Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Quels ont été, entre le vie siècle et le xie siècle, les aliments considérés comme immangeables, abominables, immondes ? Et pourquoi, en dépit des interdits dont ils ont été frappés par l'autorité ecclésiastique, les hommes ont-ils pu être amenés à s'en nourrir ? A ces deux questions qui relèvent à la fois de la démarche anthropologique, de l'histoire de la pratique religieuse et de celle de l'économie rurale, deux types de sources sont susceptibles de répondre.
Les Pénitentiels tracent, avec une précision souvent maniaque, la frontière entre le pur et l'impur. Ils sont nombreux : trente d'entre eux (sept irlandais, sept anglo-saxons, quinze francs, un espagnol), parmi les plus complets et les plus largement diffusés, ont été ici retenus pour l'enquête.
This article is based on a comparison of information furnished by the Libri Paenitentiales with that of the Chroniques and Annales. Seven types of food prohibitions were found, whose goal was to create a division between the pure and the impure, most of them were related to the consumption of certain meats declared to be unclean. It Seems that the transgression of these taboos was particularly marked during the periods of severe famine and can thus be explained by the necessity of survival. During these crisis years, the population had recourse to the consumption of carrion, a variety of refuse and even human flesh. Nine cases of cannibalism were documented in various parts of Europe between 793 and 1032. Overly pessimistic conclusions about the behavior of men in the Early Middle Ages should not, however, be drawn : while the scarcity of food led Some people to such aberrations, the struggle against hunger more generally led people to produce more food and to produce it better.
1. Les Pénitentiels (Libri Paenitentiales) sont des recueils de tarifs de pénitence à l'usage des confesseurs. Ils se présentent comme des listes de péchés assortis de la sanction afférente (exemple : si qua mulier aborsum fecerit voluntarie, III annos poeniteat in pane et aqua). Ils ont fait l'objet de diverses éditions. Je me référerai ici uniquement à la plus classique et la plus complète : F. W. H. Wasserschleben, Die Bussordnungen der abendländischen Kirche, Halle, 1851 (réimpression, Graz, 1958), ci-après abrégé en W.
2. Irlandais ou d'origine irlandaise : Paen. Gildae, Canones Hibernenses, Canones Adomnani, Paen. Vinniani, Bigotianum, Paen. Colombani, Paen. Cummeani. Anglo-saxons : Paen. Theodori, Canones Gregorii, Capitula Dacheriana, Paen. Bedae, Paen. Pseudo-Bedae, Paen. Egberti, Paen. Pseudo-Egberti. Continentaux : Paen. Hubertense, Bobbiense, Parisiense, Remense, Sangallense, Vindobonense, Meerseburgense, Paen, XXXV capitulorum, Valicellanum I, Valicellanum II, Martenianum, Pseudo-Theodori, Pseudo-Gregorii III, Pseudo-Romanum, Corrector Burchardi, Paen. Vigilanum (ce dernier espagnol). Leur datation offre beaucoup de difficultés. Sans entrer dans le détail de discussions érudites, on peut approximativement dater les Pénitentiels irlandais des vie-viie siècles, les anglo-saxons de la fin du viie siècle et du viiie siècle, les continentaux du viiie siècle au xe siècle (le Corrector de l'évêque Burchard de Worms, pris ici comme terminus ad quem, a été écrit en 1008-1012). Pour un état des questions, Cyrille Vogel, Les « Libri Paenitentiales », Typologie des sources du Moyen Age occidental (sous la direction de L. Génicot), fasc. 27, Turnhout, 1978 ; A. J. Frantzen, Les « Libri Paenitentiales », mise à jour du fasc. 27, même collection, 1985.
3. Les exceptions : Paen. Vinniani, Bobbiense, Sangallense, Valicellanum I.
4. Paen. Theod., Lib. I, VII, 3, 6-12 ; XV, 5 ; Lib. II, XI, 1-9 (W., pp. 191-219). Bien qu'une longue tradition lui en attribue la paternité, il ne semble pas aujourd'hui que ce Pénitentiel soit l'œuvre de Théodore de Cantorbéry. Tout ce qu'on peut dire de son auteur est qu'il a travaillé en Angleterre. Datations proposées : 668-690 ou, plus probablement 690-740 (C. VOGEL, ouvr. cit., pp. 69-70).
5. Sur ce sujet, C. Vogel et A. J. Frantzen, ouvr. cit.
6. Ce thème, s'il a assez peu retenu l'attention des historiens, a fait l'objet — on s'en doute — de très nombreuses études de la part des anthropologues. La référence obligée étant ici Le cru et le cuit de Claude Lévi-Strauss, on se référera aussi avec grand profit aux travaux de Douglas, Mary (Purity and Danger, Londres, 1967 Google Scholar ; trad. fse : De la souillure, essai sur les notions de pollution et de tabou, Paris, Maspéro, 1971) et d'Edmund Leach (en particulier à son recueil d'articles, L'unité de l'homme et autres essais, trad. fse, Paris, Gallimard, 1980). Il se trouve qu'au moment où était rédigé ce texte (présenté pour la première fois, sous forme de conférence, à l'Université de Genève en avril 1987), un autre chercheur travaillait sur le même sujet, Bruno Laurioux, « Manger l'impur : animaux et interdits alimentaires durant le Haut Moyen Age » (à paraître dans les Actes du colloque Animal, histoire et société, Toulouse 14-16 mai 1987). En vérité, nos deux recherches se complètent plus qu'elles ne se concurrencent. On peut se référer aussi à Brouquet, Sophie, Alimentation et hygiène alimentaire dans les Pénitentiels, mémoire de maîtrise, Université de Toulouse-Le-Mirail, 1979 Google Scholar.
7. En dernier lieu, Guelphe, Walter, « L'érémitisme dans le Sud-Ouest de la Gaule à l'époque mérovingienne », Annales du Midi, t. 98, 1986, pp. 293–315 Google Scholar. Pour la Gaule du Nord : Heuclin, Jean, Aux origines monastiques de la Gaule du Nord : ermites et reclus du Ve siècle au XIe siècle, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1988 Google Scholar.
8. Ex. Ps.-Egb., XXXVIII : vel canis, vel felis, vel mus aut aliud quocunque animal immundum (W. 316).
9. Meers. b, XVII (W. 431).
10. Mon. Germ. Hist., Epistolae, III, 1, E. Dummler éd., Berlin, 1892, n° 87, p. 370.
11. Leporem licet comedere, et bonus est contra dysenteriam et diarrhoeam, in aqua elixus ; et fel ejus miscendum est cum pipere contra dolorem oris (Ps.-Egb., XXXVIII, W. 316). De même, Cap. Dach., 169 (W. 160), C. Greg., 145 (W. 176), Meers. b, 35 (W. 432), Cumm., 24 (W. 467), Rem., 37 (W. 503), Paen. XXXV cap., 23 (W. 519), Vig., 89 (W. 533), Ps.-Th., XVI, 16 (W. 603).
12. Cap. Dach., 22 (W. 147), C. Greg., 144 (W. 176), Ps.-Egb.,38 (W. 315), Meers. b,35 (W. 432), Cumm., 23 (W. 467), Paen. XXXV cap., 23 (W. 519), Ps.-Th., XVI, 17 (W. 603).
13. C. Hibern., I, 13 (W. 137).
14. Patr. lat., t. 89, col. 517 B-C (Greg. III ep., 1).
15. Corr., LXXXII : Commedisti aliquid de idolotho, id est de oblationibus, quae in quibusdam locis ad sepulchra mortuorum fiunt, vel ad fontes aut ad arbores, aut ad lapides aut ad bivia ?… XXX dies in pane et aqua penitenciae.
16. Ex. Theod., II, 11, 9 : Animalia autem coitu hominum polluta occidantur, carnesque canibus proiciantur ; sed quod generant sit in usu et coria adsumantur. Ubi autem dubium est, non occidantur (W. 212 ; voir aussi W. 150, 175, 223, 376, 386, 405, 467, 502, 534, 603).
17. Can. Adomn., 7-8 (W. 121), Ps.-Egb., III, 57 (W. 340), Ps.-Rom., XI, 29 (W. 376).
18. Theod., II, 11, 7-8 (W. 212).
19. Ps.-Rom., X, 6 (W. 372), Meers. a, 75 (W. 400), Cumm., I, 31 (W. 468).
20. Ps.-Th., C, XVI (W. 601).
21. Can. Greg., 146 (W. 176).
22. Ps.-Th., XVI, 22 (W. 603).
23. Can. Adomn., 10, 11 (W. 121).
24. Can. Adomn., 12 (W. 121), Can. Hibern., I, 17 (W. 137).
25. Theod., II, 11, 1 (W. 211), Cumm., 20 (W. 467), Rem., 24 (W. 502), Paen. XXV cap., XXIII, 1 (W. 519).
26. C. Greg., 147 (W. 176), Marten., LV, 1 (W. 294), Ps.-Egb., IV, 28 (W. 337), Ps.-Rom., IX, 25 (W. 375), Ps.-Th., XVI, 11 (W. 602).
27. Ps.-Egb., IV, 28 (W. 337), Ps.-Rom., IX, 25 (W. 375).
28. Egb., XIII, 6 (W. 244), Ps.-Bed., XXII, 2 (W. 270), Ps.-Egb., XL (W. 317), Ps.-Th., XVI, 24 (W. 603).
29. Can. Adomn., 1 (W. 120).
30. Theod., II, 11, 3 : Pisces autem licet comedere quia alterius naturae sunt (W. 212). De même, Dacher., 21 (W. 147), Marten., LV, 11 (W. 294), Ps.-Th., XVI, 15 (W. 603).
31. Corr., 119 (W. 654).
32. Gildas, 13 : 40 jours (W. 106) ; Corr. Burch., 231 : 40 jours (W. 677) ; Can. Hibern. : 42 jours (W. 137) ; Ps.-Egb., IV, 27 : 12 semaines (W. 336) ; Ps.-Rom., VI, 11 : 12 semaines (W. 369) ; Paen. Rem. : 100 jours (W. 501).
33. Cap. Dacher., 144 (W. 158).
34. C'est, en fait, surtout dans l'appréciation des enseignements de cette lettre que l'analyse de Bruno Laurioux (n. 6) diffère de la mienne. B. Laurioux prend ce document comme point de départ de son étude et, par conséquent, tend à accorder un intérêt privilégié à la résurgence des interdits vétéro-testamentaires dont il témoigne.
35. Cf. n. 11.
36. Comme en témoigne, par exemple, la représentation du mois de mars sur la Broderie de la Création, de la cathédrale de Gérone (v. 1100) : un paysan, ayant attrapé une grenouille qu'il tient en sa main gauche, poursuit une cigogne. La nature du volatile ne laisse pas de doute : ciconia, dit l'inscription.
37. Cf. n. 18.
38. Ex. Meers. a, 119 (W.403), Cumm., 21 (W. 467), Ps.-Th., XVI, 11 (W. 602).
39. Theod., I, 7, 3 (W. 191), Bigot., V, 2 (W. 446), Cumm., 17 (W. 466), Rem., III, 36 (W. 503), Ps.-Th., XVI, 30 (W. 604).
40. En dernier lieu, Laure-Charlotte Feffer et Patrick Perin, Les Francs, t. II, A l'origine de la France, pp. 172-174 (avec carte des sépultures). Cf. également les pages bien connues d'Edouard Salin sur le culte du cheval (La civilisation mérovingienne, t. IV, pp. 21-23).
41. Michelet écrivait déjà : « Le christianisme garda un préjugé judaïque, tint la nature animale à une distance infinie de l'homme et la ravala » (cité par Robert Delort, « Les animaux en Occident du xe siècle au xvie siècle », dans Le monde animal et ses représentations au Moyen Age (XIe-XVe siècles), Actes du xve Congrès de la société des historiens médiévistes, Université de Toulouse-Le-Mirail, 1985, p. 24.
42. Canones Adomnani, 4 : A bestiis capta et semiviva bestialibus hominibus sumenda sunt ; 18 : Letali vero morsu tantum captum pecus nec in totum mortificatum peccatoribus comedendum, abscissa tamen parte et canibus data, quam bestia dentibus intinxit. Aptum namque sibi videtur ut carnem bestiis administratam humanae bestiae commederent (Adomnan, abbé de Iona, né vers 621-626, mort en 704).
43. Biraben, J.-N. et Le Goff, J., « La peste dans le Haut Moyen Age », Annales ESC, 1969, n° 6, pp. 1 484–1 508 Google Scholar.
44. Récits et poèmes celtiques (domaine brittonique, VIe -XVe siècles), textes traduits et présentés par Léon Fleuriot, J.-Cl. Lozac'hmeur et Louis Prat, Paris, 1981 ; voir en particulier pp. 37-41, 44-45, 52-55, 61-70.
45. Theod., I, 7, 6-7 (W. 191-192).
46. Ps.-Th., XVI, 11 (W. 602).
47. Cap. Dacher., 120 (W. 156), Theod., I, 7, 6-7 (W. 191-192), Bed., VII, 2, 4 (W. 227), Ps.- Bed., XXII, 1 (W. 269), Ps.-Egb., 39 (W. 316), Ps. Rom., VI, 11 (W. 369), Meers. b, 36 (W. 432), Bigot., V, 4 (W. 446), Cumm., I, 14 (W. 466), Rem., III, 41 (W. 503), Paen. XXXV cap., XXIII, 1 (W. 519), Ps.-Th., XVI, 11 (W. 602), Corr. Burch., 230 (W. 677).
48. Curschmann, F., Hungersnóte im Mittelalter, Leipzig, 1900 Google Scholar (ci-après abrégé en CUR.).
49. Ann. Lauresham. (CUR., 89) ;Ann. Colonienses (CUR., 90).
50. Estimabatur enim ordo temporum et elementorum… in chaos decidisse perpetuum, R. Glaber, Hist., IV, 4, 12, M. Prou éd., Paris, 1886, p. 102.
51. Flodoardi Ann. (CUR., 106).
52. L'expression « grande faim » est empruntée au vocabulaire de l'ethnographie. Sur les comportements en temps de famine, voir, par exemple, les récits recueillis par Paul-Émile Victor, lors de son premier séjour au Groenland en 1934-1937 et relatifs à la dernière famine groenlandaise, la « grande faim » des années 1882-1883, Les survivants du Groenland, rééd. Paris, 1977, un des livres les plus hallucinants qui se puissent lire.
53. Sur la part de la cueillette dans l'alimentation au Haut Moyen Age, on trouve de solides analyses dans Massimo Montanari, L'alimentazione contadina nell'alto Medioevo, Naples, 1979.
54. Je me garderai d'entrer ici (il y faudrait de longs développements) dans les controverses relatives aux rendements agricoles du Haut Moyen Age : on peut trouver l'état de la question et la bibliographie afférente dans Harouel, J.-L. et alii, Histoire des institutions de l'époque franque à la Révolution, Paris, Presses Universitaires de France, pp. 89–90 Google Scholar (§ 73, « Les Carolingiens, Économie et société », par J. Thibault-Payen). Les chiffres les plus fiables sont, en fait, fournis par les polyptyques italiens : entre 1,7 et 3,3 pour 1 (Inventari altomedievali di terre, coloni e redditi, sous la direction de Castagnetti, A. et alii, Rome, 1979 Google Scholar ; analyses et commentaires de Montanari, M., « Tecniche e rapporti di produzione : le rese cerealicolo dal ix al xv secolo », dans Le campagne italiane prima e dopo il Mille : una società in trasformazione, Bologne, 1985 Google Scholar): A vrai dire, le concept même de « rendement moyen » n'a guère de signification pour une époque qui est essentiellement marquée par une grande irrégularité des récoltes. Que les rendements dits moyens s'établissent à 3, 4 ou 5 pour 1 n'empêchera pas les gens de mourir de faim les années où ils récolteront moins de 2 pour 1.
55. Ont été retenues comme « années de grande faim » celles qui répondaient à trois au moins des cinq critères suivants : mentions dans plusieurs sources, qualificatifs de fames maximae, valdissimae, etc., témoignages sur la consommation d'aliments immondes ou de chair humaine, indication de mortalités importantes, attestation de l'organisation de secours (dans les capitulaires ou les actes conciliaires).
56. Cette périodicité est à rapprocher de celle que connaît aujourd'hui l'Afrique sahélienne : famines de 1958, 1966, 1973, 1984.
57. GR. TUR., Hist. Franc., VII, 45, M. G. H., Script, rer. merov., t. I, partie 1, fasc. 2, Hanovre, 1942, p. 365.
58. Bolens, Lucie, « Pain quotidien et pains de disette dans l'Espagne musulmane », Annales ESC, 1980, n° 3, pp. 462–476 Google Scholar.
59. GR. TUR., Hist. Franc, loc. cit.
60. D'après la chronique dite de Berthold (Bertholdi Chr., CUR., 127). Je ne suis pas parvenu à identifier l'herbe collo.
61. Hist., IV, 4, M. Prou éd., p. 101 (trad. Duby, G., L'An mil, Paris, 1967, p. 114 Google Scholar).
62. Ibid.
63. Ann. Mosellani (CUR., 91).
64. R. Glaber, Hist., II, 9, M. Prou éd., p. 49.
65. Bernoldi Chron. (CUR., 118.
66. Ann. Xanten (CUR., 99).
67. R. Glaber, Hist., IV, 4, M. Prou éd., p. 99.
68. Cyrille Vogel (Les « Libri Paenitentiales », ouvr. cit. n. 2, p. 111) se montre surpris par ce silence : « Fait curieux, les pénitentiels ne contiennent pas de canons proscrivant le cannibalisme, que pourtant nous savons avoir existé à l'époque ». Et il cite le témoignage de saint Jérôme qui dénonce sa pratique dans les îles Britanniques, particulièrement chez les Scots d'Irlande.
69. Ps.-Bed., 26 (W. 254). Diverses interprétations sont bien sûr possibles.
70. Ann. Mosellani (CUR., 91). Cette « grande faim » est également signalée par les Annales de Lorsch, celles de Saint-Quentin et les Annales de S. Germani minores, ibid.
71. Ann. Fuld., Ann. Bertin. (CUR., 98-99).
72. Ann. S. Columbae Senonensis (CUR., 98).
73. Ann. Engolismenses (CUR., 98-99).
74. Ann. Xanten. (CUR., 99).
75. Ann. Augienses (CUR., 104).
76. Richeri Gesta Senoniensis Eccl. (CUR., 104).
77. Chabannes, Adémar de, Chronique, III, 23, Chavanon, J. éd., Paris, 1897, p. 144 Google Scholar : in populo ejus ita fames vehementissima grassata est ut, quod actenus incompertum fuit, de vulgo unus alterum ad devorandum exquireret et multi, alios ferro perimentes, carnibus more luporum humanis vescerentur.
78. Ibid.
79. La datation est très hypothétique. Selon Adémar, la famine se déclare en même temps que la maladie d'Alduin : or celle-ci, selon le chroniqueur, dure sept ans et ne se termine que lorsque le comte rend la croix aux moines de Charroux. Cette restitution a lieu par ailleurs un an avant la mort d'Alduin qui se situe en 916. A prendre le texte au pied de la lettre la famine serait à dater de 908. Mais en 908, aucune disette n'est signalée par les annalistes. En revanche, en 910, on trouve dans les Annales de Sainte-Colombe de Sens : famés maxima fuit in tota Gallia (CUR., 104).
80. Chron., III, 46 (J. Chavanon éd., p. 168).
81. Delisle, Léopold, « Notice sur les manuscrits originaux d'Adémar de Chabannes », dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. 35, 1896, p. 293 Google Scholar. Dans ce sermon, rédigé à une date inconnue, Adémar fait état des malheurs que Dieu infligea aux hommes pour les punir de n'avoir pas respecté les décisions du concile de Paix de 994. Parmi ces calamités, la famine, avec son cortège : les hommes mangèrent de la chair humaine ; en Saintonge, un homme alla jusqu'à dévorer sa sœur. Il ne peut s'agir que de la famine de 1005, la première à survenir après 994.
82. Eodem anno tanta famés fuit in Gallia ut etiam in quibusdam locis vix alter ab alterius carne abstineret (CUR., 112). Renseignements pris auprès de D. Iogna-Prat et de G. Lobrichon, il apparaît que cette note figure en marge du Calendrier de la cathédrale d'Auxerre, Paris, BN, ms. lat. 5253, f°65r°.
83. Duby, Georges, L'An mil, Paris, 1967, p. 21 Google Scholar.
84. Hist., II, 9, M. Prou éd., p. 44.
85. Hist., IV, 4 ; M. Prou éd., pp. 99-102 (trad. G. Duby, L'An mil, pp. 112-116).
86. Références dans F. Curschmann, ouvrage cité, à l'exception de la Chronique et des Sermons d'Adémar de Chabannes (cf. notes 77 et 81), du Calendrier d'Auxerre (cf. n. 82) et des Miracles de saint Benoît écrits par Adreval, Aimoin, André, Raoul Tortaire et Hugues de Sainte-Maure, moines de Fleury, réunis et publiés par E. de Certain, Paris, Société de l'histoire de France, 1858. L'auteur de référence est ici André de Fleury.
87. D'après le Continuateur de Sigebert de Gembloux (CUR., 142).
88. La Chanson d'Antioche, P. Paris éd., Paris, 1836, 2 vols. Le texte de référence est reproduit dans Michel Rouche, « Cannibalisme sacré chez les croisés populaires », dans Religions populaires, Université Lille III, 1979, pp. 29-41 (p. 40). Ces faits ne sont pas rapportés seulement par l'auteur de la Chanson, mais aussi par des témoins oculaires : Foucher de Chartres, l'Anonyme des Gesta et Raimond d'Aguilers.
89. « Cannibalisme sacré… », art. cit., p. 36.
90. Camporesi, Piero, Le pain sauvage : l'imaginaire de la faim du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, 1981Google Scholar. Voir en particulier le ch. m : Cannibalisme sacré et profane, pp. 25-51.
91. Encore que la hantise de la faim ne disparaîtra jamais, même aux plus belles époques du Moyen Age. Sur « l'obsession alimentaire » dans les œuvres littéraires du xiiie siècle (Le Roman de Renart, en particulier), on ne peut que renvoyer aux analyses pénétrantes de Le Goff, J., La civilisation de l'Occident médiéval, Paris, 1965, p. 290 ssGoogle Scholar.
92. Cf. n. 87.
93. Le traité des famines de Maqrisi, trad. frse de G. Wiet, Leyde, 1962. Sur ce sujet, Abdélali El Fakir, Disettes et famines en Égypte aux XIVe et XVe siècles, thèse de Troisième Cycle, Université de Toulouse-Le-Mirail, 1983.
94. « Le moment carolingien (viiie-xe siècles) », dans Histoire de la famille (sous la direction de A. Burguière, C. Klapisch-Zuber, M. Segalen, F. Zonabend), Paris, Librairie Armand Colin, t. I, 1986, pp. 333-359 (p. 341).
95. Albornoz, Cl. Sánchez, La despoblación y la repoblación del valle del Duero, Buenos Aires, 1966 Google Scholar ; de Moxó, S., Repoblación y sociedad en la España cristiana medieval, Madrid, 1979 Google Scholar (parmi bien d'autres références possibles).
96. Passio Karoli comit. auct. Galberto (CUR., 133).
97. Cet article ne peut donc être conçu — on l'aura compris — que comme l'un des volets d'un diptyque : un autre Haut Moyen Age est à dépeindre, celui des débuts de la croissance agraire. A ce sujet, Origines, géographie et chronologie de la croissance agricole du Haut Moyen Age, Dixièmes Journées internationales d'Histoire de Flaran (Flaran X), 1988 (à paraître en 1990).