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Cham et Noé Race, esclavage et exégèse entre islam, judaïsme et christianisme
Published online by Cambridge University Press: 04 May 2017
Résumé
Le récit biblique de l’ivresse de Noé et la malédiction qui voue Canaan à la servitude furent le prétexte d’une des justifications les plus répandues de l’esclavage des Noirs. Comment l’objet même de la malédiction, Canaan, devint Cham, et comment ce dernier, dont la race n’est pas identifiée par la Bible, devint un Noir, est une question troublante. À travers l’examen serré des plus anciennes versions musulmanes, juives et chrétiennes de cet épisode – spécialement des sources et de l’influence du grand érudit musulman Tabari (IXe-Xe siècles) –, cet article s’attache à cerner les ambiguïtés et les complexités sous-jacentes de cette mutation scripturale. L’analyse met en évidence la manière dont l’exégèse biblique a ouvert le champ libre à la polémique. À travers une triangulation exégétique semi consciente, associant déni de droit, appropriations et projections abusives, les religions du Livre ont graduellement créé les conditions de ce que la culture euro-américaine allait propager, au temps de l’économie atlantique des plantations: la Malédiction de Cham.
Summary
The biblical story of the drunkenness of Noe and the cursing of Canaan with servitude has offered a pretext for one of the most widespread justifications for racial slavery. How the clear object of the curse, Canaan, became Ham and how Ham, not racially identified in Scripture, became a Black, has long been a puzzle. Through a close examination of early Muslim, Jewish, and Christian versions of the story – focusing on the sources and influence of the great Muslim scholar Tabari (9th-10th centuries) –, this article identifies the ambiguities and complexities underlying the Bible’s transformation. This examination reveals how scriptural exegesis provides a common field for appropriation and polemic. Through a half-conscious exegetical “trialogue” of denial and projection, the religions of Abraham gradually created what Euro-American culture in the age of the Atlantic plantation economy popularized as the Curse of Ham.
- Type
- L’exercice de la comparaison
- Information
- Copyright
- Copyright © Les Áditions de l’EHESS 2002
References
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3 - Quoique né dans le nord de l’Iran au moment où cette région était encore sous influence pré-islamique, Tabari pouvait se revendiquer d’une lignée arabe musulmane, du moins au regard du nom de ses ancêtres paternels. Il se garde néanmoins d’insister sur ses origines, si bien que la question n’est pas tranchée. Savant à la vocation tôt affirmée, il gagna bientôt des foyers intellectuels plus actifs en Irak, Syrie et Égypte, avant de s’installer finalement à Bagdad, capitale du califat abbasside alors au faîte de sa puissance. L’ampleur et la qualité de son œuvre émerveillait jusqu’aux polymathes de son époque, qui avaient calculé qu’entre sa puberté et sa mort, il avait rédigé en moyenne quatorze folios par jour. Voir sur ce point Rosenthal, Franz, The History of al-Tabari, « Introduction générale », Albany, State University of New York Press, 1989, vol. 1, pp. 10–80 Google Scholar; et Gilliot, Claude, Exégèse, langue et théologie en Islam, l’exégèse coranique de Tabari, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1990, pp. 19–37 Google Scholar.
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6 - Voir « Catalogue of Readings », Ms. pp. 4, 35-36, rubriques 365, 666-667 et 671, Jonathan Edwards Papers, Beinecke Library, Yale University. Je remercie Jon Butler et Ken Minkema de m’avoir indiqué ces références.
7 - Pour la diffusion de la malédiction en Europe, voir Chretien, Jean-Pierre, « Les deux visages de Cham, points de vue français du XIXe siècle sur les races africaines d’après l’exemple de l’Afrique orientale», in Guiral, P. et Temime, É. (éds), L’idée de race dans la pensée politique française contemporaine, Paris, Éditions du CNRS, 1977, pp. 171–199 Google Scholar. Je remercie Jean Schmitz d’avoir attiré mon attention sur cette référence. Pour l’Amérique, voir Peterson, Thomas Virgil, Ham and Japheth: The Mythic World of Whites in the Antebellum South, Metchen, Scarecrow Press and the American Theological Library Association, 1978 Google Scholar; Davis, David Brion, « Constructing Race: A Reflection», William and Mary Quarterly, 3e série, 54, 1997, p. 9 CrossRefGoogle Scholar.
8 - Voir Haynes, Stephen R., «Original Dishonor: Noah’s Curse and the Southern Defense of Slavery», The Journal of Southern Religion, <http://jsr.as.wvu.edu/honor.htm> (5 décembre 2000)+(5+décembre+2000)>Google Scholar; ID., Noah’s Curse: Race, Slavery, and the Biblical Imagination in America, New York, Oxford University Press, à paraître. Je le remercie de m’avoir permis de prendre connaissance de l’introduction de cet ouvrage avant sa parution.
9 - Braude, Benjamin, «The Sons of Noah and the Construction of Ethnic and Geogra phical Identities in the Medieval and Early Modern Periods», William and Mary Quarterly, 3e série, 54, 1997, pp. 103–142 CrossRefGoogle Scholar; ID., Sex, Slavery and Racism: The Secret History of Noah and his Sons, New York, Alfred J. Knopf, à paraître. Pour une contestation de la thèse d’une origine rabbinique précoce de la malédiction de Cham, voir inter alia Isaac, Ephraïm, «Genesis, Judaism, and the “Sons of Ham”», in Willis, J. R. (éd.), Slaves and Slavery in Muslim Africa, Londres, Frank Cass, 1985, vol. 1, pp. 75–91 Google Scholar; Dumont, Simone Bakchine, «Le mythe chamitique dans les sources rabbiniques du Proche-Orient de l’ère chrétienne au XIIIe siècle», La Rassegna mensile de Israel, 55-1, 1989, pp. 43–71 Google Scholar. La thèse d’une identité noire et servile consubstantielle à Cham est explicite dans l’ouvrage, qui a connu une très large diffusion et de multiples traduc tions, de Graves, Robert et Patai, Raphael, Hebrew Myths: The Book of Genesis, New York, McGraw-Hill Book Company, 1963, pp. 120–124 Google Scholar. Ce livre résume en la défor mant une anthologie, parue au début du XXe siècle, de fragments rabbiniques réunis contre toute vraisemblance en un récit continu: Ginzberg, Louis, Legends of the Jews, Philadelphie, Jewish Publication Society, 7 vols, 1909-1938, vol. 1 (texte), 1909, pp. 168–170 Google Scholar, vol. 5 (notes), 1925, p. 60; trad. fr. en cours: Les légendes des Juifs, 2 vols à ce jour, Paris, Le Cerf, 1997-1998. Étant donné que L. Ginzberg a créé un récit folklo rique et naïvement anhistorique, il est quasiment impossible de situer son contenu dans un contexte historique précis. On retrouvera une démarche proche du récit de L. Ginzberg dans l’œuvre d’un historien de la pensée de la Renaissance juive, Melamed, Abraham, Hayafokh kushi oro, dimuy ha-kushi ke-« aher » be-historiah, shel hatarbutha-yehudit, Haïfa, Haïfa University Press Google Scholar, à paraître (trad. angl.: The Black as « Other » in the History of Jewish Culture, Londres, Curzon Press Google Scholar, à paraître). Le profes seur Melamed a gracieusement mis à ma disposition le sommaire de son ouvrage avant publication.
10 - Snowden, Frank M., Before Color Prejudice, the Ancient View of the Blacks, Cambridge, Harvard University Press, 1983 Google Scholar; ID., Blacks in Antiquity: Ethiopians in the Greco-Roman Experience, Cambridge, Harvard University Press, 1970; Finley, Moses I., « The Slaves in Antiquity: The Black Sea and Danubian Regions», in Shaw, B. D. et Saller, R. P. (éds), Economy and Society in Ancient Greece, New York, Viking Press, 1981, pp. 167–175 Google Scholar; Cartledge, Paul, The Greeks, a Portrait of Self and Others, Oxford, Oxford University Press, 1993, p. 138 Google Scholar; Austin, Michel M. et Vidal-Naquet, Pierre, Economic and Social History of Ancient Greece: An Introduction, document n° 75, 1973, pp. 283–284 Google Scholar.
11 - Klausner, Joseph, «The Economy of Judea in the Period of the Second Temple», in Avi-Yonah, M., World History of the Jewish People, 1e série, Ancient Times, vol. 7, The Herodian Period, New Brunswick, Rutgers University Press, 1975, p. 194 Google Scholar; on trouvera une représentation inappropriée de la question de la couleur des esclaves dans le monde musulman dans Evans, William Mckee, «From the Land of Canaan to the Land of Guinea: The Strange Odyssey of the “Sons of Ham”», American Historical Review, 85, 1980, pp. 15–43 CrossRefGoogle Scholar, en particulier p. 26. Sa thèse, selon laquelle, à partir de l’an mil à peu près, l’esclavage au Proche-Orient se met à recourir aux Noirs, repose sur deux affirmations inexactes: d’une part, le fait que l’accès aux exclaves blancs s’est considérablement restreint, et, de l’autre, que la disponibilité des esclaves noirs est à l’inverse devenue si massive que ceux-ci dominaient le marché. Pour exemple des erreurs de lecture d’Evans, on verra l’usage qu’il fait de Goitein, Shelomo D., Mediterranean Society, Berkeley, University of California Press, 1967, vol. 1, pp. 130–147 Google Scholar, en particulier p. 137: « As to the provenance and prices of slaves, naturally, we learn little about males, since only few deeds concerning them have been found in the Geniza. Female Negroes were rarely employed.» W. Mckee Evans cite donc S. D. Goiten pour affirmer le contraire de ce que dit celui-ci. On se fiera davantage à Ehren-Kreutz, Andrew, «Strategic Implications of the Slave Trade between Genoa and Mamluk Egypt in the Second Half of the Thirteen Century», in Udovitch, A. L. (éd.), The Islamic Middle-East, 700-1900, Studies in Economic and Social History, Princeton, Darwin Press, 1981, pp. 335–345 Google Scholar, et Hunwick, John O., « Black Africans in the Islamic World: An understudied dimension of the Black Diaspora», Tarikh, 5, 1978, pp. 20–40 Google Scholar.
12 - Priest, Josiah, Slavery, as it relates to the Negro or African Race, examined in the light of circumstances, history and the Holy Scriptures; with an account of the origin of black man’s color, causes of his state of servitude and traces of his character as well in ancient as in modern times: with structures on abolitionism, Albany, 1843, p. 152 Google Scholar. Ma thèse en faveur de cette date d’apparition tardive est confirmée par Bugnier, Ladislas (éd.), L’image du Noir dans l’art occidental, Paris, Bibliothèque des Arts, 1976 Google Scholar, dont la source est encore plus riche: The Image of the Black in Western Art, Research Project and Photo Archive, Harvard University (qu’on trouvera aussi à la Fondation Menil, à Paris); la collection est dix fois plus abondante que le matériau publié. Je remercie sa directrice, le Dr Karen Dalton, et son adjoint, le Dr Sheldon Cheek, de m’avoir permis de consulter ces documents. Malgré l’absence d’un Cham noir dans l’iconographie antérieure au XIXe siècle, Jean Devisse (in L’image du Noir..., op. cit., vol. 2, pp. 55-56) persiste à considérer qu’un Cham noir et esclave va de soi, au lieu de mettre en question l’origine de cette iconographie. Sollors, Werner, Neither Black nor White Yet Both, Thematic Explorations of Interracial Literature, New York, Oxford University Press, 1997, p. 99 CrossRefGoogle Scholar, est le premier à avoir attiré l’attention sur l’originalité de l’illustration de J. Priest.
13 - B. D’Herbelot et A. Galland (éds), Bibliothèque orientale. .., op. cit., p. 425.
14 - De Goeje, Michael Jan (dir.), Annales quos scripsit Abu Djafar Mohammed ibn Djarir At-Tabari, 15 vols, Leyde, E. J. Brill, 1879-1901Google Scholar, Barth, Jacob (éd.), Series I, [1879] 1964, p. 178. Trad. angl., Yar-Shater, Ehsan (éd.), The History of al-Tabari (Ta’rîkh al-Rusul w’al mulûk), 39 vols à ce jour, Albany, State University of New York Press, 1985 Google Scholar; trad. angl.: Rosenthal, Franz (éd.), From the Creation to the Flood, 1, 1989, p. 347 Google Scholar. Les références aux versions arabe et anglaise du texte seront désormais indiquées entre parenthèses de la manière suivante (ar. 1, 178/angl. 1, 347). Les références au volume 2 de la traduction anglaise dans la même série renvoient à William M. Brinner, Prophets and Patriarchs, op. cit. (Les traductions suivent généralement la version Albany, avec les modifications éventuelles lorsque le propos l’exige).
15 - Rendsburg, Gary A., «Word Play in Biblical Hebrew: An Eclectic Collection», pp. 135–144, in Noegell, S. B. (éd.), Puns and Pundits: Word Play in the Hebrew Bible and Ancient Near Eastern Literature, Bethesda, CDL Press, 2000, pp. 143–145 Google Scholar. Voir aussi Van Der Toorn, Karel, Becking, Bob Et Van Der Horst, Pieter W. (éds), «Ham», Dictionary of Deities and Demons in the Bible, Leyde, E. J. Brill, 1995, p. 728 Google Scholar.
16 - Bibliothèque orientale, op. cit., pp. 866-867, et Laurens, Henri, Aux sources de l’orientalisme: La Bibliothèque orientale de Barthélémy d’Herbelot, Paris, Maisonneuve et Larose, 1978, p. 56 Google Scholar.
17 - On pourrait mentionner aussi al-Dînawarî (mort avant 903), qui décrit un peuple montrueux, issu d’un «fils de Noé» non nommé, dont la difformité – ses membres ont les yeux et la bouche sur la poitrine – est due à l’ire de Dieu, sans que celle-ci soit mise en relation avec Noé. En outre, ce peuple vit au-delà de la terre des Noirs (al-Sûdan). Voir Al-Dînawarî, AbÜ Hanîfah Ahmad Ibn DaâwÜd, Al-Akhbâr al-tîwâl, Le Caire, 1912, p. 14 Google Scholar (trad. angl.: Corpus of Arabic Sources for West African History, Levtzion, N. et Hopkins, J. F. P. (éds), Cambridge, Cambridge University Press, 1981, p. 23 Google Scholar). S’agissant des quatre autres auteurs, j’ai été guidé dans la recherche par la communication de Firestone, Reuven, «The Curse of Ham», donnée lors d’un colloque organisé par nos soins: The Sons of Noah in Jewish, Christian and Muslim Traditions (Annual Meeting, Middle East Studies Association et American Academy of Religion-Society Literature, San Francisco, 22-24 novembre 1997 Google Scholar).
18 - Al-Malik, Ibn Hisham Abd, Kitab al-Tijân fî Mulûk Himyar, Sanaa, 1979, p. 32 Google Scholar.
19 - Sa’d, Muhammad Ibn, Kitâb al-Tabaqât al-Kabîr, Beyrouth, 1990, vol. 1, pp. 36–38 Google Scholar.
20 - Qutayba, AbÜ Muhammad ‘Abd Allâh B. Muslim Ibn, Kitâb al-Ma’ârif, Tharwat ‘Okâsha (éd.), Le Caire, 1981, pp. 25–26 Google Scholar (trad. angl. du passage in Corpus of Early Arabic Sources, op. cit., p. 15). Le terme arabe da’wa, signifiant « prière » étant ici (mal) traduit par « malédiction », la distinction que Tabari cherchait à maintenir disparaît. Sur l’importance de cette question, voir Shussman, Aviva, Stories of the Prophets in Muslim Tradition, Mainly on the Basis of «Kisas al-Anbiya» by al-Kisa’i, Muhammad b. Abdallah, thèse de doctorat (en hébreu), Université hébraïque de Jérusalem, 1981, pp. 69–73 Google Scholar.
21 - Ahmad Ibn Abi Yaküb Al-Ya‘qübâ, , Ta’rîkh, Houtsma, Martijn Theodor (éd.), Leyde, E. J. Brill, 1969, pp. 12–13 Google Scholar. On en trouvera une traduction partielle dans Corpus of Early Arabic Sources, op. cit., p. 20, qui manifeste la même incapacité à distinguer entre « maudire » et « prier contre » que la traduction d’Ibn Qutayba.
22 - Voir par exemple Morgenstern, Matthew et alii, «The Hitherto Unpublished Columns of the Genesis Apocryphon», Abr-Nahrain, 33, 1995, pp. 30–54 Google Scholar.
23 - Talmud de Palestine, traité Taanit, chap. 1, fol. 64, p. 4. The Talmud of the Land of Israel, Preliminary Translation and Explanation, trad. angl. Neusner, Jacob, Chicago, University of Chicago Press, 1987, vol. 18, p. 169 Google Scholar, doit être maniée avec précaution. Trad. fr. (avec texte hébreu): Le Talmud, IV. 1, Taanit, Steinsaltz, A. (éd. et commentaire) (trad. Gugenheim, J. J. et Grunewald, J.), Jérusalem-Paris, Fonds Social Juif Unifié/ Ramsay, 1995 Google Scholar. Bereschit Rabba mit kritischen Apparat und Kommentar (en hébreu), Theodor, J. (éd.), avec révision de Albeck, C., Jérusalem, Wahrman Books, 1965 Google Scholar, 36: 7, vol. 1, p. 341. Trad. angl., The Midrash, Genesis Rabbah, trad. Freedman, H., Londres, Soncino Press, 1983, vol. 1, p. 293 Google Scholar. Midrach Rabba, t. 1 Genèse Rabba , trad. fr. Maruani, Bernard et Cohen-Arazi, Albert, Paris, Verdier, « Les dix paroles », 1987 Google Scholar. Epstein, Isidore (éd.), Hebrew-English Edition of the Babylonian Talmud, Sanhedrin, trad. Freedman, H., Londres, Soncino, 1969 Google Scholar, fol. 108b. Le Talmud, VI, Sanhédrin 1, VIII, Sanhédrin 2, A. Steinsaltz (éd. et commentaire), op. cit., 1996.
24 - Vienne, O¨ sterreichische NationalBibliothek, Codex Theol. Grec 31.
25 - Schubert, Kurt, « Jewish Traditions in Christian Painting Cycles: The Vienna Genesis and the Ashburnham Pentateuch», in Schreckenberg, H. et Schubert, K., Jewish Historiography and Iconography in Early Medieval Christianity, Assen-Minneapolis, Van Gorcum/Fortress Press, 1992, pp. 211–260, en particulier les pp. 213–215 Google Scholar et figure 47.
26 - Voir Pirke de Rabbenou ha-Kadoch, cité in Margaliot, R., Margaliot ha-Yam, Masekhet Sanhedrin, Jérusalem, 1958, 2e partie, p. 194 Google Scholar; ainsi que le manuscrit yéménite (XVIe siècle environ) de ce traité (Jérusalem, Bibliothèque de Yad Ha-Rav Hertzog) qui ajoute au texte la couleur « particulière » de Kush. En revanche, aucune des quatre sources manuscrites ashkénazes (domaine franco-allemand) du Sanhédrin n’ajoute de glose de ce genre, et l’une d’elles omet même l’ensemble du passage. Je remercie Beryl Septimus d’avoir attiré mon attention sur le livre de R. Margaliot, ainsi que Mordechai Sabato, auteur d’une thèse sur l’histoire textuelle du Sanhédrin soutenue à l’Université hébraïque de Jérusalem, qui m’a éclairé sur ces détails. Pour Rachi, voir son commentaire (non traduit) dans l’une des éditions de référence du Talmud de Babylone, Sanhédrin, op. cit., 108b; mais reste à savoir si cette portion du commentaire est bien de Rachi (cf. Grossman, Avraham, Hakhmei çarfat ha-richonim, Jérusalem, , Magnes Press, 1995, p. 217 Google Scholar, n. 278).
27 - Josephe, Flavius, Les Antiquités juives, livre I, section 131, texte grec, trad. et notes par Étienne Nodet, Paris, Le Cerf, 2e éd. 1992, vol. 1, p. 39 Google Scholar.
28 - On trouvera cet argument davantage développé dans B. Braude, Sex, Slavery and Racism..., op. cit., ainsi que dans ID., « Toward a History of Black and White: Color Identity and Color Indifference in Greece and the Near East», communication au colloque Histoire sans frontières (Meeting of the American Historical Association, janvier 2002), sous la direction de Benjamin Braude: « The Social and Cultural Construction of Race from the Ancient Near East to the Early Modern Americas». Bien qu’il ne tire pas toutes les conséquences de cette distinction, F. M. Snowden y fait allusion dans Before Color Prejudice. .., op. cit., p. 5.
29 - Agatharcides of Cnidus, On the Erythraean Sea, Burstein, Stanley M. (éd. et trad. angl.), Londres, Hakluyt Society, 1989, pp. 69 Google Scholar et 75.
30 - Patterson, Orlando, Slavery and Social Death, Harvard-Cambridge, Cambridge University Press, 1982, pp. 43–44 Google Scholar.
31 - Pour plus de détails sur ce point, voir B. Braude, Sex, Slavery and Racism. .., op. cit., et ID., «Race and Sex: What Happened to Cross-Color Generation in the Eighteenth Century», Conference on Sexuality in Early America, McNeil Center for Early American Studies (University of Pennsylvania), juin 2001, site internet: http://www.mceas.org/june2001/sc01oieahc.htm.
32 - « Au contraire, Pharaon réduisit facilement le peuple égyptien en servitude à luimême, et il n’est pas écrit qu’il y employa la force, car les Égyptiens sont facilement portés à une vie dégradante et deviennent vite les esclaves de toute espèce de vices. Considère leur origine: tu verras que leur ancêtre Cham, qui s’était moqué de la nudité de son père, avait mérité cette sentence: que son fils Canaan serait l’esclave de ses frères, pour que sa condition d’esclave témoigne de la dépravation de ses mœurs. Ce n’est donc pas sans raison que la postérité décolorée reproduit la corruption de la race. » (souligné par nous). Ma traduction diffère quelque peu de celle de Doutrelau, Louis, éditeur et traducteur de ORIGENE, Homélies sur la Genèse, Paris, Le Cerf, 1976, pp. 374–375 Google Scholar. Les deux versions anglaises préfèrent « discolored » qui conserve toutes les ambiguïtés. Origen, Voir, Homilies in the Genesis and Exodus, Ronald Heine (trad.), Washington, The Catholic University of America Press, 1981, p. 215 Google Scholar; et Garnsey, Peter, Ideas of Slavery from Aristotle to Augustine, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 44 Google Scholar. Je remercie le Père Sidney Griffith d’avoir attiré mon atttention sur ce sermon d’Origène.
33 - P. Garnsey, Ideas of Slavery. .., op. cit., pp. 197–199.
34 - L’absence, dans les cultures pré-modernes, de distinction claire et cohérente entre Kush (Éthiopie) et les autres Noachides, en particulier ceux qui descendent de Sem et de Japhet, loin de se borner à l’iconographie, est une variante extrêmement fréquente dans l’œuvre profane qui connut le plus grand succès à la Renaissance, à savoir les centaines de manuscrits et d’éditions des Voyages de Mandeville, rédigés au milieu du XIVe siècle. Toutes les versions italiennes du XVe et de la première moitié du XVIe siècle que j’ai examinées donnent à Japhet, outre l’Europe, l’Éthiopie. On trouvera un traitement plus détaillé de cette question dans B. Braude, « Sons of Noah... », art. cit.
35 - Ce point est approfondi dans B. Braude, Sex and Slavery. .., op. cit., 1re partie, « The Nakedness of Noah ».
36 - S. J. Doutrelau, Homélies. .., op. cit., pp. 76-114.
37 - The Sexuality of Christ in Renaissance Art and in Modern Oblivion, 2e éd. revue et augmentée, Chicago, University of Chicago Press, 1996 Google Scholar (trad. fr. de la 1re éd.: La sexualité du Christ dans l’art de la Renaissance et son refoulement moderne, Paris, Gallimard, [1983] 1987 Google Scholar).
38 - Le fait est patent lorsque l’on compare Genèse 9 et Lévitique 18, qui lie Canaan, fils de Cham, à la transgression d’interdits sexuels, en particulier l’inceste. Voir aussi l’évêque du IIe siècle, Theophile D’Antioche, , Trois livres à Autolycus (trad. fr. de Jean Sender), Paris, Le Cerf, « Sources chrétiennes », 1948, p. 149 Google Scholar, le débat attribué aux rabbins du IIIe siècle Rab et Samuel, Talmud de Babylone, Sanhédrin, op. cit., 70a, et plusieurs autres sources, notamment Rachi. Ce point est approfondi dans B. Braude, Sex and Slavery. .., op. cit., 1re partie, « The Nakedness of Noah ».
39 - Taylor, Gary, Castration, an Abbreviated History of Western Manhood, New York, Routledge, 2000, pp. 185–209 Google Scholar; Kuefler, Mathew, The Manly Eunuch, Masculinity, Gender Ambiguity, and Christian Ideology in Late Antiquity, Chicago, University of Chicago Press, 2001, pp. 245–254 Google Scholar.
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47 - Ibn, Yâqut ‘Abd Allâh Al-Hamawî, Mu’jam al-buldân, Beyrouth, 1957, vol. 4, fasc. 15, p. 260 Google Scholar; vol. 3, fasc. 9, pp. 127 et 142. Trad. angl.: Corpus of Early Arabic Sources, op. cit., pp. 170-172.
48 - Dimachqui, Chams Al-Dîn Muhammad Ibn Abî Tâlib, Cosmographie de Chesm-ed-din Abou Abdallah Mohammed ed-Dimachqui, texte arabe, Mehren, M. A. F. (éd.), Saint-Pétersbourg, 1866, p. 266 Google Scholar. Trad. angl.: Corpus of Early Arabic Sources. .., op. cit., p. 212. Trad. fr.: Nukhbat al-dahr: Manuel de la cosmographie au Moyen Age, M. A. F. Mehren (trad.), Copenhague, 1871, pp. 384-385. Il faut cependant remarquer que l’un des quatre manuscrits utilisés dans l’édition de M. A. F. Mehren, BnF, Mss. Or., ancien fonds 581) omet le rejet de la malédiction par Dimachqui.
49 - On trouvera dans Lewis, Bernard, Race and Slavery in the Middle East, An Historical Enquiry, New York, Oxford University Press, 1990, pp. 173–174 Google Scholar, n. 15) le résumé le plus commode et le plus complet de l’attitude d’Ibn Khaldun, ainsi que les références aux divers extraits et éditions de traductions françaises et anglaises. La traduction anglaise la plus récente est la suivante: KhaldÜn, IBN, The Muqaddimah, An Introduction to History, Rosenthal, Franz (trad.), Princeton, Princeton University Press, 1967, vol. 1, pp. 169–170 Google Scholar et 301. Pour une traduction française, on se reportera par exemple à Discours sur l’histoire universelle (al-Muqadima), Vincent Monteil (trad.), 1re éd. Beyrouth, 1967, 3e éd. revue, Arles, Actes Sud, 1997.
50 - Voir Grünbaum, M., Neue Beiträge zur semitischen Sagenkunde, Leyde, E. J. Brill, 1893, p. 87 Google Scholar. Vajda, George, « Hâm», Encyclopedia of Islam, Leyde, E. J. Brill, 2e éd., 1971, vol. 3, pp. 104–105 Google Scholar. On trouvera un traitement d’ensemble de cette question dans B. Lewis, Race and Slavery. .., op. cit., ainsi que dans Rotter, Gernot, Die Stellung des Negers in der islamisch-arabischen Gesellschaft bis zum XVI Jahrhundert, thèse de doctorat, Université du Rhin Friedrich-Wilhelm, Bonn, 1967 Google Scholar.
51 - Al-Ahbar, Subhat, Rosenkranz der Weltgeschichte... (Vienne, O¨ sterreichische NationalBibliothek, Codex Vindobonensis A. F. 50), Graz, Éd. Kurt Holter, 1981 Google Scholar, fol. 5 v.
52 - Shâkir, Mahmüd Muhammad et Shâkir, Ahmad Muhammad (éds.), Tafsîr alTabarî, Le Caire, 1955, vol. 2, pp. 471–472 Google Scholar. Trad. angl.: The Commentary of the Quran... being an abridged translation, Cooper, J. (trad.), Oxford, Oxford University Press, 1987, pp. 228–229 Google Scholar. La traduction abrégée de Pierre Godé (Commentaire du Coran, Paris, Éditions d’art Les heures claires, 1983, vol. 1, pp. 146-147) omet, malheureusement, ces trois passages.
53 - Cette mention apparaît dans un commentaire sur la Sourate XXXVII (77), dans lequel Tabari, citant des érudits, affirme que Sem est le père des Perses et des Arabes, Japhet celui des Turcs, Slaves et Khazars, et Cham celui des Noirs (Tafsîr al-Tabarî, Beyrouth, Dar al-Fikr, 1988, p. 67).
54 - Voir Targum du Pentateuque, trad. fr. Roger le Déaut et alii, « Genèse », Paris, Le Cerf, 1978, p. 85; et Pirke de Rabbi Eliézer, trad. angl. Friedlander, Gerald, New York, Hermon Press, 1965, pp. 76–77 Google Scholar, ou Chapitres de Rabbi Eliézer, Pirqé de Rabbi Eliézer, trad. fr. Marc-Alain Ouaknin et Éric Smilévitch, 2e éd. revue et corrigée par E. Smilévitch, Lagrasse, Verdier, « Les dix paroles », 1992, p. 77.
55 - Talmud de Babylone, Sanhédrin, op. cit., 38 a-b.
56 - Le fait est notamment démontré par Schwab, Raymond, L’auteur des Mille et une nuits, vie d’Antoine Galand, Paris, Mercure de France, 1964 Google Scholar.
57 - The Book of the Thousands Nights and a Night, trad. angl. Payne, John, Londres, 1901, vol. 4, pp. 96–97 Google Scholar. B. Lewis (Race et esclavage. .., op. cit., p. 163, n. 10) signale la version du même conte donnée par Richard Burton et l’analyse de ses éléments anti-noirs proposée par André Miquel. Cette version est cependant absente de l’édition définitive, Mahdi, Muhsin (éd.), Alf Layla wa Layla, Leyde, E. J. Brill, 1984 Google Scholar. Trad. angl.: The Arabian Nights, Based on the Text of the Fourteenth-Century Syrian Manuscript édité par Muhsin Mahdi, trad. angl. Haddawy, Husain, New York, W. W. Norton, 1990 Google Scholar.
58 - CHARLES TAYLOR (dir.), Augustin Calmet’s Great Dictionary of the Holy Bible, Historical, Critical, Geographical, and Etymological. .., Revised, Corrected, and Augmented, with an Entirely New Set of Plates, Explanatory, Illustrative, and Ornamental, 3 vols, Londres, 1797-1801.
59 - Trautmann, Thomas R., Aryans and British India, Berkeley, University of California Press, 1997, pp. 90–93.CrossRefGoogle Scholar
60 - Le récit du Purana reste inchangé dans l’édition américaine pourtant très soignée (Augustin Calmet’s Great Dictionary of the Holy Bible. .., 5 vols, Charlestown, 1812-1817, 3, pp. 25-27). Inchangé aussi dans la réimpression anglaise, Calmet’s Dictionary of the Holy Bible. .., Londres, 1823, 4, Fragments Illustrating [...] the Holy Scriptures [...] from the Most Esteemed and Authentic Voyages and Travels into the East [...] Intended as a Continued Appendix to Calmet’s Dictionary of the Holy Bible, fragment DXXIX, pp. 63-65; mais on fera la comparaison avec la note prudente du vol. 3, fragment XIX.