Les évacuations d’enfants en France et en Grande-Bretagne (1939-1940)
Published online by Cambridge University Press: 20 January 2017
Cet article part d’une comparaison des évacuations française et britannique des enfants citadins vers les campagnes en 1939-1940 pour nourrir une réflexion plus large sur les manières très différentes de concevoir la bonne façon d’éduquer les enfants de part et d’autre de la Manche. À travers cette comparaison, il montre comment cette divergence dans les traditions d’éducation pointe des différences plus profondes dans la perception des besoins affectifs des enfants ainsi que dans la manière d’appréhender les relations famille-état-enfant dans une démocratie libérale et dans une démocratie républicaine à la fin des années 1930.
This article takes a comparison of the French and British evacuations of children to the countryside in 1939-40 as a starting point for a larger reflection on the very different meanings and practices that surrounded child-rearing in twentieth-century France and Great Britain. More specifically, it argues that the educational practices characteristic of each society point to deeper differences in the way that the triangle of relationships among families, children and the state were conceptualized in a liberal versus a republican democracy at the end of the 1930s. Among other things, this meant that children's affective needs were understood very differently inside the two systems, a difference that was in part linked to divergent ways of thinking about citizenship and the place of children within the polity.
1- Formée en France, Louise Despert semble avoir fait toute sa carrière à New York en tant qu’élève puis assistante de Leo Kanner (spécialiste des enfants autistes), si l’on en juge par ses publications – toutes en anglais – que l’on trouve à la New York Public Library.
2- Archives municipales (dorénavant AM) de Suresnes, H 39, L. Despert à Sellier, 16 décembre 1939. Visiblement la question de l’enfance en guerre l’intéresse beaucoup car en 1942, le docteur Despert publie un compte rendu de la littérature (essentiellement britannique) sur les enfants dans la guerre : Despert, Louise, « Preliminary report on children's reactions to the war», Psychoanalytic Quarterly, 12, 1943, p. 417–418.Google Scholar
3- AM de Suresnes, H 39, L. Despert à H. Sellier, 16 décembre 1939.
4- AM de Suresnes, H 39, L. Despert à H. Sellier, 29 janvier 1940. Le dessin libre de l’enfant faisait partie de la batterie de techniques de la nouvelle science psychanalytique des enfants.
5- AM de Suresnes, H 39, L. Despert à H. Sellier, 16 décembre 1939.
6- AM de Suresnes, H 39, L. Despert à H. Sellier, 29 janvier 1940.
7- AM de Suresnes, H 39, H. Sellier à L. Despert, 15 février 1940. L’échange se termine par une lettre de H. Sellier dans laquelle celui-ci fait part du fait qu’il est débordé par la tâche, lourde et compliquée, d’assurer que l’évacuation de « ses » enfants (c’est-àdire les enfants de la municipalité) se déroule dans de bonnes conditions. Dans sa lettre, le maire promet qu’il demandera à l’un des instituteurs qui a accompagné un groupe d’enfants évacués dans la Sarthe de constituer pour elle un dossier de textes et de dessins faits par ces enfants. Jusqu’ici, je n’ai retrouvé aucune trace de ce dossier dans les archives municipales de Suresnes. En revanche, H. Sellier lui a envoyé lui-même un paquet de documents concernant sa protestation contre l’organisation défectueuse de la première évacuation (automne 1939) et détaillant les mesures particulières que la ville de Suresnes a prises en faveur des petits évacués de la commune : AM de Suresnes, H 39, H. Sellier à L. Despert, 27 décembre 1939.
8- L’originalité du propos du docteur Despert par rapport à l’exposition espagnole réside dans le fait qu’elle propose de rajouter à son exposition un commentaire sur les dessins des enfants français fait du point de vue de la psychologie enfantine. Voir Célia KEREN, « L’évacuation et l’accueil des enfants espagnols en France : cartographie d’une mobilisation transnationale (1936-1942) », thèse de doctorat en cours à l’EHESS.
9- Zahra, Tara, The lost children: Reconstructing Europe's families after World War II, Cambridge, Harvard University Press, 2011,CrossRefGoogle Scholar montre dans le détail comment ces idées anglo-américaines sont diffusées par le biais des organisations internationales de sauve- tage des enfants pendant et après la Seconde Guerre mondiale.
10- Voir Harris, José, «War and social history: Britain and the home front during the Second World War», Contemporary European History, 1-1, 1992, p. 17–35, ici p. 17-18:CrossRefGoogle Scholar « évacuation, rationnement, conscription et bombardement sont passés pour avoir rassemblé les gens de toutes les classes sociales et ouvert les yeux des privilégiés à la condition des pauvres ».
11- Il faut noter en passant que les responsables de la défense passive dans chaque pays sont au courant de la mise en place des plans d’évacuation dans l’autre. Au-delà de cette histoire de regards croisés, les deux ministères de la Défense se consultent pendant les années 1930, notamment au sujet de la défense passive.
12- Reeves, Christopher, « A duty to care: Reflections on the influence of Bowlby and Winnicott on the 1948 Children Act», in Issroff, J. (dir.), Donald Winnicott and John Bowlby: Personal and professional perspectives, Londres, Karnac, 2005, p. 179-208, ici p. 181:Google Scholar « Les enfants évacués étaient pour la plupart des enfants ordinaires, élevés par leur famille. Par conséquent leur bien-être relèverait, en temps normal, de la seule responsabilité de leurs parents. » C’est moi qui souligne.
13- En ce qui concerne les politiques autour de l’enfance, Vichy maintint cette orientation « familialiste » héritée de la IIIe République. Voir Capuano, Christophe, Vichy et la famille. Réalités et faux-semblants d’une politique publique, Rennes, PUR, 2009.Google Scholar
14- Cité dans Wicks, Ben, No time to wave goodbye, Londres, Bloomsbury, 1988, p. 86.Google Scholar
15- Spectatordu 22 septembre 1939, et résumé du Reading and District Congregational Monthly,publié dans le Reading Standarddu 6 octobre 1939 ; tous les deux cités dans Travis Crosby, L., The impact of civilian evacuation in the Second World War, Londres, Croom Helm, 1986, p. 34–35.Google Scholar Dans le pire des cas, la bourgeoisie rurale va jusqu’à un rejet absolu du plan national destiné au sauvetage des enfants urbains : « Les évacués nous embêtent davantage que les Allemands », déclare la femme d’un pilote de la Royal Air Force qui n’héberge pourtant aucun évacué, « ils viennent des mauvais quartiers de Liverpool et la couleur de leurs peaux varie du noir au jaune. » Cité dans Forbesrobertson, Diana et Straus, Roger W. (dir.), War letters from Britain, New York, G. P. Putnam's Sons, 1941, p. 115.Google Scholar
16- Lee Downs, Laura, « ‘A very British revolution?’ L’évacuation des enfants citadins vers les campagnes anglaises, 1939-1945», Vingtième siècle. Revue d’histoire, 89, 2006, p. 47–60.CrossRefGoogle Scholar
17- Lettre ouverte signée par John Bowlby,EmanuelMiller et Donald W.Winnicott, « Evacuation of small children », British Medical Journal, 16 décembre 1939 ; Winnicott, Donald W., Déprivation et délinquance, Paris, Payot et Rivages, [1984] 1994, p. 25-26.Google Scholar
18- L. L. DOWNS, « ‘A very British revolution?’… », art. cit. L’hypothèse du danger social posé par la séparation des enfants de leur mère est largement diffusée après la guerre par John BOWLBY, Soins maternels et santé mentale, Genève, Organisation mondiale de la santé, 1951, p. 176 : « On voit maintenant qu’élever convenablement des enfants frustrés d’une vie familiale normale n’est pas seulement un acte d’humanité, mais un élément essentiel de l’équilibre mental et social d’une communauté… Des enfants carencés, qu’ils vivent au sein de leur propre famille ou au dehors, sont une source d’infection sociale, aussi réelle et aussi dangereuse que les porteurs de germes diphthériques ou typhiques.» C’est moi qui souligne.
19- Chenard, Marie-Louise Pé, « Des enfants quelque part dans le Centre…», Grande revue, septembre-décembre 1939, p. 338-346, et février 1940, p. 481-488, ici p. 483–484.Google Scholar
20- DOWNS, Laura Lee, Histoire des colonies de vacances des années 1880 à nos jours, Paris, Perrin, 2009.Google Scholar
21- Fishman, Selon Sarah, La bataille de l’enfance. Délinquance juvénile et justice des mineurs en France au XXe siècle, Rennes, PUR, 2008,CrossRefGoogle Scholar c’est l’absence généralisée de discipline paternelle qui suscite des discussions vives sur une augmentation éventuelle de la délinquance juvénile parmi les adolescents ainsi délaissés.
22- Le placement des nourrissons et des enfants chez des familles nourricières rurales, toujours très pratiqué dans la France des années 1930 et 1940, a complètement disparu des îles Britanniques avant la fin du XIXe siècle. D’où l’absence du paysage britannique de structures de placement comme celle des Enfants assistés lors de l’évacuation de 1939-1940. De plus, le peu de placement d’enfants (surtout des nourrissons) qui subsiste en Angleterre au XIXe siècle, qualifié de « baby-farming », acquiert une mauvaise réputation à partir des années 1868, à la suite d’une campagne féroce menée par les médecins britanniques contre cette pratique qu’ils assimilent à l’infanticide. Car, à la différence de la France où les enfants placés sont les enfants d’ouvrières, de commerçantes ou de femmes d’artisan qui placent leurs enfants pour pouvoir travailler à plein-temps, la plupart des enfants placés en Grande-Bretagne sont des enfants illégitimes. À partir des années 1860, les médecins britanniques accusent les nourrices, qui accueillent ces enfants non désirés, d’être engagées dans un système « d’infanticide commercial », où elles rendent service à ces mères embarrassées en laissant périr leurs bâtards. Voir Ruth Ellen HOMRIGHAUS, « Wolves in women's clothing: Baby farming and the British Medical Journal, 1860-1872 », Journal of Family History, 26-3, 2001, p. 350-372 ; Shurlee SWAIN, « Toward a social geography of baby farming », The History of the Family, 10-2, 2005, p. 151-159. En fait, la longue vie de la mise en nourrice et du placement des enfants à la campagne en France est exceptionnelle, selon le médecin lyonnais Xavier Delore, qui observe en 1879 que « la France est à peu près la seule contrée où l’industrie des nourrices soit organisée. Chez tous les autres peuples, l’allaitement maternel est la règle, même dans les classes élevées… En Angleterre, il n’existe pas de nourrices mercenaires et par conséquent point de bureaux de nourrices, ni de règlements… » : Xavier DELORE, « Nourrices », inA. DECHAMBRE (dir.), Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, Paris, Masson/Asselin, 1864-1889, vol. 13, p. 395-398. Voir aussi George D. SUSSMAN, Selling mothers’ milk: The wet-nursing business in France, 1715-1914, Urbana, University of Illinois Press, 1982.
23- Durant les années 1930, les services sociaux britanniques (et notamment les cliniques de « Child guidance ») sont de plus en plus orientés par des théories de l’enfant et de sa famille d’inspiration freudienne. Or la pensée freudienne est sous-tendue par une approche profondément biologisante du psychisme et de la famille comme matrice du psychisme enfantin. Le fait que les Français aient une conception plutôt sociale du rôle parental relève pour une partie du fait qu’avant les années 1968, la plupart des milieux psycho-médicaux français résistent à la pensée freudienne. Voir Frank SULLOWAY, Freud, biologiste de l’esprit, Paris, Fayard, [1981] 1998 ; Sherry TURKLE, La France freudienne, Paris, Grasset, [1978] 1982.
24- Je me permets de renvoyer à L. L. DOWNS, « ‘A very British revolution?’… », art. cit.
25- Titmuss, Richard H., The problems of social policy, Londres, HMSO, 1950.Google Scholar
26- Bowlby, John, « Psychological aspects», in Padley, R. et Cole, M. (dir.), Evacuation survey: A report to the Fabian Society, Londres, G. Routledge &Sons ltd., 1940, p. 189–190.Google Scholar
27- Tout cela s’inspire de l’expérience de la Première Guerre mondiale et l’occupation sévère du Nord et des zones frontalières à l’Est. Voir Torrie, Julia S., « For their own good »: Civilian evacuations in Germany and France, 1939-1945, New York, Berghahn Books, 2010.Google Scholar
28- AM de Suresnes, D 669, H. Sellier, secrétaire général, Union amicale des maires de la Seine, « Mesures à prendre en cas d’événements de guerre susceptibles d’entraîner l’évacuation de la population de la banlieue. Rapport et résolution adoptés par l’Assemblée générale du 1er décembre 1939 », p. 6.
29- Le recensement, qui couvre tous les élèves des écoles publiques – 400 000 dans les écoles primaires et 65 000 dans les écoles maternelles (les 90 000 élèves des écoles libres n’étant pas concernés par cette évacuation administrative) –, est censé identifier ceux qui seront évacués par les soins de leurs familles et ceux qui seront confiés à l’administration. Dans sa circulaire, le préfet de la Seine demande aux directeurs des écoles de dresser des listes nominatives de chaque groupe, et d’établir une troisième liste des enfants étrangers, « c’est-à-dire les enfants nés en France ou à l’étranger de parents étrangers ». Ces derniers sont destinés à une « colonie spéciale », car « il est à prévoir en effet qu’en cas de conflit, les étrangers seraient groupés pour la plupart entre eux dans des camps réservés et l’enfant suivrait tout naturellement sa famille », AM d’Arcueil, 105/3, Directeur de l’Enseignement de la Seine aux directeurs et directrices des écoles, 3 février 1939. Cela confirme les thèses de Gérard NOIRIEL, Les origines républicaines de Vichy, Paris, Hachette, 1999.
30- ANF23 221, Sénat, Commission d’Hygiène et Assistance, Sous-Commission chargée d’examiner la question des évacuations, Rapport de février 1940, « Conclusions », p. 5.
31- Pour chaque arrondissement de Paris et pour chaque banlieue autour de la ville est désigné un département d’accueil dans le Centre ou dans l’Ouest de la France. Arcueil ainsi que les 4e et 5e arrondissements de Paris correspondent au Calvados, Suresnes et les 9e, 17e et 19e arrondissements à la Sarthe, Ivry-sur-Seine et le 11e arrondissement au Cher, Boulogne-Billancourt et les 1er, 8e, 14e et 18e arrondissements à la Loire- Inférieure, etc. Les préfets et les maires des départements d’accueil sont obligés de trouver des logements (collectifs ou chez des particuliers) pour tous les réfugiés qui arrivent chez eux. Ceux qui prennent en charge l’hébergement des populations évacuées (individus ou collectivités) reçoivent une allocation pour chaque réfugié : 10 F par jour par adulte et adolescent (13 ans), 6 F par jour par enfant (0 à 13 ans). Enfin, les maires de village dans les départements d’accueil ont le droit de réquisitionner toute grange, école ou salle des fêtes nécessaire pour donner un abri aux évacués. Les maires des villes de départ, pour leur part, sont obligés d’afficher clairement toute information émise par les autorités responsables de l’évacuation (ministères de la Santé publique, de l’éducation nationale et de l’Intérieur, préfet de la Seine, etc.) sur l’organisation de l’évacuation : trains spéciaux, horaires et lieux de départ, modalités d’inscription des enfants dans l’évacuation administrative, etc.
32- Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont partis accompagnés de leur famille. Ainsi, parmi les enfants évacués par les soins de leurs familles, plusieurs milliers laissent leurs parents derrière eux pour partir avec les écoles libres ou des collectivités autres que leur école. Le Parti social français (PSF), par exemple, estime avoir évacué environ 10 000 enfants de la région parisienne à partir de ses six centres sociaux implantés dans la « zone rouge » autour de Paris. Ces enfants sont envoyés dans des centres et des colonies organisés à leur intention par des militantes des Artisans de la Défense passive (ADP), association du PSF qui s’occupe de la protection sociale des civils pendant la guerre. (AN 451 AP 244, ADP, « Résumé de conférence, évacuation », p. 2). Les archives du PSF indiquent que les ADP s’attendaient à avoir environ 30 000 enfants à évacuer. Mais en cette fin d’été, les deux tiers sont toujours en vacances dans des colonies du mouvement (ibid.). Comme il s’agit d’une organisation de l’extrême droite nationaliste peu intégrée aux réseaux d’action sociale sous la IIIe République, il est probable que les enfants qu’elle prétende avoir envoyé en colonie ou évacué en fin août/début septembre 1939 (22 000 et 10 000 respectivement, selon les chiffres officieux du mouvement) ne figurent pas dans le comptage officiel fait par le gouvernement. Ceci nous rappelle que le fait d’être évacué par les soins de sa famille ne veut pas forcément dire être évacué enfamille. En fait, le total d’enfants non accompagnés de leur famille qui sont évacués à la fin de l’été 1939 dépasse largement les 45 000 qui figurent dans les chiffres de l’évacuation administrative, grâce au rôle important joué par diverses oeuvres sociales privées dans l’évacuation des enfants parisiens.
33- ANF23 221, Direction de l’Enseignement du 1er degré du ministère de l’Instruction publique au vice-Président du Conseil, note du 29 décembre 1939, p. 2. Il ne reste que 60 000 écoliers dans la région parisienne. Il est très difficile de comparer de manière précise les chiffres des deux évacuations car les autorités française et britannique utilisent des critères très différents pour évaluer le succès de leurs évacuations respectives. Mais de manière globale on peut dire que l’évacuation parisienne était beaucoup plus complète car à peu près la moitié des écoliers londoniens reste à Londres après l’évacuation tandis qu’à Paris ils ne sont que 13% à ne pas partir en septembre 1939. Pour les chiffres britanniques, voir Titmuss, R., The problems of social policy, op. cit., p. 550–551.Google Scholar
34- À l’époque, la rentrée se fait le 1er octobre.
35- AM de Boulogne-Billancourt, 6 H 17, M. Dufaut à la mairie de Boulogne-Billancourt, 30 septembre 1939 (lettre cosignée par 3 autres institutrices) ; et M. Dufaut à la mairie de Boulogne-Billancourt, 12 septembre 1939.
36- Avec l’arrivée des premières pluies froides de l’automne, les individus et associations responsables de leur hébergement ont beaucoup de mal à arracher aux familles d’origine quelques vêtements chauds pour les enfants évacués. « (Il faut) insister auprès des familles pour qu’elles envoient des vêtements et surtout les chaussures nécessaires aux enfants plutôt que des boîtes de bonbons et de chocolats », écrit la directrice du centre d’hébergement de Ferrières-en-Gâtinais, exaspérée, à la mairie d’Arcueil en mars 1940. AM d’Arcueil, 105/3, dossier « Ferrières-en-Gâtinais ». Rapport de la délégation spéciale d’Arcueil, suite à la tournée des centres d’accueil des enfants, 20 et 21 mars 1940, p. 72.
37- AM de Suresnes, H 31, H. Sellier à M. Arrignon, 2 septembre 1939.
38- AM de Suresnes, H 31, H. Sellier au Directeur de l’Enseignement primaire de la Seine, 21 septembre 1939 ; et H. Sellier au directeur du centre de Saint-Maixent, 21 septembre 1939. Les 566 enfants évacués de Suresnes se répartissent sur 5 lieux : 325 sont placés dans la Nièvre (colonie municipale de placement familiale), 199 sont placés dans des familles dans la Sarthe, 25 sont placés à la colonie Henri Sellier d’Hossegor pour les enfants de l’école de plein air, et 17 à la colonie de la Roche-Guyon, aussi destinée aux enfants de santé fragile. AM de Suresnes, H 33, H. Sellier au Préfet de la Seine, 11 octobre 1939.
39- Sa chère colonie municipale marche depuis plus que 20 ans par placement familial dans la Nièvre. Pour les adolescents, par contre, H. Sellier préconise des colonies collectives : Downs, L. L., Histoire des colonies de vacances…, op. cit. Google Scholar
40- AM de Suresnes H 33, H. Sellier à M. le préfet de la Seine, 11 octobre 1939 et 11 décembre 1939.
41- AM de Suresnes, H 36, H. Sellier, Note pour M. le Directeur de l’Enseignement, p. 1. Les instituteurs et institutrices qui accompagnent les évacués semblent, pour leur part, avoir partagé l’opinion d’H. Sellier concernant la distinction entre la tâche d’instruction pour laquelle ils sont formés et les nouvelles responsabilités quasi parentales imposées par l’évacuation qui, normalement « peuvent s’imposer aux diverses catégories de personnel d’un internat » : Archives du SNI, 329, dossier « Centres d’évacuation 1940 », note relative à l’évacuation éventuelle des enfants de la région parisienne et à l’organisation de cette évacuation, soumise à l’attention de M. le Président Sarraut, ministère de l’éducation Nationale (2 pages non signées, 2 avril 1940).
42- AM de Suresnes, H 38, H. Sellier à Marc Rucart, 20 septembre 1939, p. 5 ; AM de Suresnes, H 36, H. Sellier, Note pour M. le Directeur de l’Enseignement, p. 2. Par ailleurs, le maire attribue au ministre la responsabilité « indirecte » du fait qu’un service « dont il avait normalement la charge, a pu être aussi lamentablement organisé par une autorité administrative incompétente, sans qu’il proteste » (ibid., p. 5). Car, selon H. Sellier, c’est l’« inertie » du ministère de la Santé publique au printemps 1939, moment où il fallait préparer cette évacuation, qui « ouvrait » à l’Enseignement national la possibilité de « satisfaire une vieille conception mégalomane tendant à l’absorption, par leurs propres services, de toute l’organisation du placement et de l’hébergement des enfants ». AM de Suresnes, H 38, H. Sellier, « Mesures à prendre », p. 4.
43- AM de Suresnes, H 38, H. Sellier à Marc Rucart, 20 septembre 1939, p. 2 et 5.
44- AM de Suresnes, H 38, H. Sellier, « Mesures à prendre », p. 5 et 9. En décembre 1939, C. Chautemps, qui récupère le dossier sur les évacuations, invite l’Union des maires (que les services de la Défense passive ont laissée à l’écart de la première évacuation) à collaborer dans la préparation et réalisation d’une deuxième évacuation, prévue pour le printemps 1940.
45- AM de Suresnes, H 31, H. Sellier à Marcel Martin (directeur de la Caisse interdépartementale des Assurances sociales), 15 janvier 1940, p. 1-2.
46- ANF23 221,H. Sellier aux assistantes socialesmunicipales, «évacuation des enfants », février 1940.
47- AN F 23 221, H. Sellier à C. Chautemps, 15 février 1940, p. 1.
48- Je ne veux par dire par là qu’il n’existe pas en France de parents cherchant à garder leurs enfants auprès d’eux au lieu de les laisser partir. Mais la question de la nostalgie du foyer, comprise comme faisant partie des choses prévisibles en France, est classée plutôt comme une question pratique qu’il faut résoudre pour assurer une évacuation effective (question déjà bien connue dans son genre, d’ailleurs, car les organisateurs de colonies de vacances prennent depuis longtemps des précautions pour être sûrs que les parents ne se mêlent pas trop dans la vie des enfants en colonies de vacances).
49- AM de Suresnes, H 31, dossier « Hossegor »,Mme Bouder à H. Sellier, 20 novembre 1939.
50- Comme le dit un lecteur du Timesdans une lettre du 22 septembre 1939 : « Ce sont des nabots, créatures mal formées, capables de ne comprendre que le langage le plus élémentaire et carrément incapable de penser, mus par des impulsions au mieux sentimentales et, au pire, brutales… La guerre a soulevé le pavé – ces hontes à notre système éducatif ont été poussées vers la lumière » : Welshman, John, Churchill's children: The evacuee experience in wartime Britain, Londres, Oxford University Press, 2008, p. 25.Google Scholar
51- Padley, R. et Cole, M. (dir.), Evacuation survey…, op. cit., p. 74.Google Scholar C’est moi qui souligne. Pour une analyse plus élaborée des présupposées implicites de classe de ce discours qui se veut un discours sur la psychologie enfantine à visée universelle, je me permets de renvoyer le lecteur à L. L. DOWNS, « ‘A very British revolution’… », art. cit.
52- Isaacs, Susan (dir.), The Cambridge evacuation survey: A wartime study in social welfare and education, Londres, Methuen &Co., 1943, p. 6. C’est moi qui souligne.Google Scholar
53- À ce sujet, voir Stephens, Tom, Problem families: An experiment in social rehabilitation, London, Pacifist Service Units, 1945;Google Scholar Carlos P. Blacker (dir.), Problem families: Five enquiries, Londres, Eugenic society, 1952 ; Starkey, Pat, Families and social workers: The work of Family Service Units, 1940-1985, Liverpool, Liverpool University Press, 2000.CrossRefGoogle Scholar
54- AM de Suresnes, H 31, H. Sellier à Mme Lenthe, 22 septembre 1939, p. 2. Il est intéressant de noter en passant que le syndicat des instituteurs semble être au courant du fait que le placement familial fonctionnait plus facilement en France qu’en Grande- Bretagne. Car en février 1940, moment où les autorités françaises préparent une 2e vague d’évacuation, le président du SNI, Georges Lapierre, « Organiser à temps la protection de l’enfance », école Libératrice, no 19, 10 février 1940, p. 217-218, remarque dans les pages du journal mensuel du syndicat que les Britanniques ont eu peu de succès avec le placement familial : « le placement familial, c’est le plus délicat à réaliser : nos amis anglais ont voulu le pratiquer sur une vaste échelle et ont fait là une expérience décevante. Nous l’avons pratiqué en France en temps de paix ; il a donné des résultats très favorables… ». Il se peut que les instituteurs – soldats des premières lignes dans une première évacuation terriblement mal préparée – soient aussi pressés que les autorités municipales de voir les familles paysannes prendre la plupart de la responsabilité concernant l’hébergement des enfants dans des évacuations futures. De cette façon, ils pouvaient se consacrer à la formation de ces écoliers dans leurs nouveaux milieux ruraux.
55- Même si cela implique un niveau de confort moindre (les maisons rurales n’ayant pas de chauffage, à part la cheminée) et des pratiques alimentaires peu familières. Voir Downs, L. L., Histoire des colonies de vacances…, op. cit. Google Scholar
56- Houssaye, Jean, Aujourd’hui les centres de vacances, Vigneux, éd. Matrice, 1991, p. 17.Google Scholar
57- Les parents, pour leur part, allaient supporter la tristesse de l’éloignement au nom du bien-être de leur enfant. Après la guerre, les experts de l’enfance continuent à prôner le placement des enfants urbains abandonnés ou en difficulté dans des familles rurales. Voir Dehaussy, Jacques, L’assistance publique à l’enfance. Les enfants abandonnés, Paris, Sirey, 1951,Google Scholar et Amédée THéVENET, L’aide sociale en France, Paris, PUF, [1973] 1986.
58- C’est le Secours national qui chapeaute cet effort et les municipalités qui s’en occupent.
59- Bien au contraire, médecins et éducateurs vichystes se félicitent du fait que les colonies et centres d’hébergement organisés à l’intention des enfants évacués de quartiers populaires procurent aux enfants un milieu supérieur à celui qu’ils trouvent dans leur famille. Car, comme l’explique Maurice Daumas, Secrétaire général de la Fondation française d’études des problèmes humains (crée par Alexis Carrel) au sujet des enfants parisiens et marseillais évacués en 1943 pour passer un long séjour de six à neuf mois (minimum) dans des centres d’hébergement à Megève (Haute-Savoie), ces enfants sont les victimes d’une « désorganisation familiale » préoccupante. De plus, les circonstances de la guerre (bombardements, sous-alimentation de plus en plus grave) ont aggravé les conditions « habituellement précaires » de leur existence : « Sur un très grand nombre des enfants, la famille exerçait une influence défavorable. La cause de leur déséquilibre caractériel se trouvait dans cette influence. Soustraits à une action familiale, les enfants sont revenus, en général, à un état normal… Si on veut tirer une conclusion, c’est bien que la séparation de la famille constitue dans de tels cas l’essentiel du traitement » conclut-il dans un article qui résume une démarche bien différente que celle des psychanalystes britanniques de l’époque : Maurice DAUMAS, « Deux expériences de centres éducatifs pour enfants », CFFEPH, 75-81, 1945, p. 81.
60- Sur les attitudes des experts d’enfance psychiatres de l’époque, voir la préface d’élisabeth Roudinesco à Aubry, Jenny, Psychanalyse des enfants séparés. études cliniques (1952-1986), éd. par é. Roudinesco, Paris, Denoël, 2003.Google Scholar
61- Il est intéressant de noter en passant que les différences entre les deux systèmes se manifestent de manière plus saillante quand on considère le statut de l’enfant au lieu de se pencher sur le statut des femmes.
62- L’idée que la République doit à ses enfants « instruction et entretien » fut exprimée dans un premier temps par Danton dans son discours du 13 août 1793 : « Mon fils ne m’appartient pas, il est à la République », cité dans Garaud, Marcel et Szramkiewicz, Romuald, La Révolution française et la famille, PUF, Paris, 1978, p. 142.Google Scholar 80 ans plus tard, la IIIe République incarne ce principe dans les caisses des écoles, qui permettent aux écoliers de remplir leur obligation scolaire, que leurs parents puissent ou non payer les frais (chaussures et vêtements adéquats, manuels scolaires).
63- Charity Organisation Society, The better way of assisting schoolchildren, Londres, 1893, cité dans Hunt, John S., Elementary schooling and the working classes, 1860-1918, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1979, p. 11.Google Scholar
64- L’Education Actde 1906 ouvre aux autorités locales la possibilité d’établir des cantines scolaires dans les écoles publiques. Mais à part quelques municipalités socialistes comme Bradford, qui crée des cantines scolaires en 1904, les cantines scolaires sont rares en Grande-Bretagne avant les années 1943, quand l’état, devenu hyper-interventionniste du fait de l’évacuation massive des enfants citadins, met en place un système de repas collectifs qui couvre une bonne partie du pays. Pourtant, pendant les premières années de la guerre, plusieurs fonctionnaires du Board of Education comme du Ministry of Health maintiennent une forte résistance à la mise en place de ces cantines scolaires (et à toute autre forme d’aide matérielle aux enfants évacués, notamment de chaussures et de vêtements chauds), craignant qu’une aide quelconque aux enfants risque « d’affaiblir la responsabilité parentale ». J. Welshman, Churchill's children…, op. cit.; Vernon, James, Hunger: A modern history, Cambridge, Harvard University Press, 2007, p. 159– 195;CrossRefGoogle Scholar Laybourn, Keith, The evolution of British social policy and the welfare state: c.1800- 1993, Keele, Ryburn Publishing/Keele University Press, 1995.Google Scholar
65- Sur la réforme de 1834 et les origines de l’état-providence britannique, voir Fraser, Derek, The evolution of the British welfare state: A history of social policy since the industrial revolution, Londres, Macmillan, 1973 ;CrossRefGoogle Scholar PatThane, Foundations of the welfare state, Harlow, Longman, [1982] 1996 ; Kathleen Jones, The making of social policy in Britain, from the Poor Law to New Labour, Londres, Athlone Press, 2000 ; Harris, José, William Beveridge: A biography, Oxford, Clarendon Press, 1997.CrossRefGoogle Scholar
66- Cette distinction s’ancre, de plus, dans des manières bien différentes de concevoir les droits en Grande-Bretagne et en France. Ainsi, la tradition britannique met l’accent sur la protection des droits des individus contre un envahissement quelconque de la part de l’état, ce qui renforce, paradoxalement, le statut de la famille comme structure qui encadre et garantit les droits et les libertés du paterfamilias(puis, avec les conquêtes féministes, de la materfamiliasaussi). Les enfants en tant qu’individus ne jouissent pas donc d’une relation directe avec l’état. Dans la République française, en revanche, les droits des individus sont complétés par des droits sociaux qui sont garantis par l’état, un héritage de la période 1789-1794, que le droit de l’enfant à « instruction et entretien » exemplifie. Voir Pierre Rosanvallon, Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Paris, Le Seuil, 2004 ; Marc Sadoun (dir.), La démocratie en France, Paris, Gallimard, 2000. Pour une analyse très fine de la manière dont le droit et la pensée libérale renforcent les droits du paterfamilias, voir Isabel Hull, V., Sexuality, state and civil society in Germany, 1700-1815, Ithaca, Cornell University Press, 1996.Google Scholar
67- Donald W. Winnicott, « Some thoughts on the meaning of the word democracy », Human Relations, 3-2, 1950, p. 175-186, republié dans Id., The family and individual development, Londres, Tavistock Publications, 1965, p. 160. Voir aussi Evan F.M. Durbin et John Bowlby, Personal aggressiveness and war, New York, Columbia University Press, 1939 ; et Evan Durbin, F. M., The politics of democratic socialism: An essay on social policy, Londres, Routledge, 1940.Google Scholar J. Bowlby et E. Durbin sont colocataires à partir de 1929, ce qui facilite leur collaboration étroite dans le projet d’éducation émotionnelle des citoyens.
68- D. W. WINNICOTT, « Some thoughts … », art. cit., p. 163 et 169. Voir aussi Jeremy NUTTALL, « ‘Psychological socialist’; ‘Militant moderate’: Evan Durbin and the politics of synthesis », Labour History Review, 68-2, 2003, p. 235-252 ; Mathew THOMSON, Psychological subjects: Identity, culture and health in twentieth-century Britain, Oxford, Oxford University Press, 2006 ; Rose, Nikolas, Governing the soul: The shaping of the private self, Londres, Routledge, 1990,Google Scholar et Michal Shapira, « Hospitalized children, separation anxiety and motherly love in postwar Britain » manuscrit inédit cité avec l’autorisation de l’auteur.
69- Alain, , Pédagogie enfantine, Paris, PUF, 1963.Google Scholar
70- Downs, L. L., Histoire des colonies de vacances…, op. cit.Google Scholar
71- Il n’est pas impossible que cette distinction relève, pour une partie, de deux visions distinctes de la relation entre famille et institutions collectives, l’une étant l’ancienne vision catholique dont les républicains français sont les héritiers, et l’autre étant la vision protestante esquissée au moment de la Réforme. Dans la première, la famille privée existe en tension avec les institutions collectives, dans la deuxième, elle existe plutôt en continuité avec les instances collectives.
72- Il existe cependant quelques exceptions à la règle : Gordon, Linda, Heroes of their own lives. The politics and history of family violence: Boston, 1880-1960, New York, Viking, 1988;Google Scholar Id., The great Arizona orphan abduction, Cambridge, Harvard University Press, [1999] 2001 ; Steedman, Carolyn, Childhood, culture and class in Britain: Margaret MacMillan (1860-1931), New Brunswick, Rutgers University Press, 1990;Google Scholar Id., Strange dislocations: Childhood and the idea of human interiority, 1780-1930, Cambridge, Harvard University Press, 1993 ; Ivan Jablonka, Ni père, ni mère. Histoire des enfants de l’Assistance publique, 1874-1939, Paris, Le Seuil, 2006 ; Zahra, Tara, Kidnapped souls: National indifference and the battle for children in the Bohemian lands, 1900-1948, Ithaca, Cornell University Press, 2008;Google Scholar Id., The lost children…, op. cit.
73- Jordanova, Ludmilla, «New worlds for children in the 18th century: Problems of historical interpretation», History of the Human Sciences, 3-1, 1990, p. 69–83.Google Scholar
74- Pour un bel exemple de cette approche « maternaliste », appliquée à l’histoire de l’enfance en France, voir Heywood, Colin, Growing up in France from the Ancien Régime to the Third Republic, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.Google Scholar
75- Les recherches pour une première élaboration de cette théorie sont réalisées entre 1936 et 1939 et publiées en 1946 dans Bowlby, John, Forty-four juvenile thieves: Their characters and home life, Londres, Baillière, Tindall &Cox, 1946 Google Scholar (une première version est publiée en 1944 sous le titre « Forty-four juvenile thieves: Their characters and home life. Notes on the psychopathology of the affectionless character », International Journal of Psychoanalysis, 25, 1944, p. 107-128). À la différence de D. Winnicott, qui travaille avec les enfants inadaptés évacués à Cambridge durant la guerre, J. Bowlby ne travaille pas avec les enfants évacués. Pourtant, il trouve dans les expériences mitigées de l’évacuation une confirmation de ce qu’il va appeler la théorie de l’attachement, et cette théorie sera largement diffusée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, notamment par son ouvrage Soins maternels et santé mentale, publié en plusieurs langues par l’Organisation mondiale de la santé (ONU) en 1951. J. Bowlby devient le directeur du Child's Department de la Tavistock Clinic à Londres en 1945, ce qui assure la pérennité de sa démarche dans les politiques publiques britanniques autour de l’enfant et de sa famille.
76- Bowlby, John, Attachement et perte, Paris, PUF, [1969] 1996.Google Scholar Les victimes de la carence maternelle (maternal deprivation trauma)souffriront plus tard de ce que J. Bowlby appelle « affectionless character ».Voir aussi éric Rayner, Le groupe des Indépendants et la psychanalyse britannique, Paris, PUF, [1991] 1994. En France, Jenny Aubry fut la première à mener (aux années 1950) des recherches cliniques sur les enfants séparés de leurs parents (parce qu’hospitalisés, ou déposés à l’Assistance publique) à partir des thèses bowlbiennes. Mais ses conclusions sont beaucoup plus nuancées que celles de J. Bowlby : Aubry, Jenny (dir.), La carence de soins maternels, les effets de la séparation et la privation de soins maternels sur le développement des jeunes enfants, Paris, PUF, 1955.Google Scholar
77- Une finalité non avouée mais souvent présente dans cette littérature est celle d’évaluer rétrospectivement les pratiques éducatives dans les sociétés du passé.
78- À la veille de la Première Guerre mondiale, 9,6% des femmes mariées britanniques travaillaient contre 48,8% en France : Downs, Laura Lee, L’inégalité à la chaîne. La division sexuée du travail dans l’industrie métallurgique en France et en Angleterre, 1914-1939, Paris, Albin Michel, [1995] 2001, p. 79–80.Google Scholar
79- Plus que d’un tiers des enfants nés à Paris, et presque la moitié (47 %) nés à Lyon, est mis en nourrice au début du XXe siècle : Rollet, Catherine, « Nourrices et nourrissons dans le département de la Seine et en France de 1880 à 1940», Population, 3, 1982, p. 573–604.CrossRefGoogle Scholar
80- T. Zahra, Kidnapped souls…, op. cit. Google Scholar
81- Cela a aussi des racines plus profondes. Je me permets de vous renvoyer à Laura Lee DOWNS, « Milieu social ou milieu familial? Theories and practices of childrearing among the popular classes in 20th century France and Britain: The case of evacuation (1939-1945) », Family and Community History, 8-2, 2005, p. 49–66.Google Scholar
82- Pour une littérature qui historicise des formes particulière de la théorie psychanalytique, voir Riley, Denise, War in the nursery: Theories of the child and mother, Londres, Virago, 1983,Google Scholar et Wolff, Larry, Child abuse in Freud's Vienna: Postcards from the end of the world, New York, New York University Press, 1995.Google Scholar
83- Steedman, C., Strange dislocations…, op. cit.;Google Scholar Burman, Erica, Deconstructing developmental psychology, Londres, Routledge, 1994.Google Scholar
84- Dans un premier temps (ca. 1880-1920) la littérature sur le développement enfantin se structurait autour du principe de l’ontogenèse, ce qui établit un parallélisme entre le cerveau de l’enfant et celui des « primitifs ». Ainsi, l’enfant est censé récapituler dans son développement individuel les stades par lesquels toute l’espèce humaine est passée collectivement : stade nomade, chasseur-cueilleur, guerrier, etc.
85- Pour une discussion perspicace de cette littérature, voir Burman, E., Deconstructing …, op. cit. Google Scholar