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La France profonde

Relations de parenté et alliances matrimoniales (XVIe-XVIIIe siècle)

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2017

Gérard Delille*
Affiliation:
CNRS/CRH – École française de Rome

Résumé

À travers une approche comparative qui va de l’exposé des vicissitudes d’un individu (Denis Diderot) à l’étude des comportements de groupes sociaux très différents, à la fois urbains et ruraux, l’article montre pourquoi et comment, au-delà de certaines particularités dans les usages et les stratégies, une logique commune des échanges matrimoniaux se fait jour, qui constitue un trait distinctif de « l’identité » française et plus largement européenne occidentale. L’article remet en cause la distinction, avancée par Fernand Braudel, entre sociétés « étroites » faites de relations simples, concrètes, peu variables, et sociétés « larges et complexes ». La famille, la parenté, le mariage et l’alliance sont susceptibles d’une approche anthropologique ouvrant de nouvelles perspectives à la recherche historique. L’étude propose une première explication des fondements idéologiques d’origine religieuse qui ont soutenu cette logique et des éléments culturels et socio-économiques qui en ont déterminé la crise au cours des XVIIIe-XIXe siècles, en insistant particulièrement sur le problème de la mobilité de la population. Cette crise ouvre la voie au système contemporain. Les acquis de cet article conduisent à proposer quelques réflexions sur le problème du contexte en histoire.

Abstract

Abstract

This article traces the emergence of the common system of matrimonial exchange that, despite certain particularities in customs and practices, forms an essential part of French, and more broadly Western European, “identity.” It adopts a comparative approach extending from the experiences of one individual, Denis Diderot, to the behavioral study of very different social groups, both urban and rural. In so doing, it questions the distinction made by Fernand Braudel between “narrow groups” consisting of simple, concrete relationships with few variations and “large and complex societies.” Anthropological approaches to family, kinship, marriage, and alliance open up new perspectives for historical research. The article thus provides an initial explanation of the ideological foundations, grounded in religion, which underpinned this matrimonial system and the cultural and socioeconomic factors that threw it into crisis in the eighteenth and nineteenth centuries, emphasizing in particular the mobility of populations. It was this crisis that paved the way for the development of the modern system. Finally, the article's findings give rise to certain reflections on the question of context in history.

Type
La parenté dans la France moderne
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2015

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References

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7- En 1721, Simon Diderot, cousin issu de germain de Denis, épouse Huguette Jardel, fille de Jean et Prudence Caroillon. En 1753, Nicolas Caroillon reprend l’activité d’entreposeur du tabac de son beau-père, avec l’aide de Diderot qui, pour l’occasion, fait intervenir – contre promesse d’une future alliance avec les Caroillon ? – de hauts personnages dont Madame de Pompadour.

8- Diderot, Denis, « Salon de 1767 », OEuvres, éd. par Naigeon, J. -A., Paris, Déterville, 1800, t. 14, p. 426 Google Scholar.

9- M.-A. de Vandeul, « Mémoire… », op. cit., p. 17.

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13- Le frère de Didier, Antoine, était entré chez les dominicains tandis que sa soeur, Catherine, était restée vieille fille. Les deux frères d’Angélique Vigneron avaient suivi une carrière ecclésiastique et sa soeur, Claire, était restée célibataire. Le frère et une soeur de Denis entrèrent dans les ordres, la deuxième soeur resta célibataire.

14- Diderot, D., « Lettre du 14 janvier 1743 », Correspondance, vol. 1, op. cit., p. 40 Google Scholar.

15- M.-A. de Vandeul, «Mémoire… », op. cit., p. 17.

16- Ibid.

17- Cette indétermination qui caractérise les termes de parenté est, en réalité, fréquente. Dans son journal rédigé au XVIe siècle, le sire de Gouberville qualifiait indifféremment un frère et un beau-frère, de « mon frère » (” mon frère de St. Nazer » : en réalité l’époux de sa soeur Renée Picot-Gouberville), un cousin consanguin et un cousin par alliance de « mon cousin ». Il en résulte une liste impressionnante de « cousinscousines » difficiles à replacer dans la généalogie de notre personnage. Voir Nedelec, Yves, « Le système anthroponymique chez Gilles de Gouberville (1549-1563) », no spécial «Le Cotentin au temps du sire de Gouberville », Revue du département de la Manche, 28-109/111, 1986, p. 61-105Google Scholar. Il s’agit là d’un vocabulaire d’adresse qui adhère mieux que le vocabulaire juridique et officiel aux réalités quotidiennes caractérisant les rapports de parenté et d’alliance, mais qui reste à étudier.

18- Toussaint, François-Vincent, Les moeurs, s. l., s. n., 1748, p. 315 Google Scholar.

19- Ghestin, Jacques, « L’action des parlements contre les ‘mésalliances’ aux XVIIe et XVIIIe siècles », Revue historique du droit français et étranger, 4e s., 34-1, 1956, p. 74110 et 34-2, 1956, p. 196-224Google Scholar. Le 21 février 1732 un arrêt de la Cour suivi par un avertissement de son premier président au barreau rendait obligatoire le concours des deux curés (de la paroisse de l’époux et de celle de l’épouse) au mariage pour que celui-ci fût reconnu valide.

20- Diderot, D., « Lettre de janvier 1755 », Correspondance, vol. 1, op. cit., p. 190 Google Scholar.

21- C.N. Genuyt, Le recueil généalogique…, op. cit.

22- Ibid., p. 449 (fol. 241-243).

23- Ferchiou, Sophie, « Structures de parenté et d’alliance dans une société arabe. Les ‘aylāt de Tunis », in Ferchiou, S. (dir.), Hasab wa nasab. Parenté, alliance et patrimoine en Tunisie, Paris, CNRS Éditions, 1992, p. 137167 Google Scholar.

24- C. N. Genuyt, Le recueil généalogique…, op. cit., p. 27 : « Messire Jean de Coiffy clerc nore [notaire], secrétaire du Roy, controleur en son audience, chanoine de Sence, Rheims, et Langres : fondateur de la chapelle de Ste. Catherine a Coiffy le Chastel » (fol. 3). Des Roussat de Coiffy, la fondation passe dès le XVe siècle, à travers une fille unique héritière, aux Thévenin puis, de la même manière, dans la première moitié du XVIe siècle, aux Legros puis encore, au milieu du XVIIe siècle, aux Rathier et, enfin, aux Genuyt. La nomination de Georges Genuyt au bénéfice de la chapelle de Sainte- Catherine entraîna un procès avec les Plinard, qui incita probablement Claude Nicolas Genuyt à entreprendre la rédaction de son manuscrit.

25- Ibid., p. 106 (fol. 46), Genuyt donne un exemple de ces fondations récentes et pauvres : « Mre. Simon Mauparty prêtre curé de St. Martin a fondé en St. Martin le 6 9bre. 1686 un anniversaire le deux may, précédé des vespres des morts la veille et des vigiles et un autre le lendemain des trépassés précédé comme dessus. Moiennant 200 lt. F. 30. Du livre de Bridat 879. Plus le dit Simon Mauparty a fondé le service de St. Simon avec solemnité, et le lendemain un anniversaire a double choeur moiennant 100 lt. F.31 de Bridat 879. » La généalogie des Mauparty ne commence qu’avec les parents de Simon. D’autres Mauparty sont insérés, à la même période, dans la généalogie des Quanquery.

26- Parmi les Heudelot, dans la première moitié du XVIe siècle, Geneviève, épouse de Philibert Gentot, est notée une fois comme fille de Nicolas et Jeanne Plubel, une autre comme fille de Richard et Catherine Benoist. Voir ibid., p. 211 (fol. 108-111). Dans d’autres cas, des générations ont été sautées et les discordances chronologiques de père en fils ou petit-fils sont évidentes. Ces défauts ne concernent toutefois que les périodes les plus anciennes.

27- Édouard de l’HORME, Notes généalogiques du baron de l’Horme, Archives départementales de la Haute-Marne, 22 J 1-10, http://archives.haute-marne.fr/pages/delhorme.html.

28- Données disponibles sur le site du Centre généalogique de Haute-Marne, http://www.actes52.fr.

29- Cette présence des libraires dans l’entourage du jeune Denis et leur rôle possible dans sa formation intellectuelle n’ont à notre connaissance jamais été relevés.

30- Sur l’étude de la composition interne du Libro Magno, son importance scientifique et son utilisation, voir les ouvrages cités supra n. 12.

31- Genuyt, C. N., Le recueil généalogique…, op. cit., p. 211216 (fol. 108-111)Google Scholar.

32- G. Delille, « Parenté et alliance en Europe occidentale… », art. cit.

33- J’entends par « mères » les épouses de la lignée ascendante masculine directe de Ego.

34- Pour les Cibot, voir Ruchaud, Jean-Louis et al., Généalogies limousines et marchoises, t. 6, Mayenne, Éd. régionales de l’Ouest, 1993 Google Scholar. Pour Ceillac, Archives départementales des Hautes-Alpes, registres paroissiaux, Ceillac (1629-XIXe s.), http://www.archives05.fr. Voir également la page du groupe généalogique Genequeyras, http://gw.geneanet.org/genequeyras.

35- G. Delille, « Parenté et alliance en Europe occidentale… », art. cit.

36- Pour des exemples nombreux d’échanges entre lignées alternées masculines, voir Delille, Gérard, « Échanges matrimoniaux entre lignées alternées et système européen de l’alliance : une première approche », in Jamard, J. -L., Terray, E. et Xanthakou, M. (dir.), En substances. Textes pour Françoise Héritier, Paris, Fayard, 2000, p. 219252 Google Scholar.

37- Je reprends cette expression, traditionnelle en anthropologie, qui ne sous-tend nullement, comme on l’avance parfois, l’existence d’un système uni-patrilinéaire au prétexte, par un glissement de sens inacceptable, que « les hommes échangent des femmes ».

38- Ce va-et-vient très simple a des conséquences pratiques et théoriques considérables ; répété le long des générations, il fait passer les familles alliées d’une branche à une autre et peut donner lieu à des échanges entre lignées alternées de type patrilinéaire si les chaînes de descendance concernées sont exclusivement masculines (fig. 8) ou de type mixte si les chaînes alternent successions masculines et féminines (fig. 10). Dans le cas de l’Europe occidentale, cognatique, l’attention portée aux échanges entre lignées alternées masculines résulte de leur lecture facile et immédiate dans les généalogies, non du fait qu’ils s’ordonnent suivant un principe unilinéaire. L’exemple de Langres indique clairement que toutes les figures d’alliance peuvent également se construire, en fonction des circonstances, suivant une « inflexion matrilinéaire ». J’ai essayé de montrer comment, dans le système européen, la construction des relations d’alliance nécessitait le passage, au minimum, à travers deux maillons féminins ; il me paraît difficile dans ces conditions de parler de principe unilinéaire masculin. Voir G. Delille, « Parenté et alliance en Europe occidentale… », art. cit. ; Id., « Échanges matrimoniaux… », art. cit. ; Héritier, Françoise, L’exercice de la parenté, Paris, Gallimard/Le Seuil, 1981 Google Scholar.

39- À partir des données fournies par le remarquable site de la famille Lucie, genlucie.free.fr. Voir, dans les compléments de lecture, en ligne, http://annales.ehess.fr/index.php?453, l’annexe no 1, alliances des enfants de Jean Le Jeune Gautier et Marie Soumard (Saint- Hilaire-en-Lignières, Saint-Christophe-en-Boucherie – Berry, XVIIIe siècle). Les principales connexions établies par la fratrie issue de cette union y sont retranscrites (ne sont pas prises en compte toute une série de relations dans les généalogies ascendantes : les Debourges, par exemple, ont des liens nombreux, au XVIIe siècle, avec les Soumard et les Dubreuil eux-mêmes alliés des Gautier).

40- Parmi les familles alliées des Gautier, des mariages dans le même nom se relèvent chez les Dagois (quatre au XIXe siècle dont trois consanguins aux 2e et 3e/4e degrés), les Dubreuil (quatre au XIXe siècle, tous consanguins aux 2e/3e et 3e degrés), les Pommier (un en 1795, quatre au XIXe siècle dont deux consanguins proches), les Debourges (un seul au XIXe siècle, au 3e degré). Le phénomène marque bien un resserrement dans la consanguinité proche et caractérise essentiellement le XIXe siècle.

41- Voir, parmi les compléments de lecture, l’annexe 2, alliances des enfants de Fino Pasanisa et Mita Mera (Manduria, XVIe siècle).

42- G. Delille, Le maire et le prieur…, op. cit.

43- Gasperoni, Michaël, « De la parenté à l’époque moderne : systèmes, réseaux et pratiques. Juifs et chrétiens en Italie centrale », thèse de doctorat, EHESS, Paris, 2013 Google Scholar.

44- Segalen, Martine, Quinze générations de Bas-Bretons. Parenté et société dans le pays bigouden Sud, 1720-1980, Paris, PUF, 1985 Google Scholar, concluait elle aussi à un système d’échange généralisé, en l’absence toutefois de groupes échangistes ; en conséquence, les réenchaînements d’alliances étaient perçus comme des relations non orientées ne débouchant sur aucune construction de cycles et de bouclages. Des ensembles généalogiques précis et couvrant de longues périodes permettent de reconsidérer aujourd’hui le problème des groupes échangistes. À Plozévet, de 1570 à 1945 environ, les Kerouredan nouent uniquement deux alliances, très tardives (1843 et 1935), dans le même nom et une seule (1842) dans la parenté masculine d’une mère. Il y a donc bien évitement des groupes agnatiques composants ou alliés des lignes directes et orientation des réenchaînements vers d’autres groupes. Les unions répétées avec les Strullu dessinent, entre 1768 et 1919, un système d’échange entre lignées alternées quasi parfait avec des bouclages consanguins dans une fourchette très étroite, à la limite des interdits canoniques : 3e/4e (1919), 4e (1848 et 1883), 4e/5e (1871), 5e (1857), 5e/6e (1768, 1811, 1815). Voir les résultats pour la commune 9 1 2 de Plozévet sur le site Geneanet, http://www.geneanet.org.

45- LÉVI-Strauss, Claude, « Seconde préface », Les structures élémentaires de la parenté, Paris/La Haye, Mouton, [1949] 1967, p. XXVIGoogle Scholar, déclare à propos des systèmes de parenté « Crow-Omaha » qui font la transition entre les systèmes élémentaire, d’une part, et semi-complexe et complexe, d’autre part : « Chaque fois qu’on choisit une ligne pour obtenir d’elle un conjoint, tous ses membres se trouvent automatiquement exclus du nombre des conjoints disponibles pour la ligne de référence et ce, durant plusieurs générations. Comme la même opération se répète à l’occasion de chaque mariage, le système demeure dans un état de turbulence qui l’oppose au modèle idéal d’un système asymétrique où le mécanisme des échanges est régulièrement ordonné. » En réalité, les collatéraux des lignes de références exclues ne sont pas eux-mêmes exclus et peuvent répliquer la première alliance. Le système peut donc être ordonné et il n’y a pas de « turbulence ».

46- F.-J. Ruggiu, « Histoire de la parenté… », art. cit., p. 247. Le « système européen » de parenté et d’alliance ne se construit pas sur la consanguinité mais, au contraire, sur son évitement ; un mariage répliqué à travers les alliés de collatéraux n’est pas un mariage consanguin et les unions entre lignées alternées sont toutes – c’est l’intérêt et le but du mécanisme – des unions entre personnes non apparentées.

47- Derouet, Bernard, « Pratiques de l’alliance en milieu de communautés familiales (Bourbonnais, 1600-1750) », in Brunet, G., Fauve-Chamoux, A. et Oris, M. (dir.), Le choix du conjoint, Villeurbanne, Programme Rhône-Alpes, Recherche en sciences humaines, 1998, p. 227-251 ; Id., « Le partage des frères. Héritage masculin et reproduction sociale en Franche-Comté aux XVIIIe et XIXe siècles », Annales ESC, 48-2, 1993, p. 453474 Google Scholar.

48- F. Héritier, L’exercice de la parenté, op. cit., p. 169-171. Dans une société semicomplexe, « un consanguin proche de même sexe ne peut pas redoubler une alliance antérieure d’un consanguin » tandis qu’« un consanguin proche de sexe différent » peut le faire ; une autre combinaison, peu fréquente, liée aux sociétés cognatiques à accentuation patri- ou matrilinéaire interdit à un consanguin proche, quel que soit son sexe, de renouveler l’alliance antérieure d’un consanguin. C’est cette dernière règle qui s’impose à la société chrétienne occidentale avant 1215.

49- Braudel, Fernand, « Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 13-4, 1958, p. 725753, ici p. 747Google Scholar.

50- C.N. Genuyt, Le recueil généalogique…, op. cit., p. 442-443 (fol. 236-237).

51- À condition qu’une lignée singulière d’une des fratries initiales n’épouse pas des représentants de toutes les lignées de l’autre, ce qui est théoriquement exclu car, dans ce cas, Ego devrait se marier dans la parenté masculine de son père ou de sa mère.

52- J.-L. Ruchaud et al., Généalogies limousines et marchoises, t.6, op. cit.

53- Dutillieu, Jacques-Charles, Le livre de raison, éd. par F. Breghot du Lut, Lyon, Mougin-Rusand, 1886, p. 1.Google Scholar

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55- Marandé, Léonard De, La clef de saint Thomas sur toute sa Somme, Paris, F. Lambert, 10 vol., 1668-1669, t. 10, p. 386 Google Scholar. En 1688, François GENET, Théologie morale, ou Résolution des cas de conscience selon l’Écriture Sainte, les canons et les Saints Pères, Paris, A. Pralard, 1676, continuait d’affirmer qu’il y avait quatre degrés prohibés « parce qu’il y a quatre sortes d’humeurs dans notre corps, qui est aussi composé de quatre éléments », p. 515. Tout cela se déroule à un moment où la théorie des humeurs/éléments et avec elle toute la philosophie aristotélicienne-thomiste est battue en brèche par les progrès de la science et de la médecine, par le rationalisme mécanique et par le jansénisme objet de toutes les critiques de L. de Marandé. Au XVIIIe siècle, dans l’article « Élements (en physique) » de l’Encyclopédie, Jean Le Rond d’Alembert souligne, non sans quelque retenue, l’abandon de la vieille théorie des quatre éléments, abandon qui ne repose pas sur l’affirmation de connaissances nouvelles et positives sur la matière et débouche donc sur des problèmes non résolus : « Les anciens, comme tout le monde sait, admettaient quatre éléments ou corps primitifs dont ils supposaient les autres formés, l’air, le feu, l’eau, la terre ; cette opinion quoiqu’abandonnée depuis, n’était pas si déraisonnable […]. Descartes est venu […]. Aujourd’hui […] on ignore absolument en quoi consiste les éléments des corps. » La symbolique des éléments n’en continue pas moins à fasciner la pensée occidentale : il suffit de rappeler La psychanalyse du feu de Gaston Bachelard.

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57- Thomas D’aquin, La Somme théologique…, op. cit., t. 8, p. 186, justifie le nombre de degrés prohibés par la relation de cause à effet entre une action d’ordre « biologique » et le renouvellement de l’identité ; il rejette, non sans mépris, d’autres causes parfois avancées et qui « semblent choquer complètement la raison, puisqu’elles n’ont aucun rapport de proportion avec leurs effets » comme les six âges du monde pour l’empêchement jusqu’au 6e degré, les sept jours de la création pour le 7e degré.

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59- Héritier, Françoise, Les deux soeurs et leur mère. Anthropologie de l’inceste, Paris, Odile Jacob, 1994 Google Scholar.

60- La présence des quatre éléments (parfois cinq avec l’éther, le firmament ou l’espace) se retrouve dans de nombreux mythes de création du monde, du Sahel à l’Extrême- Orient. Griaule, Marcel, Dieu d’eau. Entretiens avec Ogotemmêli, Paris, Fayard, [1946] 1975 Google Scholar, insistait sur l’importance de la cosmogonie des peuples de l’Ouest africain « que la christologie elle-même étudierait avec profit ». Sur les quatre éléments dans la mythologie bambara, voir Ganay, Solange De, « Notes sur la théodicée bambara> », Revue de l’histoire des religions, 135-2-3, 1949, p. 187213 CrossRefGoogle Scholar ; Dieterlen, Germaine, Essai sur la religion bambara, Paris, PUF, [1951] 1988 Google Scholar ; Tamar, Tal, « Notes sur les représentations cosmogoniques dogon, bambara et malinké et leurs parallèles avec la pensée antique et islamique », Journal des africanistes, 71-1, 2001, p. 93111 CrossRefGoogle Scholar. Chez les Bambara comme dans la pensée antique et médiévale, les quatre éléments sont également en relation avec les quatre points cardinaux.

61- Sur l’origine et l’interprétation du système « germanique », voir Corbet, Patrick, Autour de Burchard de Worms. L’Église allemande et les interdits de parenté (IXe-XIIe siècle), Francfort-sur-le-Main, V. Klostermann, 2001 Google Scholar ; Schadt, Hermann, Die Darstellungen der Arbores Consanguinitatis und der Arbores Affinitatis. Bildschemata in juristischen Handschriften, Tübingen, E. Wasmuth, 1982 Google Scholar. Sur le mode de comput populaire, Champeaux, Ernest, « Jus sanguinis. Trois façons de calculer la parenté au Moyen Âge », Revue d’histoire du droit français et étranger, 4e s., 12, 1933, p. 241290 Google Scholar.

62- Thomas D’aquin, La Somme théologique…, op. cit., t. 8, p. 310. Son raisonnement infléchit à propos celui de saint Basile (fin IVe siècle) pour qui l’identité de chair des deux époux investit tous les membres de leur fratrie respective qui ne peuvent donc s’unir entre eux. D’où, dans le droit canonique byzantin, des interdits d’affinité étendus qui passent, jusqu’en 1215, dans le droit canonique romain (2e et 3e affinités).

63- Si Thomas D’aquin, La Somme théologique…, op. cit., t. 3, p. 343, considère que l’homme, suivant le récit de la création, est fait de terre boueuse dans laquelle Dieu a insufflé l’esprit, il n’en redonne pas moins habilement la primauté aux éléments masculins : « Sa substance [de l’homme] comprend les éléments de telle sorte que les éléments supérieurs, c’est-à-dire le feu et l’air, ont en lui une action prédominante ; parce que la vie consiste principalement dans la chaleur qui est le feu et dans l’humidité qui appartient à l’air. Mais les éléments inférieurs y occupent le plus de place. Car si ces éléments n’étaient pas plus abondants, comme ils ont moins de vertu, il n’y aurait pas égalité dans les proportions. C’est parce que les éléments inférieurs sont dans l’homme en plus grande quantité qu’on dit que son corps a été formé du limon de la terre, parce que le limon est de la terre détrempée d’eau. » L’Écriture ne fait mention que de la terre et de l’eau mélangées et ne parle pas du feu et de l’air parce que ceux-ci « ne tombent pas sous le sens du vulgaire, comme la terre et l’eau. On conçoit que Moïse n’en ait rien dit parce qu’il s’adressait à un peuple très grossier. » Dans la perspective de l’Aquinate, Dieu ayant dû souffler sur ce limon pour lui donner la vie, ce souffle pourrait, plus simplement, être interprété comme du feu et de l’air, éléments masculins, et donc comme une fécondation… Du point de vue de la parenté, l’égalité de proportions entre éléments masculins (le feu et l’air) et féminins (l’eau et la terre présents en abondance parce que grossiers et dotés de peu de vertu) confirme le caractère cognatique du système.

64- Voir supra, p. 892.

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73- É. de l’horme, Notes généalogiques…, op. cit.

74- Ibid., p. 3. La notice est tirée du Carré d’Hozier 340.

75- F.-J. Ruggiu, « Histoire de la parenté… », art. cit., p. 230.

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