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D'Hérodote au magnétophone : sources orales et archives orales

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Dominique Aron-Schnapper
Affiliation:
Centre de Recherches Historiques EHESS
Danièle Hanet
Affiliation:
Centre de Recherches Historiques EHESS

Extract

Menées par des historiens, des ethnologues ou des sociologues, de nombreuses entreprises se sont développées aux États-Unis depuis la fin des années 1940, puis en Grande-Bretagne sous le terme d'oral history, en France, surtout depuis 1975, sous des dénominations variées. Toutes utilisent ou suscitent des « témoignages oraux », terme générique évoquant une parenté essentielle entre toutes ces recherches. Il ne s'agit pas ici de recenser les travaux en cours — ce qu'ont fait R. Bonnain et F. Elegoët —, mais de différencier des projets qui ont, certes, en commun de réunir et/ou d'exploiter des témoignages oraux, mais dont l'objet et le statut scientifique restent fondamentalement différents. L'ambiguïté apparaît immédiatement, puisque ni les termes de témoignages oraux, ni ceux d'archives orales ne traduisent oral history, genre que pratiquent si intensément les universitaires américains : archives ou témoignages ne sont pas de l'histoire.

Summary

Summary

As more and more oral surveys are carried out, it is important to distinguish between three undertakings which differ in their scientific status : that of the archivists, who, like American oral historians, collect, classify and préserve oral documents ; that of the historians, sociologists or political scientists, who analyse and interpret the oral accounts collected by themselves or by others : and lastly, that of the oral-archivists, who prépares oral documents for the historians of the future. This latter task can and should be rigourous and systematic. It must be understood that although oral archives'are new documents, valuable for the study of certain populations and aspects of social reality, they do not create a new history.

Type
Archives Orales : Une Autre Histoire ?
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1980

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References

1. R. Bonnain et F. ElegoËT. «Mémoires de France», Ethnologie française, 1978. t. 8, pp. 337-355. On pourra aussi consulter P. Joutard, « Le document oral, une nouvelle source pour l'histoire », L'histoire, n° 12, 1979, pp. 106-113.

2. Voir, dans ce même numéro, les articles de J. Lequin et de P. Joutard.

3. C. LÉVI-Strauss, compte rendu de Simons, L. W., The autobiography ofa Hopi Indian, New- Haven, Yale Univ. Press, 1942 Google Scholar, dans Année sociologique, 2e série, 1940-1948, t. 1, p. 330.

4. Nous mettrons chaque fois des guillemets pour indiquer cette utilisation particulière du terme d'historien.

5. Le programme d'archives orales a été confié au Centre de recherches historiques sous la responsabilité de Dominique Schnapper et financé par le Comité interministériel pour l'histoire de la Sécurité sociale présidé par P. Laroque. Il a débuté le 1er avril 1975 et s'est terminé le 31 décembre 1979. Au total, 365 entretiens ont été réalisés auprès de 201 personnes. Les entretiens ont été réalisés par D. Hanet, à laquelle se sont jointes S. Deswarte et D. Pasquier, le 1er janvier 1976, A. Le Clec'h, Cl. Schneider, M. Vormeringen, le 1er janvier 1978.

6. On trouvera une introduction générale au sujet dans Ch. Nahoum, L'entretien psychologique, Paris, Puf, 1958 et une bibliographie complète dans S. Richardson, B. Dohrenwend, Klein, D., Interviewing : itsforms and functions, New York Google Scholar, Basic Books, 1965.

7. Terkel, S., Hard times. an oral history of the Great Dépression in America, New York, Panthéon Book, 1970.Google Scholar

8. L'objet propre de cette recherche et les problèmes de méthode qu'elle a soulevés ont été exposés dans notre article, « Archives orales et histoire des institutions sociales », Revue française de sociologie, XIX, 1978, pp. 260-276.

9. Isabelle Bertaux a aussi étudié l'application de la législation (ou plutôt sa non-application) dans la formation des apprentis boulangers. La manière dont les textes s'appliquent dans la réalité est un objet privilégié des entretiens oraux. Cf. I. Bertaux-Viame, L'apprentissage en boulangerie dans l'entre-deux-guerres, une enquête d'histoire orale, mémoire de maîtrise, Paris VII, sept. 1976.

10. Rogers, C., Le développement de la personne, Paris, Dunod, 1967 Google Scholar, passim.

11. Remarque de J. Goy lors de la journée d'étude sur « le témoignage oral » organisée par la Fondation nationale des sciences politiques le 14 mai 1977 (sous la responsabilité de J. Bourdin et de R. Girardet).

12. Il n'en reste pas moins la possibilité de quelques échecs, en particulier parmi les responsables de haut niveau, dont le meilleur interviewer n'obtiendra jamais que le discours déjà prononcé dans de nombreuses circonstances officielles.

13. C. Rogers, op. cit., p. 230.

14. De Tocquevili, A..Souvenirs, E., t. XII des Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1964, p. 101.Google Scholar

15. Morissey, C., « On oral history interviewing », dans Dexter, L. éd., Elite and specialized interviewing, Northwestern Univ. Press, 1970.Google Scholar

16. Hérodote, I. 23. Nous avons choisi cette citation parmi celles que nous a signalées notre ami Philippe Gauthier, en particulier Hérodote, IV, 195 ; VII, 148, 150, 152, etc.

17. Thucydide, I, 22.

18. On connaît la célèbre formule de Thucydide (I, 22) : « J'ajoute qu'en ce qui concerne les discours prononcés par les uns et les autres, soit juste avant, soit pendant la guerre, il était bien difficile d'en reproduire la teneur avec exactitude, autant pour moi, quand je les avais personnellement entendus que pour quiconque me le rapportait de telle ou telle provenance, j'ai exprimé ce qu'à mon avis, ils auraient pu dire qui répondît le mieux à la situation. »

19. Michelet réécrit aussi avec talent les descriptions que lui faisait son père de la vie quotidienne dans les couvents avant la Révolution (L'histoire de la Révolution française, Paris, Éditions de la Pléiade, 1939, pp. 24-25) et le récit d'un témoin oculaire sur l'atmosphère de l'assemblée qui vota la mort de Louis XVI (op. cit., pp. 329-330).

20. A. DE Tocqueville, Souvenirs, op. cit., p. 101.

21. Ainsi les comptes rendus de réunion, les documents comptables, etc.

22. Veyne, P., Comment on écrit l'histoire, Paris, Éditions du Seuil, 1974, p. 194.Google Scholar

23. M. Maget a montré depuis longtemps comment l'observation ethnologique pouvait être aussi rigoureuse que l'exploitation de résultats chiffrés. Maget, Cf. M., Guide d'étude directe des comportements culturels, Paris, Cnrs, 1962.Google Scholar

24. Il est bien évident que ces termes définissent non des personnes, mais des rôles sociaux. L’ « historien » peut d'abord être archiviste, ou « archiviste-oral » avant de faire son métier d'historien, il peut utiliser des témoignages recueillis par des archivistes ou une campagne d'archives orales menée par des « archivistes-oraux ». Pour la même raison, des entretiens élaborés et exploités en fonction d'une enquête particulière peuvent, ensuite, constituer des « archives orales » pour les historiens de l'avenir : il serait regrettable que les entretiens que projette A. Prost auprès des sous-lieutenants de la guerre d'Algérie soient détruits après leur première exploitation. En fonction de leur expérience historique, les historiens de l'avenir risquent d'y lire des informations qui nous échappent.

25. La distinction classique directive/semi-directive nous paraît inadéquate pour caractériser une série d'entretiens où se succèdent des phases non directives et directives.

26. Il ne s'agit pas du biais créé par un mauvais enquêteur, mais du biais inévitable qu'introduit toute situation d'interview.

27. P. Veyne, « L'histoire conceptualisante », dans J. LE Goff et Nora, P. éds, Faire l'histoire, t. I, Paris, Gallimard, 1974, p. 67.Google Scholar

28. I. Bertaux, op. cit., pp. 174-175.

29. Mais sans doute n'est-ce qu'une étape dans son travail puisque dans un texte comportant des réflexions très variées, Daniel Bertaux, dans une partie de son développement que nous jugeons par ailleurs discutable, rejoint notre position à propos du travail du sociologue : « Le voici placé devant l'alternative fondatrice : soit se taire et laisser parler', soit se hisser d'un bond au niveau véritablement sociologique, celui où l'on s'efforce d'élucider le mouvement historique des rapports sociaux. Ce niveau existe, potentiellement ; et en règle générale, il ne se rencontre guère au niveau de la conscience des acteurs — ou tout au moins de leurs discours. Il y a donc place pour l'analyse sociologique mais cette place il faut la conquérir.» Cf. D. Bertaux, « Comment l'approche biographique peut transformer la pratique sociologique », Recherches économiques et sociales, n°69, avril 1977.

30. Communication orale d'Isabelle Bertaux à la journée d'étude sur « le témoignage oral », déjà citée.

31. P. Veyne, art. cit., p. 70.

32. Aron, R., Introduction à la philosophie de l'histoire, Paris, Gallimard, 1948 (lre éd., 1938), p. 102.Google Scholar

33. J.-C. Marrey, « Point de vue », Aménagement local, févr. 1977, p. 4.

34. M. Evrard, « Les gens fouillent mémoire et grenier », ibid., p. 7.

35. Ibid.

36. M. Evrard, « L'économie de la communauté urbaine, Le Creusot-Montceau-les-Mines », Spécial éco-musée, p. 1.

37. Programme du Congrès sur la « Mémoire collective ouvrière », organisé les 7, 8, 9 octobre 1977 (Circulaire du 15 avril, p. 1).

38. Chatelet, F., La naissance de l'histoire, Paris, Pion, « 10/18 », 1974, p. 16.Google Scholar

39. Intervention à la journée d'études organisée par la Fondation nationale des sciences politiques, déjà citée.

40. Pour les deux entreprises des archivistes et des «archivistes oraux», le terme de documentation orale ou d'archives orales nous paraît convenir ; en revanche nous continuons à regretter l'utilisation du terme d'histoire orale, adoptée en France à la suite des Anglo-Saxons, pour désigner une histoire fondée, entre autres, sur les sources orales.

41. « Pour moi je dois faire connaître ce que l'on me dit, mais je ne suis pas tenu d'y croire entièrement (que cela soit dit pour tout mon récit), car il y a des gens qui vont jusqu'à prétendre… » (Hérodote, VII, 152). Bien d'autres passages d'Hérodote pourraient être cités : I, 123 ; IV, 195 ; VII, 148, 150, 152; VII, 154, 168, etc.

42. Roussel, D., Les historiens grecs, Paris, Puf, 1972.Google Scholar

43. R. Aron, op. cit., p. 95.