les nations, seuls, sans roi ni prince ici-bas, nous sommes soumis à tant d’exactions que presque chaque jour, pour racheter notre misérable vie, il nous faut payer une intolérable rançon ? […] Les princes sous l’autorité desquels nous vivons, et dont nous achetons cher la protection, souhaitent d’autant plus notre mort qu’elle leur permet de faire licitement main basse sur nos biens. »

178 - Menache, Sophia, « The king, the church and the Jews: Some considerations on the expulsions from England and France », Journal of Medieval History, 13-3, 1987, p. 223236 CrossRefGoogle Scholar.

179 - Jordan, William C., « Home again: The Jews in the kingdom of France, 1315-1322 » [1997], Ideology and royal power in medieval France: Kingship, crusades and the Jews, Aldershot, Ashgate, 2001, XIV, p. 2745, ici p. 27Google Scholar.

180 - Nirenberg, D., Violence et minorités…, op. cit., p. 62 Google Scholar. Sur les croisades comme procédé fiscal, on verra Barber, M., « The Pastoureaux of 1320 », art. cit., p. 160161 Google Scholar.

181 - Nirenberg, D., Violence et minorités…, op. cit., p. 61 Google Scholar.

182 - de Laurière, Eusèbe (éd.), Ordonnances des rois de France de la troisième race, Paris, Impr. royale, 1723, p. 488489 Google Scholar.

183 - Balasse, Céline, L’expulsion des juifs du royaume de France, Bruxelles, De Boeck, 2008, p. 178179 Google Scholar.

184 - L’ordonnance de réadmission de 28 juillet 1315 rappelait les juifs pour douze ans: « Ordonnance ou établissement portant rappel des juifs pour douze ans, et des dispositions contre l’usure », Recueil général des anciennes lois françaises, t. 3, 1308-1327, Paris, Belin-Leprieur/Plon (s. d.), p. 116.

185 - On rappellera que le devoir de protection des juifs était très généralement fondé sur la doctrine de leur culpabilité, de leur servitude et sur la nécessité d’assurer les conditions d’accomplissement de la prophétie selon laquelle ils se convertiraient à l’approche de la fin des temps. On trouve par exemple chez Oldrado da Ponte – dont le recueil de consilia date précisément des années 1320 – l’idée que le prince doit protéger les juifs, rendus esclaves par la mort du Christ, parce qu’ils sont ses serfs: Ponte, Oldrado Da, consilium 87, in Zacour, N. (dir.), Jews and Saracens in the consilia of Oldradus de Ponte, Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies, 1990, p. 83 Google Scholar.

186 - Nirenberg, David, « Le dilemme du souverain: génocide et justice à Valence, 1391 », in Claustre, J., Mattéoni, O. et Offenstadt, N. (dir.), Un Moyen Âge pour aujourd’hui. Mélanges offerts à Claude Gauvard, Paris, PUF, 2010, p. 496508, ici p. 498Google Scholar.