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« Crise du féodalisme » et conjoncture des prix a la fin du Moyen Age

Published online by Cambridge University Press:  08 May 2018

John Day*
Affiliation:
C.N.R.S. - Paris VII

Extract

Guy Bois nous propose, dans sa thèse sur la Normandie aux XIVe-XVIe siècles, un modèle néo-marxiste de l'économie féodale qui met l'accent sur l'évolution à la fois de la productivité et du prélèvement, variables révélatrices des « rapports de production » entre paysans et seigneurs. Cette démarche constitue à ses yeux un véritable renversement de perspectives vis-à-vis des positions « pan-démographiques » défendues notamment par W. Abel, M. M. Postan et E. Le Roy Ladurie. Pour Bois, le mouvement de la population n'explique pas, à lui seul, l'évolution presque parallèle des prix céréaliers dans une grande partie de l'europe, ni les différents mouvements en ciseaux entre prix du blé, prix industriels et salaires. Dans les phases alternées de croissance et de « décroissance », l'auteur discerne, au contraire, le jeu de deux lois socio-économiques complémentaires, « spécifiques de l'économie féodale » : en période de croissance la baisse tendancielle du taux de prélèvement et de la productivité agricole ; en période de décroissance leur hausse respective.

Summary

Summary

In a critique of the neo-Marxist model of late medieval economic developments proposed by Guy Bois in his study of Normandy in the 14th-16th centuries, it is argued that price movements were determined by climatic, démographie and monetary factors : shortterm fluctuations reflected, as a rule, monetary "mutations" and the state of the harvests -, the rise in wage rates was primarily a response to the labor shortage and not the resuit of a hypothetical increase in productivity ;finally, the long price deflation ofthe late Middle Ages was due to a severe contraction of bullion stocks rather than a century offarm surplusses.

Type
Économies et Sociétés
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1979

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References

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3. On remarque une exception à ce principe, celle où la désertion de l'habitat entraîne l'abandon des champs (M. Beresford, The lost villages of England, 6e réimpr., Londres, 1969, pp. 242, 244; J. Day, « Malthus démenti ? Sous-peuplement chronique et calamités démographiques en Sardaigne au Bas Moyen Age », dans Annales E.S.C., n° 4, 1975, pp. 684-702.

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5. L'exemple le plus étonnant de ce parti pris anti-monétariste concerne la révolution des prix du xvie siècle : «…vers 1550-1560, quand les salaires seront parvenus à un niveau incompressible… la pression sociale, longtemps contenue… déclenche une inflation incontrôlable » (p. 109). Sur le rôle de l'argent bolivien, pas un mot.

6. Rapport du IXe Congrès international des sciences historiques (Paris, 1950). republié dans Postan, M. M., Essays on médiéval agriculture and gênerai problems of the médiéval economy, Londres, Cambridge Univ. Press, 1973, p. 11 Google Scholar.

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13. Avec rendements entre 12 % et 32 % en-dessous de la moyenne générale de 3,75 pour 1 (calculs faits d'après les tableaux dressés par Titow, art. cit.).

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20. Voir, pour l'époque moderne : M. Morineau, « D'amsterdam à Séville : de quelle réalité l'histoire des prix est-elle le miroir?», dans Annales E.S.C., n° 1, 1968, pp. 178-205. Michel Morineau soutient, au contraire, que ce ne sont ni les mouvements monétaires ni les mouvements démographiques « qui créent les cycles et leur donnent une forme variable », mais uniquement les inégalités des récoltes. La réponse anticipée à cette proposition a été donnée par Hoskins, W. G., « Harvest fluctuations and English économie history, 1480-1619 », dans Agricultural history review, t. 2, 1953-1954, pp. 2846 Google Scholar.

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23. La réponse de Postan à l'article de Robinson, dans Economie history review, t. 12, 1959, pp. 77-82 se rapproche en même temps des thèses marxistes : « The démonstration dépends wholly on the assumption that at the height of the secular price rise the supply of money gave out. There is no monetary reason why the supply of money should hâve failed to expand in the later Middle Ages in proportion to the increasing volume of transactions (if they were increasing) » (p. 78). Voir S. De Brunhoff, La monnaie chez Marx, Paris, Éditions Sociales, 3e éd. 1976.

L'interprétation que donne Pierre Vilar de l'évolution de l'économie européenne à la fin du Moyen Age, est curieusement quantitativiste : « Comme il y a moins d'acheteurs, moins de trafic, les prix tendent à baisser, surtout exprimés en or; mais comme il y a moins de travailleurs (et ils sont désormais, souvent, des salariés), les salaires montent. » (Or et monnaie dans l'histoire, Paris, 1974, pp. 44-45). On voit mal, en effet, comment — sans mettre en cause une discutable « surproduction » des biens de consommation — le volume des transactions (T dans l'équation MV = PT) et le niveau des prix (P) auraient pu baisser simultanément en l'absence d'une baisse concomitante du stock monétaire (M) et, avec elle, de la vitesse de la circulation (V). A partir de 1450 environ, au contraire : « Une montée de la population, de la production, des défrichements fait baisser l'ensemble des prix par rapport à l'or (en vérité, dans la seconde moitié du xve siècle les prix stagnent et même se relèvent), ce qui rend très avantageux de rechercher celui-ci. » (ibid., p. 45). Donc, le volume des transactions s'accroît, ce qui entraîne la baisse des prix — la masse monétaire restant insuffisante pour soutenir le redressement de l'économie dans un contexte non déflationniste. La divergence de P. Vilar est, en réalité, plutôt avec les historiens qui attribuent un rôle moteur aux phénomènes monétaires dans les mouvements longs de l'économie en se servant de la théorie quantitative (voir, en outre, Vilar, P., « Problems of the formation of capitalism », dans Past and Présent, n° 10, 1956, pp. 1538 CrossRefGoogle Scholar).

24. Par « formation des prix » j'entends l'évolution du niveau général, abstraction commode qui masque une réalité complexe et mal connue. Voir à ce propos les deux études novatrices de Woiff, Philippe, « Prix et marché », dans Mélanges en l'honneur de Fernand Braudel, t. 2, Paris, 1973, pp. 463481 Google Scholar; « Réflexions sur l'histoire des prix dans la péninsule Ibérique aux XIVe et XVe siècles », dans Studi in memoria di Federigo Melis, t. 3, Naples, 1978, pp. 73-90.

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26. Voir S. De Brunhoff, op. cit.

27. Il fut dépassé cependant dans le quinquennat 1279-1283 (141 tonnes, au total) : M. Mate, « High priées in early fourteenth century England », dans Economie history review, t. 38, 1975, pp. 1-16; Craig, J., The Mini. A history ofthe London Mint, Londres, Cambridge Univ. Press, 1953 Google Scholar, appendice I. Cet exemple nous rappelle, entre autres, le célèbre graphique dressé par Earl J. Hamilton qui juxtapose la révolution des prix en Espagne et les arrivages des métaux précieux à Séville (American treasure and the price révolution in Spain, Cambridge (Mass.), 1934).

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30. Tits-Dieuaide, op. cit., p. 27.

31. Sur le problème des stocks et la pertinence à ce propos de la théorie quantitative, voir Braudel, F. et Spooner, F., « Priées in Europe from 1450 to 1750 », dans Cambridge économie history of Europe, t. 4 (Rich, E. E. et Wilson, C. H. eds), Cambridge, 1967, en particulier, pp. 442450 Google Scholar. Sur la rareté des métaux monétaires en plein XVIe siècle : Braudel, F. et Spooner, F., « Les métaux monétaires et l'économie du XVIe siècle », dans Xe Congresso internazionale di scienze storiche. Relazioni, t. 4, Florence, 1955, pp. 233264.Google Scholar

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33. Cazelles, « A propos des mutations de la monnaie royale… », art. cit.

34. Day, « The great bullion famine… », art. cit.

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36. Pour tout ce qui concerne les monnaies frappées en France aux XIV-XVe siècles, voir J. Lafaurie, Les monnaies des rois de France, Paris-Bâle, 1951, et le Manuel de numismatique française d'a. Dieudonné, dont les données essentielles ont été récapitulées et cartographiées par Fournial, E., Histoire monétaire de l'occident médiéval, Paris, 1970 Google Scholar.

37. Pour l'angleterre, ce qui aide à expliquer cette petite phase B, qui se prolonge de l'autre côté de la Manche jusqu'à la Peste noire, c'est d'une part, une décennie de bonnes récoltes, mais plus encore semble-t-il une forte diminution de la circulation monétaire, dont on ignore les causes (Mayhew, art. cit.).

38. Le prix moyen d'environ 12 s. p. pour un muid de blé-méteil à Saint-Denis donné par Fourquin et utilisé par Bois, faute de prix normands, concerne, en réalité, toute la période 1374-1410, et non seulement les années 1374-1380 (voir p. 83).

39. En France, cette augmentation rapide des salaires réels dans la période d'après la Peste est masquée par les effets des mutations en cascade de Jean le Bon.

40. Mestayer, art. cit.

41. Lloyd, op. cit.

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43. Kilogrammes d'or frappé multiplié par dix (c'est à peu près le rapport Au/Ag), plus kilogrammes d'argent frappé.

44. Day, « The great bullion famine… », art. cit.

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