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La parenté baptismale à Minot (Côte-d'Or)

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

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Dans les pays de l'Europe méditerranéenne ou centrale, dans ceux du Nouveau Monde, de nombreuses études anthropologiques ont été consacrées au parrainage de baptême. Pour l'Europe de l'Ouest ou du Nord, les quelques informations dont on dispose viennent du folkloriste — mais ses propos sont centrés sur les caractéristiques régionales de la cérémonie — ou du théologien qui, lui, se borne à interpréter la doctrine de l'Église en la matière. A cette lacune on peut trouver des explications. Le parrainage de baptême joue, dit-on, dans cette aire, un rôle secondaire ; l'institution est en pleine décadence, alors que dans d'autres parties du monde elle garde un impact particulier sur la vie économique et politique du groupe. Cependant comment justifier l'attachement de nos sociétés à cette institution, au point que lorsqu'il fut question à la Révolution de la supprimer, on la remplaça par un parrainage républicain ? Et peut-on la reléguer au rang des curiosités archaïques alors que l'on constate, à partir des rares études recensées, qu'elle accuse des différences significatives selon les provinces, que des évolutions, des adaptations la marquent et l'animent encore aujourd'hui ? Toutes ces caractéristiques témoignent de sa vivacité et devraient nous convaincre d'entreprendre, en Europe occidentale, des études ethnohistoriques non seulement sur les formes du parrainage baptismal, mais sur toutes les formes de parentés rituelles.

Summary

Summary

Utilizing both written and oral sources, the author analyzes baptismal sponsorship in a commune of Northern Burgundy characterized by open-field agriculture and closely grouped dwellings. An historical study reveals that an evolution has occurred with regard both to ritual and to the choice of spiritual parents. Between the end of the seventeenth century and our days the ritual has moved from ceremonial discretion to an ostentatious social display. As to the choice of spiritual parents, one observes the elimination of both maternal and paternal ancestors in favor of collaterals. This vertical compression, which is accompanied by an extension into the collateral domain, must be seen in connection with many other phenomena: demography, economies, the transmission of first names, etc. But it aims essentially, we believe, at promoting a matrimonial strategy. Baptismal sponsorship, such as it exits today in Minot, serves principally to establish contacts between groups vho seek spouses and groups who offer them.

Type
Les Rituels de Parenté
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1978

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References

Notes

1. Les études sont peu nombreuses pour la France du Nord, citons les deux plus récentes : M. Bouteiller, « Traditions folkloriques et parentés parallèles » dans Échanges et communications. Mélanges offerts à C. Lévi-Strauss, Paris, Mouton, 1970, t. I, p. 153-161. C. Karnoouh, La parenté spirituelle, ses formes, ses rapports avec la terminologie de la parenté. Un exemple français : la Lorraine. Actes du 1er Congrès international d'ethnologie européenne, Paris, août 1971. Publication de l'Institut d'ethnologie, Paris, 1972, microfiche 720048.

2. Les contes populaires offrent de multiples exemples de parents qui, ne sachant où trouver des parrain et marraine pour les derniers-nés de leur nombreuse progéniture, décident de prendre le premier passant.

3. Lucien Febvre, Problèmes de l'incroyance au XVIe siècle, Paris, Albin Michel, 1968, p. 294.

4. Femme qui, au village, est présente lors de tous les moments de passage de la vie individuelle : elle aide aux accouchements, donne le premier bain au bébé, cuisine au repas de noce, assiste les malades à l'agonie et lave les morts.

5. «Le sept février 1771, un enfant femelle fille de Claude…, laboureur, et de Marie…, ondoyée en la maison par Anne… son ayeule maternelle, décédée la veille a été inhumée au cimetière de la dite parroisse… » « Le huit avril 1789, un enfant femelle de Jean… jardinier, décédée la veille après avoir été ondoyé dans le danger par Hugues Rouhier maître en chirurgie à Minot, a été inhumée au cimetière… » Extraits des actes paroissiaux (Archives municipales).

6. « On ne baptise pas le Vendredi. On ne change pas sa chemise. On ne change pas de draps le Vendredi. Il y a une fille qui devait aller à Dijon chez le médecin, elle n'a pas changé de chemise parce que c'était Vendredi. » Le vendredi est un jour marqué négativement.

7. Pourtant, le berceau, autrefois, était préparé à l'avance.

8. Dès la fin du XIXe siècle, on prend l'habitude d'habiller l'enfant d'une robe dite de baptême, brodée ou ornée. Autrefois, on se contentait d'emmailloter le bébé et de l'envelopper, nous a-t-on raconté, « d'un voile de tulle ». Était-ce pour rappeler le voile de mariée de la mère et signifier ainsi la légitimité de l'enfant ? Personne ne s'en souvient.

9. « …Quand un jeune enfant entre pour la première fois dans une maison on lui donne sa maison, c'est-à-dire des oeufs et un cornet de sel pour lui porter bonheur. » A. van Gennep, Le folklore de la Bourgogne, Gap, Louis Blanc, 1934, p. 28. L'oeuf et le sel signifient certes le bonheur, mais aussi fécondité et protection.

10. On sait à Minot que la grande cloche a été refondue le 17 mai 1766, mais on ne connaît pas ses parrains. Elle fut décrochée en 1811, refondue… « mais on y ajouta assez de métal pour obtenir deux nouvelles cloches. La plus grosse eut pour parrain Pierre-Daniel-Cécile Massenot, fils de l'ancien notaire royal, et pour marraine Marie-Jeanne Joly [fille de l'ancien intendant du Seigneur devenu grand propriétaire terrien]. La plus petite eut pour parrain le fils de l'adjoint au maire, Nicolas Nicolas. La marraine fut Claudine Ménétrier [fille d'un riche marchand du village]». G. Potey, L'église Saint-Pierre de Minot, Dijon, Jobard, 1907, p. 35.

11. « Tricots : bonbons et fruits secs que les parrains jettent aux enfants après un baptême. » G. Potey, Le patois de Minot, Paris, Droz, 1930, p. 52. A. Van Gennep, après F. Marion, rapporte que le tricot est, en Côte-d'Or, « le petit repas de baptême ne comprenant que 4 ou 5 personnes ». A. van Gennep, Le folklore de la Bourgogne, Gap, Louis Blanc, 1934, p. 28.

12. Cf. A. van Gennep, Manuel de folklore français contemporain, Paris, Picard, 1972, t. I, vol. 1, p. 141.

13. A. van Gennep, op. cit., p. 142.

14. Voici un menu type d'autrefois : « pâté en croûte, volaille, légume, salade, dessert sucré ».

15. Il est difficile de trouver une explication à cette phrase. Un proverbe cévenol dit : « Qui t'a fait te ramasse » c'est-à-dire celui qui t'engendre t'élève (cf. J.-N. Pelen, « La vallée longue en Cévenne », Causses et Cévennes, n° spécial, s.d., 184 p. multig.). Est-ce à dire que chacun au village aidera à élever l'enfant s'il reste seul ?

16. Menus: de Christophe et Olivier 30 mars 1969

17. A. van Gennep, Le folklore de la Bourgogne, op. cit., p. 25.

18. Les termes «compère, commère » qui ont aujourd'hui une connotation péjorative, sont employés sous forme de termes de plaisanterie entre parrain et marraine.

19. J. Yver, Essai de géographie coutumière, Paris, Sirey, 1966, p. 169.

20. Jusqu'à récemment et depuis le concile de Trente (1545-1563) les seuls interdits de mariage pour « affinité spirituelle » intervenaient entre parrain/marraine et filleul(e), le baptiseur et le baptisé, les parents spirituels et les parents biologiques.

21. Dans le cas des enfants naturels où n'existent pas ces deux lignées — paternelle et maternelle — la mère n'ose solliciter ses proches parents, elle se tourne alors vers les enfants des voisins. « Quand le petit de la Nanette est né, la mère est venue trouver ma grand-mère pour nous demander d'être parrains, ma grand-mère a répondu ‘Vous en faites pas on vous donnera les enfants'. » Peu marqués dans le système social, les enfants (cf. note 22) sont tout indiqués pour tenir ce rôle.

22. Sur la donation et la transmission des prénoms, cf. F. Zonabend, « Pourquoi nommer ? » dans L'identité, séminaire dirigé par C. Lévi-Strauss, Paris, Grasset, 1977.

23. Cf. Jolas, T., Verdier, Y. et Zonabend, F., « Parler famille », L'Homme, Paris, 1970, X, n°3Google Scholar.

24. Cf. T. Jolas et F. Zonabend, «Gens du finage, gens du bois », Annales E.S.C., Paris, 1973, n° 1, p. 292.

25. Q. : Quelles sont les conditions pour la [l'entente entre homme et femme] réussir ? R. : Tout d'abord une certaine ressemblance des cultures… Je pense qu'il faut que l'un et l'autre aient la même culture, qu'ils puissent se débrouiller avec les mêmes éléments culturels… Je pense donc que la première chose est une égalité des cultures, que chacun puisse s'exprimer, se faire comprendre dans un monde culturel qui est leur, qui leur appartient à tous deux. Il faut voir le monde de la même manière. « Entretien avec J.-P. Sartre », Le Nouvel Observateur, Paris, 1977, n°639, pp. 65-66.